Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement à "Europe 1" le 22 janvier 2015 sur les premières mesures gouvernementales de renforcement de la lutte contre le terrorisme après les attentats perpétrés à Paris.

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Texte intégral

JULIE LECLERC
En quelques phrases hier soir, Nicolas SARKOZY a semble-t-il mis fin à l'union nationale qui prévalait dans le pays depuis les attentats. Stéphane LE FOLL, Ministre de l'Agriculture et porte-parole du gouvernement, est votre invité, Thomas, pour l'interview vérité d'Europe 1.
THOMAS SOTTO
Bonjour Stéphane LE FOLL.
MONSIEUR LE PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT STEPHANE LE FOLL
Bonjour.
THOMAS SOTTO
“Comparer la République française à l'apartheid, c'est une faute? a dit Nicolas SARKOZY qui se dit “consterné?. Et vous ?
STEPHANE LE FOLL
Moi, je regarde tout cela avec le sens de la responsabilité. Ce que j'entends au travers de cette phrase, c'est quelque chose qui prêterait à une interprétation. Ce qu'a dit le Premier ministre très simplement, et tout le monde peut le comprendre, c'est qu'il y a des quartiers aujourd'hui qui concentrent des difficultés, qui sont souvent déconnectés. C'est les fameux ghettos et on en parle depuis très longtemps d'ailleurs, malgré les politiques de la ville qui ont été conduites. A partir de là, on a une responsabilité de trouver des solutions pour ces quartiers et on ne peut pas faire comme s'ils n'existaient pas.
THOMAS SOTTO
Ça, c'est la réalité du terrain mais est-ce que le Premier ministre ne s'est pas trompé de mot ? Le député PS Jean-Jacques URVOAS a dit : “Je n'aurais pas choisi ce mot-là car il est connoté historiquement et géographiquement?.
STEPHANE LE FOLL
Il a choisi un mot. Il y a des mots qui ont été choisis, et celui-là en particulier, pour marquer cette idée qu'il y avait un mur qui quelquefois s'était construit qui faisait qu'il y avait une impossibilité d'avoir une relation qui se construise au sein de collectivités et, au fond, au sein de la République. C'est ça, cette idée. C'est l'idée qui est importante et ce n'est pas le mot qui peut prêter à discussion. Je le comprends mais cela ne doit pas occulter ce qu'a voulu dire le Premier ministre, c'est-à-dire le fond de la question.
THOMAS SOTTO
C'est vrai que François HOLLANDE n'a pas apprécié ce mot ? qu'il l'a fait savoir à Manuel VALLS ?
STEPHANE LE FOLL
Vous me posez une question dont je n'ai aucune réponse. Je vous dis que sur ce sujet, ce n'est pas le mot. Attendez, allons jusqu'au bout et je vais vous dire ce que je pense. On ne va quand même pas discuter d'une question sur un mot parce que Nicolas SARKOZY l'aurait évoqué et, à partir de là, organiser un débat. Enfin, quand même ! Je rappelle qu'on doit être à la hauteur d'événements qui ont rassemblé plusieurs millions de Français dans la rue pour revendiquer leur attachement à la République. C'est ça la question. Après, on peut discuter et avoir des divergences.
THOMAS SOTTO
La question, c'est est-ce que l'union nationale a vécu ?
STEPHANE LE FOLL
Mais regardez ce qui s'est produit à l'Assemblée nationale ; regardons les propositions qui ont été faites hier par le Premier ministre. On continue à chercher le dialogue avec l'opposition.
THOMAS SOTTO
Le dialogue, c'est aussi le débat.
STEPHANE LE FOLL
Bien sûr, mais bien sûr.
THOMAS SOTTO
Il faut faire vivre ce débat. On ne peut pas l'anesthésier complètement au nom de l'émotion.
STEPHANE LE FOLL
On ne peut pas l'anesthésier, il faut qu'il ait lieu, mais j'ai noté aussi hier que des leaders de l'opposition ont plutôt salué les mesures qui étaient proposées par Manuel VALLS.
THOMAS SOTTO
On va en venir aux mesures, mais est-ce que vous avez le sentiment que Nicolas SARKOZY n'est pas à la hauteur de sa responsabilité aujourd'hui ?
STEPHANE LE FOLL
Je ne vais pas justement tomber dans des commentaires. Je vais essayer de me placer là où les Français souhaitent que l'on soit. C'est comment on fait pour apporter des réponses à la fois aujourd'hui mais aussi des réponses durables sur des questions qui sont extrêmement profondes.
THOMAS SOTTO
Alors on va rentrer dans le fond. Rétablir les heures supplémentaires dans la Police et les services de Renseignement, ça va permettre d'avoir quatre mille équivalent temps plein tout de suite, c'est ce qu'a dit Nicolas SARKOZY. C'est une bonne idée ? Il a raison ou pas ?
