Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Il est 8 h 17 sur I TELE, voici donc la suite de cette édition spéciale consacrée au premier tour des élections départementales avec Jean-Marie LE GUEN, secrétaire d'Etat chargé des Relations avec le Parlement. Bonjour…
JEAN-MARIE LE GUEN
Bonjour Bruce TOUSSAINT, bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Merci d'être avec nous pour décrypter, comprendre ce qui s'est passé hier à l'occasion de ce premier tour. Combien de cantons perdus, officiellement, par le gauche ce matin ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Il y a à peu près 524 cantons où nous ne serons pas présents au second tour, très souvent – ou la plupart du temps d'ailleurs – parce que nous étions en état de division et que nous n'avons pu nous maintenir sur le second tour et je dois même préciser que sur ces 520 cantons il y en avait peut-être une centaine que nous aurions pu gagner au deuxième tour si nous avions été qualifiés et, par la division, nous avons été éliminés au premier tour.
BRUCE TOUSSAINT
Concrètement, on a...
JEAN-MARIE LE GUEN
Sur plus de 2.000 !
BRUCE TOUSSAINT
Voilà ! Concrètement, on sait déjà qu'il y a quasiment une dizaine de départements qui sont d'ores et déjà perdus par la gauche. Voici les dernières estimations IFOP – FIDUCIAL…
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui ! C'était des départements où des fois on avait un canton d'avance, etc., enfin je veux dire il y a un côté un peu mécanique dans cette affaire.
BRUCE TOUSSAINT
Oui ! Enfin il y a des bastions - et ça c'est dur aussi pour vous ce matin – le Nord, le Nord qui depuis 1998 était à gauche, ça c'est perdu ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui ! Mécaniquement-là, très, très nettement c'est la division qui a joué et qui fait que nous ne sommes pas présents dans le second tour dans beaucoup de cantons - et c'est ce qui vous permet de dire ça ce matin - la division, la dispersion fait que nous ne sommes pas qualifiés et donc nous ne pourrons pas concourir.
BRUCE TOUSSAINT
Oui ! Vous avez beau jeu de dire en effet que c'est la division, mais enfin c'est surtout le vote-sanction, Jean-Marie LE GUEN, ce matin qui fait que vous êtes éliminés de tous ces cantons ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Vous savez que les résultats que nous avons obtenus aujourd'hui, c'est quoi ? C'est, en gros, le niveau de la gauche et le niveau de la droite sont à peu près équivalents aux alentours de 36 %, le Parti socialiste et les candidats soutenus par le Parti socialiste sont à 28 %, le Front national est à 26 %, donc nous avons résisté, nous avons résisté par rapport à ce qui était annoncé et parfois souhaité et, donc, c'est un élément. Evidemment nous sommes dans des élections intermédiaires, depuis 15 ans tous les gouvernements ont perdu et largement les élections intermédiaires - je rappelle que la droite avait perdu quand même 21 régions sur 22 - maintenant évidemment que ce n'est pas satisfaisant mais nous résistons et nous appelons à l'unité pour le second tour parce que ces élections ne sont pas jouées, il y a un deuxième tour dans beaucoup des départements les choses vont se jouer à touche-touche comme on dit, donc il faut se rassembler, se mobiliser.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors justement il y a un second tour et surprise – et grâce à la bonne participation ou la pas trop mauvaise participation – il y a beaucoup de triangulaires, est-ce que dans certains cantons…
BRUCE TOUSSAINT
300 !
CHRISTOPHE BARBIER
300 ! Vous allez retirer votre candidat socialiste quand il est arrivé troisième pour éviter que le FN, s'il est arrivé premier, emporte un canton ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Nous ferons tout pour faire battre le Front national.
CHRISTOPHE BARBIER
Y compris des retraits de candidats ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Nous allons voir, il faut regarder dans quelles circonstances les choses se passent. Mais c'est quelque chose que nous assumons, nous, nous voulons faire battre le Front national - nous pensons que c'est une très mauvaise chose - et nous assumons notre responsabilité de républicains... Voilà ! Nous ne sommes pas dans la situation de monsieur SARKOZY et de l'UMP qui, avec beaucoup de cynisme, est prêt à recevoir les voix de la gauche et à aller chercher les voix de l'extrême gauche quand c'est nécessaire, nous refusons ce cynisme-là. Nous assumons des responsabilités, nous l'avons fait pendant toute la campagne, nous avons dit clairement quel était notre adversaire prioritaire, nous avons alerté les Français sur le risque de voir le Front national et, au passage, nous l'avons fait par rapport à ce qui était attendu, nous l'avons fait régresser, mais cela dit un Front national à 25 ou 26 % c'est extrêmement dangereux pour notre pays, donc, autant nous sommes satisfaits de ce que nous l'avons fait reculer, autant nous constatons qu'il est aujourd'hui très fort dans ce pays.
