Déclaration de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, sur l'action d'Interpol, Monaco le 4 novembre 2014.

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Circonstance : 83ème Assemblée générale d'Interpol, à Monaco le 4 novembre 2014

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les ministres,
Madame la Présidente d'Interpol,
Monsieur le Secrétaire général d'Interpol,
Mesdames et Messieurs les membres du Comité exécutif,
Mesdames et Messieurs les chefs de police,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux et honoré de m'exprimer aujourd'hui devant vous, pour la première fois dans mes fonctions ministre de l'Intérieur de la République française, ici à Monaco.
Je remercie chaleureusement les autorités monégasques d'avoir bien voulu accueillir dans la principauté les représentants de plus de plus de cent pays, réunis à l'occasion de cette nouvelle session de l'Assemblée générale d'Interpol.
Il y a 100 ans, mon pays avait déjà pris une part très active aux travaux du premier Congrès de police judiciaire internationale. Il y avait notamment dépêché les chefs des fameuses « brigades du Tigre », créées en 1907 par l'un de mes illustres prédécesseurs, Georges Clémenceau.
En avril 1914, des hommes de bonne volonté, venus de 24 pays, sont parvenus en moins d'une semaine à jeter les bases d'une coopération internationale contre le crime qui devait perdurer jusqu'à aujourd'hui, grâce à une institutionnalisation intelligente et efficace, qui en a fait l'organisation qui nous réunit aujourd'hui.
Depuis lors, Interpol a considérablement évolué, pour devenir une des plus grandes organisations internationales, forte de 190 pays membres, rassemblant ainsi la quasi-totalité des Etats de la planète. Parvenue, après la fin de la Seconde guerre mondiale, à préserver sa neutralité, son esprit de solidarité et le pragmatisme de sa culture policière, cette organisation est aujourd'hui plus que jamais indispensable, face aux menaces criminelles et terroristes de notre temps.
Ces menaces sont en effet aujourd'hui plus sérieuses que jamais. Le développement des réseaux criminels transnationaux constitue malheureusement l'un des aspects de la mondialisation et leur action se trouve facilitée et amplifiées par l'usage des nouvelles technologies.
En changeant de dimension, les activités criminelles que nos Etats affrontent ont ainsi changé de nature. Nos prédécesseurs de 1914 s'inquiétaient du trafic d'opium, des réseaux de receleurs et des attentats anarchistes. Un siècle plus tard, nous devons faire face à des structures criminelles ou terroristes aux moyens considérables, capables d'affaiblir les économies et ayant pour projet de détruire nos sociétés à coups de fraudes massives et de cyberattaques, de dévaster l'environnement et la santé publique de régions entières, à force de trafics de déchets, d'animaux, ou de contrefaçons.
Enfin, nous devons affronter de véritables armées de la terreur, dissimulées sous le masque de certaines religions, qu'elles s'efforcent de détourner hideusement pour mener leurs projets barbares. Nous sommes, à cet égard, tous également menacés : ces prédicateurs de haine ne font pas de différences entre nos peuples, entre nos sociétés, entre nos continents et simplement à nous atteindre comme ils ont atteint, tout récemment, le Canada et, par un passé plus ou moins récent, le Nigeria, la Belgique, le Pakistan ou encore le Mali, pour ne citer que ces pays.
A ce propos, je tiens à saluer l'engagement d'Interpol pour contribuer, sur le plan judiciaire, à l'identification et à la détection des individus radicalisés qui partent pour la Syrie ou l'Irak et qui menacent de commettre des actions terroristes à leur retour des zones de combat. Je suis convaincu que le rôle d'Interpol pour le suivi et le combat contre ces filières, phénomène que la plupart des pays rassemblés ici doivent affronter, est appelé à s'accroître. Je note que le Conseil de sécurité des Nations unies a nommément (et à l'unanimité) salué, dans son importante résolution 2178 de septembre, l'action menée par Interpol pour écarter la menace incarnée par les combattants étrangers. Il convient à mon sens qu'Interpol fasse encore davantage pour soutenir et susciter toute initiative nationale ou multilatérale qui permettrait de renforcer notre combat contre ce phénomène.
