Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, à "Europe 1" le 18 février 2015, sur le recours à l'article 49-3 de la Constitution pour l'adoption du projet de loi Macron, sur les difficultés des agriculteurs.

Prononcé le

Média : Europe 1

Texte intégral

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bienvenue Stéphane Le FOLL. Bonjour.
STEPHANE LE FOLL
Bonjour.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que demain soir, vous serez toujours ministre, vous ?
STEPHANE LE FOLL
Alors là, je ne peux pas vous dire. Moi, je suis ministre depuis que j'ai été nommé ministre, et je le serai jusqu'à tant qu'on me donnera la confiance nécessaire pour poursuivre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous pensez que la motion de censure sera rejetée ou…
STEPHANE LE FOLL
Je pense que la motion de censure sera rejetée.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous serez ministre.
STEPHANE LE FOLL
Donc, je serai ministre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
A moins qu'il y ait un nouveau gouvernement, non ?
STEPHANE LE FOLL
A moins qu'il y ait des choses qui se passent, mais je ne peux pas vous indiquer quoi que ce soit sur ce sujet, la motion de censure ne sera pas votée.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui. Donc il n'y a pas de majorité alternative selon vous aujourd'hui ?
STEPHANE LE FOLL
Il n'y a pas de majorité alternative.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce le Premier ministre qui a demandé le 49-3 ou le président de la République qui le lui a suggéré, imposé, conseillé, recommandé ?
STEPHANE LE FOLL
Je ne peux pas vous répondre, la seule chose que je peux vous dire, c'est qu'à 14h, j'ai reçu un message qui me demandait d'être à 14h30 à l'Elysée. Et j'ai bien compris qu'à partir de ce moment-là, il devait y avoir quelque chose qui tournait autour du 49-3.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous ne savez pas qui l'a demandé ?
STEPHANE LE FOLL
Je ne sais pas qui l'a demandé.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et quand on est porte-parole du gouvernement, on ne sait pas ?
STEPHANE LE FOLL
Oh, sur ce genre de sujet, moi, je m'en tiens au résultat, il y a eu un 49-3 demandé par le Premier ministre, qui a été demandé en plein Conseil des ministres, à 14h30.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et justement, est-ce que ce n'est pas un signe de faiblesse et de peur, ça ?
STEPHANE LE FOLL
Non, c'est un signe très clair qui est envoyé aux Français. Il y a une loi sur des sujets importants pour de l'emploi, de l'activité…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce n'est pas des grands mots, ce n'est pas pour des grands mots pour dire que vous avez cédé à quelques frondeurs ; on entendait tout à l'heure, à 07h15, Christian PAUL, un des récalcitrants, avec Thomas SOTTO…
STEPHANE LE FOLL
Au contraire, au contraire, qui a dit d'ailleurs qu'il allait voter contre la motion de censure, Christian PAUL.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, il a dit qu'il allait voter contre la motion. Mais…
STEPHANE LE FOLL
Bon, donc c'est très clair…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ils ne sont pas tous nombreux comme ça. On a l'impression qu'ils veulent plus d'honneur, plus de titres, le gîte, le couvert, que le socialisme hôtelier est en train de revenir !
STEPHANE LE FOLL
Oui, justement, voilà, eh bien, nous, on veut plus d'emplois pour les Français. Ce débat sur la loi sur l'attractivité, l'activité, l'emploi avait un objectif : mettre des conditions, mais ouvrir des possibilités pour créer de l'emploi pour les jeunes. Donc c'était ça l'enjeu. La conviction, elle est profonde. Certains ont fait des jeux de posture, que ça soit la droite, que ça soit les frondeurs, posture à la veille d'un congrès, l'ambition doit rester celle de la France et des Français…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, mais ce n'est pas à nous qu'il faut le dire, pardon…
STEPHANE LE FOLL
Eh bien, je vous le dis, mais ce n'est pas à vous…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Entre nous, entre nous, ce n'est pas nous…
STEPHANE LE FOLL
Je vous le dis ! C'est aux Français que je le dis !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dites-le… non, non, mais, les Français, ils le savent…
STEPHANE LE FOLL
Tranquillement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les Français veulent qu'il y ait des réformes…
STEPHANE LE FOLL
Absolument.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que vous pouvez les faire avec une majorité qui est rétive, et même boiteuse ?
STEPHANE LE FOLL
Mais avec une majorité, nous continuerons à faire des réformes, je rappelle…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quelle majorité ?
