Texte intégral
M. Felipe Gonzalez.
Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui le Premier ministre français, M. Edouard Balladur. Nous avons eu une très intense et intéressante conversation sur des questions d'intérêts communs, à commencer par la situation de la Communauté européenne et son évolution possible, la perspective du prochain Conseil européen si il a lieu tel que prévu en octobre. Nous avons passé en revue les relations bilatérales et les situations économique et sociale de nos deux pays et nous avons aussi passé en revue les questions d'intérêt commun, depuis la situation en Russie jusqu'à l'ex-Yougoslavie, le prochain sommet de l'Alliance atlantique, la situation au Proche-Orient après l'accord israélo-palestinien. Nous avons également analysé la situation et les événements au Maghreb.
Je dirais donc que nous avons mis à profit cette première rencontre bilatérale pour préparer le sommet de novembre entre nos deux pays. Comme vous le savez, la relation bilatérale est très satisfaisante, il y a eu à peine quelques incidents de parcours dans le passé (A la suite du départ de M. Balladur, répondant brièvement et informellement à une question de TF1, le Président du gouvernement espagnol a précisé en en minimisant la portée qu'il faisait référence aux incidents qui ont, au cours des derniers mois, affecté certaines exportations en France de produits agricoles espagnols, et en estimant que ces incidents étaient clos), mais très satisfaisante dans tous les domaines. Je pense que cette visite renforce ce niveau de compréhension bilatérale qui est importante non seulement pour nos deux pays mais aussi pour notre action sur les questions européennes. Je voudrais remercier Monsieur le Premier ministre français pour sa venue ici, pour avoir tenu à nous rendre visite et je souhaiterais maintenant lui céder la parole.
Le Premier ministre.
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, je souhaitais depuis plusieurs mois rendre visite au Président Felipe Gonzalez, après ma prise de fonctions. J'ai été très heureux de le rencontrer et de passer avec lui plusieurs heures qui nous ont permis de vérifier que nous avions sur les grands problèmes de l'Europe et du monde, des vues extrêmement proches, sinon même identiques.
Je suis très attaché en effet à ce que les relations entre l'Espagne et la France soient aussi étroites que possible, sur le plan économique, européen, et aussi sur le plan politique. Bien souvent notre approche des problèmes est la même et nous pouvons, ensemble, en coopérant étroitement, faire du bon travail. M. Felipe Gonzalez a énuméré les problèmes que nous avons évoqués, ensemble, qui tiennent à l'évolution future de l'Europe sur les plans économique et de sécurité, qui tiennent aussi aux discussions que nous pouvons avoir en ce moment - je pense aux discussions du GATT - et qui tiennent de façon générale à l'idée que nous nous faisons de la paix et de la coopération en Europe et en Méditerranée. Je voudrais dire que j'ai eu beaucoup de plaisir à rencontrer M. Felipe Gonzalez, que j'ai été très heureux de cet échange de vues, et je crois que cette rencontre prépare très utilement le prochain Conseil européen exceptionnel qui se tiendra à la fin du mois d'octobre ou le sommet entre l'Espagne et la France qui se tiendra, en Espagne, dans le courant du mois de novembre.
Q - Je voudrais poser une question à M. Gonzalez. Pensez-vous que l'on pourra appliquer, ici en Espagne, quelques unes des recettes économiques qu'a employées M. Balladur en France. Par exemple la réduction des prestations sociales mais aussi la baisse de l'impôt sur le revenu?
R - M. Felipe Gonzalez.
S'agissant de l'analyse de la situation économique, je pense que cette analyse est parfaitement convergente, sinon identique, entre nous. Les recettes qui sont employées dans chacun des pays peuvent connaître quelques variantes mais, sur le fond, on affronte la crise tant dans ses aspects conjoncturels que structurels, d'une manière assez semblable dans tous les pays européens. Par exemple, lorsque l'on parle de coupures des dépenses sociales, il vaudrait mieux parler de l'endiguement de la croissance de ces dépenses sociales. On peut difficilement parvenir à une réduction parce que la diminution des prestations ne se pose pratiquement dans aucun pays. Quand on parle du marché du travail, auquel nous avons consacré un certain temps de notre conversation, la France est en train de proposer une annualisation de la journée de travail tandis qu'en Espagne, il existe cette possibilité légale depuis 1980, date de l'adoption du statut des travailleurs. En France on discute de la réintroduction du contrat d'apprentissage alors qu'en Espagne les partenaires sociaux se penchent sur le même sujet. Il y a donc, d'un point de vue de la responsabilité du gouvernement, des analyses qui se ressemblent beaucoup dans le diagnostic et dans la réponse à la situation de crise.
Nous n'avons pas posé le problème de la diminution de l'impôt sur le revenu ni quelques unes des augmentations telles qu'elles sont envisagées dans la première phase du plan du gouvernement de M. Balladur. Il n'y a donc pas par conséquent totale similitude en ce qui concerne les baisses ou les augmentations d'impôts. Nous ne disposons pas en Espagne de marge pour baisser l'impôt sur le revenu si nous voulons maintenir les objectifs concernant le déficit. Par conséquent, ce qu'il convient peut-être de souligner davantage c'est qu'il y a une analyse très semblable sur les problèmes de compétitivité, de l'emploi et de la protection sociale dans les pays européens.
GATT - politique commerciale de la CE - PAC
Q - Monsieur le Premier ministre, si aujourd'hui à Washington les entretiens de MM. Brittan et Kantor ne donnent pas de résultats, si il n'y a pas de réouverture ou de relecture du pré-accord de Blair House, que se passera-t-il le 4 octobre entre les Douze? La France pourra-t-elle à cette date compter sur l'appui de ses partenaires?
