Interview de M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, à I-Télé le 2 mars 2015, sur la généralisation du tiers payant prévue dans le projet de loi de santé et la campagne pour les élections départementales.

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Média : Itélé

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT
Jean-Marie LE GUEN, le secrétaire d'Etat chargé des Relations avec le Parlement est l'invité d'I Télé ce matin. Bonjour.
JEAN-MARIE LE GUEN
Bonjour Bruce TOUSSAINT.
BRUCE TOUSSAINT
Merci d'être avec nous. Le gouvernement va-t-il reculer sur le tiers payant, comme l'affirme Les Echos, ce matin ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, vous le savez, Marisol TOURAINE a engagé des discussions, il y avait des incompréhensions, donc il est bien logique que l'on essaie de préciser les intentions du gouvernement, ça ne veut pas dire qu'on doit considérer que les uns reculent, les autres avancent, tout ça fait partie de la discussion et de la négociation, comme c'est tout à fait normal.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, c'est vous qui êtes quand même au coeur de ce sujet, parce que ça arrive en commission le 17 mars, donc là vous allez faire le job de liaison entre le Parlement et le gouvernement, avant cela il y aura une manifestation des médecins, des chefs de clinique et des internes, ils ne sont pas contents. En gros, le tiers payant, ce qu'ils disent, c'est qu'il va y avoir un problème entre le moment où le patient va venir chez le médecin faire sa consultation, et le moment où le paiement va avoir lieu pour le médecin. C'est un sujet quand même.
JEAN-MARIE LE GUEN
Comme vous venez de le décrire, c'est un sujet très technique, qui mérite d'être répondu précisément, je pense que c'est ce que fait Marisol TOURAINE aujourd'hui, c'est de donner toutes les garanties pour que le paiement ait lieu, de toute façon, c'est-à-dire qu'il pourrait aussi y avoir des dates… des doutes, sur est-ce que le patient a une mutuelle ou pas, est-ce que la mutuelle va rembourser ? Bref, il faut lever toutes ces interrogations et à partir de là, avancer. Ce qui est vrai, c'est que dans d'autres pays il n'y a plus ce paiement direct et donc il serait plus simple, plus juste, d'avancer vers ce tiers payant, et chacun sait, les médecins les premiers, savent qu'à terme c'est vers cela que l'on doit aller.
BRUCE TOUSSAINT
Là, il était question de le mettre en vigueur en 2017, c'est moins évident, c'est ça ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, je pense qu'il est tout à fait possible d'avancer, la question c'est de savoir à quel rythme l'on va, est-ce que ça va être une généralisation, est-ce que ça va être une obligation ? Je pense que l'essentiel c'est que tout le monde comprenne qu'il est de l'intérêt de chacun, et des médecins, et des patients, d'aller vers ce système. Une fois que toutes les garanties seront données, je pense qu'il y aura une appréhension, au sens…
BRUCE TOUSSAINT
Un compromis, vous voulez dire ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, une capacité par le corps médical, de comprendre que ça va dans le sens, y compris de la manière dont ils doivent travailler. Maintenant, il ne faut pas, nous avons bien entendu leurs interrogations, il faut y répondre, c'est ce que nous sommes en train de faire et nous allons avancer sur ce terrain-là.
BRUCE TOUSSAINT
Nicolas SARKOZY, dans Le Figaro, ce matin : voter FN c'est voter pour la gauche. D'ailleurs, l'ancien président a trouvé une formule, c'est le : FNPS…
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, c'est la formule de madame LE PEN. Je trouve ça consternant…
BRUCE TOUSSAINT
Ah, madame LE PEN, c'était UMPS.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, mais voilà…
BRUCE TOUSSAINT
Il la reprend...
