Déclaration de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées et à la lutte contre l'exclusion, sur les dispositions relatives aux personnes handicapées et leurs droits, Nantes le 24 novembre 2014.

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Circonstance : Conférence nationale du Handicap au Forum accessibilité à Nantes le 24 novembre 2014

Texte intégral


La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a organisé la tenue tous les trois ans d'une Conférence nationale du handicap (CNH) afin que les choix et les moyens de la politique concernant les personnes handicapées puissent être débattus largement et déboucher sur de nouvelles orientations.
Le rendez-vous de cette année ne constitue donc pas une surprise ; il se présente toutefois dans des conditions inédites à plusieurs titres.
Tout d'abord parce que la CNH 2014 -et c'est une première- s'inscrit dans le prolongement du Comité Interministériel du Handicap (CIH) réuni il y a un peu plus d'un an, le 25 septembre 2013. A cette occasion, une feuille de route détaillée a été rendue publique. Elle déclinait une série d'actions à mettre en oeuvre répartis selon cinq axes de réflexion : la jeunesse ; l'emploi ; l'accessibilité ; la prévention, l'accès aux soins et l'accompagnement médicosocial ; et enfin la gouvernance et la mobilisation de la société. La conférence de cette année se tient en conséquence dans la plus parfaite continuité et engage le Gouvernement à rendre des comptes quant à l'avancement de ses travaux.
L'émulation dans les ministères et leur administration est d'autant plus stimulée qu'une circulaire du Premier ministre rend obligatoire, pour l'élaboration de chaque projet de loi présenté devant le Parlement, la prise en compte de dispositions relatives aux personnes en situation de handicap. La mise en oeuvre de cette mesure inscrite dans le relevé de décisions du CIH de 2013, est tout sauf formelle : elle constitue l'amorce d'un changement culturel dans l'élaboration des politiques publiques. Les lignes bougent déjà : à preuve, la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle comporte un volet « handicap », ce que le dernier texte en la matière datant de 2009 ne faisait pas.
Cette évolution vers une « approche intégrée du handicap dans les politiques publiques » découle directement de l'application progressive par la France de la Convention des Nations-Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). Elle est le premier instrument international qui rappelle les droits des personnes handicapées. La CDPH a été adoptée par l'Assemblée Générale des Nations-Unies le 13 décembre 2006 et ratifiée par la France début 2010. Elle a ainsi pour objectif de promouvoir et protéger les droits civils, politiques, économiques, culturels et sociaux des personnes handicapées sur la base de l'égalité avec les autres citoyens.
Cette CNH 2014 -et c'est sa seconde particularité- ne se construit pas « hors-sol » : nous avons souhaité innover en élargissant jusque dans les territoires les prises de parole et les témoignages. La conférence s'ouvre aujourd'hui à Nantes sur la thématique de l'accessibilité ; elle se poursuivra à Dijon le 1er décembre où nous parlerons de l'emploi ; se rendra jusqu'à Lille le 5 décembre avec un forum dédié à la jeunesse ; puis mettra le cap le 8 décembre sur Ille-sur-Têt, dans les Pyrénées-Orientales, pour faire le point sur les questions d'accès au soin et au secteur médicosocial. Une restitution des travaux sera ensuite organisée à l'Elysée à l'issue de laquelle de nouveaux objectifs seront fixés. Vous l'aurez compris, leur mise en oeuvre fera l'objet à son tour d'un bilan passé au crible lors du prochain comité interministériel du handicap.
Pour l'heure, je me réjouis d'ouvrir avec vous le premier forum de la CNH 2014.
A notre ordre du jour, l'accessibilité. Un terme qui au premier abord renvoie à la faculté de s'approprier l'espace collectif, comme par exemple prendre les transports en commun pour se rendre en centre-ville, passer à la mairie pour faire renouveler sa carte d'identité, « faire les magasins », entrer dans un restaurant pour déjeuner ou encore se rendre chez un médecin dont le cabinet est situé au deuxième étage d'un immeuble.
