Texte intégral
J.-P. Elkabbach - La croissance reste élevée mais elle ralentit. Est-ce que vous avez les moyens et les instruments pour stopper ou palier dans le budget 2002 les effets sociaux du ralentissement économique ?
- "D'abord vous avez raison de dire que la croissance reste élevée. Les prévisions que nous avons actuellement, 2,3 % pour cette année, sont plus élevées que les taux de croissance qu'on a connus encore récemment."
Mais il y a une semaine, c'était 2,5 %. A ce rythme-là, dans quelques temps on va arrive 2 % !
- "Il y a des révisions qui ont été faites par le ministre de l'Economie et des Finances et par des institutions comme l'Insee. Il faut évidemment espérer que ce taux de croissance sera atteint. Mais c'est un taux de croissance qui reste soutenu. Il doit permettre de continuer à mener des politiques de solidarité. Je souhaite - je le disais avant même que l'on enregistre ce ralentissement de la croissance - qu'on continue à avoir des politiques très actives de l'emploi. Pourquoi ? Parce que, alors que nous avons fait baisser le chômage de plus d'un million depuis quatre ans, maintenant nous nous attaquons au noyau dur du chômage. Par conséquent, ce n'est pas le moment - au contraire - de laisser tomber les programmes d'aide au retour à l'emploi des chômeurs en difficulté."
Vous pouvez me rappeler le budget total du montant de l'aide à l'emploi ?
- "Le budget de l'emploi, c'est 112 milliards de francs. Cela comprend beaucoup de choses mais je peux vous dire que je souhaite que nous ayons l'année prochaine le même nombre de contrats qui aident les chômeurs, notamment pour ceux qui ont le plus de difficulté, à revenir vers l'emploi, que cette année. On a beaucoup réduit ces contrats ; il le fallait parce que la croissance repartait et que l'ensemble de ces contrats - les CES, les contrats emploi-solidarité par exemple - allait à des personnes qui n'étaient pas vraiment des chômeurs en difficulté. Il a fallu réduire cela en même temps que l'on faisait les emplois-jeunes et qu'on reventilait le budget de l'emploi vers d'autres sujets. Maintenant, on touche le noyau dur. Je souhaite donc qu'on maintienne le nombre de ces contrats. On en a besoin pour ramener les chômeurs en difficulté vers l'emploi."
Est-ce un message à l'adresse du Premier ministre ou du ministre de l'Economie et des Finances ? Quand on refuse l'arrosage électoral et clientéliste, quand on refuse les dérives interdites d'ailleurs par l'Europe comment fait-on pour ne pas passer pour la plus grande - ou l'une des plus grandes - dépensière du Gouvernement ?
- "Le budget de l'emploi devra, comme les autres budgets, respecter une norme de progression. J'ai un budget emploi-solidarité qui est d'environ 100 milliards. Il faut que ce budget, comme les autres, respecte la norme que nous avons transmise à Bruxelles de progression des dépenses publiques. A l'intérieur des choix qui sont faits dans le budget général de la nation, il est très important de maintenir cet effort en faveur des chômeurs les plus en difficulté."
Le Pare, le Plan d'aide au retour à l'emploi, est en application. Est-ce qu'il va aider à diminuer le nombre de chômeurs ?
- "Je l'espère. Quelle est notre politique de l'emploi en dehors de ces programmes dont je viens de vous parler ? C'est la lutte contre l'exclusion et c'est justement l'accompagnement personnalisé des chômeurs. C'est mis en place depuis le 1er juillet. Cet accompagnement personnalisé des chômeurs va être fait aussi bien pour les chômeurs indemnisés par l'Unedic que pour les chômeurs non indemnisés."
2,4 % d'augmentation, les syndicats disent que ce n'est pas assez. Qu'en dites-vous ?
- "Il est normal que les syndicats expriment leur souhait de voir augmenter les indemnisations. Il est très important que nous ayons cet accompagnement personnalisé parce qu'on fait du sur-mesure, c'est-à-dire que l'ANPE et les Assedic proposent au chômeur un bilan de compétences, un programme spécial personnalisé et complètement adapté au parcours antérieur de la personne pour faciliter son retour à l'emploi."
