Texte intégral
PATRICK COHEN
Bonjour François REBSAMEN.
FRANÇOIS REBSAMEN
Bonjour Patrick COHEN.
PATRICK COHEN
On l'a appris ce matin, AREVA annonce une perte record et un plan d'un milliard d'euros d'économies à l'horizon 2017. Est-ce que l'Etat actionnaire d'AREVA, pour s'empêcher à un éventuel plan social ?
FRANÇOIS REBSAMEN
On va suivre ça de près. J'ai reçu, avec Emmanuel MACRON, j'ai reçu monsieur VARIN avant-hier, et effectivement il faut redresser la barre en la matière, il faut sûrement faciliter des rapprochements avec EDF, bref, c'est un milliard d'euros qu'il faut retrouver d'ici trois ans et donc on suit ça de près, on va voir comment monsieur VARIN envisage de proposer de redresser AREVA.
PATRICK COHEN
Il a envisagé devant vous d'éventuelles suppressions de postes ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non. Non, nous avons, il m'a communiqué les chiffres d'annonce de ce matin, c'est-à-dire 5 milliards de pertes, à peu près, à 100 millions près, et
PATRICK COHEN
Ce qui est considérable, oui.
FRANÇOIS REBSAMEN
Ce qui est énorme, et on a fait le bilan. Pourquoi on a pu comment on a ou en arriver là, quels étaient les chantiers qui avaient dérapé, quelle était la conjoncture ? Puisque vous savez, Fukushima est venu en plus percuter toute la filière nucléaire avec AREVA, les chantiers, et donc voilà.
PATRICK COHEN
Pas d'emplois menacés, pour l'instant, chez AREVA.
FRANÇOIS REBSAMEN
Non non, on va suivre ça de très près et s'il y avait des suppressions de postes, cela se ferait, bien sûr, sans licenciement.
PATRICK COHEN
Cette phrase signée du président de la République, François HOLLANDE, ce matin, dans les colonnes du Parisien, face aux lecteurs du Parisien : « Contre chômage, il n'y a pas de solution magique », ça sonne un peu comme un aveu de défaite, François REBSAMEN.
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, c'est plutôt, je crois, la réalité, c'est-à-dire que c'est tout un panel de solutions qu'il faut avoir
PATRICK COHEN
Et qui pour l'instant ne marchent pas.
FRANÇOIS REBSAMEN
Qui pour l'instant ne marchent pas, je l'ai constaté, 2014 a été une mauvaise année sur le front du chômage, je l'ai dit, on me reproche de temps en temps ce langage de vérité.
PATRICK COHEN
180 000 chômeurs de plus sur un an.
FRANÇOIS REBSAMEN
Voilà. Janvier a été un meilleur mois, je le constate, c'est vrai qu'un vol d'hirondelles ne fait pas le printemps, mais il vaut mieux voir voler les hirondelles que les oiseaux de mauvaise augure, vous en conviendrez.
PATRICK COHEN
19 000 chômeurs de moins
FRANÇOIS REBSAMEN
L'année commence mieux
PATRICK COHEN
Ça va se poursuivre ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais je n'en tire aucune conclusion hâtive, je veux le dire. Je pense que c'est une erreur d'essayer de juger le chômage mois par mois, je sais que c'est comme ça que ça se passe, mais je pense qu'il vaut mieux avoir un peu de recul, attendre un trimestre, et j'espère que cette tendance économique que l'on sent, ce frémissement, j'avais appelé l'alignement des planètes, c'est-à-dire des facteurs extérieurs qui peuvent permettre d'augmenter cette croissance de 0,8 à 1 et puis peut être un peu plus, tout cela plus les politiques de l'emploi que nous avons mises en place, que ce soit contre le chômage de longue durée, un plan que j'ai pris la semaine dernière, pour l'emploi des jeunes, avec le développement de la garantie jeunes. Bref, toutes ces mesures, c'est le panel de mesures et donc il n'y a pas, effectivement, une solution miracle, sinon au le saurait.
