Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, au "site internet du ministère de l'agriculture" le 20 février 2015, sur les grands chantiers de l'année 2015 en matière de politique agricole.

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- La loi d'avenir a permis la mise en œuvre concrète de l'agro-écologie dans l'objectif d'une performance à la fois économique, environnementale et sociale de nos exploitations agricoles. Le travail est il terminé ?
Stéphane Le Foll : Non, nous avons, si je devais prendre une métaphore agricole, préparé le sol et commencé à semer ! Une grande partie du travail a été faite pour mettre en place des outils qui permettront, demain, de faire changer nos modèles agricoles. Aujourd'hui, nous disposons d'une PAC réformée plus juste et plus verte avec un cadre budgétaire qui donne une visibilité et une stabilité, elle entre en application en 2015. Nous disposons aussi d'une loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt depuis le 13 octobre dernier. Elle nous dote à partir de 2015 de tous les outils nationaux nécessaires au développement de l'agro-écologie. Les GIEE (Groupements d'intérêt économique et environnemental) seront une réalité sur nos territoires d'ici fin mars avec des mécanismes d'aides qui encourageront le changement de pratiques pour atteindre la performance économique, environnementale et sociale. Nous avons donc fait un formidable chemin. Nous n'en sommes plus à nous féliciter des résultats de ceux qui étaient les « pionniers » de l'agro-écologie, nous sommes en train de construire les voies d'une généralisation de ces pratiques et de préparer son déploiement et son appropriation par chacun. Je veux redire ici le rôle de la formation qui est essentiel et là aussi les fondements sont posés avec depuis la rentrée des jeunes qui sont formés à l'agro-écologie. C'est pour toutes ces raisons que j'ai fait de l'année 2015 l'an 1 de l'agro-écologie, c'est l'an 1 de la généralisation.
- Quels objectifs souhaitez-vous atteindre ?
S.L.F : Le premier objectif qui n'est pas quantifiable et que je me suis fixé depuis le début c'est de convaincre que l'agro-écologie n'est pas une pratique agricole de " niche" mais bien une formidable opportunité de « produire autrement » et de faire de l'environnement un facteur de la compétitivité de nos exploitations. J'ai néanmoins fixé le cap de voir la moitié des exploitations engagées dans l'agro-écologie en 2025. Je sais aujourd'hui que c'est atteignable grâce à la mobilisation de tous les acteurs (agriculteurs, chambres d'agriculture, coopératives, instituts techniques, lycées agricoles..) qui ont fait de l'agro-écologie leur priorité. Une enquête récente réalisée par BVA montre également que dès aujourd'hui près de 50% des agriculteurs sont déjà engagés dans des pratiques relevant de l'agro-écologie.
- Et que devient le plan Ecophyto dans tout cela ?
S.L.F : Ce plan engagé en 2008 après le Grenelle de l'environnement connaît aujourd'hui un bilan contrasté : si l'utilisation de produits phytosanitaires ne s'est pas réduite comme il le prévoyait, il a néanmoins permis la mise en place d'un réseau de fermes pilotes (dit réseau « Dephy ») dont les résultats sont encourageants. En effet, on constate qu'elles ont réussi à réduire leur recours aux produits phytosanitaires tout en conservant de très bons rendements. Par exemple, le nombre de traitements moyen depuis l'entrée des fermes dans le réseau a diminué en 2013 de 12% pour les grandes cultures et la polyculture-élevage et de 11% pour l'arboriculture. C'est donc possible ! Nous avons décidé avec le Premier Ministre de donner une nouvelle impulsion à ce plan sur la base du rapport du député Dominique Potier en fixant un objectif ambitieux de -25% en 2020 et -50% en 2025. Parmi les priorités pour 2015-2020 figurent : accroître le nombre de fermes pilotes pour capitaliser l'expérience et favoriser la diffusion des bonnes pratiques, soutenir les alternatives aux phytos notamment par l'agroéquipement de pointe ou les techniques de biocontrôle. Mais nous devons aussi mobiliser les distributeurs de produits phytosanitaires pour accélérer le changement de pratiques au travers d'un certificat d'économie de produits phyto sanitaires à l'instar du certificat d'économie d'énergie. Au-delà de l'objectif de réduction quantitatif le nouveau plan doit aussi permettre de réduire qualitativement l'impact de ces produits sur la santé des utilisateurs, sur l'environnement mais aussi plus globalement sur les résidus qui pourraient se retrouver dans l'alimentation. Ces objectifs de réduction sont donc une nécessité pour les agriculteurs autant qu'une demande de la société qui nous attend sur ces questions.