Le Premier ministre a-t-il fini de rédiger sa lettre adressée aux partenaires sociaux ? Vous l'avez lue ou rédigée ?
- "Forcément, nous en avons parlé. Le Premier ministre, en effet, va donner une suite aux entretiens qu'il a eus sur trois jours complets à Matignon avec l'ensemble des partenaires sociaux. Je crois que c'est très important."
Vous recommencerez l'expérience de les recevoir tous ensemble ?
- "C'est au Premier ministre de décider des modalités. Ce qui est certain en tout cas, c'est que sur les trois thèmes qui ont fait l'objet des discussions - la démocratie sociale, l'avenir de la protection sociale et de la Sécurité sociale et la question de l'emploi - il est très important que nous puissions poursuivre les entretiens avec les partenaires sociaux. Je le ferai bien entendu de mon côté, comme je l'ai toujours fait. Je crois que ce sont des thèmes d'avenir. Il nous faut intensifier la négociation collective. Je pense qu'il est très important que les partenaires sociaux aient des discussions entre eux et qu'il est aussi très important qu'à certains moments, sur certains sujets, les partenaires sociaux soient avec l'Etat."
La gauche plurielle est au pouvoir depuis quatre ans : elle découvre la rénovation sociale ?
- "Non, je ne crois pas. Je crois qu'il y a toujours eu cette volonté. Les partenaires sociaux avaient plutôt marqué depuis deux ou trois ans leur volonté de discuter entre eux voulaient voir se développer, l'Etat n'a pas souhaité interférer. Maintenant, ils adressent une autre demande qui est que l'Etat prenne position sur un certain nombre de sujets. Là, nous allons le faire."
La lettre est pour aujourd'hui ou pour demain ?
- "Demandez au Premier ministre, ce n'est pas moi qui l'écrit. Je pense qu'elle devrait ne pas tarder maintenant."
Avant la fin de la semaine ?
- "Probablement."
On a l'impression que le Gouvernement est tout doux, tout miel avec les partenaires sociaux, y compris avec le Medef. Est-ce que vous pensez que vous pouvez le faire revenir ? Pouvez-vous obtenir qu'il continue à gérer ou qu'il revienne gérer les instances paritaires ?
- "Il ne s'agit pas d'une question de séduction. Il s'agit de savoir comment on gère un grand pays comme le nôtre. Je crois profondément à l'utilité de la négociation entre les partenaires sociaux. Je crois à l'apport de la société civile. Je pense que l'Etat a un rôle très important mais que dans une société complexe comme la nôtre, l'Etat ne peut pas tout faire et que par conséquent, il faut qu'il y ait des négociations entre partenaires sociaux, sans doute le paritarisme - qui peut paraître une bonne chose pour la gestion de la sécurité sociale - et que l'Etat ait son mot à dire. C'est lui qui dit l'ordre social et qui donne les garanties minimales."
Le titre des Echos : "Laurent Fabius passe la vitesse supérieure dans un discours offensif, il se mobilise pour sauver la croissance."
- "Très bien."
La Tribune : " Fabius se démarque pour l'entreprise et pour l'actionnaire."
- "Formidable."
Mais pourquoi pour les Français ont-ils cette impression, peut-être classique, que Bercy cherche à doper l'économie et la rendre attractive et compétitive et le ministère des Affaires sociales la plombe ?
- "C'est une idée fausse contre laquelle je m'inscris. Je ne crois pas que l'on puisse faire une bonne économie contre le social et je ne crois pas que l'on puisse avoir une bonne politique sociale si l'économie ne marche pas."
Donc, vous dites merci à Fabius ?
- "Par conséquent, nous agissons dans le même sens. Ce sont les petites et moyennes entreprises qui créent de l'emploi. Je me souviens, qu'ici même, à votre micro, le lendemain de mon arrivée au ministère de l'Emploi et de la Solidarité, je vous avais dit que j'étais autant la ministre de les entreprises, et des petites entreprises en particulier que la ministre des salariés. Je n'ai pas changé."
De quoi il se mêle alors ! Vos relations sont excellentes, naturellement.