R - Le Premier ministre.
Madame, je crois que la négociation ne va pas se terminer aujourd'hui. C'est une étape, ce n'est pas la fin. J'ai pu vérifier lors de ma conversation avec le Président Gonzalez que sur les problèmes du commerce international nous voyons les choses très largement de la même manière. D'abord nous souhaitons une heureuse conclusion des discussions car nous sommes attachés, l'Espagne comme la France, à la liberté du commerce international. Mais nous sommes également attachés à une véritable liberté, c'est-à-dire une liberté qui soit fondée sur les principes d'égalité et d'équité. Nous n'avons pas de vues égoïstes, ni sur le plan espagnol, ni sur le plan français, ni sur le plan européen. Nous ne demandons pas de privilèges, nous ne demandons pas de faveurs. Nous demandons que l'Europe s'affirme comme une entité qui compte dans le monde et qui a son existence et que ses intérêts soient bien défendus. Il y a beaucoup de problèmes à régler. Il n'y a pas que le problème agricole. Il y a les questions de l'acier, des services, de la production audiovisuelle, de l'aéronautique. Et puis il y a des problèmes qui tiennent à l'organisation du commerce mondial et à la possibilité pour l'Europe d'avoir les mêmes instruments de politique commerciale que ceux dont disposent d'autres ensembles régionaux de par le monde. Alors, nous Français, nous souhaitons un accord. Mais nous ne souhaitons pas, chacun le sait, un accord à n'importe quel prix. Cela a été déjà dit et je saisis cette occasion pour le répéter. Nous sommes tout à fait convaincus que si chacun y met du sien et, pour notre part, nous sommes décidés à y mettre du notre, on peut parvenir à un accord.
R - M. Felipe Gonzalez.
Je pense qu'il ne faut anticiper aucun événement. Nous sommes dans un processus d'analyse de ces pré- accords, je répète pré-accords parce qu'il n'y a pas d'accord tant que n'est pas intervenue une décision du Conseil des ministres de la Communauté qui est l'organe qui peut acter l'accord.
Nous avons longuement évoqué les problèmes du GATT. Il y a une très large coïncidence de points de vue. Nous avons nos propres problèmes dans le domaine agricole et qui sont bien compris de la part de la France. Et j'ai l'impression qu'il y a une marge d'interprétation de Blair House qui peut donner satisfaction à ce que devrait être un accord équilibré.
Je souhaiterais ajouter quelque chose au sujet de ce que j'ai pu entendre le Premier ministre français dire de nombreuses fois, et que je partage, car c'est aussi une constante de la politique espagnole. La PAC est partie de l'identité européenne, de l'identité politique européenne. Je crois pour ma part que nos partenaires et nos amis, tout au long des négociations du GATT, doivent comprendre qu'il en est ainsi. Bien que cela ne soit pas un élément décisif de la négociation du GATT, il y a beaucoup d'autres chapitres d'une extrême importance, comme vient de le dire le Premier ministre français. Mais nous devons sans aucun doute défendre une conception de la construction européenne qui comprenne également la réalisation de la PAC. Cela étant dit, je pense qu'il faut le faire, et je le répète, une fois de plus, sans complexes.
Je pense que la Communauté européenne continue d'être, au niveau international, la zone la plus ouverte au commerce de toutes celles que nous connaissons. Par conséquent on supporte mal cette sensation d'être toujours assis sur le banc des accusés pour les difficultés de la négociation d' un accord international dans le domaine commercial, alors que la CE est la zone, je répète, la plus ouverte, de toutes celles que l'on connaît au niveau international. Je crois donc qu'il faut donner un certain espace à la négociation et j'espère que les autorités américaines, de l'exécutif et du Congrès, comprennent quelle est, au fond, la position européenne.
Espagne
Q - En plus des explications que donnera demain au Congrès le ministre de l'Intérieur, pensez-vous que les récents événements liés à l'ETA, qui ont provoqué une mauvaise atmosphère au Pays Basque, pensez-vous que ces événements peuvent conduire à un recul de la mobilisation et de la prise de conscience sociale qui se sont manifestées au Pays Basque? J'aimerais également savoir ce que vous pensez du défi que vous a lancé hier M. Arzallus qui a déclaré sa disposition éventuelle à gouverner ensemble ou presque ensemble, ici à Madrid?
R - M. Felipe Gonzalez.
Je voudrais en premier lieu que toute la lumière soit faite sur ces événements, jusqu'aux dernières conséquences et j'espère que, de plus, cette clarification contribuera à accroître cette mobilisation en faveur de la pacification. C'est de notre plus grand intérêt et il n'y sera mis aucun obstacle, au contraire. Le gouvernement veut que toute cette affaire concernant les événements de ces derniers jours soient parfaitement claire. Il y va non seulement de l'intérêt de notre Etat de droit mais aussi parce que dans notre stratégie contre ceux qui utilisent la violence, c'est de la plus grande importance comme M. Arzallus lui-même l'a déclaré hier.
A votre seconde question, je voudrais dire que j'apprécie les bonnes dispositions de M. Arzallus et je suis, bien sûr, totalement disposé à mettre à profit cette bonne disposition. Je ne veux pas aller au-delà du sens que M. Arzallus a donné à ses propres paroles. Je tiens à dire que depuis le début du mandat du gouvernement, j'ai très clairement établi que le facteur de stabilité le plus important pouvait relever d'un engagement de coalition. Au moment où cela s'avérait possible, les circonstances ayant mûri, non seulement nous n'y mettrions pas d'obstacle mais, au contraire, et évidemment, nous le faciliterions. Je crois toutefois que cette relation avec le PNV est bonne. J'aimerais de plus mettre les choses au point sur des commentaires dont j'ignore l'origine, notre relation avec la minorité catalane va bien également. Je crois que dans les deux cas, s'agissant du PNV et de la minorité catalane, ils comprennent très bien la situation de crise économique que traverse le pays et, par là même, il y a sur ce sujet peu de marge de discussion.
