Texte intégral
PATRICK COHEN
Bonjour Christiane TAUBIRA.
CHRISTIANE TAUBIRA
Bonjour monsieur COHEN.
PATRICK COHEN
Où iront les 950 postes supplémentaires pour la justice, annoncés par le Premier ministre ? Plus de juges, plus de moyens pour les prisons ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Ils seront répartis effectivement dans l'administration pénitentiaire, donc en surveillants, mais pas seulement, des informaticiens, des analystes veilleurs, parce que nous allons mettre en place une cellule qui va assurer une veille permanente sur les réseaux sociaux notamment, mais, des traducteurs également, des interprètes, des équipes légères de sécurité. Nous avons des équipes très très performantes, déjà, nous allons mettre en place des équipes légères de sécurité, notamment pour procéder à des fouilles sectorielles plus fréquentes, mais des moyens iront, des effectifs iront également, bien entendu, dans la magistrature, renforcer nos magistrats
PATRICK COHEN
Le pôle antiterroriste.
CHRISTIANE TAUBIRA
Bien entendu, c'est-à-dire des procureurs et substituts et vice-procureurs et procureurs adjoints, donc de la section antiterroriste du Parquet de Paris mais également au siège. Il faut savoir que nous avion déjà renforcé, puisque sept magistrats sont arrivés début janvier à Paris et que nous avons fait un renfort la semaine dernière à nouveau. Mais il y en aura sur l'ensemble du territoire, vous savez que nous avons monté un réseau de magistrats référents antiterroristes, c'était une décision de décembre, du 5 décembre 2014, et puis il faut renforcer aussi les juges des enfants, qui peuvent procéder à des détections, à repérer, à repérer ce que l'on appelle les signaux faibles, les juges d'application des peines également, mais il faut aussi des assistants spécialisés. Il y en aura, donc il y a des effectifs qui arrivent dans la pénitentiaire, il y en a qui arrivent dans la protection judiciaire de la jeunesse, et il y en a qui arrivent aussi dans les services judiciaires.
PATRICK COHEN
La prison, deux des trois terroristes des 7 et 9 janvier sont passés par la prison, l'un d'entre eux, COULIBALY, s'est radicalisé en prison, est-ce qu'il vaut mieux disperser les djihadistes, c'était votre option, vous l'aviez dit en novembre, ou les regrouper en les isolant ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Alors, d'abord, il faut regarder justement, là, sur les trois assassins, les trois meurtriers, il y en a un qui n'a jamais été condamné
PATRICK COHEN
L'un des frères KOUACHI.
CHRISTIANE TAUBIRA
Voilà. Il y en a un qui a été condamné pour la première fois pour acte terroriste, donc il ne s'est pas radicalisé en prison, et puis il y en a un qui était en prison, effectivement, pour des actes de droit commun, de la délinquance de droit commun et qui a rencontré
PATRICK COHEN
Amedi COULIBALY.
CHRISTIANE TAUBIRA
Alors, il est évident qu'il y a des politiques pénales qui multiplient les risques, les possibilités de rencontres de petits délinquants, avec en tout cas délinquants de droit commun, avec de grands terroristes, parce que par exemple dans les maisons d'arrêt il peut y avoir des personnes qui sont prévenues, en détention provisoire, mais qui répondent d'actes de terrorisme. Et puis il y a la nécessité effectivement de gérer, de gérer d'une part ces personnes qui sont en prison, pour des actes terroristes en lien avec une entreprise de une association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, et puis il faut faire en sorte que la grande masse de la population carcérale échappe à l'influence. Donc c'est un vrai sujet, c'est un vrai sujet. La dispersion est possible, la dispersion est a priori la réponse la plus adaptée, sauf que, à partir du moment où vous avez un certain nombre, nous, nous suivions à peu près 158 personnes, en tant que telles, une vingtaine sont identifiées comme étant fortement radicalisées, vous savez que nous avons une liste de détenus particulièrement surveillés, qui est une liste publiée au Journal Officiel, c'est-à-dire que voilà, ce sont des choses qui sont très clairement faites, et nous avons un dispositif de surveillance particulière. Donc la question s'est posée, de savoir si on gère différemment, certaines catégories. Le sujet, c'est vraiment comment on définit, lesquels on définit, lesquels ils convient de regrouper, sur la base de
PATRICK COHEN
C'est-à-dire qu'on isole et on concentre les plus dangereux, et on disperse
CHRISTIANE TAUBIRA
Non non, pas du tout.
