Interview de Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'Etat au numérique, à "Radio classique" le 30 janvier 2015, sur le développement d'entreprises innovantes dans le secteur du numérique.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

NICOLAS PIERRON
Comment capitaliser sur le succès des start-up française, lors du grand show high-tech de Las Vegas, c'était début janvier ? C'est l'un des objectifs de la secrétaire d'Etat en charge du numérique, bonjour Axelle LEMAIRE.
AXELLE LEMAIRE
Bonjour.
NICOLAS PIERRON
Merci d'avoir accepté l'invitation de Radio Classique. Vous avez présenté hier soir, avec Emmanuel MACRON, les voeux du gouvernement aux acteurs du secteur numérique. C'est vrai qu'on entend beaucoup parler de French Tech depuis Las Vegas, ça recouvre quoi au juste la French Tech ? C'est une marque que vous avez inventée en fait.
AXELLE LEMAIRE
C'est une marque ouverte, c'est-à-dire qu'on peut se l'approprier quand on travaille dans le monde de l'innovation, et pour le pays, mais ce sont surtout des femmes, et des hommes, qui sont investis dans les écosystèmes. Qu'est-ce que c'est un écosystème, au niveau local ? Eh bien ce sont les instituts de recherche qui travaillent avec les grands groupes, avec les start-up, avec les universités, les écoles, les collectivités locales, pour créer un environnement qui soit favorable à la croissance des start-up et au développement des produits innovants.
NICOLAS PIERRON
Vous voulez développer cette marque, cette French Tech à l'international désormais, c'était l'objet de vos voeux hier soir, par quels moyens ?
AXELLE LEMAIRE
Alors, en 2014 nous avons labélisé 9 métropoles French Tech, dans les territoires français, ensuite nous les avons mis en réseau, au niveau national, et puis 2015, après l'année de la révélation de la French Tech, ça sera l'année de la montée en puissance et de l'ouverture à l'international. Il faut que notre écosystème français d'innovation, il soit visible, il est excellent, simplement le reste du monde ne le sait pas encore forcément. Et pourquoi, pourquoi il faut que ça se sache ? Parce que nos entreprises doivent pouvoir aborder, démarcher, à l'étranger, et parce que nous souhaitons attirer en France les investisseurs étrangers, pour qu'ils viennent financer la croissance des entreprises, et les meilleurs talents, pour qu'ils participent à des projets entrepreneuriaux.
NICOLAS PIERRON
Double défi donc, en France et à l'international. Quand on parle des entrepreneurs du secteur informatique, ou Internet, il y en a beaucoup qui se plaignent, malheureusement, des lourdeurs du droit en France, de l'Administration françaises aussi, ils hésitent même à délocaliser parfois leur activité à Londres, par exemple, parce que c'est facile, depuis là-bas, de traiter avec des clients français. Est-ce que vous les comprenez d'abord ?
AXELLE LEMAIRE
Il faut les entendre, et c'est vrai que le chantier de la simplification, qui a été lancé par le gouvernement, est complexe, paradoxalement on se rend compte que faire simple c'est compliqué, et faire court ça prend du temps. Mais c'est une priorité absolue parce que c'est aujourd'hui inadmissible que des entreprises puissent être freinées dans leur croissance pour des questions bureaucratiques, ce qui fait qu'avec Thierry MANDON nous travaillons très activement à identifier tous les noeuds possibles, tous les points de ralentissements, tout ce qui dans la vie d'une entreprise peut nuire à son quotidien. On a fait quand même de très gros progrès. Aujourd'hui c'est en France que l'on crée le plus rapidement une entreprise, je crois qu'on doit être à 3,5 jours, c'est moins qu'en Angleterre, et c'est beaucoup moins qu'en Allemagne, et ce chantier de la simplification il a déjà permis des avancées superbes, notamment dans ce qui est demandé aux entreprises, dans les informations à fournir, par exemple, pour répondre à un appel d'offre sur des marchés publics. Maintenant on continue, on continue et je crois que les résultats c'est vraiment en 2015 qu'ils vont commencer à se faire sentir.
NICOLAS PIERRON
Axelle LEMAIRE, c'est vrai qu'il y a beaucoup de créations de start-up innovantes en France, personne ne le conteste, en revanche il y a peu d'émerge de groupes de taille suffisante pour se frotter notamment aux Américains. Qu'est-ce qui coince, c'est le financement du développement de ces entreprises innovantes aujourd'hui ?