Q - Etes-vous assuré de l'approbation du projet de budget ?
R - J'en aurai l'assurance lorsqu'il sera voté. M. Balladur peut affirmer qu'il est sûr que son budget sera adopté, pas moi.
Q - Dans la fameuse négociation sur la cession de 15% de l'impôt sur le revenu des personnes physiques aux autonomies, est-ce que le gouvernement a dit son dernier mot ou reste-t-il encore une marge. M. Aznar a déclaré que le gouvernement payait très cher l'appui des nationalistes tandis qu'avec le Parti populaire cet appui ne coûterait rien, alors que cet argent devrait aller aux retraités?
R - Mis à part les approximations démagogiques que l'on peut faire autour du budget, je pense que la formule des 15% peut connaître des variantes dès lors qu'elle garantit la neutralité et que la marge de fluctuation serve, dans des limites correctes, un plus grand effort fiscal. Ces principes sont acceptés par tout le monde. Nous ne voulons pas jouer les porte-parole de la vérité. Il y a peut-être quelqu'un qui découvrira que l'on peut atteindre la neutralité sur l'année de base et une prime à l'effort fiscal qui soit dans les limites financières raisonnables. Cela étant dit, s'agissant des propos de M. Aznar, je veux m'en tenir à la partie la plus positive de ses déclarations, c'est-à-dire à sa disposition à discuter d'une manière raisonnable sur le budget qui convient à l'Espagne et, par conséquent, sur le budget le plus à même de permettre d'avancer dans la lutte contre la crise.
Vous comprendrez que je n'ai aucun intérêt à répondre par des critiques à des déclarations critiques. Au contraire, je tiens à m'efforcer au respect des positions du Parti populaire et ce respect, je veux le mettre au service d'un climat qui soit le plus constructif et le plus positif tout au long de la législature. Si un accord était possible sur le budget, tant mieux. Je doute, je doute beaucoup qu'il y ait cet accord, parce que cela ne me parait être la position, la stratégie, du Parti populaire mais si c'était le cas j'en serais agréablement surpris.
France - Espagne - GATT - Schengen
Q - Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous demander si vous êtes réconforté par la convergence totale de vues de l'Espagne et de la France sur le GATT ? D'autre part, y-a-t-il aussi convergence de vues sur la ratification des accords de Schengen ?
R - Le Premier ministre.
J'ai été en effet très sensible aux propos de M. Felipe Gonzalez sur la négociation du GATT. Cela n'a pas été pour moi une surprise puisque lors de la discussion de la semaine dernière à Bruxelles, nous avons pu constater que la délégation espagnole et la délégation française partageaient très largement les mêmes points de vues. M. Alain Lamassoure qui participait aux discussions et qui est à mes cotés est là pour en témoigner.
Je tiens à répéter que la position de la France n'est entachée d'aucun esprit protectionniste, que nous souhaitons l'aboutissement d'un accord, mais pas à n'importe quel prix. Nous voulons un accord qui respecte les intérêts fondamentaux de l'Europe en général et de la France en particulier.
En ce qui concerne les accords de Schengen, je crois qu'il serait utile effectivement qu'ils puissent entrer en vigueur, grâce à la ratification de l'entrée de l'Espagne dans ce qu'il est convenu d'appeler l'espace Schengen, aussi rapidement qu'il sera possible.
Q - Monsieur le Premier ministre. Une question qui nous ramène aux discussions en ce moment même à Washington, faites vous confiance à M. Brittan?
R - Je fais confiance au résultat de ces discussions, et je fais a priori confiance à tous ceux que la Communauté a chargés de discuter. Je n'ai pas pour habitude de faire des procès d'intention envers qui que ce soit. Je jugerai en fonction des résultats.
Guinée équatoriale
Q - Monsieur le Premier ministre, avez-vous évoqué la question de la Guinée équatoriale qui suscite régulièrement des tiraillements dans les relations bilatérales entre la France et l'Espagne, qui sont par ailleurs excellentes?
R - M. Felipe Gonzalez.
Nous avons également parlé un moment de la Guinée équatoriale. Je crois que nous partageons le souhait qu'il y ait un processus clair de démocratisation en Guinée équatoriale ainsi qu'une coopération sans aucun type de problèmes. Je crois que cela peut définir la position de nos deux pays mais M. Balladur a aussi son mot à dire.
R - Le Premier ministre.
Je n'ai rien à ajouter à ce que vient de dire le Président Felipe Gonzalez. Nous en avons parlé brièvement parce qu'il n'y a pas de problèmes entre nous. Si nous en avions parlé longuement, cela aurait voulu dire qu'il y avait un problème. Il n'y en a pas. Nous faisons confiance au processus de démocratisation, là comme ailleurs et il n'y a aucun problème particulier entre l'Espagne et la France.
Mise en oeuvre du traité de Maastricht - UEM - politiques économiques - PESC
Q - Monsieur le Premier ministre, que pensez-vous de ce que M. John Major a récemment écrit dans l'Economist en disant qu'il fallait oublier Maastricht. En avez-vous parlé avec M. Gonzalez ?