PATRICK COHEN
les moins prosélytes ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non, pardon monsieur COHEN, ça n'est pas ça du tout. Ça n'est pas ça du tout, par exemple l'expérience qui est conduite à Fresnes, ça n'est pas un regroupement des plus dangereux, il y a des détenus très radicalisés, qui sont au contraire isolés et dispersés, ils ne font absolument pas partie de ceux qui sont regroupés. Parce que, quel est là la logique, la logique c'est évidemment d'éviter qu'ils fassent du prosélytisme et qu'ils radicalisent d'autres détenus, mais la logique est aussi de repérer ceux qu'il est possible de désendoctriner. Alors c'est peut être difficile à entendre, mais on va s'y habituer, parce qu'il est important de faire un travail pour arracher les personnes qui sont entrées dans ce processus, mais qui peuvent en sortir, on voit bien que les pays qui ont choisi cette voie-là ont des résultats, évidemment il faut regarder leur propre culture et leur sociologie, il ne faut pas faire exactement la même chose ici, mais il faut réfléchir, et c'est ce que nous avions commencé à faire, c'est pour ça que nous avons une recherche actions, qui a déjà commencé début janvier, c'est une opération que nous avons lancée en 2014, et puis nous allons en développer quatre autres.
PATRICK COHEN
Il y aura cinq, donc, quartiers, réservés aux détenus radicalisés. Pour combien de détenus, les cinq quartiers ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non, mais ça sera décidé au fur et à mesure, selon les critères qui seront précisés grâce à ces recherches actions. L'expérience de Fresnes a fait l'objet d'un accompagnement, puisque j'ai demandé dès le début à l'administration pénitentiaire d'accompagner le directeur, que j'ai veillé à son évaluation et j'ai diligenté une inspection, de façon à ce que depuis une dizaine de jours, l'inspection qui va remettre très prochainement son rapport, nous fasse un examen, une analyse tout à fait rigoureuse, de cette expérience, et on en tirera les enseignements, pour penser les autres.
PATRICK COHEN
Alors ça, ce sont les mesures, les moyens supplémentaires, reste ce qui est le plus contesté, notamment à droite, votre politique pénale, le choix de favoriser des alternatives à la prison ou des aménagements de peines, Nicolas SARKOZY parle, il parlait hier soir de désarmement pénal, Christiane TAUBIRA.
CHRISTIANE TAUBIRA
Je pense que ça n'est pas le temps de se livrer à des querelles misérables, parce que moi je pourrais jouer sur les dates, je pourrais jouer par exemple sur les dates qui concernent les meurtriers, 2005, 2008, 2010, 2011, je me refuse à le faire. Je pourrais évoquer le fait qu'un de ces meurtriers, lorsqu'il est sorti de prison, il est sorti dans un procédé automatique, qui relevait de l'ancienne législation, le SEFIP, qui est la Surveillance Electronique de Fin de Peine, je trouve ça
PATRICK COHEN
C'est-à-dire que le précédent gouvernement a laissé des individus dangereux en liberté ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Je trouve ça lamentable. Je disais tout à l'heure qu'il y a des politiques non, je n'ai pas dit ça, monsieur COHEN, je ne l'ai pas dit et je ne le pense pas.
PATRICK COHEN
Ben, c'est ce que vous avez laissé entendre à l'instant.
CHRISTIANE TAUBIRA
Non non, je dis que
PATRICK COHEN
On pourrait jouer sur les dates, donc il y a eu des remises en liberté.
CHRISTIANE TAUBIRA
Non non, je dis que s'il fallait se livrer à des querelles, on pourrait aussi poser des faits sur des dates. Donc je dis que nous refusons de le faire, et aucun de nous ne l'a fait. Ce que je dis très précisément, c'est que des politiques pénales peuvent effectivement multiplier les possibilités de rencontres en prison, et nous, nous avons choisi une politique pénale d'efficacité, d'efficacité des sanctions pénales. Nous n'avons pas modifié le code pénal, donc on nous fait des procès complètement infondés, et je trouve que dans la période actuelle, cette hystérie sur les mêmes procès, est absolument insupportable, et je ne peux pas m'y arrêter, le code pénal n'a pas été modifié, donc les sanctions pénales sont appliquées de la même façon. Par contre
PATRICK COHEN
Si, pour supprimer les peines plancher.
