Texte intégral
NICOLAS TEILLARD
Ministre de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt, votre invité Jean-François ACHILLI est aussi porte-parole du gouvernement.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Bonjour Stéphane LE FOLL.
STEPHANE LE FOLL
Bonjour.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors vous êtes en direct des studios de nos amis de France Bleu Maine, ça va, vous ne vous sentez pas trop seul ?
STEPHANE LE FOLL
Je suis dans un bureau seul, mais je ne me sens pas trop seul quand même.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous étiez en meeting hier soir au Mans pour les Elections Départementales, ça y est la campagne est partie Stéphane LE FOLL...
STEPHANE LE FOLL
Oui !
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Après le pataquès autour de la loi Macron, est-ce que vous redoutez une sorte de grande raclée à gauche, une défaite majeure, ou pas ?
STEPHANE LE FOLL
Moi je n'ai pas à redouter, j'ai à agir pour faire en sorte qu'on se mobilise - et c'est ce qu'on a fait hier dans la Sarthe, il y avait plus de 200 personnes - on a rassemblé des radicaux, les radicaux, parce que le Parti radical est avec nous, des communistes, des écologistes et il y avait une vraie volonté de lancer cette campagne avec l'idée du rassemblement. D'autres ont fait d'autres choix, le Parti communiste...
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous pensez à qui ?
STEPHANE LE FOLL
Les verts en particulier ont fait le choix de s'allier pour avoir des candidats alors que le Front national sera partout présent pour la première fois dans ce département. Donc voilà, donc rassembler...
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Oui ! Vous voulez dire que vous avez...
STEPHANE LE FOLL
Et je veux dire à mes amis de gauche...
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous voulez dire à vos partenaires de gauche qu'ils auraient mieux fait d'être avec vous, c'est ça ?
STEPHANE LE FOLL
C'est ça ! Et on l'avait proposé, ils ne l'ont pas accepté, ils n'ont pas voulu, je le regrette profondément. Mais nous, hier soir, on s'est engagés dans cette bataille départementale avec la volonté de porter un projet, d'être rassemblés, d'être dynamiques, d'avoir l'énergie - comme c'est le slogan - l'énergie solidaire et, je le dis, c'est une énergie durable.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Est-ce que vous craignez un raz de marée Front national ?
STEPHANE LE FOLL
Je pense que le Front national très haut, j'en suis convaincu, on le sent, on le sait et puis aujourd'hui - je le dis - dans un département comme celui de la Sarthe, pour la première fois je crois partout dans tous les cantons il y aura des candidats du Front national.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Stéphane LE FOLL est-ce que vous en voulez aux frondeurs d'avoir obligé le Premier ministre Manuel VALLS d'utiliser le 49.3 pour la loi Macron, qu'est-ce que vous leur dites ce matin à vos amis du Parti socialiste qui vous ont tourné le dos ?
STEPHANE LE FOLL
Moi je leur dis que dans ce débat, comme dans d'autres d'ailleurs, il y a une expression nécessaire d'opinion et le Parti socialiste on ne peut pas dire qu'il n'y ait pas l'expression d'opinion - depuis longtemps d'ailleurs - mais il y a un moment où chaque palier qui a été franchi par le Parti socialiste dans des grands débats qui ont été tranchés, je pense en particulier lors de la primaire pour la Présidentielle sur la question de la réduction du déficit budgétaire, tout cela ça été discuté et tranché, on ne peut pas tout le temps revenir sur des choix qui ont été faits, arbitrés et qu'il faut être solidaire je veux dire, je pense que c'est ça, solidaire. En même temps il y a des divergences ! Et ce qui a été le facteur le plus déstabilisant sur cette loi croissance, activité et emploi, dite loi Macron, c'est le fait que des députés socialistes, alors que certains - et on avait l'habitude - s'abstenaient ont été jusqu'à voter « contre », là il y a un problème, on va au-delà de ce qui est l'expression normale d'un débat de choix, de discussion, on est bien au-delà.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Est-ce que ce n'est pas un peu suicidaire de la part de certains de préparer le congrès du Parti socialiste avant les Elections Départementales et entamer un débat parlementaire ?
STEPHANE LE FOLL
Mais c'est là, non, c'est là...