JEAN-MARIE LE GUEN
Ce sont des jeux politiciens qui ne veulent rien dire à personne, je pense que ce qui est consternant dans cette interview c'est qu'il n'y a pas un mot sur son bilan, pas un mot sur l'état dans lequel il a laissé la France, ce qu'il en pense, pas une proposition nouvelle et une caractérisation du Front national, alors même que le Front national, aujourd'hui, semble-t-il, a quand même un impact assez fort, si on regarde les différents sondages, eh bien pas un combat contre… Il dit simplement aux électeurs FN ou aux Français : ah ben un petit jeu politicien. Il ne comprend pas et il ne s'oppose pas au Front national. Ce qui me choque dans cette affaire et ce qui sera grave à mon avis pour lui, c'est qu'il ne combat pas le Front national sur le terrain des idées, des valeurs et des propositions du programme. Il croit pouvoir s'en sortir par une petite manoeuvre politicienne. Ça ne parle plus à personne ce type de discours.
BRUCE TOUSSAINT
Il reparle de ce qui s'est passé dans le Doubs, où effectivement l'affrontement FN – PS a donné une victoire du Parti socialiste.
JEAN-MARIE LE GUEN
Ce qui s'est passé, c'est que l'UMP a été éliminé. Ce qui s'est passé c'est que Nicolas SARKOZY n'a pas été combattre dans le Doubs, Nicolas SARKOZY est resté, il a préféré jouer une élection locale, il n'a pas voulu s'engager dans cette campagne et son candidat a été battu, alors que le gouvernement, Manuel VALLS, ont été présents, et nous avons gagné au premier tour, et nous avons eu pour être qualifiés, et nous avons battu le candidat du Front national au deuxième tour.
BRUCE TOUSSAINT
Là, aux départementales, c'est quand même mal engagé pour le PS, le sondage Odoxa Le Parisien, ce matin, est terrible, 33 % d'intentions de vote pour le Front national, 27 pour l'UMP et l'UDI, 19 seulement pour le PS. Il y aura encore des départements socialistes, dans trois semaines ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien écoutez, nous sommes en campagne pour le faire. Ce que souligne notamment ce sondage, et ce n'est qu'un sondage, mais prenons-le comme tel, c'est d'une part une vraie poussée du Front national, ce qui est extrêmement préoccupant, pas pour le Parti socialiste, par pour les cantonales, ce qui est préoccupant c'est pour la République, et pour la France, et donc il serait temps que nous, chacun a sa place, la gauche a sa place, la droite à la sienne, combattent ce qui est un vrai danger pour la république et ce qui est aujourd'hui, de mon point de vue, le premier devoir de la gauche, c'est de combattre le Front national. Deuxièmement, ce que ce sondage souligne, c'est la division de la gauche, et qu'à partir du moment où la gauche est divisée, et vous avez raison de constater qu'il y aura beaucoup de cantons où il y aura une division de la gauche, eh bien le risque est que la gauche ne soit pas au deuxième tour, y compris dans des cantons qu'elle devrait remporter. Et là il faut absolument que l'unité se fasse, et si elle ne peut pas se faire dans la diversité, il faut qu'elle se fasse vers le candidat le mieux placé pour l'emporter vis-à-vis de l'extrême droite ou de la droite, c'est-à-dire le candidat socialiste.
BRUCE TOUSSAINT
Le FN a 33 % d'intentions de vote, l'effet Charlie, l'effet 11 janvier, où est-il ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Vous savez, le 11 janvier il y a eu un effet très fort, mais ça n'a pas été 100 % des Français.
BRUCE TOUSSAINT
Il est éphémère alors.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais rappelez-vous madame LE PEN n'était pas dans cette manifestation, et une partie des Français n'y était pas, parce qu'ils n'adhéraient pas aux valeurs du 11 janvier.
BRUCE TOUSSAINT
Donc c'était un leurre.
JEAN-MARIE LE GUEN
Non.
BRUCE TOUSSAINT
Politiquement.