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais absolument, parce que justement la sanction pénale efficace, c'est la sanction individualisée, celle qui este prononcée par rapport à la personne, à ce qu'elle a fait, au degré de gravité de ce qu'elle a fait, mais aux possibilités aussi de réinsertion de cette personne, parce que lorsque la politique
PATRICK COHEN
Et les propositions d'aménagements de peines doivent être systématiques pour tous les délinquants ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non, pas du tout, mais il n'y a rien de systématique dans la réforme pénale, il n'y a strictement rien de systématique, il y a un rendez-vous judiciaire
PATRICK COHEN
C'est l'examen qui est systématique.
CHRISTIANE TAUBIRA
aux 2/3 de l'exécution de la peine, il y a une commission d'application des peines qui se prononce sur la base d'un projet présenté, mais sur la base aussi d'un rapport présenté par les conseillers d'insertion et de probation. Et cette commission d'application des peines a librement la possibilité de décider le maintien en détention ou de décider la sortie. Mais notez bien que la grande différence, c'est que lorsque la décision de sortie est faite, c'est une sortie sous contrainte, c'est-à-dire avec accompagnement, avec obligation, avec surveillance, ce qui n'était pas le cas avant cette réforme pénale.
PATRICK COHEN
La prison n'est pas toujours la solution, pourtant est-ce qu'il est raisonnable d'envoyer en prison des hommes ou des femmes qui ont dit, devant des forces de l'ordre, qu'ils se réjouissaient des attentats, est-ce que les juges n'ont pas, en ce moment, la main lourde, en matière d'apologie du terrorisme, Christiane TAUBIRA ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Vous savez que, d'abord, je ne commente jamais aucune décision de justice, mais ce que je vais vous dire, c'est que dans la période que
PATRICK COHEN
Vous avez envoyé une circulaire au Parquet.
CHRISTIANE TAUBIRA
Absolument. Dans la période que nous venons de traverser, évidemment immédiatement j'ai demandé à tous les procureurs d'exercer une très grande vigilance sur les infractions qui pouvaient découler des attentats que nous avons vécus. Et il s'est avéré que justement une remontée de très très nombreuses infractions a été effectuée, il m'a paru donc nécessaire de faire en sorte que le ministère public, qui s'exprime au nom de la société, qui représente la société, que le ministère public exerce la plus grande vigilance, dans la logique de la politique pénale de ce gouvernement, c'est-à-dire une grande réactivité, la fermeté nécessaire, conformément au code pénal, mais
PATRICK COHEN
Y compris en réclamant de la prison ferme.
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais individualiser, il revient ce sont des magistrats. Alors je rappelle que la circulaire s'adresse au ministère public, c'est-à-dire aux procureurs
PATRICK COHEN
Et ce sont les juges qui mettent en oeuvre.
CHRISTIANE TAUBIRA
Absolument, et ce sont les juges qui prononcent la décision. Mais je crois qu'il est bon, dans l'état, dans la situation où nous nous trouvons, je pense qu'il est bon effectivement que nous soyons vigilants, sur tout ce qui met en péril la cohésion, sociale, sur tout ce qui fragilise le pacte républicain, et ne pas laisser se rependre de attitudes, des propos, des comportements. Donc réaction effectivement du ministère public, au nom de la société, et décision par des juges indépendants.
