Déclaration de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur la survenue de pathologies rares liées aux implants mammaires, Paris le 17 mars 2015.

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J'ai souhaité vous réunir pour aborder la question de la survenue d'une pathologie rare, le lymphome anaplasique à grandes cellules (ou LAGC) lié aux implants mammaires.
C'est un sujet qui concerne la santé des femmes, dont certaines ont été opérées d'un cancer du sein. C'est un sujet de sécurité sanitaire et vous connaissez mon engagement constant pour la transparence. Cette transparence, c'est aux femmes que nous la devons. Notre pays a été secoué, marqué, par l'affaire dite des prothèses PIP. Au-delà des procédures judiciaires, il s'agit de la vie de femmes qui après le choc d'un cancer, ont dû affronter des inquiétudes liées à la nature de leur prothèse. Je veux leur dire que je comprends leur préoccupation, et c'est évidemment en pensant à elles que nous travaillons.
En ce qui concerne le lymphome anaplasique à grandes cellules (ou LAGC) lié aux implants mammaires, je veux assurer de ma vigilance, de celle de toutes les autorités sanitaires. Les femmes ne doivent néanmoins pas céder à une inquiétude excessive. 18 cas ont été identifiés, alors que nous estimons à 400 000 le nombre de femmes qui portent des prothèses. Mais notre vigilance est absolue.
C'est pourquoi j'ai demandé à la présidente de l'Institut national du cancer, le Pr Agnès Buzyn, au directeur général de l'ANSM, le Dr Dominique Martin, et à la directrice générale adjointe de la santé, le Dr Françoise Weber, d'être présents pour pouvoir répondre à l'ensemble de vos questions.
1) Les autorités sanitaires françaises ont renforcé la vigilance depuis l'affaire des prothèses PIP
Depuis l'affaire des implants mammaires PIP en 2010, les autorités sanitaires ont renforcé les actions visant à suivre les femmes porteuses d'implants mammaires.
Ce sont des dispositifs médicaux considérés à risque, et il faut donc s'assurer de leur qualité. Cela passe par :
- le contrôle des implants mammaires disponibles sur le marché en France ;
- l'analyse des événements déclarés à l'ANSM pour détecter rapidement un incident éventuel…
Dans le cadre de cette surveillance, les autorités sanitaires ont mis en évidence la survenue de Lymphomes Anaplasiques à Grandes Cellules (LAGC) du sein.
Ces lymphomes très rares ne sont observés que chez les femmes porteuses d'implants mammaires. Ce ne sont pas des cancers du sein et ils sont dans l'ensemble de bon pronostic.
Ils sont décrits depuis peu dans d'autres pays.
Les mécanismes expliquant la survenue de cette pathologie très rare - je le répète - et très spécifique ne sont pas encore connus. Aucune prothèse spécifique, marque ou enveloppe particulière n'a jusqu'à maintenant été mise en cause directement.
2) La France dispose actuellement d'un des meilleurs dispositifs mondiaux de détection de ces pathologies
La surveillance constante de cette pathologie et la mise en place il y a plusieurs années du réseau d'expertise LYMPHOPATH, dispositif unique au monde d'analyse des lymphomes, ont permis de détecter à ce jour 18 cas en France depuis 2011. Un décès a été constaté.
C'est à l'initiative de la France que les autorités sanitaires américaines font actuellement un nouveau point de la situation afin de réévaluer leur analyse de 2011.
De même, la Commission européenne a mis en place une task force pour échanger les données sur cette pathologie et améliorer la coopération entre les 28 Etats membres.
3) Les autorités sanitaires travaillent sur ce sujet depuis des années
Dès 2011, l'INCa avait formulé des recommandations sur la conduite à tenir pour les femmes porteuses d'implants mammaires.
J'ai été alertée par le dernier bilan des autorités sanitaires qui identifiait 9 nouveaux cas, en 1 an, de lymphome anaplasique à grandes cellules. J'ai alors immédiatement demandé à l'INCa de réunir les experts pour actualiser les recommandations en vigueur.
Le 4 mars 2015, ce groupe d'experts a donc précisé ses recommandations. Elles ont été publiées et rapidement adressées aux professionnels concernés.
Par ailleurs, un groupe ad-hoc d'experts a été mis en place par l'ANSM afin d'investiguer plus avant le rôle de certaines prothèses dans l'apparition des lymphomes anaplasiques à grandes cellules.
La Haute Autorité de Santé (HAS) a également été saisie pour élaborer des recommandations sur les indications et les contre-indications relatives à la pose d'implants mammaires, les éventuelles restrictions à la pose d'implants mammaires et les alternatives possibles.
Enfin, dans un souci de totale transparence, j'ai demandé que le comité de suivi (PIP) des femmes porteuses d'implants se réunisse le 25 mars avec toutes les parties prenantes pour recevoir toutes les informations nécessaires.
4) Car c'est d'abord aux femmes que je souhaite m'adresser
L'information sur le risque de LAGC auprès des femmes ayant l'intention de se faire poser des implants sera renforcée. Cette information doit être apportée par une information écrite donnée aux femmes avant toute intervention.
Toute femme ayant une intervention chirurgicale de pose d'un implant mammaire doit recevoir une carte mentionnant les caractéristiques de l'implant.
Toute femme ayant des implants mammaires doit connaitre le suivi nécessaire et les signes cliniques qui doivent l'inciter à consulter son médecin. Les recommandations des experts aux femmes porteuses d'implants mammaires sont importantes et doivent être rappelées ici :
a) Le suivi doit être le même que celui recommandé pour toutes les femmes soit une palpation des seins par leur médecin ou par une sage-femme tous les ans à partir de 25 ans.
b) A partir de 50 ans, il est recommandé de faire une mammographie tous les deux ans et les femmes qui ont un risque aggravé de cancer doivent bénéficier d'un suivi spécifique.
Il n'est pas recommandé aux femmes porteuses de prothèses mammaires de se les faire retirer pour prévenir l'apparition de ce lymphome.
Mesdames, messieurs, il s'agit ici de vous informer d'un signal de matériovigilance détecté dans notre pays du fait de notre vigilance renforcée. Il concerne une maladie rare, très rare, survenant après la pose d'implants mammaires ; il concerne plusieurs centaines de milliers de femmes ; c'est pourquoi ma vigilance est totale.
L'imputabilité précise du type de prothèse en cause fait encore l'objet d'investigations des experts. Aujourd'hui, aucune prothèse spécifique ne fait donc l'objet d'une interdiction de commercialisation.
Je souhaite enfin tirer toutes les leçons de ce signal pour renforcer le dispositif réglementaire et législatif assurant la qualité et la sécurité des dispositifs médicaux implantables les plus à risque.
Sans attendre le nouveau règlement européen sur les dispositifs médicaux, dont l'adoption est sans cesse repoussée, j'ai déposé un amendement au projet de loi de santé pour renforcer le suivi et la traçabilité des dispositifs médicaux :
a) il impose aux industriels de fournir un résumé des caractéristiques du produit à l'ANSM ;
b) et la tenue de registres dans les établissements de santé.
Je laisse maintenant la parole aux agences concernées et à la DGS pour répondre à toutes vos questions. Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 23 mars 2015