BRUCE TOUSSAINT
Dans les éléments de langage qu'on a entendus hier et que vous reprenez ce matin d'ailleurs, est-ce qu'il n'y a pas un risque à dire…
JEAN-MARIE LE GUEN
Ce n'est pas des éléments de langage, c'est des éléments d'analyses…
BRUCE TOUSSAINT
Mais, attendez, des…
JEAN-MARIE LE GUEN
D'orientation si vous me permettez.
BRUCE TOUSSAINT
Dans les mots que vous utilisez, si vous préférez. Il n'y a pas un risque de votre part de dire : « d'un côté il y a les Républicains - la gauche, la droite - et, de l‘autre le Front national », est-ce que ce n'est pas une façon finalement de leur faire une pub formidable ? Tous ceux qui sont antisystème…
JEAN-MARIE LE GUEN
Non ! Ecoutez, quand on est à 25 %, qu'on est promis à faire 30 % - nous disaient les sondages - moi je constate que c'est parce que nous avons parlé et combattu le Front national, nous nous refusons d'être dans le déni et dans l'esquive. Moi je ne crois pas que le vote Front national soit le résultat d'un égarement des électeurs, comme trop souvent d'une façon...
BRUCE TOUSSAINT
Un vote antisystème ?
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est plus qu'un vote antisystème ! C'est un vote…
BRUCE TOUSSAINT
Parce que là vous le valider ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non ! Non, mais je ne valide rien du tout, ce qui valide c'est que des électeurs viennent voter et moi j'allais dire je prends en considération ce vote. Il y a une sorte de mépris effectivement d'une certaine caste, qui dit : « mais non, ça n'existe pas le Front national, c'est des électeurs qui sont perdus », non c'est des électeurs qui font très souvent des choix ; et je leur dis à ces électeurs, je ne les méprise pas, je suis dans le combat vis-à-vis des dirigeants du Front national qui amènent la France dans le chaos et je dis à ces électeurs : « Attention ! Vous êtes des citoyens, vous êtes responsables et vous faites des choix extrêmement dangereux pour la France et pour vous-mêmes », donc je les interpelle vigoureusement, il faut qu'ils changent de vote ; mais pour le reste le Front national existe et ils ont un certain nombre de Français - y compris de milieux populaires - ont voté pour le Front national, donc je ne vais pas dire : « Non ! Non, ça n'existe pas, je ne veux pas le voir ». Ce n'est pas mon attitude ! Je ne suis pas dans une condamnation morale, nous sommes dans une condamnation politique, dans un combat politique.
CHRISTOPHE BARBIER
On voit que le FN a progressé dans les terres du Nord-est, où c'est l'électorat populaire écrasé par la crise qui est passé au FN, faut-il infléchir la ligne politique du gouvernement, être un peu plus social et un peu moins rigoureux pour soulager ces électeurs et les faire revenir ?
BRUCE TOUSSAINT
Nous sommes dans une période où la croissance n'est pas encore là, nous avons des signaux économiques vous le savez qui sont maintenant positifs, non seulement parce que l'euro a baissé…
CHRISTOPHE BARBIER
Donc, on attend ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Parce que le prix du pétrole…
CHRISTOPHE BARBIER
On attend ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Le prix du pétrole c'est 10 milliards, la baisse du prix du pétrole c'est 10 milliards de pouvoir d'achat qui sont redonnés aux Français et qui vont revenir dans l'économie, c'est donc la possibilité… le bâtiment, l'automobile aujourd'hui repartent, nous sommes... Attendez ! Simplement ces résultats concrets, Christophe BARBIER, ne sont pas là encore, il y a des signes annonciateurs, il y a des frémissements comme on dit, mais les résultats…
CHRISTOPHE BARBIER
Donc, il ne faut pas changer de…
JEAN-MARIE LE GUEN
Non ! Il faut aller plus loin sur l'emploi, la grande bataille c'est la bataille de l'emploi.
BRUCE TOUSSAINT
Il y aura des bons chiffres cette semaine, d'ailleurs ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je n'en sais absolument rien ! Je l'espère, ils étaient bons le mois dernier…
BRUCE TOUSSAINT
Ca tomberait bien ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non ! Mais, attendez…
BRUCE TOUSSAINT
Entre les deux tours ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non ! Mais vous vous voulez dire quoi, que c'est des chiffres qui sont à la main du gouvernement ?
BRUCE TOUSSAINT
Pas du tout ! Je dis juste que ça…
JEAN-MARIE LE GUEN
Non ! Mais… rassurer nos téléspectateurs…
BRUCE TOUSSAINT
Non ! Non, non….
JEAN-MARIE LE GUEN
Parce qu'il pourrait y avoir…
BRUCE TOUSSAINT
Il n'y avait pas de mauvaise intention.
JEAN-MARIE LE GUEN
Voilà ! Voilà.