En matière d'accessibilité du bâti, je le sais bien ainsi que Claire-Lise Campion, Sénatrice de l'Essonne et présidente de l'Observatoire interministériel de l'accessibilité et de la conception universelle (Obiaçu), notre pays est loin d'être exemplaire bien sûr si l'on fait abstraction de Nantes, qui figure parmi les meilleurs élèves de la classe selon le baromètre annuel de l'Association des paralysés de France (APF). Certains d'entre vous ont peut-être eu l'occasion de se rendre à Rome, à Berlin ou encore aux Etats-Unis pour constater que, là-bas, plus personne ne songe par exemple à remplacer les ascenseurs vétustes par du matériel trop étroit pour laisser passer un fauteuil roulant.
Alors que faire ? Préserver la lettre et l'esprit de la loi du 11 février 2005 qui prévoit la mise en accessibilité des établissements recevant du public, bien sûr, mais en faisant en sorte que des avancées tangibles voient le jour. Maintenir les sanctions pour la non réalisation des travaux, c'est le cas, mais en fournissant aux gestionnaires des établissements publics et aux commerçants les aides techniques qui leur faisaient défaut. C'est précisément ce que j'ai fait en demandant à ce qu'un outil d'autodiagnostic puisse leur être proposé. Gratuit et disponible en ligne, il permet d'identifier très facilement les aménagements à réaliser. Autant d'argent économisé qui sera bien plus utilement dépensé dans les travaux à venir ! Enfin, faire évoluer les mentalités. Nous nous y employons : les ambassadeurs de l'accessibilité, ces jeunes recrutés dans le cadre du service civique et chargés d'orienter les responsables des lieux publics et privés dans leur projet d'aménagements, sont actuellement formés pour ça. Sans compter -encore un engagement pris lors du CIH de 2013 tenu !- la campagne de communication nationale actuellement diffusée sur les ondes dont l'objectif est de donner l'envie aux commerçants de passer à l'acte et d'accueillir tous ceux parmi leurs clients potentiels qui, faute de mise en accessibilité, restent sur le pas de leur porte. Cette campagne stimulante sera amplifiée en 2015 pour que les agendas d'accessibilité programmée (Ad'AP) soient effectivement déposés.
L'accessibilité toutefois ne saurait se limiter aux seuls espaces publics. Celle-ci se doit d'être universelle. C'est ce que les associations définissent à juste titre comme « l'accès à tout pour tous ». « Tous », cela inclut les personnes souffrant d'un handicap moteur ou sensoriel, mais aussi psychique et mental ; « tout » implique par ailleurs le développement de l'accessibilité tous azimuts.
On peut penser à l'accessibilité des logements ainsi qu'à l'accès à l'information. Sur ce sujet, les choses avancent. La signature officielle, prochainement de la charte de qualité pour l'usage de la langue des signes française élaborée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel en témoigne. Un certain nombre d'objectifs avaient été fixés lors du CIH de 2013 concernant l'accessibilité des sites publics. Ce forum est l'occasion de savoir où en sont ces travaux.
S'informer, prendre des nouvelles, c'est aussi être en capacité de communiquer. La Députée Corinne Erhel, dont je salue la présence sur la seconde table-ronde, nous parlera tout à l'heure de l'expérimentation en cours du relais téléphonique pour les personnes sourdes ou malentendantes. Je m'apprête par ailleurs à recevoir, avec ma collègue Axelle Lemaire, le troisième bilan de la charte d'engagement volontaire sur l'accessibilité des services de télécommunications.