- " Excellentes"
Il ne vous appelle plus Elisabeth mais Madame la ministre des Affaires sociales. Est-ce vrai ?
- "Ce sont des fables."
Est-ce qu'il ne manifeste pas de plus en plus sa différence et sa musique à lui ?
- "Je pense que dans un Gouvernement, chacun a à affirmer ce qu'il est chargé principalement de défendre. Je suis là pour défendre les intérêts des salariés mais je ne le fais pas contre l'entreprise. Lorsque je dis qu'il faut que les salariés aient davantage le doit à la parole dans la stratégie des entreprises, c'est le management moderne : on ne peut plus imposer les choses d'en haut."
L. Fabius a dit hier qu'il avait bon espoir sur l'assouplissement des 35 heures pour les PME. Vous aussi vous avez le même espoir ?
- "Je pense que sur les 35 heures, il est de l'intérêt de toutes les entreprises, et surtout des plus petites, et surtout de celles qui travaillent dans des secteurs où on demande de travailler le week-end, où on demande d'avoir des horaires de travail importants, de passer aux 35 heures. De toute façon on ne peut pas avoir des entreprises à deux vitesses, on ne peut pas avoir des entreprises qui offrent à leurs salariés les 35 heures et d'autres qui le leur retirent."
Vous l'assouplirez pour les petites ?
- "Je n'ai aucune réserve de principe sur l'assouplissement dans le cadre de la loi. Ceci dit ce que je ne veux pas c'est que l'assouplissement par exemple sur les heures supplémentaires soit utilisé comme un prétexte pour éviter ou pour penser qu'on peut éviter de passer aux 35 heures. Ce serait une erreur profonde. Le premier message à faire passer aux entreprises notamment aux plus petites est : "Faites attention. Votre intérêt est de passer aux 35 heures. Nous allons vous y aider." J'ai doublé l'enveloppe d'appuis conseils qui permet à chaque entreprise d'avoir un ingénieur-conseil pour faire les 35 heures. C'est la priorité ; s'il faut des assouplissements...
Vous n'y êtes pas hostile ?
- "Sur le principe, jamais. D'ailleurs, quand je suis venue à votre micro au lendemain de mon arrivée au ministère de l'Emploi et de la Solidarité, je vous l'ai dit. Nous faisons un bilan huit mois après et encore une fois, je n'ai pas changé."
Il y a une question que je ne vous ai pas posé à l'époque : quel est le montant de vos fonds secrets ?
- "Je ne vous répondrai pas là-dessus."
Vous en avez ?
- "Comme tous les ministères. Le Premier ministre a demandé un rapport au président de la Cour des comptes. Je crois qu'il faudrait davantage de transparence..."
... Il n'a pas dit qu'il les supprimerait. Est-ce qu'il faudrait les supprimer ? N'est-il pas utile, dans certains cas, de les avoir ?
- "Il faut que nous ayons, comme dans tous les grands pays, davantage de contrôle et de transparence, notamment sur ces fonds qui vont en effet, aux services secrets et qui sont donnés au ministère pour donner des compléments de rémunération à des collaborateurs qui travaillent 80 heures par semaines. Il serait souhaitable qu'on ait plus de transparence. Le Premier ministre s'est engagé dans cette voie ; il n'est pas satisfait du système, moi non plus. Par conséquent, ce dont il est question avec ce rapport demandé à M. Logerot, le premier président de la Cour des comptes, c'est de réformer la loi de 1946 qui a institué ces fonds spéciaux et les contrôles qui sont sans doute insuffisants aujourd'hui."
Le procès de R. Hue vient de s'achever. Il dit qu'il faut venir devant la justice pour qu'elle passe. Est-ce un bon conseil pour des gens qui sont au sommet de l'Etat ?
- "Je n'ai pas de conseil à donner. Chacun agit vis-à-vis de la justice comme il l'entend et assume le conséquences de ses actes."
N'avez-vous pas l'impression qu'il y a un acharnement contre les Chirac ?