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Parce que c'est ça l'histoire, non ?
STEPHANE LE FOLL
Oui ! Je pense que ce n'est pas suicidaire, c'est qu'il y a quelque part quelque chose qui relève de l'absence de responsabilité, le sens de la responsabilité, on n'est pas justement - quand on est à l'Assemblée nationale sur une loi qui concerne les Français - devant les militants socialistes, on est devant les Français, c'est ça, et quand on est au gouvernement c'est devant la France, devant les Français qu'on est jugés et qu'on sera jugés, et c'est quelque chose qu'il faut rappeler toujours.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Stéphane LE FOLL, on va parler du Salon de l'agriculture. Juste une petite question au passage, à propos de la loi Macron, est-ce que vous allez tenir compte du référendum local organisé à Nice par son député-maire Christian ESTROSI, vous savez ce « non » à 97,5 % à la privatisation de l'aéroport qui est prévue dans le cadre de la loi, est-ce que vous allez tenir compte de cette votation ?
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Mais sur ce sujet, sur cette question-là, les aéroports, d'ouverture possible de capital, ça ne change pas au bout la maîtrise de l'outil public qui est celui d'un aéroport, c'est permettre à des investisseurs de financer et d'investir pour développer. Je suis très surpris que monsieur ESTROSI, qui est pourtant dans cette droite, de ceux qui parlent le plus souvent de développement, d'économie, de libéralisme - avec ces propos de cette droite je le disais forte et dure - et qui, aujourd'hui, utilise un référendum. Alors je ne sais pas combien de personnes sont venues, je n'ai pas regardé ça de...
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
36.000 sur 216.000 ! Voilà.
STEPHANE LE FOLL
Bon ! Voilà. Mais il n'y a pas de privatisation, ce n'est pas comme si on disait : « cet aéroport, de manière définitive, le pouvoir va être donné à d'autres », non, le capital est ouvert, des investisseurs peuvent venir, mais enfin les aéroports resteront malgré tout avec un capital public et une capacité de pouvoir décider.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Alors vous vous apprêtez à inaugurer le Salon de l'agriculture aux côtés du chef de l'Etat, c'est demain. Ca ne s'est pas arrangé depuis l'an passé, Stéphane LE FOLL : trop de production, des prix en baisse, il y a eu l'embargo russe, est-ce que- vous avez lâché du lest avec les exploitants, vous avez reçu la FNSEA - c'était mardi je crois - c'était pourquoi ? Pour épargner les sifflets sur le passage du président dans les travées...
STEPHANE LE FOLL
Oh ! Vous savez je ne crois pas que le fait de discuter et de prendre en compte des situations qui ne sont pas faciles dans beaucoup de filières aujourd'hui agricoles, il y a des difficultés - la dernière en date c'est par exemple la filière porcine qui connait de réelles difficultés - j'ai rencontré aussi les présidents des filières fruits et légumes qui ont connu cet été des difficultés, il faut qu'on soit capables d'anticiper cette nouvelle saison en évitant ce qu'on a connu l'an dernier, mais c'est vrai qu'il y a eu une conjonction de plusieurs facteurs, à la fois une production mondiale en particulier pour les céréales en 2014 qui a été extrêmement importante, une demande qui, compte tenu de la croissance n'est pas en croissance forte et, donc, une baisse des prix assez généralisée à laquelle s'est ajouté - vous avez parfaitement raison de le dire - un embargo russe qui n'est pas lié aux questions agricoles, ni à la décision du ministre, qui est lié à un contexte diplomatique...
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Oui ! Géopolitique, quoi, oui.
STEPHANE LE FOLL
Géopolitique ! Qui, voilà, a des conséquences après sur l'agriculture, et tout ça s'ajoute ; Et c'est vrai que sur les prix, sur les prix, il y a de vrais... Il faut être mobilisés, vigilants, on a mobilisé la grande distribution, on va continuer à le faire, on essaie d'utiliser tous les outils qui sont à notre disposition pour faire avancer les choses et permettre à ceux qui ont de grosses difficultés aujourd'hui de passer ce cap pour pouvoir poursuivre.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Expliquez-nous ! On nous dit trop de production et pourtant vous autorisez l'extension de l'élevage de poulets, enfin de volailles, on passe à une dimension supérieure, à quoi ça sert de produire pour nous dire qu'on...