JEAN-MARIE LE GUEN
Il y a une majorité, très large majorité de Français, mobilisés, qui sont sur les valeurs de la République, ce n'est pas le cas du Front national. On ne pourra pas, comme le fait par exemple monsieur SARKOZY, avec sa formule. Qu'est-ce qu'il dit ? FNPS, il veut dire que le FN et le PS c'est la même chose ? Il veut dire qu'on est tous les deux dans le rapport à la République, à la France, aux grandes orientations européennes, c'est la même chose ? C'est ça qu'il veut dire ? Mais qui peut le croire ? A partir de là, il banalise le Front national, donc, le 11 janvier, ce qui s'est passé, c'est que le camp des républicains dans la diversité s'est mobilisé, mais madame LE PEN n'était pas dans ce camp là, voilà ce que disait le 11 janvier. Il n'y avait pas 100 % des Français dans la rue, il y avait 5 millions de Français agissant pour la République, mais il y avait tous ceux qui sont restés chez eux, parce qu'ils ne se sentent pas dans cette République et de ses valeurs.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, vous évoquiez à l'instant la division de la gauche, on va écouter Jean-Vincent PLACE, le président du groupe Europe écologie les Verts au Sénat, qui réclame une grande alliance de la gauche, c'était sur RTL il y a quelques minutes, écoutez.
JEAN-VINCENT PLACE, PRESIDENT DU GROUPE EUROPE ECOLOGIE LES VERTS AU SENAT – DOC RTL
Je souhaiterais qu'il y ait une grande alliance, des femmes et des hommes de bonne volonté, qui iraient, disons, d'un communisme responsable, jusqu'aux centristes, jusqu'aux humanistes, jusqu'aux républicains de progrès, qui, quand on voit les menaces que rencontre notre pays, et la situation que ce pays vit aujourd'hui, eh bien nous avons besoin de tout le monde.
BRUCE TOUSSAINT
S'il y a une division de la gauche dans les cantons, c'est peut être aussi qu'il y a une division de la gauche au plus haut sommet, qu'il n'y a pas de gouvernement de gauche, comme on le disait à l'époque, gauche plurielle.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais je suis le premier à le regretter, et nous le regrettons. Je rappelle que ce sont d'abord les écologistes, madame DUFLOT, qui est sortie du gouvernement, alors même qu'elle avait des propositions très importantes, alors même que nous sommes dans l'année de la transition énergétique, nous sommes dans l'année de la COP21, ce fameux sommet mondial…
BRUCE TOUSSAINT
Donc il faut que les écologistes reviennent au gouvernement ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais je le souhaite, à condition d'abord qu'ils commencent à revenir non pas sur une position j'allais dire un peu gauchiste, qui est leur position, mais une position d'authentiques écologistes, ceux qui se battent sur le climat, et…
BRUCE TOUSSAINT
Il y a les vrais et les faux écolos ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, il y a une ligne juste. Il y a trop d'écologistes dans notre pays, c'est un peu la maladie infantile, il y a trop d'écologistes qui ont une culture plutôt, j'allais dire, de critique gauchiste ou de… Il y en a d'autres qui sont profondément engagés dans le combat pour l'écologie, et c'est ceux-là qui devraient se retrouver.
BRUCE TOUSSAINT
Vous souhaitez leur retour mais quand ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Dès qu'ils auront quelque part un peu mûri leur décision. Quand Jean-Vincent PLACE parle là, il ne parle pas, malheureusement, au nom de son parti, il parle pour lui. Il parle pour un certain nombre de parlementaires qui sont d'accord avec lui mais il faut qu'il y ait une clarification qui se fasse.
BRUCE TOUSSAINT
Un remaniement serait donc souhaitable pour faire rentrer justement d'autres sensibilités. Je ne vous demande pas quand c'est, mais d'une façon générale.
JEAN-MARIE LE GUEN
Ce que vous dites, et je le partage, c'est le rassemblement de toute la gauche, bien sûr. C'est une idée juste à condition qu'elle se fasse sur des idées qui sont celles de la majorité de la gauche et qui soient compatibles.
BRUCE TOUSSAINT
Juste après les départementales ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je n'ai pas de…
BRUCE TOUSSAINT
Ecoutez, si.
JEAN-MARIE LE GUEN
Je pense que le travail qui doit être fait, c'est d'abord un travail de clarification chez nos amis écologistes et sans doute d'autres à gauche. Est-ce qu'ils sont prêts à assumer une gauche de gouvernement ? une gauche de responsabilités ? une gauche républicaine, dans un moment où n'oublions pas qu'il y a quelques instants, nous parlions de la poussée du Front national et du sectarisme de monsieur SARKOZY ?