PATRICK COHEN
Juste un mot, parce que c'est une nouvelle disposition, jusqu'à ces dernières semaines, l'apologie du terrorisme dans notre droit, c'était un délit de presse, qui devait être réalisé, prononcé dans un journal, à la radio ou à la télévision, c'est depuis la loi Cazeneuve, maintenant, c'est un délit pénal passible de prison ferme, mais dans la loi, dans l'esprit de la loi, ça visait surtout les sites djihadistes de recrutement et non pas des propos qui pouvaient être adressés dans la rue à des forces de l'ordre ou autres. Est-ce qu'il n'y a pas un dévoiement de l'esprit de la loi telle qu'elle a été votée ces dernières semaines ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Il est évident qu'il faut prendre la mesure des choses, c'est bien pour ça que l'individualisation est importante, c'est bien pour ça que les magistrats qui ont en face d'eux Nous sommes dans un Etat de droit, les audiences judiciaires sont des audiences publiques, les droits de la défense sont assurés, en tout cas ils doivent l'être, et je connais
PATRICK COHEN
Sauf que c'est très rapide, c'est de la comparution immédiate.
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui, c'est vrai, c'est de la comparution immédiate, dans la plupart des cas en tout cas presque 70 % des cas qui ont été traités ces derniers jours, il n'empêche que le corps des avocats, la profession des avocats, est une profession qui sait se mobiliser dans les situations particulières, qui est très très attentive au respect du droit, et à l'exercice des droits de la défense, et par conséquent moi je fais confiance à l'institution judiciaire, je fais confiance à l'institution judiciaire, il y des voies de recours, s'il est arrivé que la décision de justice était trop lourde par rapport à cette obligation et ce principe d'individualisation, je pense que les voies de recours seront utilisées.
PATRICK COHEN
Un dernier mot avant la pause, pour le symbole, êtes-vous favorable à la création d'une peine d'indignité nationale ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Vous avez raison de demander pour le symbole, parce qu'en fait ce serait effectivement un acte symbolique, mais les symboles portent leur charge, et pour ma part, alors, je m'exprime avec précautions, pour la simple raison que vous savez que le président et le Premier ministre ont demandé aux chambres
PATRICK COHEN
A deux parlementaires d'y réfléchir.
CHRISTIANE TAUBIRA
Voilà, de s'exprimer, donc pour cette raison, je réserve mon point de vue, mais je peux vous en dire un peu quand même, ça n'est pas un symbole que moi j'aurais revendiqué.
PATRICK COHEN
Christiane TAUBIRA, invitée de France Inter, on vous retrouve dans quelques minutes avec les auditeurs.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 janvier 2015
Bonjour Christiane TAUBIRA.
CHRISTIANE TAUBIRA
Bonjour monsieur COHEN.
PATRICK COHEN
Où iront les 950 postes supplémentaires pour la justice, annoncés par le Premier ministre ? Plus de juges, plus de moyens pour les prisons ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Ils seront répartis effectivement dans l'administration pénitentiaire, donc en surveillants, mais pas seulement, des informaticiens, des analystes veilleurs, parce que nous allons mettre en place une cellule qui va assurer une veille permanente sur les réseaux sociaux notamment, mais, des traducteurs également, des interprètes, des équipes légères de sécurité. Nous avons des équipes très très performantes, déjà, nous allons mettre en place des équipes légères de sécurité, notamment pour procéder à des fouilles sectorielles plus fréquentes, mais des moyens iront, des effectifs iront également, bien entendu, dans la magistrature, renforcer nos magistrats
PATRICK COHEN
Le pôle antiterroriste.
CHRISTIANE TAUBIRA
Bien entendu, c'est-à-dire des procureurs et substituts et vice-procureurs et procureurs adjoints, donc de la section antiterroriste du Parquet de Paris mais également au siège. Il faut savoir que nous avion déjà renforcé, puisque sept magistrats sont arrivés début janvier à Paris et que nous avons fait un renfort la semaine dernière à nouveau. Mais il y en aura sur l'ensemble du territoire, vous savez que nous avons monté un réseau de magistrats référents antiterroristes, c'était une décision de décembre, du 5 décembre 2014, et puis il faut renforcer aussi les juges des enfants, qui peuvent procéder à des détections, à repérer, à repérer ce que l'on appelle les signaux faibles, les juges d'application des peines également, mais il faut aussi des assistants spécialisés. Il y en aura, donc il y a des effectifs qui arrivent dans la pénitentiaire, il y en a qui arrivent dans la protection judiciaire de la jeunesse, et il y en a qui arrivent aussi dans les services judiciaires.