- Justement, sur l'alimentation quelles sont vos autres priorités ?
S.L.F : Il ne faut jamais oublier que la finalité première de notre agriculture est avant tout de nourrir les hommes. J'ai décidé de rénover la politique publique de l'Alimentation au travers d'un second programme national pour l'alimentation. Dans ce domaine comme dans d'autres il faut se fixer des priorités, s'y tenir et mettre le paquet pour avoir des résultats. J'ai souhaité que la politique de l'alimentation se concentre autour de 4 axes structurants : la justice sociale, l'éducation alimentaire de la jeunesse, la lutte contre le gaspillage alimentaire et le renforcement de l'ancrage territorial des actions menées. Nous avons de formidables produits et des filières de grande qualité c'est pourquoi j'attache beaucoup de prix à ce que nous puissions encourager un approvisionnement local et de qualité dans la restauration collective. Je suis en tant que Ministre très fier de cette richesse et je me battrai toujours pour que nos produits soient valorisés au mieux. J'ai notamment demandé à ce que soit édité un guide à destination des élus locaux et des professionnels pour favoriser une restauration collective de proximité et de qualité, respectueuse des obligations légales. Il a été diffusé fin novembre. Le « produit en France » c'est à la fois une fierté pour nos agriculteurs et une garantie pour les consommateurs de produits de qualité et avec un niveau de performance environnementale, sanitaire et social que l'on nous envie à l'étranger !
- La France participera à l'exposition universelle de Milan, qu'attendez-vous de sa participation ?
S.L.F : Après Shanghai en effet, la France aura son pavillon à l'exposition universelle de Milan où 25 millions de visiteurs sont attendus à partir du 1er mai. Pays de la culture et de la gastronomie, la France a toute sa place dans ce qui doit être la vitrine de ce que nous pouvons offrir de meilleur au monde : c'est la diversité, la convivialité chère à Rabelais, l'éducation au goût dès le plus jeune âge. N'oublions pas que le thème retenu pour cette exposition est « Nourrir la planète, énergie pour la vie ». Cela nous ramène à notre responsabilité de permettre aux plus démunis, quel que soit l'endroit où ils vivent sur la planète, d'avoir accès à une alimentation en quantité et en qualité suffisante. Des solidarités doivent s'exercer, quand la France dispense son savoir, elle pense aux millions de femmes et d'hommes qui souffrent encore de la faim, et participe au développement durable. C'est aussi une manière de lutter contre le gaspillage alimentaire, auquel les sociétés modernes doivent s'attaquer en priorité si elles veulent réduire la faim dans le monde et préserver toutes nos ressources naturelles à commencer par l'eau et la qualité des sols. Ce pavillon construit en bois du Jura et offre le plus beau des écrins à la présence de la France sera aussi une formidable vitrine pour la filière bois française. Je veux aussi ajouter que l'acte de produire ne peut s'envisager sans un impératif de protection de notre planète qui est notre bien commun et pour ce faire, l'agro-écologie est une des réponses. Ce pavillon préfigure à ce titre ce qui devra être le rayonnement et l'autorité de la France lors de la conférence Internationale sur le climat (Paris 2015 COP 21) qui se tiendra à Paris à la fin de cette année. On peut toujours penser que ce qui compte avant tout c'est la rentabilité de nos systèmes de production auxquels il faudrait tout sacrifier. Mais c'est une idée fausse contre laquelle nous devons résolument nous battre : si on préserve pas les ressources naturelles sur lesquelles la production agricole s'appuie, alors il n'y aura plus de production agricole ! Lutter contre le réchauffement climatique, c'est avant tout sauver et protéger notre modèle agricole, car ces changements parfois brutaux, n'épargneront pas notre agriculture et nous devons nous y préparer !
source http://www.agriculture.gouv.fr, le 20 février 2015