Déclaration de Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'Etat à la politique de la ville, sur l'économie numérique et la politique urbaine, les nouveaux métiers et la formation des jeunes aux nouvelles technologies dans les quartiers, Nantes le 4 février 2015.

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Votre invitation, Madame la ministre, Monsieur le Président, me donne d'abord l'occasion de saluer le caractère novateur de votre méthode de concertation.
On parle souvent de la défiance qui frappe nos sociétés vis-à-vis de la démocratie. Un exemple encore dernièrement dans le Doubs, avec 65% d'abstention aux élections.
Mais là, pour cette concertation, vrai modèle de démocratie participative puisqu'elle va inspirer la loi et notre stratégie numérique, ce sont des milliers de contributions et de propositions qui ont été faites.
La société doit saisir l'opportunité qui lui est donnée pour devenir plus démocratique grâce au net. Enjeu majeur pour tous, mais en particulier pour ces quartiers populaires dont la politique de la ville a la charge, et qui éprouvent si souvent un sentiment d'abandon.
Nous, nous ne voulons pas les abandonner. Notre présence ensemble ici veut surtout dire que nous avons une même conviction, chère Axelle, cher Benoit Thieulin : cette conviction que le numérique constitue une chance pour les jeunes des quartiers populaires, mais aussi que les jeunes des quartiers constituent une chance pour le numérique.
On a beaucoup parlé des quartiers ces temps-ci, avec les événements de janvier. Quand le lien était fait avec le numérique, c'était souvent pour parler de radicalisation sur internet, de terrorisme en libre-service, de prévention. Et c'est vrai que c'est un enjeu. Le ministère de l'intérieur y travaille. NVB y travaille pour ce qui est de l'enseignement aux médias en ligne.
Le numérique, c'est aussi une fenêtre ouverte sur le monde, c'est aussi le monde à portée de main. Les quartiers ont besoin de cette ouverture. La question de la fracture numérique, est prise à bras-le-corps par Axelle Lemaire ou encore le plan France très haut-débit.
Mais le numérique, ce sont aussi de formidables opportunités d'avenir pour tous nos jeunes, et en particulier pour les plus fragiles d'entre eux, ceux dont a la charge la politique de la ville. Ils ont, pour leur part, énormément à donner à ce secteur d'avenir, qui doit leur faire confiance et investir en eux.
Ces jeunes ne se réduisent pas à l'image souvent sombre qu'en donnent quelquefois les médias.
Il y a des difficultés. Impossible de les nier. 50% de chômeurs parfois chez les jeunes de 18 à 25 ans. Manuel Valls a eu les mots les plus forts pour les décrire. Il y a une société bloquée qu'il faut débloquer.
Mais ces jeunes dont on parle, ce sont des jeunes qui en veulent, et qui ont, toutes les études le démontrent, une forte appétence pour l'entreprise, mais aussi pour le numérique.
Or il y a une vraie pénurie en matière de développeurs, mais aussi, plus largement, dans les métiers du numérique. Il y a une demande forte adressée à la France en matière de numérique en perpétuelle croissance en matière de savoir-faire et de produits.
Pourquoi ? Peut-être parce que le codage est un espace de liberté, de créativité extraordinaire. Le code, c'est une langue sans inégalité sociale. C'est une langue sans a priori. Les cartes sociales sont redistribuées grâce au numérique.
Mais aussi parce que quand la vie est dure, et bien vous vous forgez une âme de conquérant. La plus belle conquête c'est celle de l'avenir, et le numérique, c'est l'avenir.
C'est ce que me disait un jeune à Simplon.co : « avec le codage, nous sommes comme les moines du Moyen-Age au milieu de gens qui ne savent ni lire ni écrire. C'est ce qui est en train de se passer. Bientôt, nous écrirons pour vous. »
C'est une prophétie qui est un peu inquiétante pour quelqu'un qui ne sait pas coder. Il y entrait une part d'humour, mais ce que nous dit ce jeune homme, c'est que, oui, l'excellence, le goût de l'avenir est dans les quartiers.
Permettre aux jeunes des quartiers de bénéficier de ces formidables opportunités que sont les métiers du numérique, cela passe par un effort tout particulier en faveur de la formation aux métiers du numérique dans les quartiers. Là encore, c'est une conviction que nous partageons pleinement tous les trois.
Il y a de nombreux lieux de formation aux métiers du numérique dans les quartiers prioritaires. A chaque fois que je m'y suis rendue ou que j'ai rencontré des formateurs, des entrepreneurs qui investissent dans ces projets, Xavier Niel hier soir par exemple, ou des étudiants, il y avait toujours un même enthousiasme et une même foi en l'avenir. Il y a aussi des cours massifs en ligne. Dans ces écoles où l'on est formé tout en se sentant parfaitement libre et autonome, dans ces écoles réelles ou virtuelles, des jeunes se voient offrir une seconde chance, quelquefois même une seconde vie.
Pour ces formations, pas de prérequis scolaire, pas de diplôme, pas de codes sociaux nécessaires, mais une exigence à laquelle tout le monde ne peut satisfaire : une volonté de fer.
S'y réinvente une pédagogie de l'autonomie, avec des effets proprement incroyables. Des jeunes qu'on disait bons à rien qui se mettent à travailler 15 heures par jour.
Nous souhaitons soutenir ces formations, et, plus largement travailler avec Axelle Lemaire sur le sujet du numérique et des quartiers, notamment dans la perspective du Comité interministériel des villes contre les inégalités, qui se tiendra à la mi-mars sous le haut patronage du Premier Ministre.
Peu avant ce CIV, nous rencontrerons les principaux acteurs en matière de formation au numérique pour leur soumettre nos propositions.
J'aimerais en particulier que la partie de votre consultation qui concerne les quartiers prioritaires ? Et j'ai lu beaucoup de choses çà ce sujet sur votre site puisse nourrir les réflexions du CIV.
Nous savons que ces formations ont besoin de liberté. Nous voulons simplement les soutenir, dans l'esprit de la French Tech, chère Axelle. Je cite l'un de vos slogans : « L'initiative French Tech ce n'est pas l'Etat qui encadre, c'est l'Etat qui soutient. » Nous devons soutenir, encourager, tout en laissant la liberté.
Le message que nous portons tous les trois est donc clair : les jeunes des quartiers ont le droit à l'excellence mais sont également source d'excellence.
Il y a peut-être parmi eux les futurs géants de demain, et il y a d'ailleurs des géants d'aujourd'hui, des Français, qui sont issus des quartiers et qui le revendiquent !
Plus modestement, il y a des jeunes, filles et garçons, qui veulent pouvoir réaliser leur ambition. La plupart du temps, elle n'est pas différente de celle de tous les autres jeunes : être respecté, réussir sa vie.
Je vous remercie.
Source http://www.ville.gouv.fr, le 18 février 2015