R - Nous avons longuement parlé de ce que devait être le Conseil européen extraordinaire du mois d'octobre, qui aura pour objectif, je vous le rappelle, de tirer la conclusion, les conclusions, de la ratification par tous les pays européens du traité d'Union européenne. A l'occasion de ce Conseil extraordinaire du 29 octobre, un certain nombre de questions devront être évoquées, qui concernent toute la mise en oeuvre des dispositions du traité d'Union européenne. Par exemple, l'entrée dans la deuxième phase de l'union monétaire avec le choix d'une implantation pour l'Institut monétaire européen et, j'espère, le choix d'un président, par exemple, la désignation de choix de sièges pour toute une série d'organisations européennes.
Nous avons également évoqué la possibilité d'avoir, lors de ce Conseil européen extraordinaire, un échange de vues sur les questions économiques, cela va de soi, un échange de vues sur les problèmes de la paix en Europe et notamment en ex-Yougoslavie, et peut-être aussi un premier échange de vues sur les questions de sécurité en Europe. Nous sommes tout à fait d'accord, le Président Felipe Gonzalez et moi-même, pour que ce Conseil européen extraordinaire examine tous ces problèmes. Ceci pour vous dire que nous nous situons dans le prolongement de ce qui a été décidé, avec des adaptations bien entendu, il faudra en faire régulièrement. Un traité ne peut pas prétendre fixer à la virgule près l'évolution de la réalité dans les dix années qui viennent. Il y a des événements qui se produisent. La crise monétaire du début du mois d'août dernier en est un par exemple.
Nous n'avons pas parlé de M. Major. En tout cas je n'ai pas entendu le Président Gonzalez en parler. Mais si nous l'avions fait, cela aurait été en termes très amicaux pour lui bien entendu.
R - M. Felipe Gonzalez.
Je ne crois pas qu'il soit possible d'affirmer qu'il n'y aura pas de développement postérieur à Maastricht et je ne crois pas que cela ait été l'intention du Premier ministre Major, indépendamment du congrès du parti conservateur qui s'approche.
Espagne - GATT
Q - M. Gonzalez vous dites qu'il est possible d'améliorer, réformer, Blair House. La position française et une position de rejet de ce pré-accord. J'ai entendu un ministre français dire que notre différend n'était pas avec Washington sinon avec Bruxelles. Les Espagnols sont-ils, comme la France, disposés à opposer leur veto à Blair House ? S'agissant de l'union monétaire, à la suite des modifications du SME êtes-vous d'accord avec l'hypothèse du Président de la Commission d'un rétablissement des contrôles et de politiques monétaires plus protectionnistes?
R - Pour répondre à votre première question, nous n'avons en aucun cas parlé de veto, en tant que pays nous n'avons pas parlé de veto. Je crois qu'il est possible d'interpréter Blair House de manière à ce qu'il soit compatible avec la PAC. Je pense qu'il est possible que cette clause de paix s'étende indéfiniment dans le temps et ne soit pas interprétée pour les six prochaines années seulement. Je pense que cela apporte une marge d'insécurité pour toute l'agriculture européenne. Ce n'est pas seulement un problème de l'agriculture française mais aussi un problème de l'agriculture méditerranéenne. Je pense par conséquent qu'il est possible, dans l'esprit du pré-accord, de faire les modifications qui satisfassent les parties. Je crois que personne ne veut ici gagner cent pour cent dans cette partie. Aucune des parties ne le veut ainsi. Ce qu'elles veulent, c'est parvenir à un accord raisonnable et nous pensons que cela est possible si il y a un effort de volonté de la part des parties. Cela a été notre position et continuera de l'être. Il y a eu dans la Communauté une expérience trop grande, au cours des derniers temps, de déconvenues entre différents pays. Il faut donc renforcer quelques mécanismes de solidarité au sein de la Communauté et de tels mécanismes peuvent d'autant plus être aisément renforcés quand, de surcroît, il y des intérêts communs.
UEM - Allemagne
Je pense que la deuxième phase du système monétaire entrera en vigueur au début janvier. La tempête monétaire qui s'est produite pendant un an a provoqué des altérations très importantes. La marge de fluctuation de 15% a laissé les monnaies en mesure de flotter en quasi-totale liberté. Mais une des surprises qui est venue de ces décisions est que les monnaies sont en train de s'établir à la place où elles se trouvaient pratiquement au moment où étaient prises ces décisions. Elles se comportent par conséquent avec assez de rigueur en ce qui concerne leurs fluctuations les unes par rapport aux autres.
Dans nos conversations, la question de l'introduction éventuelle de mécanismes de contrôle des changes n'a pas été abordée et je ne pense pas que cela soit à l'ordre du jour des délibérations des responsables européens.
Je suis convaincu que pour rendre efficace cette deuxième phase de l'Union économique et monétaire il faudrait beaucoup renforcer la coordination des politiques économiques. Pas seulement des politiques monétaires. Celles-ci doivent être conçues en fonction du bénéfice ou de l'intérêt de la Communauté. Quelques unes des distorsions qui se sont produites sont objectivement, je dis objectivement parce que je ne veux pas me montrer critique, intervenues parce que la Bundesbank doit s'occuper des intérêts exclusifs de l'Allemagne et non pas de ceux de l'ensemble des intérêts européens. Les contradictions entre les taux d'intérêt allemands et dans le reste de l'Europe doivent être corrigées par une plus grande coordination qui est ce que devrait faciliter l'institut monétaire européen et donc la deuxième phase de l'Union monétaire. J'espère que cela renforcera les politiques de convergence et nous rapprochera de l'Union économique et monétaire.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 mai 2004)
Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui le Premier ministre français, M. Edouard Balladur. Nous avons eu une très intense et intéressante conversation sur des questions d'intérêts communs, à commencer par la situation de la Communauté européenne et son évolution possible, la perspective du prochain Conseil européen si il a lieu tel que prévu en octobre. Nous avons passé en revue les relations bilatérales et les situations économique et sociale de nos deux pays et nous avons aussi passé en revue les questions d'intérêt commun, depuis la situation en Russie jusqu'à l'ex-Yougoslavie, le prochain sommet de l'Alliance atlantique, la situation au Proche-Orient après l'accord israélo-palestinien. Nous avons également analysé la situation et les événements au Maghreb.