- "Depuis 1997, nous avons une justice indépendante. C'est ce Gouvernement qui l'a voulu et par conséquent, la justice fait son travail. Nous n'avons pas à gêner, à activer, ni même à commenter ce travail fait par la justice. Je souhaite surtout que le débat politique porte sur autre chose."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 5 juillet 2001)
- "D'abord vous avez raison de dire que la croissance reste élevée. Les prévisions que nous avons actuellement, 2,3 % pour cette année, sont plus élevées que les taux de croissance qu'on a connus encore récemment."
Mais il y a une semaine, c'était 2,5 %. A ce rythme-là, dans quelques temps on va arrive 2 % !
- "Il y a des révisions qui ont été faites par le ministre de l'Economie et des Finances et par des institutions comme l'Insee. Il faut évidemment espérer que ce taux de croissance sera atteint. Mais c'est un taux de croissance qui reste soutenu. Il doit permettre de continuer à mener des politiques de solidarité. Je souhaite - je le disais avant même que l'on enregistre ce ralentissement de la croissance - qu'on continue à avoir des politiques très actives de l'emploi. Pourquoi ? Parce que, alors que nous avons fait baisser le chômage de plus d'un million depuis quatre ans, maintenant nous nous attaquons au noyau dur du chômage. Par conséquent, ce n'est pas le moment - au contraire - de laisser tomber les programmes d'aide au retour à l'emploi des chômeurs en difficulté."
Vous pouvez me rappeler le budget total du montant de l'aide à l'emploi ?
- "Le budget de l'emploi, c'est 112 milliards de francs. Cela comprend beaucoup de choses mais je peux vous dire que je souhaite que nous ayons l'année prochaine le même nombre de contrats qui aident les chômeurs, notamment pour ceux qui ont le plus de difficulté, à revenir vers l'emploi, que cette année. On a beaucoup réduit ces contrats ; il le fallait parce que la croissance repartait et que l'ensemble de ces contrats - les CES, les contrats emploi-solidarité par exemple - allait à des personnes qui n'étaient pas vraiment des chômeurs en difficulté. Il a fallu réduire cela en même temps que l'on faisait les emplois-jeunes et qu'on reventilait le budget de l'emploi vers d'autres sujets. Maintenant, on touche le noyau dur. Je souhaite donc qu'on maintienne le nombre de ces contrats. On en a besoin pour ramener les chômeurs en difficulté vers l'emploi."
Est-ce un message à l'adresse du Premier ministre ou du ministre de l'Economie et des Finances ? Quand on refuse l'arrosage électoral et clientéliste, quand on refuse les dérives interdites d'ailleurs par l'Europe comment fait-on pour ne pas passer pour la plus grande - ou l'une des plus grandes - dépensière du Gouvernement ?
- "Le budget de l'emploi devra, comme les autres budgets, respecter une norme de progression. J'ai un budget emploi-solidarité qui est d'environ 100 milliards. Il faut que ce budget, comme les autres, respecte la norme que nous avons transmise à Bruxelles de progression des dépenses publiques. A l'intérieur des choix qui sont faits dans le budget général de la nation, il est très important de maintenir cet effort en faveur des chômeurs les plus en difficulté."
Le Pare, le Plan d'aide au retour à l'emploi, est en application. Est-ce qu'il va aider à diminuer le nombre de chômeurs ?
- "Je l'espère. Quelle est notre politique de l'emploi en dehors de ces programmes dont je viens de vous parler ? C'est la lutte contre l'exclusion et c'est justement l'accompagnement personnalisé des chômeurs. C'est mis en place depuis le 1er juillet. Cet accompagnement personnalisé des chômeurs va être fait aussi bien pour les chômeurs indemnisés par l'Unedic que pour les chômeurs non indemnisés."
2,4 % d'augmentation, les syndicats disent que ce n'est pas assez. Qu'en dites-vous ?
- "Il est normal que les syndicats expriment leur souhait de voir augmenter les indemnisations. Il est très important que nous ayons cet accompagnement personnalisé parce qu'on fait du sur-mesure, c'est-à-dire que l'ANPE et les Assedic proposent au chômeur un bilan de compétences, un programme spécial personnalisé et complètement adapté au parcours antérieur de la personne pour faciliter son retour à l'emploi."
Le Premier ministre a-t-il fini de rédiger sa lettre adressée aux partenaires sociaux ? Vous l'avez lue ou rédigée ?