BRUCE TOUSSAINT
Je dis juste que ça tomberait bien pour la gauche…
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez ! Ce qui tomberait bien c'est qu'il y ait plus d'emplois dans ce pays, ça d'une façon générale je l'avoue.
BRUCE TOUSSAINT
Non ! Non, il n'y avait pas de malice dans ma question.
JEAN-MARIE LE GUEN
Non ! Non, mais c'est important, parce que parfois...
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez raison, la formule pouvait prêter à confusion. Alors, qu'est-ce qui va se passer le week-end prochain et après le deuxième tour ? Manuel VALLS dit, ce matin, sur RTL : « tout le monde sait que je resterai à Matignon », ah bon, ce n'est pas le président de la République qui décide ça ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Si ! Mais le président de la République l'a dit.
BRUCE TOUSSAINT
Donc, il reste ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Voilà ! Il ne dit pas : « tout le monde sait » ; il dit : « le président de la République a eu l'occasion de dire sa confiance dans le Premier ministre et dans l'idée qu'il prolongerait son action », voilà c'est ça qui est dit.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce qu'il ne faut quand même pas faire un remaniement ? D‘un côté pour faire rentrer peut-être des frondeurs, en tout cas la gauche du PS, parce que l'ambiance autour du 49.3 a pu accroître division en France et, de l'autre, faire rentrer des écologistes pour achever de casser en deux le parti des verts qui est très, très mal et que vous pouvez achever – ça vous enlèvera une épine du pied pour 2017…
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui ! Je ne suis pas sûr que ce soit le 49.3 qui ait fait l'effet division mais peut-être la division qui ait un eu de 49.3, me semble-t-il…
CHRISTOPHE BARBIER
Mais enfin quand même !
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais c'est sans doute que je dois être un peu trop scientifique…
CHRISTOPHE BARBIER
L'ambiance n'était pas l'union qu'a connue la gauche !
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais je n'ai fait que vous dire ça tout à l'heure, à gauche il y a eu et il y a beaucoup trop de divisions.
CHRISTOPHE BARBIER
Donc, remaniement pour que tout le monde soit présent ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Il faut qu'il y ait un rassemblement ! Quelles sont les formes de ce rassemblement ? Il ne m'appartient pas de le dire ! Moi je souhaite le remplacement de la gauche…
BRUCE TOUSSAINT
Mais vous pouvez le souhaiter, mais ce n'est pas à vous de décider en effet, mais vous pouvez dire que vous souhaitez ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je souhaite ce rassemblement déjà dans les urnes dimanche prochain…
BRUCE TOUSSAINT
Donc, vous souhaitez un remaniement ? Ce n'est pas la même question, on insiste - pardon mais c'est important – vous souhaitez un remaniement ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais je ne souhaite rien du tout ! Ces dispositions-là, vous le savez, appartiennent dans la Constitution au président de la République et ce n'est pas mon rôle de venir aujourd'hui faire des commentaires là-dessus.
BRUCE TOUSSAINT
Un tout dernier mot ! Nicolas SARKOZY s'est refait une santé grâce aux Départementales, eh bien voilà vous n'aviez pas forcément besoin de ça à gauche…
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui ! Eh bien, écoutez…
BRUCE TOUSSAINT
Mais voici Nicolas SARKOZY qui revient en force ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oh ! Nicolas SARKOZY est le leader de la droite, j'ai dénoncé tout à l'heure et je pense que ceci va prospérer, on va voir ce qu'il en est de l'opportunisme et du cynisme des dirigeants de l'UMP qui reçoivent le soutien des candidats de la gauche parce que nous sommes républicains et qui essaient d'attirer à eux les électeurs du Front national lorsqu'ils sont opposés à la gauche, voilà des attitudes que je trouve tout à fait dangereuses. Pour le reste je n'ai pas l'impression très sincèrement qu'il y ait eu un mouvement vers l'UMP, il y a eu…
CHRISTOPHE BARBIER
Mais ils vont prendre 20 départements peut-être…
JEAN-MARIE LE GUEN
Pardon !
CHRISTOPHE BARBIER
Ils vont redevenir majoritaires à l'Association des départements de France ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais alors, bien sûr…
CHRISTOPHE BARBIER
C'est un mouvement ça quand même ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non ! Mais c'est un mouvement, j'allais dire un peu mécanique, je ne vois pas d'aspiration, je ne vois pas de dynamique, je ne vois pas d'idée nouvelle, je ne vois pas cela. Mécaniquement il y a le mécontentement de gens de droite, je le comprends, je le constate, enfin je le constate, mais honnêtement je ne vois pas de mouvement, mais peut-être qu'au contraire à l'UMP ils sont ravis et que tout va bien…
BRUCE TOUSSAINT
Merci Jean-Marie LE GUEN !
JEAN-MARIE LE GUEN
Ca changerait.
BRUCE TOUSSAINT
Merci d'avoir été avec nous ce matin, bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 mars 2015