BRUCE TOUSSAINT
J'aimerais revenir à l'interview de Nicolas SARKOZY dans Le Figaro et sur ses propositions économiques cette fois.
JEAN-MARIE LE GUEN
Vous en avez trouvé ?
BRUCE TOUSSAINT
Oui, notamment lorsqu'il évoque la retraite à soixante-trois ans.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, c'est un vieux thème qu'il a toujours repris. C'est l'allongement de…
BRUCE TOUSSAINT
C'est ce que font tous les pays européens.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, mais ce que nous avons fait nous, nous avons fait les choses de façon différente. Nous avons d'une part permis aux gens qui ont une carrière longue de partir plus tôt. J'aimerais qu'il s'exprimer sur ce sujet. Deuxièmement, nous avons allongé la durée de cotisation, ce qui est une façon différente, plus pragmatique et plus proche de la réalité sociale d'aboutir à ce qu'il y ait une augmentation évidemment du temps de travailler durant la vie active, puisque l'espérance de vie augmente de façon significative.
BRUCE TOUSSAINT
Il évoque aussi largement les fonctionnaires. Est-ce qu'il y a trop de fonctionnaires en France ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non. On ne peut pas parler des fonctionnaires comme ça. Est-ce qu'il pense qu'il y a trop de policiers ? Apparemment oui, puisque quand il était président de la République, il en a diminué. Est-ce qu'il y a trop de gendarmes ? Est-ce qu'il y a trop de professeurs ? Est-ce qu'il y a trop d'infirmières ? Parlons clairement. Il ne faut pas dire les fonctionnaires, il faut dire ce qu'ils font, il faut dire où. Je pense que nous avons pensé qu'il n'y avait véritablement pas trop de policiers ni de juges, nous pensons que le niveau dans la fonction publique hospitalière, même si les métiers doivent évoluer, est de bon niveau. Nous avons dit qu'il fallait soixante mille postes de plus dans l'éducation et nous voyons tout ce que nous attendons de l'éducation aujourd'hui. Après, il y a sans aucun doute dans la fonction publique des endroits où on peut diminuer le nombre de fonctionnaires, ne serait-ce que par l'évolution des pratiques numériques ou d'autres. Il y a une réflexion menée par Thierry MANDON sur les missions de l'Etat et là, c'est sur le fond qu'il faut s'exprimer, pas sur des nombres abstraits, pas sur des concepts abstraits.
BRUCE TOUSSAINT
Toute dernière question, Jean-Marie LE GUEN. Le monde a été frappé évidemment par l'assassinat de l'opposant russe Boris NEMTSOV. Est-ce que ça change quelque chose ce qu'il s'est passé vendredi soir à Moscou, dans la politique que doit mener la France vis-à-vis de Vladimir POUTINE ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je ne dirais pas qu'on passe d'un moment à un autre mais on est visiblement, et la Russie surtout, est à un moment où elle n'a pas trouvé son point de stabilité. Certains, et apparemment le pouvoir russe, pensent qu'il y a une grande adhésion autour de sa politique mais en même temps, on voit que cette adhésion, si tant est qu'adhésion il y ait, créée des risques de conflit interne à la Russie. .Donc comment le pouvoir russe va-t-il résoudre cette question de voir un homme, un démocrate patenté se promenant au coeur même de Moscou ? Dans quelles conditions va se faire l'enquête ? Qui est derrière cet assassinat ? Ce sont des questions qui sont posées à la Russie et à la nature du pouvoir de la Russie ? Nous le regardons évidemment comme les démocrates de très près parce que nous sommes concernés par la nature du pouvoir russe dans la compréhension que nous avons de l'avenir de l'Europe.
BRUCE TOUSSAINT
Merci Jean-Marie LE GUEN. Merci d'avoir été notre invité ce matin sur i-Télé.
JEAN-MARIE LE GUEN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 mars 2015