Je dirais donc que nous avons mis à profit cette première rencontre bilatérale pour préparer le sommet de novembre entre nos deux pays. Comme vous le savez, la relation bilatérale est très satisfaisante, il y a eu à peine quelques incidents de parcours dans le passé (A la suite du départ de M. Balladur, répondant brièvement et informellement à une question de TF1, le Président du gouvernement espagnol a précisé en en minimisant la portée qu'il faisait référence aux incidents qui ont, au cours des derniers mois, affecté certaines exportations en France de produits agricoles espagnols, et en estimant que ces incidents étaient clos), mais très satisfaisante dans tous les domaines. Je pense que cette visite renforce ce niveau de compréhension bilatérale qui est importante non seulement pour nos deux pays mais aussi pour notre action sur les questions européennes. Je voudrais remercier Monsieur le Premier ministre français pour sa venue ici, pour avoir tenu à nous rendre visite et je souhaiterais maintenant lui céder la parole.
Le Premier ministre.
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, je souhaitais depuis plusieurs mois rendre visite au Président Felipe Gonzalez, après ma prise de fonctions. J'ai été très heureux de le rencontrer et de passer avec lui plusieurs heures qui nous ont permis de vérifier que nous avions sur les grands problèmes de l'Europe et du monde, des vues extrêmement proches, sinon même identiques.
Je suis très attaché en effet à ce que les relations entre l'Espagne et la France soient aussi étroites que possible, sur le plan économique, européen, et aussi sur le plan politique. Bien souvent notre approche des problèmes est la même et nous pouvons, ensemble, en coopérant étroitement, faire du bon travail. M. Felipe Gonzalez a énuméré les problèmes que nous avons évoqués, ensemble, qui tiennent à l'évolution future de l'Europe sur les plans économique et de sécurité, qui tiennent aussi aux discussions que nous pouvons avoir en ce moment - je pense aux discussions du GATT - et qui tiennent de façon générale à l'idée que nous nous faisons de la paix et de la coopération en Europe et en Méditerranée. Je voudrais dire que j'ai eu beaucoup de plaisir à rencontrer M. Felipe Gonzalez, que j'ai été très heureux de cet échange de vues, et je crois que cette rencontre prépare très utilement le prochain Conseil européen exceptionnel qui se tiendra à la fin du mois d'octobre ou le sommet entre l'Espagne et la France qui se tiendra, en Espagne, dans le courant du mois de novembre.
Q - Je voudrais poser une question à M. Gonzalez. Pensez-vous que l'on pourra appliquer, ici en Espagne, quelques unes des recettes économiques qu'a employées M. Balladur en France. Par exemple la réduction des prestations sociales mais aussi la baisse de l'impôt sur le revenu?
R - M. Felipe Gonzalez.
S'agissant de l'analyse de la situation économique, je pense que cette analyse est parfaitement convergente, sinon identique, entre nous. Les recettes qui sont employées dans chacun des pays peuvent connaître quelques variantes mais, sur le fond, on affronte la crise tant dans ses aspects conjoncturels que structurels, d'une manière assez semblable dans tous les pays européens. Par exemple, lorsque l'on parle de coupures des dépenses sociales, il vaudrait mieux parler de l'endiguement de la croissance de ces dépenses sociales. On peut difficilement parvenir à une réduction parce que la diminution des prestations ne se pose pratiquement dans aucun pays. Quand on parle du marché du travail, auquel nous avons consacré un certain temps de notre conversation, la France est en train de proposer une annualisation de la journée de travail tandis qu'en Espagne, il existe cette possibilité légale depuis 1980, date de l'adoption du statut des travailleurs. En France on discute de la réintroduction du contrat d'apprentissage alors qu'en Espagne les partenaires sociaux se penchent sur le même sujet. Il y a donc, d'un point de vue de la responsabilité du gouvernement, des analyses qui se ressemblent beaucoup dans le diagnostic et dans la réponse à la situation de crise.
Nous n'avons pas posé le problème de la diminution de l'impôt sur le revenu ni quelques unes des augmentations telles qu'elles sont envisagées dans la première phase du plan du gouvernement de M. Balladur. Il n'y a donc pas par conséquent totale similitude en ce qui concerne les baisses ou les augmentations d'impôts. Nous ne disposons pas en Espagne de marge pour baisser l'impôt sur le revenu si nous voulons maintenir les objectifs concernant le déficit. Par conséquent, ce qu'il convient peut-être de souligner davantage c'est qu'il y a une analyse très semblable sur les problèmes de compétitivité, de l'emploi et de la protection sociale dans les pays européens.
GATT - politique commerciale de la CE - PAC
Q - Monsieur le Premier ministre, si aujourd'hui à Washington les entretiens de MM. Brittan et Kantor ne donnent pas de résultats, si il n'y a pas de réouverture ou de relecture du pré-accord de Blair House, que se passera-t-il le 4 octobre entre les Douze? La France pourra-t-elle à cette date compter sur l'appui de ses partenaires?