Autre forme d'accessibilité qui enregistre des progrès : les sports et les loisirs. Il y a de bonnes nouvelles en la matière, le dispositif d'information accessible de la ligue professionnelle de football permet désormais de suivre la composition des équipes et les résultats de la ligne 1 et de la ligue2 ! Le mois prochain, le recueil des initiatives remarquables en matière d'accessibilité des installations sportives sera mis en ligne. Pour les loisirs, le label « Destination pour tous » se développe, la ville de Bordeaux peut d'ores et déjà s'en prévaloir. Le label « Tourisme et handicap » se développe également et je ne peux que vous recommander la visite du Château des Ducs de Bretagne.
Et qu'en est-il de l'accès à la consommation ? Que répondre par exemple aux personnes handicapées moteur, aveugles, malvoyantes, sourdes ou encore malentendantes qui ont toutes les difficultés du monde à trouver des équipements accessibles ? A quand, l'Internet permettant à tous sans exception de faire soi-même ses courses en ligne ? Je remercie la directrice générale de l'Institut national de la consommation (INC) et le président de la Fédération de la vente à distance (FEVAD) d'avoir répondu présent pour aborder ces questions avec vous.
Vous l'aurez compris, en filigrane du rapide tour d'horizon que je viens de tracer, l'outil Internet revient encore et toujours. Il revêt une importance particulière en matière d'accessibilité. L'histoire des techniques nous l'enseigne : le progrès technologique a bien souvent partie liée avec le handicap. Castelnuevo inventa en 1808 une machine à écrire pour permettre à une comtesse italienne devenue aveugle de composer des poésies. L'invention du vibraphone, ancêtre du téléphone, est venue à Graham Bell au milieu des années 1870 alors qu'il menait des recherches pour parvenir à échanger avec sa femme sourde. Quant à la télécommande, qui figure parmi les objets les plus utilisés au monde depuis sa commercialisation en 1955, elle était à l'origine destinée aux personnes handicapées moteur.
Voilà une raison de plus pour ne pas manquer le rendez-vous de l'accessibilité en matière numérique, comme cela a été le cas avec celui du bâti. Je vais vous faire une confidence : je n'ai pas eu besoin de persuader Axelle Lemaire, Secrétaire d'Etat en charge du numérique, de la nécessité de se pencher sur la feuille de route du CIH. Elle nous rejoindra tout à l'heure sur le forum.
Pour conclure, je vais vous présenter rapidement les tables-rondes qui vont rythmer cette après-midi d'échanges. La première est consacrée à l'accessibilité du cadre-bâti ; la seconde à l'accessibilité du XXIème siècle, l'accessibilité numérique.
Pour chacune d'elle, des élus, des parlementaires - parmi lesquels Christian Paul, Député de la Nièvre et passionné de numérique que je n'ai pas encore cité - viendront s'exprimer. Nous aurons également l'honneur d'entendre Jean-Marc Ayrault, dont l'implication dans l'organisation du Comité interministériel du handicap de 2013 a été totale.
Je me réjouis aussi de la présence de collectivités exemplaires en matière d'aménagement de leur ville, mais aussi de témoins et de contributeurs issus de la société civile. Je tiens à remercier ceux qui, alors qu'ils sont en situation de handicap, ont accepté d'être présents sur les tables rondes. Et tout spécialement ceux qui n'ont pourtant pas l'habitude de prendre la parole en public.
Je salue par ailleurs les représentants d'associations locales ainsi que les représentants du Conseil national consultatif des personnes handicapées qui ont accepté de prendre part aux débats.
Bien sûr, je ne saurais oublier de féliciter les représentants institutionnels qui ont répondu présents pour répondre à vos questions et vous apporter un éclairage sur les sujets abordés.
Sachez que j'attends de vous qui êtes dans la salle, de participer aux débats et d'en poser.
Je laisse maintenant la parole à Claire-Lise Campion, qui sait à quel point je lui suis reconnaissante d'avoir accepté d'assurer l'animation des deux tables-rondes qui vont suivre.
A tous, je vous souhaite des échanges constructifs et fructueux.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 27 novembre 2014