- "Forcément, nous en avons parlé. Le Premier ministre, en effet, va donner une suite aux entretiens qu'il a eus sur trois jours complets à Matignon avec l'ensemble des partenaires sociaux. Je crois que c'est très important."
Vous recommencerez l'expérience de les recevoir tous ensemble ?
- "C'est au Premier ministre de décider des modalités. Ce qui est certain en tout cas, c'est que sur les trois thèmes qui ont fait l'objet des discussions - la démocratie sociale, l'avenir de la protection sociale et de la Sécurité sociale et la question de l'emploi - il est très important que nous puissions poursuivre les entretiens avec les partenaires sociaux. Je le ferai bien entendu de mon côté, comme je l'ai toujours fait. Je crois que ce sont des thèmes d'avenir. Il nous faut intensifier la négociation collective. Je pense qu'il est très important que les partenaires sociaux aient des discussions entre eux et qu'il est aussi très important qu'à certains moments, sur certains sujets, les partenaires sociaux soient avec l'Etat."
La gauche plurielle est au pouvoir depuis quatre ans : elle découvre la rénovation sociale ?
- "Non, je ne crois pas. Je crois qu'il y a toujours eu cette volonté. Les partenaires sociaux avaient plutôt marqué depuis deux ou trois ans leur volonté de discuter entre eux voulaient voir se développer, l'Etat n'a pas souhaité interférer. Maintenant, ils adressent une autre demande qui est que l'Etat prenne position sur un certain nombre de sujets. Là, nous allons le faire."
La lettre est pour aujourd'hui ou pour demain ?
- "Demandez au Premier ministre, ce n'est pas moi qui l'écrit. Je pense qu'elle devrait ne pas tarder maintenant."
Avant la fin de la semaine ?
- "Probablement."
On a l'impression que le Gouvernement est tout doux, tout miel avec les partenaires sociaux, y compris avec le Medef. Est-ce que vous pensez que vous pouvez le faire revenir ? Pouvez-vous obtenir qu'il continue à gérer ou qu'il revienne gérer les instances paritaires ?
- "Il ne s'agit pas d'une question de séduction. Il s'agit de savoir comment on gère un grand pays comme le nôtre. Je crois profondément à l'utilité de la négociation entre les partenaires sociaux. Je crois à l'apport de la société civile. Je pense que l'Etat a un rôle très important mais que dans une société complexe comme la nôtre, l'Etat ne peut pas tout faire et que par conséquent, il faut qu'il y ait des négociations entre partenaires sociaux, sans doute le paritarisme - qui peut paraître une bonne chose pour la gestion de la sécurité sociale - et que l'Etat ait son mot à dire. C'est lui qui dit l'ordre social et qui donne les garanties minimales."
Le titre des Echos : "Laurent Fabius passe la vitesse supérieure dans un discours offensif, il se mobilise pour sauver la croissance."
- "Très bien."
La Tribune : " Fabius se démarque pour l'entreprise et pour l'actionnaire."
- "Formidable."
Mais pourquoi pour les Français ont-ils cette impression, peut-être classique, que Bercy cherche à doper l'économie et la rendre attractive et compétitive et le ministère des Affaires sociales la plombe ?
- "C'est une idée fausse contre laquelle je m'inscris. Je ne crois pas que l'on puisse faire une bonne économie contre le social et je ne crois pas que l'on puisse avoir une bonne politique sociale si l'économie ne marche pas."
Donc, vous dites merci à Fabius ?
- "Par conséquent, nous agissons dans le même sens. Ce sont les petites et moyennes entreprises qui créent de l'emploi. Je me souviens, qu'ici même, à votre micro, le lendemain de mon arrivée au ministère de l'Emploi et de la Solidarité, je vous avais dit que j'étais autant la ministre de les entreprises, et des petites entreprises en particulier que la ministre des salariés. Je n'ai pas changé."
De quoi il se mêle alors ! Vos relations sont excellentes, naturellement.
- " Excellentes"
Il ne vous appelle plus Elisabeth mais Madame la ministre des Affaires sociales. Est-ce vrai ?