AXELLE LEMAIRE
Mon diagnostic il est double, avec deux problématiques, l'accès à la commande, et l'accès, effectivement, au financement. L'accès à la commande, ça peut être la commande publique, et c'est vrai que les entreprises, aux Etats-Unis, elles ont un « Small Business Act », un cadre législatif, qui les avantage beaucoup lorsque les acheteurs publics, l'Etat, les collectivités locales, les hôpitaux publics, accèdent à leurs produits et services. Ce n'est pas le cas en Europe. Moi je crois qu'il faut absolument que le marché du numérique en Europe, et le marché unique, s'harmonisent et se complètent, pour que nos entreprises aient accès à un seul marché, lorsqu'elles abordent le marché européen, et pas 28 législations nationales fragmentées. Et puis, accès à la commande des grands groupes, il faut faire comprendre aux grandes entreprises françaises, qui sont une force de frappe formidable, qu'elles doivent travailler plus étroitement avec les start-up. Et puis financement, vous avez raison, je crois qu'il y a un problème.
NICOLAS PIERRON
Axelle LEMAIRE, les Français ne vous connaissent pas encore, vous avez 40 ans je crois, vous êtes franco-canadienne, vous avez grandi au Québec avant de faire vos études en France en partie, vous avez également étudié à Londres. Il paraît que vous avez refusé d'entrer au gouvernement en juin 2012. Est-ce que c'est vrai, et si oui, pourquoi ?
AXELLE LEMAIRE
Oui, c'est vrai, je ne souhaitais pas forcément que ça se sache, simplement les circonstances ont fait que j'étais sur un plateau de télévision lorsque…
NICOLAS PIERRON
Dans « Le grand journal » de CANAL+, je crois.
AXELLE LEMAIRE
Voilà, et donc ça s'est su. Pourquoi ? Parce que, pour plusieurs raisons, mais ça c'est une analyse a posteriori.
NICOLAS PIERRON
François HOLLANDE vous appelle, pendant la pause publicitaire, vous répondez, « est-ce que vous voulez entrer au gouvernement ? »
AXELLE LEMAIRE
Donc j'ai eu 10 secondes pour répondre, je ne m'y attendais pas. Je venais d'être élue, j'étais très fière que…
NICOLAS PIERRON
Députée des Français de l'étranger.
AXELLE LEMAIRE
Voilà, tout à fait, pour la circonscription Europe du Nord, pour les 10 pays d'Europe du Nord, après une campagne longue et difficile de 2,5 ans, j'avais envie de découvrir l'Assemblée nationale et d'être une parlementaire, je crois, fondamentalement au « bottom up », comme dans le numérique. Et donc j'ai beaucoup travaillé à l'Assemblée, mes enfants ont un peu grandi, parce que j'étais enceinte lorsque je m'étais lancée en campagne, et puis j'ai découvert de l'intérieur le fonctionnement des institutions de la Vème République, et le moment était plus opportun en avril dernier.
NICOLAS PIERRON
Vous avez vécu à Londres plusieurs années, est-ce que c'est plus sympa que Paris ?
AXELLE LEMAIRE
Je ne le mesure pas en termes de sympa ou pas, il y a les avantages et les inconvénients. C'est une ville ouverte, dynamique, où on a le sentiment que tout est possible. C'est une ville dure aussi, ça on ne le dit pas beaucoup.
NICOLAS PIERRON
Les nounous coûtent cher.
AXELLE LEMAIRE
Tout coûte cher.
NICOLAS PIERRON
Enfin, faire garder ses enfants coûte cher.
AXELLE LEMAIRE
Enfin, les infrastructures, l'électricité, l'énergie de manière générale, les transports, le logement, l'alimentation, la santé, dès qu'on veut avoir une assurance privée, les écoles, si les écoles publiques du coin ne vont pas, enfin il y a… en fait ça ce sont les, les Anglais diraient « les hidden cost »…
NICOLAS PIERRON
Les coûts cachés.
AXELLE LEMAIRE
Voilà, quand on rêve à l'aventure londonienne on n'y pense pas forcément. Il y a beaucoup, beaucoup, de Français qui rentrent en France, notamment lorsqu'ils ont des enfants, et cette histoire-là on ne l'entend jamais.
NICOLAS PIERRON
On va la raconter peut-être un jour sur Radio Classique. Merci de votre franchise, Axelle LEMAIRE, secrétaire d'Etat en charge du numérique, et sans doute la seule bilingue franco-anglais du gouvernement, invitée de l'éco… non, qui d'autre ?
AXELLE LEMAIRE
Déjà un truc…
NICOLAS PIERRON
D'un mot.
AXELLE LEMAIRE
Vous savez qu'on est cinq binationaux au sein de ce gouvernement, c'est la première fois, c'est un gouvernement très ouvert.
NICOLAS PIERRON
Et qui parle anglais ?
AXELLE LEMAIRE
Un exemple, Matthias FEKL, commerce extérieur, il est franco-allemand.
NICOLAS PIERRON
Pas mal. Merci Axelle LEMAIRE, invitée de l'économie ce matin, de Radio Classique.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 février 2015