Je suis fier que la France ait toujours accompagné et soutenu l'action d'Interpol. Elle accueille son siège depuis 1946. Elle travaille actuellement à lui fournir une antenne parisienne pour améliorer encore son implantation en France en facilitant son activité diplomatique ; mais elle lui a également donné plusieurs secrétaires généraux et, en 2012, la première femme élue à sa Présidence, Mme Mireille Ballestraz7i, à qui je rends ici hommage, pour son action responsable et déterminée. Le personnel du Secrétariat général compte nombre de mes compatriotes, parmi lesquels je tiens à distinguer M. Jean-Michel Louboutin, qui va prochainement quitter ses fonctions de directeur exécutif des services de police, après avoir accompagné, 15 ans durant, l'impressionnante oeuvre de modernisation engagée par M. Ronald Noble depuis 2000. Croyez-moi, la politique de la France à l'égard d'Interpol ne changera pas, j'en suis le garant. C'est aussi le sens de ma présence ici avec vous aujourd'hui.
Sous leur impulsion, et avec le soutien vigilant de ses pays membres, Interpol a développé des outils d'une qualité exceptionnelle: le réseau mondial de communication policière sécurisée I-24/7 ; des bases de données internationales ; un centre de commandement et de coordination fonctionnant 24h/24h, capable de fournir une assistance opérationnelle au quotidien comme dans les crises majeures. D'autres opérations ou projets novateurs sont en cours, pour développer l'utilisation de la base des documents de voyage perdus ou volés ou encore pour faciliter le traitement de la coopération judiciaire en matière d'extradition. C'est indispensable tant aujourd'hui apparaît immense le décalage entre la vitesse du monde, et donc du crime, et la lenteur des enquêtes ou des procès à dimension internationale.
Pour aider nos pays à mieux affronter les dangers liés aux technologies numériques, Interpol va bientôt franchir une nouvelle étape, avec la création à Singapour du Complexe mondial Interpol pour l'innovation. La France participera à cet effort collectif en mettant à la disposition du Complexe un haut-fonctionnaire de police.
Par ailleurs, l'Organisation a conforté son statut et sa visibilité sur la scène mondiale. Elle s'est dotée d'implantations sur tous les continents. Elle a renforcé les garanties juridiques relatives au traitement de ses données et réformé son modèle de financement. Elle a aussi conclu de multiples partenariats avec les principales organisations internationales et régionales, ainsi qu'avec le secteur privé.
Dans un monde globalisé, Interpol ne peut en effet agir seule. L'Europe par exemple, que je représente dans le cadre de ce panel, a bâti des dispositifs de coopération policière et judiciaire très poussés. Je pense à Europol, Eurojust, au Système d'information Schengen, aux échanges automatisés de données génétiques ou dactyloscopiques, le système Prüm, au mandat d'arrêt européen ou aux observations transfrontalières, au principe de disponibilité de l'information entre Etats- membres. Autant d'outils que les Etats membres de l'UE doivent utiliser pleinement pour affronter les menaces qui les concernent tous.
D'autres structures régionales de coopération policière renforcée se sont mises en place dans le reste du monde. Je tiens à saluer ce mouvement qui n'est nullement contradictoire avec les objectifs et les modes opératoires de notre organisation. Mais il est essentiel qu'Interpol sache renforcer sa coopération avec ces structures, dans un souci de complémentarité, pour développer des outils communs, échanger des informations, favoriser les synergies, identifier les carences et les redondances éventuelles, et prévenir tout risque de rivalités.
Je m'engage à ce que la France continue à prendre toute sa part à la réalisation de cette ambition collective. Elle soutiendra dans ce cadre toutes les initiatives portées par Interpol pour mieux coordonner l'action de nos services de police, partout dans le monde, dans le resect de chacun des pays membres.
Mesdames et Messieurs, nous vivons ensemble aujourd'hui un moment privilégié de la vie d'une organisation par nature exceptionnelle.
Je suis confiant que les engagements pris dans la déclaration finale de cette conférence, comme les travaux de l'Assemblée générale qui s'ouvrira demain, lui permettront de poursuivre son oeuvre au service de nos polices.
Je vous remercie de votre attention et renouvelle mes sincères remerciements aux autorités monégasques, pour la qualité, l'efficacité et la chaleur de leur accueil.
[petite observation manuscrite : 350 réfugiés]source http://www.ambafrance-mc.org, le 8 janvier 2015