- "Ce sont des fables."
Est-ce qu'il ne manifeste pas de plus en plus sa différence et sa musique à lui ?
- "Je pense que dans un Gouvernement, chacun a à affirmer ce qu'il est chargé principalement de défendre. Je suis là pour défendre les intérêts des salariés mais je ne le fais pas contre l'entreprise. Lorsque je dis qu'il faut que les salariés aient davantage le doit à la parole dans la stratégie des entreprises, c'est le management moderne : on ne peut plus imposer les choses d'en haut."
L. Fabius a dit hier qu'il avait bon espoir sur l'assouplissement des 35 heures pour les PME. Vous aussi vous avez le même espoir ?
- "Je pense que sur les 35 heures, il est de l'intérêt de toutes les entreprises, et surtout des plus petites, et surtout de celles qui travaillent dans des secteurs où on demande de travailler le week-end, où on demande d'avoir des horaires de travail importants, de passer aux 35 heures. De toute façon on ne peut pas avoir des entreprises à deux vitesses, on ne peut pas avoir des entreprises qui offrent à leurs salariés les 35 heures et d'autres qui le leur retirent."
Vous l'assouplirez pour les petites ?
- "Je n'ai aucune réserve de principe sur l'assouplissement dans le cadre de la loi. Ceci dit ce que je ne veux pas c'est que l'assouplissement par exemple sur les heures supplémentaires soit utilisé comme un prétexte pour éviter ou pour penser qu'on peut éviter de passer aux 35 heures. Ce serait une erreur profonde. Le premier message à faire passer aux entreprises notamment aux plus petites est : "Faites attention. Votre intérêt est de passer aux 35 heures. Nous allons vous y aider." J'ai doublé l'enveloppe d'appuis conseils qui permet à chaque entreprise d'avoir un ingénieur-conseil pour faire les 35 heures. C'est la priorité ; s'il faut des assouplissements...
Vous n'y êtes pas hostile ?
- "Sur le principe, jamais. D'ailleurs, quand je suis venue à votre micro au lendemain de mon arrivée au ministère de l'Emploi et de la Solidarité, je vous l'ai dit. Nous faisons un bilan huit mois après et encore une fois, je n'ai pas changé."
Il y a une question que je ne vous ai pas posé à l'époque : quel est le montant de vos fonds secrets ?
- "Je ne vous répondrai pas là-dessus."
Vous en avez ?
- "Comme tous les ministères. Le Premier ministre a demandé un rapport au président de la Cour des comptes. Je crois qu'il faudrait davantage de transparence..."
... Il n'a pas dit qu'il les supprimerait. Est-ce qu'il faudrait les supprimer ? N'est-il pas utile, dans certains cas, de les avoir ?
- "Il faut que nous ayons, comme dans tous les grands pays, davantage de contrôle et de transparence, notamment sur ces fonds qui vont en effet, aux services secrets et qui sont donnés au ministère pour donner des compléments de rémunération à des collaborateurs qui travaillent 80 heures par semaines. Il serait souhaitable qu'on ait plus de transparence. Le Premier ministre s'est engagé dans cette voie ; il n'est pas satisfait du système, moi non plus. Par conséquent, ce dont il est question avec ce rapport demandé à M. Logerot, le premier président de la Cour des comptes, c'est de réformer la loi de 1946 qui a institué ces fonds spéciaux et les contrôles qui sont sans doute insuffisants aujourd'hui."
Le procès de R. Hue vient de s'achever. Il dit qu'il faut venir devant la justice pour qu'elle passe. Est-ce un bon conseil pour des gens qui sont au sommet de l'Etat ?
- "Je n'ai pas de conseil à donner. Chacun agit vis-à-vis de la justice comme il l'entend et assume le conséquences de ses actes."
N'avez-vous pas l'impression qu'il y a un acharnement contre les Chirac ?
- "Depuis 1997, nous avons une justice indépendante. C'est ce Gouvernement qui l'a voulu et par conséquent, la justice fait son travail. Nous n'avons pas à gêner, à activer, ni même à commenter ce travail fait par la justice. Je souhaite surtout que le débat politique porte sur autre chose."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 5 juillet 2001)