STEPHANE LE FOLL
Mais quelle majorité, ce n'est pas parce que sur ce sujet, il y a des députés appelés – allez entre guillemets – frondeurs qui ont été jusqu'à voter contre, qu'on n'a pas de majorité, il y a une majorité. Et on en tirera ensemble toutes les conclusions. Chacun doit être mis devant ses responsabilités maintenant…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
… Tout près, là, l'un de l'autre…
STEPHANE LE FOLL
Oui, tout près l'un de l'autre, allez-y Jean-Pierre ELKABBACH…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
… Dans ce studio, on est encore plus près de l'interlocuteur. On est près. Comment vous pouvez réformer, là, vous utilisez le 49-3, vous l'utilisez une fois pour des questions budgétaires, vous ne pourrez pas l'utiliser à nouveau, dans ces conditions, comment vous faites pour faire passer des réformes, si la loi Macron, dont on nous a dit qu'elle n'était pas la loi du siècle, on ne peut pas la faire avancer avec une simple majorité, comment…
STEPHANE LE FOLL
Elle a suscité pour certains…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le 49-3, vous n'en avez pas plein dans les poches comme ça, la Constitution ne le permet pas…
STEPHANE LE FOLL
Non, mais bien sûr, il n'est pas question d'en avoir plein dans les poches, il est question de marquer quand c'est nécessaire l'engagement qui est celui du gouvernement, pour les Français et pour la France, et de le dire de la manière la plus claire. Aucun risque ne pouvait être pris. Mais je rappelle que jusqu'ici, il n'y a jamais eu de recours au 49-3, qu'on a toujours été capable de faire passer les lois et les projets de loi de Finances en particulier, alors qu'on nous annonçait à chaque fois des risques très importants. Donc on continuera…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça ne s'est pas fait avant, mais on peut dire que… non, mais pardon, mais que peut-être, ça va se faire…
STEPHANE LE FOLL
Oui, vous avez raison. Parce qu'il y avait des sujets sur la loi Macron qui posaient un certain nombre de problèmes liés en particulier à la dérogation au travail du dimanche qu'on a étendue, et vous savez que ce débat, il date depuis très longtemps, pour certains députés, c'était un problème qui était posé, mais ce problème traité, réglé, ne se répètera pas à chaque débat, on n'est pas toujours sur la dérogation sur le repos dominical…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce n'est pas ce que disent les soi-disant frondeurs fossoyeurs du Parti socialiste…
STEPHANE LE FOLL
Mais les soi-disant députés qui ont été jusqu'à voter contre, eh bien, ils auront à se rappeler une chose, ils ont été élus lors d'une présidentielle, qui avait été précédée d'une primaire qui avait mobilisé trois millions de personnes, rien n'a été caché, en particulier sur ce qu'on appelle la réduction des déficits budgétaires…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, qu'est-ce qui va leur arriver, par exemple à Christian PAUL ?
STEPHANE LE FOLL
Eh bien, il y aura des décisions qui seront à prendre, au niveau du Parti socialiste, le premier secrétaire en parlera quand il le souhaitera…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Benoît HAMON, Christian PAUL, il y a toute une liste…
STEPHANE LE FOLL
Il y aura à rappeler simplement à tout le monde que, on a eu une présidentielle, que derrière, il y a eu des législatives, qui ont fait élire des députés, et qu'il y a un minimum de solidarité et de responsabilité à avoir. Sur cette question, on a utilisé le 49-3…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, non, mais d'accord, ça, c'est de la théorie…
STEPHANE LE FOLL
C'est de la théorie…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ils vous ont répondu et ils vous répondent en disant qu'ils vont revoter la censure ou qu'ils ne voteront pas la censure…
STEPHANE LE FOLL
Eh bien alors attention, celui qui voterait la censure, mais il n'a plus sa place au Parti socialiste, parce que voter avec l'UMP, alors là, pour des gens qui se disent de gauche, c'est quand même un problème majeur !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est un crime de voter avec l'UMP ?
STEPHANE LE FOLL
Mais attendez, ce n'est pas un crime, non, si l'UMP d'ailleurs…
JEAN-PIERRE ELKABBAC
Vous allez avoir le Front de gauche qui va voter contre vous, que vous avez fait élire, est-ce que d'une façon générale, vous n'êtes pas trop sympa avec des gens ingrats, y compris le Front de gauche, etc. ?
STEPHANE LE FOLL
Mais chacun va être appelé à la responsabilité…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous les faites élire, vous leur donnez des sièges...
STEPHANE LE FOLL
On va être devant maintenant cette responsabilité, c'est devant les Français, d'abord, parce que nous, on pense aux Français et à la France, et à l'emploi et au redressement d'un pays qu'on a trouvé dans une situation délicate. Donc je vous répète : chacun sera appelé à la responsabilité. Chacun aura à se rappeler qu'il a été élu dans le cadre d'une majorité après une présidentielle…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Sinon, s'ils ne comprennent pas comme aujourd'hui, qu'ils vous donnent cette image de division dans le pays ?