STEPHANE LE FOLL
Là, je m'interroge parce que je pense que dans la Police il y a déjà des heures supplémentaires et il y en a énormément. Je crois qu'il y a eu un rapport qui est sorti il y a quelques mois si je me souviens bien, où il y avait des milliers d'heures supplémentaires qui n'étaient pas justement…
THOMAS SOTTO
C'est ce qu'a dit le syndicaliste de Police Nicolas COMTE, qu'il y a déjà beaucoup de retard.
STEPHANE LE FOLL
Voilà. Donc, qu'est-ce qu'a voulu proposer Nicolas SARKOZY qu'il y ait des heures supplémentaires ? Comment peut-on imaginer, d'ailleurs, que des fonctionnaires pendant toute cette période, qui sont dans des enquêtes, qui les suivent, s'arrêteraient en disant : “Oh là là ! J'ai terminé mes heures? ? Je ne comprends pas cette proposition. Ces heures supplémentaires existent. En même temps, on sait que pour couvrir l'ensemble du champ à la fois sur le Renseignement, sur la traduction, sur l'analyse, on a besoin effectivement de compétences et on a besoin de personnes. Je rappelle que sous le quinquennat de Nicolas SARKOZY, c'est je crois 13 700 postes dans la Police et la Gendarmerie qui ont été supprimés.
THOMAS SOTTO
C'est un peu moins, c'est 12 500 à peu près. On est dans cet ordre de grandeur.
STEPHANE LE FOLL
12 500, si vous le dites, mais c'est la vérité.
THOMAS SOTTO
Vous comprenez la violence de Nicolas SARKOZY hier ou pas ? Vous l'avez trouvé violent hier ?
STEPHANE LE FOLL
D'abord, je ne comprends pas, si vous parlez comme ça, que dans ce débat où on doit être, je l'ai dit, à la hauteur des enjeux, on soit dans un jeu de posture, de chamaillerie. Je crois que le terme qui a été utilisé hier…
THOMAS SOTTO
“Politicaillerie?.
STEPHANE LE FOLL
“Politicaillerie?, voilà. Reprenons ce terme. On ne doit pas être dans la politicaillerie.
THOMAS SOTTO
Ça veut dire que le chef de l'opposition aujourd'hui en France n'est pas à la hauteur ?
STEPHANE LE FOLL
(Rires) Je vois bien ce que vous voulez me faire dire. A partir du moment où j'ai dit ce que j'avais à dire, je ne rajouterai aucun commentaire sur le chef de l'opposition.
THOMAS SOTTO
"La future loi sur le Renseignement, il faut aller plus loin? a dit Nicolas SARKOZY, “avec la géolocalisation des portables, les balises sur les voitures?. Vous êtes d'accord là-dessus ?
STEPHANE LE FOLL
Là-dessus, il y a des discussions qui sont en cours à l'Assemblée. Je crois qu'il y a une loi sur le Renseignement qui va être présentée et que Jean-Jacques URVOAS suit tout ça ; il y a aussi une mission Mennucci-Ciotti. On est ouvert à la discussion et on est prêt à regarder ce qui peut améliorer les capacités qui nous seront données pour éviter qu'échappent au Renseignement, qu'échappent à la surveillance policière des gens qui ensuite…
THOMAS SOTTO
Donc vous dites pourquoi pas ?
STEPHANE LE FOLL
Il faut regarder. Toutes ces discussions sur la géolocalisation, sur les écoutes, je ne suis pas spécialiste mais je dis que le principe et l'attitude qui est la nôtre est de regarder. En plus, on a fait des propositions.
THOMAS SOTTO
J'imagine, Stéphane LE FOLL, que vous avez lu la presse ce matin. Le Figaro notamment titre : “Terrorisme, la Police renforcée, la Justice à la traîne?. Il regrette qu'aucun changement de la politique pénale ne soit envisagé. Est-ce que l'union gouvernementale existe sur ce sujet ? Est-ce que Christiane TAUBIRA et Manuel VALLS sont sur la même ligne ?
STEPHANE LE FOLL
Christiane TAUBIRA et Bernard CAZENEUVE ont été de cette cellule qui a suivi avec le Président de la République et le Premier ministre tous les événements qui se sont passés, toutes les décisions qui ont été prises, toute la mobilisation de chacune des administrations et en particulier la Justice. Christiane TAUBIRA a eu l'occasion de le rappeler hier. Tout le monde est parfaitement en cohérence au gouvernement et tout le monde a une seule volonté. C'était d'abord de trouver et de punir ceux qui avaient commis ces actes et ces attentats. Deuxièmement, c'est de trouver des solutions pour éviter le maximum, le plus possible, que cela ne se reproduise et assurer la sécurité de nos concitoyens.
THOMAS SOTTO
Dernière question à propos d'un des auteurs de ces attentats, Amedy COULIBALY. Le Mali ne veut pas accueillir sa dépouille. Il sera enterré en France ?
STEPHANE LE FOLL
Ecoutez, oui, j'imagine. Si le Mali a refusé qu'il soit enterré sur son territoire, il sera enterré en France.
THOMAS SOTTO
Merci Stéphane LE FOLL d'être venu en direct sur Europe 1 ce matin.
STEPHANE LE FOLL
Merci à vous.
THOMAS SOTTO
Merci, bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 janvier 2015