R - Le Premier ministre.
Madame, je crois que la négociation ne va pas se terminer aujourd'hui. C'est une étape, ce n'est pas la fin. J'ai pu vérifier lors de ma conversation avec le Président Gonzalez que sur les problèmes du commerce international nous voyons les choses très largement de la même manière. D'abord nous souhaitons une heureuse conclusion des discussions car nous sommes attachés, l'Espagne comme la France, à la liberté du commerce international. Mais nous sommes également attachés à une véritable liberté, c'est-à-dire une liberté qui soit fondée sur les principes d'égalité et d'équité. Nous n'avons pas de vues égoïstes, ni sur le plan espagnol, ni sur le plan français, ni sur le plan européen. Nous ne demandons pas de privilèges, nous ne demandons pas de faveurs. Nous demandons que l'Europe s'affirme comme une entité qui compte dans le monde et qui a son existence et que ses intérêts soient bien défendus. Il y a beaucoup de problèmes à régler. Il n'y a pas que le problème agricole. Il y a les questions de l'acier, des services, de la production audiovisuelle, de l'aéronautique. Et puis il y a des problèmes qui tiennent à l'organisation du commerce mondial et à la possibilité pour l'Europe d'avoir les mêmes instruments de politique commerciale que ceux dont disposent d'autres ensembles régionaux de par le monde. Alors, nous Français, nous souhaitons un accord. Mais nous ne souhaitons pas, chacun le sait, un accord à n'importe quel prix. Cela a été déjà dit et je saisis cette occasion pour le répéter. Nous sommes tout à fait convaincus que si chacun y met du sien et, pour notre part, nous sommes décidés à y mettre du notre, on peut parvenir à un accord.
R - M. Felipe Gonzalez.
Je pense qu'il ne faut anticiper aucun événement. Nous sommes dans un processus d'analyse de ces pré- accords, je répète pré-accords parce qu'il n'y a pas d'accord tant que n'est pas intervenue une décision du Conseil des ministres de la Communauté qui est l'organe qui peut acter l'accord.
Nous avons longuement évoqué les problèmes du GATT. Il y a une très large coïncidence de points de vue. Nous avons nos propres problèmes dans le domaine agricole et qui sont bien compris de la part de la France. Et j'ai l'impression qu'il y a une marge d'interprétation de Blair House qui peut donner satisfaction à ce que devrait être un accord équilibré.
Je souhaiterais ajouter quelque chose au sujet de ce que j'ai pu entendre le Premier ministre français dire de nombreuses fois, et que je partage, car c'est aussi une constante de la politique espagnole. La PAC est partie de l'identité européenne, de l'identité politique européenne. Je crois pour ma part que nos partenaires et nos amis, tout au long des négociations du GATT, doivent comprendre qu'il en est ainsi. Bien que cela ne soit pas un élément décisif de la négociation du GATT, il y a beaucoup d'autres chapitres d'une extrême importance, comme vient de le dire le Premier ministre français. Mais nous devons sans aucun doute défendre une conception de la construction européenne qui comprenne également la réalisation de la PAC. Cela étant dit, je pense qu'il faut le faire, et je le répète, une fois de plus, sans complexes.
Je pense que la Communauté européenne continue d'être, au niveau international, la zone la plus ouverte au commerce de toutes celles que nous connaissons. Par conséquent on supporte mal cette sensation d'être toujours assis sur le banc des accusés pour les difficultés de la négociation d' un accord international dans le domaine commercial, alors que la CE est la zone, je répète, la plus ouverte, de toutes celles que l'on connaît au niveau international. Je crois donc qu'il faut donner un certain espace à la négociation et j'espère que les autorités américaines, de l'exécutif et du Congrès, comprennent quelle est, au fond, la position européenne.
Espagne
Q - En plus des explications que donnera demain au Congrès le ministre de l'Intérieur, pensez-vous que les récents événements liés à l'ETA, qui ont provoqué une mauvaise atmosphère au Pays Basque, pensez-vous que ces événements peuvent conduire à un recul de la mobilisation et de la prise de conscience sociale qui se sont manifestées au Pays Basque? J'aimerais également savoir ce que vous pensez du défi que vous a lancé hier M. Arzallus qui a déclaré sa disposition éventuelle à gouverner ensemble ou presque ensemble, ici à Madrid?
R - M. Felipe Gonzalez.
Je voudrais en premier lieu que toute la lumière soit faite sur ces événements, jusqu'aux dernières conséquences et j'espère que, de plus, cette clarification contribuera à accroître cette mobilisation en faveur de la pacification. C'est de notre plus grand intérêt et il n'y sera mis aucun obstacle, au contraire. Le gouvernement veut que toute cette affaire concernant les événements de ces derniers jours soient parfaitement claire. Il y va non seulement de l'intérêt de notre Etat de droit mais aussi parce que dans notre stratégie contre ceux qui utilisent la violence, c'est de la plus grande importance comme M. Arzallus lui-même l'a déclaré hier.
A votre seconde question, je voudrais dire que j'apprécie les bonnes dispositions de M. Arzallus et je suis, bien sûr, totalement disposé à mettre à profit cette bonne disposition. Je ne veux pas aller au-delà du sens que M. Arzallus a donné à ses propres paroles. Je tiens à dire que depuis le début du mandat du gouvernement, j'ai très clairement établi que le facteur de stabilité le plus important pouvait relever d'un engagement de coalition. Au moment où cela s'avérait possible, les circonstances ayant mûri, non seulement nous n'y mettrions pas d'obstacle mais, au contraire, et évidemment, nous le faciliterions. Je crois toutefois que cette relation avec le PNV est bonne. J'aimerais de plus mettre les choses au point sur des commentaires dont j'ignore l'origine, notre relation avec la minorité catalane va bien également. Je crois que dans les deux cas, s'agissant du PNV et de la minorité catalane, ils comprennent très bien la situation de crise économique que traverse le pays et, par là même, il y a sur ce sujet peu de marge de discussion.