PATRICK COHEN
La prison, deux des trois terroristes des 7 et 9 janvier sont passés par la prison, l'un d'entre eux, COULIBALY, s'est radicalisé en prison, est-ce qu'il vaut mieux disperser les djihadistes, c'était votre option, vous l'aviez dit en novembre, ou les regrouper en les isolant ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Alors, d'abord, il faut regarder justement, là, sur les trois assassins, les trois meurtriers, il y en a un qui n'a jamais été condamné
PATRICK COHEN
L'un des frères KOUACHI.
CHRISTIANE TAUBIRA
Voilà. Il y en a un qui a été condamné pour la première fois pour acte terroriste, donc il ne s'est pas radicalisé en prison, et puis il y en a un qui était en prison, effectivement, pour des actes de droit commun, de la délinquance de droit commun et qui a rencontré
PATRICK COHEN
Amedi COULIBALY.
CHRISTIANE TAUBIRA
Alors, il est évident qu'il y a des politiques pénales qui multiplient les risques, les possibilités de rencontres de petits délinquants, avec en tout cas délinquants de droit commun, avec de grands terroristes, parce que par exemple dans les maisons d'arrêt il peut y avoir des personnes qui sont prévenues, en détention provisoire, mais qui répondent d'actes de terrorisme. Et puis il y a la nécessité effectivement de gérer, de gérer d'une part ces personnes qui sont en prison, pour des actes terroristes en lien avec une entreprise de une association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, et puis il faut faire en sorte que la grande masse de la population carcérale échappe à l'influence. Donc c'est un vrai sujet, c'est un vrai sujet. La dispersion est possible, la dispersion est a priori la réponse la plus adaptée, sauf que, à partir du moment où vous avez un certain nombre, nous, nous suivions à peu près 158 personnes, en tant que telles, une vingtaine sont identifiées comme étant fortement radicalisées, vous savez que nous avons une liste de détenus particulièrement surveillés, qui est une liste publiée au Journal Officiel, c'est-à-dire que voilà, ce sont des choses qui sont très clairement faites, et nous avons un dispositif de surveillance particulière. Donc la question s'est posée, de savoir si on gère différemment, certaines catégories. Le sujet, c'est vraiment comment on définit, lesquels on définit, lesquels ils convient de regrouper, sur la base de
PATRICK COHEN
C'est-à-dire qu'on isole et on concentre les plus dangereux, et on disperse
CHRISTIANE TAUBIRA
Non non, pas du tout.
PATRICK COHEN
les moins prosélytes ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non, pardon monsieur COHEN, ça n'est pas ça du tout. Ça n'est pas ça du tout, par exemple l'expérience qui est conduite à Fresnes, ça n'est pas un regroupement des plus dangereux, il y a des détenus très radicalisés, qui sont au contraire isolés et dispersés, ils ne font absolument pas partie de ceux qui sont regroupés. Parce que, quel est là la logique, la logique c'est évidemment d'éviter qu'ils fassent du prosélytisme et qu'ils radicalisent d'autres détenus, mais la logique est aussi de repérer ceux qu'il est possible de désendoctriner. Alors c'est peut être difficile à entendre, mais on va s'y habituer, parce qu'il est important de faire un travail pour arracher les personnes qui sont entrées dans ce processus, mais qui peuvent en sortir, on voit bien que les pays qui ont choisi cette voie-là ont des résultats, évidemment il faut regarder leur propre culture et leur sociologie, il ne faut pas faire exactement la même chose ici, mais il faut réfléchir, et c'est ce que nous avions commencé à faire, c'est pour ça que nous avons une recherche actions, qui a déjà commencé début janvier, c'est une opération que nous avons lancée en 2014, et puis nous allons en développer quatre autres.
PATRICK COHEN
Il y aura cinq, donc, quartiers, réservés aux détenus radicalisés. Pour combien de détenus, les cinq quartiers ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non, mais ça sera décidé au fur et à mesure, selon les critères qui seront précisés grâce à ces recherches actions. L'expérience de Fresnes a fait l'objet d'un accompagnement, puisque j'ai demandé dès le début à l'administration pénitentiaire d'accompagner le directeur, que j'ai veillé à son évaluation et j'ai diligenté une inspection, de façon à ce que depuis une dizaine de jours, l'inspection qui va remettre très prochainement son rapport, nous fasse un examen, une analyse tout à fait rigoureuse, de cette expérience, et on en tirera les enseignements, pour penser les autres.