PATRICK COHEN
Puisque vous parlez de facteurs extérieurs et de la même façon que Nicolas SARKOZY le constatait dans Le Figaro lundi matin, on doit aussi faire le constat que la zone euro connait aujourd'hui son plus bas niveau de chômage depuis 2012, et que la France fait partie des trois seuls pays avec Chypre et la Finlande, où le chômage s'est aggravé l'an dernier. Comment expliquer cette singularité française, François REBSAMEN ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Il y a des lourdeurs dans notre société, il y a aussi une histoire sociale différente. Nous n'avons pas développé, par exemple, comme d'autres pays l'on fait, que ce soit les pays anglo-saxons, la Grande-Bretagne ou que ce soit les Allemands, le travail à temps partiel à tout va. Nous n'avons pas 7,5 millions de mini jobs, nous n'avons pas le contrat zéro heure. Nous avons une stabilité de l'emploi, nous avons, en la matière, plus de CDD que d'autres pays, moins de temps partiel, et donc le choix que nous avons fait, c'est tout à la fois de stabiliser et de redonner à travers le dialogue social, la loi de modernisation que je vais présenter, de la souplesse aux entreprises, pour qu'elles puissent investir. C'est aussi
PATRICK COHEN
Donc, ce que vous nous dites, c'est que là où le chômage baisse, les travailleurs pauvres sont plus nombreux, c'est cela ? Pour résumer.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, il y a plus de travailleurs pauvres dans ce pays, mais ils travaillent, donc nous avons cette difficulté aujourd'hui à avancer, mais moi je suis plutôt confiant dans l'ensemble des mesures qui ont été prises avec les facteurs que j'évoquais et la conjoncture qui va, je le pense, s'améliorer cette année. Tout est prêt, les dispositifs sont là, on agit, on agit au quotidien en la matière. Le pacte de responsabilité et de solidarité, va porter ses fruits, je le crois, même s'il y a encore des branches qui ne s'engagent pas assez, tout ça devrait nous donner une meilleure année 2015.
PATRICK COHEN
Alors, pourquoi vouloir accélérer la négociation sur l'assurance chômage ? Ça a été répété à plusieurs reprises par Manuel VALLS, y compris alors que la convention actuelle doit fonctionner, elle s'applique jusqu'en 2016, les syndicats, eux, veulent s'en tenir à l'échéance prévue. Pourquoi bousculer ce calendrier ? Vous voulez changer les règles d'indemnisation chômage, François REBSAMEN ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non, je ne pense pas qu'il y ait derrière cela une volonté de modifier les règles, c'est les partenaires sociaux qui gèrent, ce sont les partenaires sociaux qui gèrent l'UNEDIC. Simplement, ce que leur a demandé le Premier ministre, c'est effectivement d'accélérer leur premier état des lieux, puisqu'ils doivent faire un état des lieux et d'avancer de trois mois cela. Puisque vous l'avez fort bien dit, c'est au mois de mars 2016 qu'il y a une nouvelle convention qui doit entrer en vigueur, et ce que le Premier ministre leur a demandé, c'est de réfléchir en amont, dès maintenant. Voilà.
PATRICK COHEN
Mais qu'est-ce que vous préconisez, vous, pour faire face au trou et au déficit qui s'aggrave, de l'UNEDIC ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Il y a un déficit de l'UNEDIC, et je dois dire que les partenaires sociaux ont respecté pour l'année 2014, les objectifs qu'on leur avait donné, en matière de déficit, et donc il y a aujourd'hui à tirer le bilan de l'année 2015, l'UNEDIC fait des prévisions, au vu de cela, quel sera le déficit, nous voulons le savoir assez vite, parce que cela impute les comptes publics, donc on veut savoir quel est le montant du déficit et comment on peut avancer. En matière d'assurance chômage, si vous me le permettez, deux mots, tout va très vite, dans un sens comme dans un autre, tout se dégrade très vite, c'est la double peine, plus de chômeurs à indemniser et moins de rentrées de cotisations. Par contre, quand le chômage diminue, eh bien les cotisations augmentent et il y a moins de chômeurs à indemniser, c'est ainsi qu'en une année, c'est arrivé dans les années 2006/2007, c'est 5 milliards d'euros, d'un seul coup, que l'UNEDIC a retrouvé comme moyens nouveaux. Donc, voyez, la meilleure réponse au déficit de l'assurance chômage, eh bien c'est la création d'emploi.