Q - Etes-vous assuré de l'approbation du projet de budget ?
R - J'en aurai l'assurance lorsqu'il sera voté. M. Balladur peut affirmer qu'il est sûr que son budget sera adopté, pas moi.
Q - Dans la fameuse négociation sur la cession de 15% de l'impôt sur le revenu des personnes physiques aux autonomies, est-ce que le gouvernement a dit son dernier mot ou reste-t-il encore une marge. M. Aznar a déclaré que le gouvernement payait très cher l'appui des nationalistes tandis qu'avec le Parti populaire cet appui ne coûterait rien, alors que cet argent devrait aller aux retraités?
R - Mis à part les approximations démagogiques que l'on peut faire autour du budget, je pense que la formule des 15% peut connaître des variantes dès lors qu'elle garantit la neutralité et que la marge de fluctuation serve, dans des limites correctes, un plus grand effort fiscal. Ces principes sont acceptés par tout le monde. Nous ne voulons pas jouer les porte-parole de la vérité. Il y a peut-être quelqu'un qui découvrira que l'on peut atteindre la neutralité sur l'année de base et une prime à l'effort fiscal qui soit dans les limites financières raisonnables. Cela étant dit, s'agissant des propos de M. Aznar, je veux m'en tenir à la partie la plus positive de ses déclarations, c'est-à-dire à sa disposition à discuter d'une manière raisonnable sur le budget qui convient à l'Espagne et, par conséquent, sur le budget le plus à même de permettre d'avancer dans la lutte contre la crise.
Vous comprendrez que je n'ai aucun intérêt à répondre par des critiques à des déclarations critiques. Au contraire, je tiens à m'efforcer au respect des positions du Parti populaire et ce respect, je veux le mettre au service d'un climat qui soit le plus constructif et le plus positif tout au long de la législature. Si un accord était possible sur le budget, tant mieux. Je doute, je doute beaucoup qu'il y ait cet accord, parce que cela ne me parait être la position, la stratégie, du Parti populaire mais si c'était le cas j'en serais agréablement surpris.
France - Espagne - GATT - Schengen
Q - Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous demander si vous êtes réconforté par la convergence totale de vues de l'Espagne et de la France sur le GATT ? D'autre part, y-a-t-il aussi convergence de vues sur la ratification des accords de Schengen ?
R - Le Premier ministre.
J'ai été en effet très sensible aux propos de M. Felipe Gonzalez sur la négociation du GATT. Cela n'a pas été pour moi une surprise puisque lors de la discussion de la semaine dernière à Bruxelles, nous avons pu constater que la délégation espagnole et la délégation française partageaient très largement les mêmes points de vues. M. Alain Lamassoure qui participait aux discussions et qui est à mes cotés est là pour en témoigner.
Je tiens à répéter que la position de la France n'est entachée d'aucun esprit protectionniste, que nous souhaitons l'aboutissement d'un accord, mais pas à n'importe quel prix. Nous voulons un accord qui respecte les intérêts fondamentaux de l'Europe en général et de la France en particulier.
En ce qui concerne les accords de Schengen, je crois qu'il serait utile effectivement qu'ils puissent entrer en vigueur, grâce à la ratification de l'entrée de l'Espagne dans ce qu'il est convenu d'appeler l'espace Schengen, aussi rapidement qu'il sera possible.
Q - Monsieur le Premier ministre. Une question qui nous ramène aux discussions en ce moment même à Washington, faites vous confiance à M. Brittan?
R - Je fais confiance au résultat de ces discussions, et je fais a priori confiance à tous ceux que la Communauté a chargés de discuter. Je n'ai pas pour habitude de faire des procès d'intention envers qui que ce soit. Je jugerai en fonction des résultats.
Guinée équatoriale
Q - Monsieur le Premier ministre, avez-vous évoqué la question de la Guinée équatoriale qui suscite régulièrement des tiraillements dans les relations bilatérales entre la France et l'Espagne, qui sont par ailleurs excellentes?
R - M. Felipe Gonzalez.
Nous avons également parlé un moment de la Guinée équatoriale. Je crois que nous partageons le souhait qu'il y ait un processus clair de démocratisation en Guinée équatoriale ainsi qu'une coopération sans aucun type de problèmes. Je crois que cela peut définir la position de nos deux pays mais M. Balladur a aussi son mot à dire.
R - Le Premier ministre.
Je n'ai rien à ajouter à ce que vient de dire le Président Felipe Gonzalez. Nous en avons parlé brièvement parce qu'il n'y a pas de problèmes entre nous. Si nous en avions parlé longuement, cela aurait voulu dire qu'il y avait un problème. Il n'y en a pas. Nous faisons confiance au processus de démocratisation, là comme ailleurs et il n'y a aucun problème particulier entre l'Espagne et la France.
Mise en oeuvre du traité de Maastricht - UEM - politiques économiques - PESC
Q - Monsieur le Premier ministre, que pensez-vous de ce que M. John Major a récemment écrit dans l'Economist en disant qu'il fallait oublier Maastricht. En avez-vous parlé avec M. Gonzalez ?