PATRICK COHEN
Alors ça, ce sont les mesures, les moyens supplémentaires, reste ce qui est le plus contesté, notamment à droite, votre politique pénale, le choix de favoriser des alternatives à la prison ou des aménagements de peines, Nicolas SARKOZY parle, il parlait hier soir de désarmement pénal, Christiane TAUBIRA.
CHRISTIANE TAUBIRA
Je pense que ça n'est pas le temps de se livrer à des querelles misérables, parce que moi je pourrais jouer sur les dates, je pourrais jouer par exemple sur les dates qui concernent les meurtriers, 2005, 2008, 2010, 2011, je me refuse à le faire. Je pourrais évoquer le fait qu'un de ces meurtriers, lorsqu'il est sorti de prison, il est sorti dans un procédé automatique, qui relevait de l'ancienne législation, le SEFIP, qui est la Surveillance Electronique de Fin de Peine, je trouve ça
PATRICK COHEN
C'est-à-dire que le précédent gouvernement a laissé des individus dangereux en liberté ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Je trouve ça lamentable. Je disais tout à l'heure qu'il y a des politiques non, je n'ai pas dit ça, monsieur COHEN, je ne l'ai pas dit et je ne le pense pas.
PATRICK COHEN
Ben, c'est ce que vous avez laissé entendre à l'instant.
CHRISTIANE TAUBIRA
Non non, je dis que
PATRICK COHEN
On pourrait jouer sur les dates, donc il y a eu des remises en liberté.
CHRISTIANE TAUBIRA
Non non, je dis que s'il fallait se livrer à des querelles, on pourrait aussi poser des faits sur des dates. Donc je dis que nous refusons de le faire, et aucun de nous ne l'a fait. Ce que je dis très précisément, c'est que des politiques pénales peuvent effectivement multiplier les possibilités de rencontres en prison, et nous, nous avons choisi une politique pénale d'efficacité, d'efficacité des sanctions pénales. Nous n'avons pas modifié le code pénal, donc on nous fait des procès complètement infondés, et je trouve que dans la période actuelle, cette hystérie sur les mêmes procès, est absolument insupportable, et je ne peux pas m'y arrêter, le code pénal n'a pas été modifié, donc les sanctions pénales sont appliquées de la même façon. Par contre
PATRICK COHEN
Si, pour supprimer les peines plancher.
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais absolument, parce que justement la sanction pénale efficace, c'est la sanction individualisée, celle qui este prononcée par rapport à la personne, à ce qu'elle a fait, au degré de gravité de ce qu'elle a fait, mais aux possibilités aussi de réinsertion de cette personne, parce que lorsque la politique
PATRICK COHEN
Et les propositions d'aménagements de peines doivent être systématiques pour tous les délinquants ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non, pas du tout, mais il n'y a rien de systématique dans la réforme pénale, il n'y a strictement rien de systématique, il y a un rendez-vous judiciaire
PATRICK COHEN
C'est l'examen qui est systématique.
CHRISTIANE TAUBIRA
aux 2/3 de l'exécution de la peine, il y a une commission d'application des peines qui se prononce sur la base d'un projet présenté, mais sur la base aussi d'un rapport présenté par les conseillers d'insertion et de probation. Et cette commission d'application des peines a librement la possibilité de décider le maintien en détention ou de décider la sortie. Mais notez bien que la grande différence, c'est que lorsque la décision de sortie est faite, c'est une sortie sous contrainte, c'est-à-dire avec accompagnement, avec obligation, avec surveillance, ce qui n'était pas le cas avant cette réforme pénale.
PATRICK COHEN
La prison n'est pas toujours la solution, pourtant est-ce qu'il est raisonnable d'envoyer en prison des hommes ou des femmes qui ont dit, devant des forces de l'ordre, qu'ils se réjouissaient des attentats, est-ce que les juges n'ont pas, en ce moment, la main lourde, en matière d'apologie du terrorisme, Christiane TAUBIRA ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Vous savez que, d'abord, je ne commente jamais aucune décision de justice, mais ce que je vais vous dire, c'est que dans la période que
PATRICK COHEN
Vous avez envoyé une circulaire au Parquet.
