Texte intégral
C'est important pour moi que d'intervenir en clôture de ce colloque consacré au dixième anniversaire de la loi du 11 février 2005.
Beaucoup de choses ont déjà été dites, c'est pourquoi je me limiterai à esquisser le bilan de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, en mettant l'accent tout spécialement sur le domaine de l'emploi, qu'il concerne le secteur public comme le secteur privé.
Bien sûr, ce que l'on peut retenir de prime abord de la loi du 11 février 2005 est son caractère résolument moderne et novateur.
En intégrant dans la définition du handicap le rôle joué par l'environnement dans l'aggravation ou l'atténuation des difficultés rencontrées par les personnes concernées, elle marque un changement de définition fondamental. Ainsi le handicap s'appréhende-t-il désormais au travers des difficultés et des conséquences qui en résultent pour la vie en société des personnes handicapées.
En proclamant le principe d'accessibilité universelle - c'est à dire le droit d'accéder à tout pour tous - le texte de loi ouvre également l'espace public dans sa totalité aux personnes handicapées, et ce quel que soit leur handicap (sensoriel, moteur, mental ou encore psychique). Cela implique d'organiser leur pleine participation à la vie de la cité.
Là encore, le texte de 2005 est avant-gardiste car il donne en matière d'accès à l'emploi clairement la priorité au travail en milieu ordinaire.
Enfin, la création des maisons départementales du handicap marque un changement significatif dans le paysage institutionnel, notamment parce que le texte de 2005 en fait le point d'entrée principal vers le service public de l'emploi.
Aujourd'hui, avec 420 000 demandeurs d'emploi handicapés et un taux de chômage chez ces derniers deux fois supérieur à celui des personnes valides dans la même situation, autant vous dire d'emblée que le bilan de la loi du 11 février 2005 en matière d'emploi est particulièrement sombre. Dans le secteur privé, le nombre d'accords d'entreprise agréés reste inférieur à 300 et ne concernent qu'à peine plus de 10% des entreprises assujetties (>20 salariés). Quant à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés et l'objectif « des 6% » assigné aux entreprises et aux employeurs publics, ils progressent sans pour autant changer la donne.
Sans remettre en cause -bien au contraire !- les principes fondateurs du texte de 2005, le gouvernement aujourd'hui s'organise pour leur donner une traduction concrète.
Pour cela, nous nous appuyons sur la Convention des Nations-Unies relative aux droits des personnes handicapées ratifiée par la France au début de l'année 2010. Cette convention a pour objectif de promouvoir et de protéger les droits civils, politiques, économiques, culturels et sociaux des personnes handicapées sur la base de l'égalité avec les autres citoyens.
Son application progressive nous engage à un changement de philosophie comme de méthode. Elle nous amène en effet à dépasser la logique compassionnelle d'intégration des personnes handicapées, pour lui préférer celle d'inclusion accompagnée. Quoi de plus inefficace et de plus désespérant en effet pour les personnes handicapées, que de se faire entendre dire qu'il ne tient qu'à elles et qu'à leur seule volonté de se faire une place dans la société !
C'est pourquoi le gouvernement a fait de l'inclusion accompagnée son nouveau cap, cap qui consiste à prendre en compte les personnes handicapées dans les politiques publiques de droit commun, tout en prévoyant les aménagements qui leur sont nécessaires. Je l'évoquais tout à l'heure, c'est l'esprit de la loi du 11 février 2005 ainsi que sa lettre, par exemple avec la priorité qu'elle donne à l'emploi en milieu ordinaire.
Cela implique non seulement d'adopter une « approche intégrée du handicap dans les politiques publiques », ce que fait la circulaire du Premier ministre rendant obligatoire, pour l'élaboration de chaque projet de loi présenté devant le Parlement, la prise en compte de dispositions relatives aux personnes en situation de handicap. Mais aussi de mobiliser l'ensemble des forces sociales vers l'objectif d'accessibilité universelle.
La Conférence nationale du handicap (CNH) qui s'est tenue à la fin de l'année dernière a donné cette nouvelle impulsion.
Tout d'abord parce qu'elle a constitué l'occasion pour le gouvernement de rendre des comptes en toute transparence sur l'avancement des mesures qui composaient sa feuille de route depuis la tenue du Comité interministériel du handicap organisé un an plus tôt.
Ensuite, parce qu'elle a été précédée de forums régionaux, elle a organisé jusque dans les territoires le recueil de la parole et des préconisations des personnes handicapées elles-mêmes ainsi que des associations.
Il en ressort une nouvelle feuille de route pour les trois prochaines années, laquelle dans son volet « emploi » décline des mesures relatives à l'emploi public. Je n'en développerai que quelques-unes.
Vous connaissez l'attachement tout particulier du Président de la République à l'exemplarité de la fonction publique. Cette exemplarité, elle doit aussi se manifester en matière de politique du handicap et d'inclusion accompagnée.
C'est pourquoi le chef de l'État a souhaité que, d'ici la fin 2016, le Conseil d'État, la Cour des comptes ainsi que les autorités administratives indépendantes soient soumis à l'obligation d'emploi des personnes handicapées.
Autre mesure à valeur symbolique forte, l'accès aux postes d'encadrement supérieur de la fonction publique va être progressivement ouvert par dispense de concours aux personnes handicapées. En commençant par les corps recrutant à la sortie de l'École Nationale d'Administration.
Plus largement, la négociation sur la diversité dans la fonction publique engagée cette année inclura les sujets du recrutement, des carrières et de la formation continue des agents handicapés. Les possibilités de congé spécial pour formation à destination des parents découvrant le handicap de leur enfant seront inscrites à son ordre du jour.
Enfin, le FIPHFP fait l'objet de toute notre attention. Dans le cadre de la révision du catalogue de prestations ponctuelles proposées aux travailleurs handicapés pour leur maintien dans l'emploi, il sera demandé au fonds ainsi qu'à l'AGEFIPH d'inscrire ces prestations dans la durée afin de mieux correspondre notamment aux besoins des personnes en situation de handicap psychique.
Pour en avoir discuté avec le Président Montané, je sais que le FIPHFP a déjà réfléchi à l'amélioration de ses prestations et à la nécessité de les faire évoluer. Je me réjouis de voir l'AGEFIPH et le FIPHFP unir rapidement leurs forces en la matière, et ce pour le plus grand bénéfice des travailleurs handicapés.
En conclusion, je souhaite vous dire toute la détermination du gouvernement à permettre aux principes inscrits dans la loi de 2005 d'être traduits d'effets. L'inclusion accompagnée constitue l'un de ses principaux leviers d'actions. Il est maintenant de notre responsabilité de faire de la promesse républicaine une réalité pour tous. De la même façon, nous devons faire rayonner la fraternité républicaine.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 18 février 2015