R - Nous avons longuement parlé de ce que devait être le Conseil européen extraordinaire du mois d'octobre, qui aura pour objectif, je vous le rappelle, de tirer la conclusion, les conclusions, de la ratification par tous les pays européens du traité d'Union européenne. A l'occasion de ce Conseil extraordinaire du 29 octobre, un certain nombre de questions devront être évoquées, qui concernent toute la mise en oeuvre des dispositions du traité d'Union européenne. Par exemple, l'entrée dans la deuxième phase de l'union monétaire avec le choix d'une implantation pour l'Institut monétaire européen et, j'espère, le choix d'un président, par exemple, la désignation de choix de sièges pour toute une série d'organisations européennes.
Nous avons également évoqué la possibilité d'avoir, lors de ce Conseil européen extraordinaire, un échange de vues sur les questions économiques, cela va de soi, un échange de vues sur les problèmes de la paix en Europe et notamment en ex-Yougoslavie, et peut-être aussi un premier échange de vues sur les questions de sécurité en Europe. Nous sommes tout à fait d'accord, le Président Felipe Gonzalez et moi-même, pour que ce Conseil européen extraordinaire examine tous ces problèmes. Ceci pour vous dire que nous nous situons dans le prolongement de ce qui a été décidé, avec des adaptations bien entendu, il faudra en faire régulièrement. Un traité ne peut pas prétendre fixer à la virgule près l'évolution de la réalité dans les dix années qui viennent. Il y a des événements qui se produisent. La crise monétaire du début du mois d'août dernier en est un par exemple.
Nous n'avons pas parlé de M. Major. En tout cas je n'ai pas entendu le Président Gonzalez en parler. Mais si nous l'avions fait, cela aurait été en termes très amicaux pour lui bien entendu.
R - M. Felipe Gonzalez.
Je ne crois pas qu'il soit possible d'affirmer qu'il n'y aura pas de développement postérieur à Maastricht et je ne crois pas que cela ait été l'intention du Premier ministre Major, indépendamment du congrès du parti conservateur qui s'approche.
Espagne - GATT
Q - M. Gonzalez vous dites qu'il est possible d'améliorer, réformer, Blair House. La position française et une position de rejet de ce pré-accord. J'ai entendu un ministre français dire que notre différend n'était pas avec Washington sinon avec Bruxelles. Les Espagnols sont-ils, comme la France, disposés à opposer leur veto à Blair House ? S'agissant de l'union monétaire, à la suite des modifications du SME êtes-vous d'accord avec l'hypothèse du Président de la Commission d'un rétablissement des contrôles et de politiques monétaires plus protectionnistes?
R - Pour répondre à votre première question, nous n'avons en aucun cas parlé de veto, en tant que pays nous n'avons pas parlé de veto. Je crois qu'il est possible d'interpréter Blair House de manière à ce qu'il soit compatible avec la PAC. Je pense qu'il est possible que cette clause de paix s'étende indéfiniment dans le temps et ne soit pas interprétée pour les six prochaines années seulement. Je pense que cela apporte une marge d'insécurité pour toute l'agriculture européenne. Ce n'est pas seulement un problème de l'agriculture française mais aussi un problème de l'agriculture méditerranéenne. Je pense par conséquent qu'il est possible, dans l'esprit du pré-accord, de faire les modifications qui satisfassent les parties. Je crois que personne ne veut ici gagner cent pour cent dans cette partie. Aucune des parties ne le veut ainsi. Ce qu'elles veulent, c'est parvenir à un accord raisonnable et nous pensons que cela est possible si il y a un effort de volonté de la part des parties. Cela a été notre position et continuera de l'être. Il y a eu dans la Communauté une expérience trop grande, au cours des derniers temps, de déconvenues entre différents pays. Il faut donc renforcer quelques mécanismes de solidarité au sein de la Communauté et de tels mécanismes peuvent d'autant plus être aisément renforcés quand, de surcroît, il y des intérêts communs.
UEM - Allemagne
Je pense que la deuxième phase du système monétaire entrera en vigueur au début janvier. La tempête monétaire qui s'est produite pendant un an a provoqué des altérations très importantes. La marge de fluctuation de 15% a laissé les monnaies en mesure de flotter en quasi-totale liberté. Mais une des surprises qui est venue de ces décisions est que les monnaies sont en train de s'établir à la place où elles se trouvaient pratiquement au moment où étaient prises ces décisions. Elles se comportent par conséquent avec assez de rigueur en ce qui concerne leurs fluctuations les unes par rapport aux autres.
Dans nos conversations, la question de l'introduction éventuelle de mécanismes de contrôle des changes n'a pas été abordée et je ne pense pas que cela soit à l'ordre du jour des délibérations des responsables européens.
Je suis convaincu que pour rendre efficace cette deuxième phase de l'Union économique et monétaire il faudrait beaucoup renforcer la coordination des politiques économiques. Pas seulement des politiques monétaires. Celles-ci doivent être conçues en fonction du bénéfice ou de l'intérêt de la Communauté. Quelques unes des distorsions qui se sont produites sont objectivement, je dis objectivement parce que je ne veux pas me montrer critique, intervenues parce que la Bundesbank doit s'occuper des intérêts exclusifs de l'Allemagne et non pas de ceux de l'ensemble des intérêts européens. Les contradictions entre les taux d'intérêt allemands et dans le reste de l'Europe doivent être corrigées par une plus grande coordination qui est ce que devrait faciliter l'institut monétaire européen et donc la deuxième phase de l'Union monétaire. J'espère que cela renforcera les politiques de convergence et nous rapprochera de l'Union économique et monétaire.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 mai 2004)