CHRISTIANE TAUBIRA
Absolument. Dans la période que nous venons de traverser, évidemment immédiatement j'ai demandé à tous les procureurs d'exercer une très grande vigilance sur les infractions qui pouvaient découler des attentats que nous avons vécus. Et il s'est avéré que justement une remontée de très très nombreuses infractions a été effectuée, il m'a paru donc nécessaire de faire en sorte que le ministère public, qui s'exprime au nom de la société, qui représente la société, que le ministère public exerce la plus grande vigilance, dans la logique de la politique pénale de ce gouvernement, c'est-à-dire une grande réactivité, la fermeté nécessaire, conformément au code pénal, mais
PATRICK COHEN
Y compris en réclamant de la prison ferme.
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais individualiser, il revient ce sont des magistrats. Alors je rappelle que la circulaire s'adresse au ministère public, c'est-à-dire aux procureurs
PATRICK COHEN
Et ce sont les juges qui mettent en oeuvre.
CHRISTIANE TAUBIRA
Absolument, et ce sont les juges qui prononcent la décision. Mais je crois qu'il est bon, dans l'état, dans la situation où nous nous trouvons, je pense qu'il est bon effectivement que nous soyons vigilants, sur tout ce qui met en péril la cohésion, sociale, sur tout ce qui fragilise le pacte républicain, et ne pas laisser se rependre de attitudes, des propos, des comportements. Donc réaction effectivement du ministère public, au nom de la société, et décision par des juges indépendants.
PATRICK COHEN
Juste un mot, parce que c'est une nouvelle disposition, jusqu'à ces dernières semaines, l'apologie du terrorisme dans notre droit, c'était un délit de presse, qui devait être réalisé, prononcé dans un journal, à la radio ou à la télévision, c'est depuis la loi Cazeneuve, maintenant, c'est un délit pénal passible de prison ferme, mais dans la loi, dans l'esprit de la loi, ça visait surtout les sites djihadistes de recrutement et non pas des propos qui pouvaient être adressés dans la rue à des forces de l'ordre ou autres. Est-ce qu'il n'y a pas un dévoiement de l'esprit de la loi telle qu'elle a été votée ces dernières semaines ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Il est évident qu'il faut prendre la mesure des choses, c'est bien pour ça que l'individualisation est importante, c'est bien pour ça que les magistrats qui ont en face d'eux Nous sommes dans un Etat de droit, les audiences judiciaires sont des audiences publiques, les droits de la défense sont assurés, en tout cas ils doivent l'être, et je connais
PATRICK COHEN
Sauf que c'est très rapide, c'est de la comparution immédiate.
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui, c'est vrai, c'est de la comparution immédiate, dans la plupart des cas en tout cas presque 70 % des cas qui ont été traités ces derniers jours, il n'empêche que le corps des avocats, la profession des avocats, est une profession qui sait se mobiliser dans les situations particulières, qui est très très attentive au respect du droit, et à l'exercice des droits de la défense, et par conséquent moi je fais confiance à l'institution judiciaire, je fais confiance à l'institution judiciaire, il y des voies de recours, s'il est arrivé que la décision de justice était trop lourde par rapport à cette obligation et ce principe d'individualisation, je pense que les voies de recours seront utilisées.
PATRICK COHEN
Un dernier mot avant la pause, pour le symbole, êtes-vous favorable à la création d'une peine d'indignité nationale ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Vous avez raison de demander pour le symbole, parce qu'en fait ce serait effectivement un acte symbolique, mais les symboles portent leur charge, et pour ma part, alors, je m'exprime avec précautions, pour la simple raison que vous savez que le président et le Premier ministre ont demandé aux chambres
PATRICK COHEN
A deux parlementaires d'y réfléchir.
CHRISTIANE TAUBIRA
Voilà, de s'exprimer, donc pour cette raison, je réserve mon point de vue, mais je peux vous en dire un peu quand même, ça n'est pas un symbole que moi j'aurais revendiqué.
PATRICK COHEN
Christiane TAUBIRA, invitée de France Inter, on vous retrouve dans quelques minutes avec les auditeurs.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 janvier 2015