PATRICK COHEN
La loi sur la modernisation du dialogue social dans les entreprises, je sais qu'il n'y a pas eu d'accords entre partenaires sociaux en janvier, vous avez donc repris le dossier en mains, présenté plusieurs pistes de réformes aux partenaires sociaux. Il y aura bien une loi avant l'été, qui sera présentée ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Il y aura une loi qui sera présentée en Conseil des ministres mi-avril, et qui sera je l'espère votée avant la fin de l'été, enfin, avant le mois de juillet, avant la fin du mois de juillet.
PATRICK COHEN
Et vous n'espérez pas obtenir de consensus de la part des partenaires sociaux, des syndicats et du patronat sur ce texte ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Ils ont eu du mal à se mettre d'accord, vous l'avez vu, c'est le moins qu'on puisse dire, ils étaient pas loin, ils avaient fait du chemin, mais bon ils ont pas pu conclure. Donc le gouvernement et le Premier ministre m'a demandé, et je suis d'accord, on ne reste pas au statuquo, on reprend le dossier et quand je le reprends, je le reprends avec les objectifs, les orientations de négociations que j'avais donnés aux partenaires sociaux. Donc, est-ce qu'on peut arriver à satisfaire tout le monde, je n'en sais rien, ce que je veux surtout c'est satisfaire les salariés, faciliter la vie des entreprises, rendre le dialogue social plus efficace, il y en a besoin, dans notre pays, enlever les réunions inutiles qui empêchent les vocations syndicales, par exemple.
PATRICK COHEN
Il y a beaucoup de réunions inutiles ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui il y en a beaucoup, par exemple on pourrait ramener certaines réunions, négociations de 12 à 4 ou des réunions d'orientation de 17 à 3, voyez, ça fait beaucoup d'heures perdues, et donc il ne faut pas avoir des heures perdues dans le dialogue social, ça rend le dialogue social inefficace.
PATRICK COHEN
Bon, et les syndicats protestent, ils ont été surpris ou choqués, les syndicats, souvent, que vous ne soyez pas, que vous n'apparaissiez pas directement en première ligne sur certaines dispositions, la loi Macron qui modifie le code du travail. Avez-vous été associé, d'une façon ou d'une autre, à l'élaboration de cette loi, François REBSAMEN ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Ah oui, bien sûr, bien sûr. Non seulement j'ai été associé, mais j'ai travaillé avec Emmanuel MACRON et même au départ avec Arnaud MONTEBOURG, sur ce projet de loi. Mon cabinet était au ban pendant tout l'ensemble du débat, les réponses ont été faites ensemble, donc je parage les orientations de cette loi et j'ai rencontré tous les partenaires sociaux sur cette loi, et ils savent très bien que j'étais associé à cette loi, en direct.
PATRICK COHEN
Et vous avez pesé sur certaines dispositions sociales ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui, bien sûr, bien sûr, on a pesé sur des dispositions, par exemple on peut dire que c'est d'un commun accord, peu importe de savoir où est l'origine, mais d'un commun accord qui a été décidé que s'il n'y avait pas d'accord il n'y aurait pas d'ouverture le dimanche. Ma formulation, c'est plutôt des exemptions au travail dominical, chacun a sa manière de présenter les choses.
PATRICK COHEN
Nicolas SARKOZY qui dénonce le FNPS, vous en pensez quoi, François REBSAMEN ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Après avoir, avec monsieur BUISSON, partagé les idées, il reprend une partie des formules maintenant, et ce n'est pas comme ça qu'on combat le Front national, par des formules simplistes, ça fait très très, comment dire, très peu créatif en matière de lutte contre les idées proférées par le Front national. Le Front national n'est pas un parti comme les autres dans la République, je le considère, il prône des valeurs d'exclusion, de repli sur soi, de nationalisme, d'individualisme forcené. Ce n'est pas notre esprit et je pense que l'esprit du 11 janvier, comme on l'a appelé, la défense des valeurs républicaines, devrait pousser monsieur SARKOZY à faire preuve de plus d'imagination que de trouver des formules et des slogans de ce genre.
PATRICK COHEN
François REBSAMEN, ministre du Travail et de l'Emploi, avec nous jusqu'à 08h50 et dans quelques minutes les questions des auditeurs.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 mars 2015