STEPHANE LE FOLL
Il faudra qu'ils s'expliquent en particulier avec des éléments qu'on va débattre dans le cadre du congrès, comment ils peuvent être toujours au Parti socialiste, pour ceux qui, éventuellement, imagineraient pouvoir censurer le gouvernement, et à ce moment-là, toutes les conséquences en seront tirées, mais je ne crois pas qu'on soit dans cette situation, c'est pour ça que je vous ai dit que cette motion de censure ne sera pas votée…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire, ils n'auront pas la responsabilité et le courage d'aller jusqu'au bout de leur démarche ? Est-ce que vous ne leur dites pas, pour montrer qu'ils ont du panache, 1°) : sortez du PS, ou 2°) : démissionnez par exemple tous en bloc, et représentez-vous avec votre propre étiquette…
STEPHANE LE FOLL
Non, mais chacun doit bien avoir conscience, il y a d'autres élections qui arrivent, que l'étiquette du Parti socialiste, on ne peut pas la prendre quand ça arrange, et la contester quand on a envie d'exprimer, et je le dis, le débat a duré, je ne sais plus combien d'heures, 130, 150 heures, il y a eu 1.000 amendements qui ont été retenus, et dans ces amendements, il y avait des amendements qui avaient été déposés par des députés du Parti socialiste, dans un débat qui a été ouvert, long, chaque amendement a fait l'objet d'une réponse du ministre. Donc on ne peut pas considérer qu'il y a eu, là, une volonté de ne pas débattre ; il y a eu un grand et bon débat…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous dites : s'ils ne sont pas contents, vous leur dites – chiche – si vous n'êtes pas contents, prenez une autre étiquette ?
STEPHANE LE FOLL
Ce n'est pas que je dis : chiche, je ne suis pas là pour faire…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pour les départementales, allez !
STEPHANE LE FOLL
Moi, je dis simplement aux Français, la détermination du gouvernement reste la même : réformer et faire en sorte qu'on crée de l'emploi dans la justice.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord, il faut le pouvoir. Alors, vous inaugurez samedi…
STEPHANE LE FOLL
Oui, mais il faut le pouvoir, je vous le rappelle…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Avec le président de la République, ça, c'est votre autre casquette, le Salon de l'agriculture. Ces derniers mois n'ont pas été tellement favorables à l'agriculture. Toutes les filières ont souffert, sauf le lait et le vin, d'après tout ce que j'entends et je lis. Les agriculteurs ont intérêt à innover, et ce matin, le Conseil des ministres va faire des propositions, que vous avez préparées hier soir avec Manuel VALLS, différents ministres, je vais très vite : la FNSEA, sur les relations avec la grande distribution, qu'est-ce que vous faites ?
STEPHANE LE FOLL
On a mis en place un dialogue qui est constant, on a eu une réunion avec Emmanuel MACRON il y a une semaine, et donc on continue à exercer dans le cadre qui est celui de la loi une pression, pour que la grande distribution prenne bien en compte le fait qu'on ne peut pas accepter une déflation sur…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La pénibilité dans les organisations agricoles ?
STEPHANE LE FOLL
Discussion a été ouverte, rendez-vous a été pris, hier, et il y a deux mois avec le ministre du Travail, pour faire en sorte que cette partie concernant la pénibilité soit faite de telle manière que les entreprises agricoles puissent assumer sans difficulté.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les retenues d'eau pour mieux irriguer et éviter les violences avec les Adis, comme à Sivens ?
STEPHANE LE FOLL
Là, on est sur une ligne très claire de pouvoir retenir de l'eau qui tombe en hiver, pour éviter d'avoir une pression sur les eaux en étiage, on est sur la ligne qui a été définie par un rapport qui avait été présenté par Philippe MARTIN.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On n'oublie pas le réchauffement climatique en plus…
STEPHANE LE FOLL
On fera un premier colloque très important vendredi, Laurent FABIUS et le président de la République, sur la contribution de la forêt et de l'agriculture à la lutte contre le réchauffement climatique…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
… Dernière question, je reviens au porte-parole du gouvernement, la cour d'appel a annulé l'arbitrage entre Bernard TAPIE et le CREDIT LYONNAIS, vieille affaire, il y aura une nouvelle procédure. Bernard TAPIE a toujours prévenu qu'une autre solution pourrait lui être encore plus bénéficiaire, qu'il pourrait avoir plus de milliards.
STEPHANE LE FOLL
Moi, je ne ferai pas de commentaire sur la décision qui a été prise, la seule chose dont je me souviens, c'est quand l'arbitrage avait été donné, c'est vrai que 400 millions d'euros…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, mais si c'est plusieurs milliards, vous serez encore plus coincé…
STEPHANE LE FOLL
Je n'en sais rien, je ne peux pas vous dire. Je n'ai pas regardé ce sujet ni ce dossier avec suffisamment d'acuité, moi, j'en reste-là, à la décision…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Regardez-le, les experts d'Europe 1 vont vous filer le dossier…
STEPHANE LE FOLL
Eh bien, ils pourront le faire, moi, je ne constate qu'une chose…
THOMAS SOTTO
Pardon, mais est-ce que l'Etat va demander le remboursement de ces 403 millions, parce que…
STEPHANE LE FOLL
Eh bien écoutez, il y a eu une décision de justice, maintenant, chacun en tirera des conclusions, j'imagine que monsieur SAPIN…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
L'avocat dit : il ne rendra pas l'argent.
STEPHANE LE FOLL
Bon, eh bien écoutez, on verra, mais en tout cas, la décision de justice hier a été claire, elle a annulé ce qui avait été décidé avec Nicolas SARKOZY…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y aura une autre procédure, c'est tout, il y aura une autre procédure…
THOMAS SOTTO
Merci Stéphane Le FOLL d'être venu ce matin sur Europe 1.
source : Service d'information du Gouvernement, le 24 février 2015