STEPHANE LE FOLL
On ne passe pas une dimension supérieure ! On dit simplement que pour créer un atelier de volailles, avant, c'est ce qu'on appelle les établissements classés, il y avait des règles qui imposent des études d'impact en fonction de la taille, donc on a fait en sorte qu'en fonction de cette taille on se rapproche des standards européens, on se met et on se cale sur le standard européen, c'est-à-dire sur les règles européennes, pas plus, pas moins.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Donc vous n'allez pas produire plus de poulets, c'est ça, c'est que vous...
STEPHANE LE FOLL
Mais la question qui est posée c'est que depuis, allez 10 - 15 ans, la France, qui était autosuffisante en volailles, aujourd'hui 40 % du poulet - et je veux bien dire standard, c'est-à-dire du poulet le moins cher, pas le label rouge, ici je suis dans la Sarthe, je sais de quoi je parle avec le poulet de Loué - mais le poulet standard...
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Est importé !
STEPHANE LE FOLL
Eh bien 40 % est importé aujourd'hui. Bon ! Alors après, c'est ce que j'ai dit dans une interview avant le Salon, on peut se contenter de dire : « ce n'est pas grave » mais moi je pense, au nom d'ailleurs de ce qui est la souveraineté alimentaire qui revendique beaucoup - on doit justement se mettre en capacité d'au moins...
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ca, on l'a bien compris.
STEPHANE LE FOLL
Aller reconquérir ce marché national.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Mais vous avez énervé les écologistes, en disant : « on ne peut pas se passer de l'élevage industriel »...
STEPHANE LE FOLL
Oui !
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et la FNSEA a obtenu, au passage, des allégements des contrôles environnementaux, on a l'impression que vous leur donner des facilités ?
STEPHANE LE FOLL
Ce n'est pas des allégements ! Non, non, non. On ne remet pas en cause...
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
C'est quoi, c'est des permis de polluer - pardon pour la question qui est un peu...
STEPHANE LE FOLL
Oui ! Bien sûr, oui allons-y.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Qui est un peu sauvage, mais...
STEPHANE LE FOLL
Oui ! Elle est sauvage, mais justement son côté sauvage va permettre d'être clair. Jamais on ne va remettre en cause les objectifs et les impacts environnementaux, il y a des règles européennes, elles doivent être respectées - et des règles nationales - ce n'est pas le sujet, mais par exemple sur la mise en place d'un projet en France pourquoi il faut trois ans en France et six mois en Allemagne ? C'est ça la question ! Pourquoi on prend trois ans si c'est pour, au bout du compte, dire « oui » au projet alors qu'on pourrait le faire en six mois ? Eh bien tout l'enjeu c'est de faire en sorte que, si ce projet répond aux normes environnementales, aux règles environnementales, ce n'est pas la peine d'attendre trois ans pour qu'il se mette en œuvre, on peut le faire et l'autoriser en six mois. C'est ça l'objectif ! Et ce n'est pas de remettre en cause. Et rajoute un point, jamais un pays, jamais un pays, n'a eu un projet aussi global que celui qu'on a adopté à l'Assemblée nationale à une large majorité : écologistes, communistes, socialistes, radicaux et centristes, sur l'agro-écologie.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et toutes ces questions...
STEPHANE LE FOLL
Sur l'agro-écologie, c'est le premier pays.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Seront au cœur de ce forum qui démarre aujourd'hui, un forum international de l'agriculture...
STEPHANE LE FOLL
Qui démarre aujourd'hui, oui, sur la lutte contre le réchauffement climatique.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et le changement climatique. Merci Stéphane LE FOLL...
STEPHANE LE FOLL
Merci à vous !
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Restez !
NICOLAS TEILLARD
Vous ne bougez pas, Stéphane LE FOLL...
STEPHANE LE FOLL
Je ne bouge pas !
NICOLAS TEILLARD
On est obligés de vous laisser seul encore deux petites minutes.
STEPHANE LE FOLL
Oh ! Je ne bouge pas, je suis tout seul dans mon bureau mais je ne bouge pas.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 février 2015