Texte intégral
Monsieur le Député, vous nous rafraichissez et vous nous secouez. C'est bien utile ! Monsieur le Député Maire, Madame la Représentante de Monsieur le Président de la région Nord-Pas-de-Calais, Monsieur le Maire de Roubaix - cher Pierre, merci pour l'accueil - Madame la Première présidente de la Cour d'appel de Douai, Monsieur le Procureur général de la Cour d'appel de Douai, Monsieur le Procureur général de Lille, Monsieur le Procureur de Lille, Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de Lille, Monsieur le Préfet, Monsieur le Général, Monsieur le Commandant, Monsieur le Directeur de la sécurité publique, Monsieur le Président du service intercommunal d'aides aux victimes, Madame la Directrice de l'ENPJJ, Mesdames et Messieurs les Présidentes et Présidents d'associations d'aides aux victimes, Mesdames et Messieurs. Pardon si j'ai oubli une personne, et mille pardons si j'en ai oublié plusieurs.
Mesdames et Messieurs, ce matin, je tenais à être présente. L'an dernier, j'étais avec vous à Bourg-en-Bresse. Pour moi, il était extrêmement important de répondre à nouveau présente, en particulier parce que ce rendez-vous se tient dans ce bel établissement. Je souligne l'esthétique de cet établissement, qui représente un véritable défi architectural, et l'audace de la reconversion, qui a été osée. Je suis heureuse d'être présente pour saluer les missions essentielles de cette belle école de la protection judiciaire de la jeunesse.
Vous avez choisi un thème d'une grande actualité et d'une nécessité impérieuse. Avant de dire quelques mots au sujet du thème sur lequel vous allez travailler pendant deux jours, je veux d'abord vous saluer Madame la Présidente. Je veux saluer votre pugnacité, votre courage et votre détermination. Je veux répondre à quelques-unes de vos interpellations. Certaines nécessiteront que je revienne vers le secrétariat général de la Chancellerie. Ainsi, je pourrai vous apporter quelques éléments de précisions. Vous savez que j'aurai à cœur de vous apporter une réponse verbale - je prendrai volontiers mon téléphone - et écrite, puisque c'est ainsi que nous stabilisons les relations entre votre fédération et le ministère de la Justice.
L'an dernier, j'étais parmi vous à Bourg-en-Bresse où certaines questions, évoquées aujourd'hui, avaient déjà été posées. Certaines réponses ont été apportées. D'une façon générale, je tiens à vous dire que je refuse que nous fassions le tri entre les victimes. Je connais vos engagements. Je connais la diversité de vos associations. Je sais que vous avez le souci de la totalité des victimes. Vous êtes conduits à vous défendre sur le champ de l'intervention généraliste. J'en ai bien conscience. Avant même vos interpellations, j'en avais conscience. J'y suis sensible.
Vous n'ignorez certainement pas la bataille que j'ai livrée très fortement, très formellement, pour maintenir, par exemple, le 08 Victimes. J'ai également mené bataille dans le cadre de la campagne de sensibilisation contre le harcèlement sexuel. J'avais diffusé une circulaire d'application. Il existe un numéro spécifique pour les violences faites aux femmes. La majorité des victimes de harcèlement sont des femmes. La campagne a intégré les deux numéros.
Je considère qu'il faut être très attentif pour ne permettre aucun clivage entre les victimes. Bien sûr, il est indispensable de prendre en considération certaines situations particulières. Certaines infractions génèrent des traumatismes particuliers. Il faut prendre en charge les victimes particulières dans le cadre de dispositifs spécifiques et d'un accompagnement très ciblé.
Dans le même temps, il faut être sensible à l'approche généraliste des victimes, de toutes les victimes, quel que soit le préjudice subi. Il faut être attentif à l'approche globale des victimes. Je refuse les catégories. Je refuse d'accepter la moindre idée d'une hiérarchie entre les victimes. Je refuse d'alimenter, même de suggérer, qu'il puisse exister des rivalités entre les victimes. Je crois qu'il faut très fortement réaffirmer la mobilisation généraliste assurée par votre fédération des associations d'aide aux victimes. Vous intervenez auprès des victimes quelles qu'elles soient, y compris auprès des victimes particulières, y compris auprès des victimes particulièrement fragiles ou fragilisées. L'approche globale, que vous assurez, doit être valorisée. Je refuse absolument d'instrumentaliser les victimes. C'est pourquoi j'approche aussi bien votre fédération, que les associations. Je rencontre ces dernières lors de mes déplacements, tout comme les victimes, que j'approche avec le plus grand respect et la plus grande retenue.
L'instrumentalisation des victimes est scandaleuse, insupportable et insultante. Une victime n'est pas une catégorie. Elle n'est ni un numéro ni une pancarte. Elle est une personne avec sa souffrance, sa complexité et son courage. J'ai été confrontée au courage de ceux et celles qui militent pour l'aide aux victimes et au courage des victimes qui osent s'organiser, se rassembler et se mobiliser à l'intérieur d'associations. La victime est marquée d'une souffrance. Elle a subit un préjudice. Elle l'affronte selon ses propres capacités. Heureusement, chacun d'entre nous est singulier. Nos réactions sont différentes face aux mêmes faits, aux mêmes circonstances ou aux mêmes agressions. Il importe d'être attentif à la singularité de chacune des victimes. Une alchimie, toujours imprévisible, dépend du propre tempérament, de la situation particulière au moment où le préjudice est infligé et des capacités de résilience de la victime. Ce tout est d'une grande complexité. Tout dépend des circonstances et de l'équation personnelle. Nous ne pouvons jamais exactement savoir comment une victime vit le préjudice qu'elle a subi ni comment elle réagira.
Une victime doit surtout mobiliser beaucoup de courage. J'ai rencontré des victimes. J'ai échangé avec des associations locales et votre fédération. J'ai bien perçu à quel point il existe un refus d'essentialisme, un refus d'être totalement défini en qualité de victime. Ce ressort vous conduit à être des pionniers dans la justice « restaurative ». Vous n'acceptez pas l'enfermement exclusif dans une identité de victime qui serait à la fois essentialiste et définitive. Je m'incline devant ce courage. Il m'est inconcevable d'envisager ou d'imaginer une instrumentalisation des victimes.
Pour que tout cela s'exprime et contribue à faire en sorte que la délinquance recule dans la société, pour que les victimes se rétablissent et se reconstruisent, pour que nous contribuions au lien social, des réponses à des sujets pratiques et prosaïques, y compris à des sujets financiers, doivent être apportées.
L'an dernier, je suis venue à votre rencontre à Bourg-en-Bresse à l'occasion des vingt-cinq ans de l'INAVEM. Vous m'aviez interpellée sur la « contribution aux victimes », assise sur le produit des amendes pénales. Comme je le fais toujours, je vous avais répondu très franchement. Pour moi, dire les choses très clairement est une marque de respect. Je vous avais dit que cette proposition me posait deux problèmes.
Le premier est philosophique. Le principe même de la justice consiste à éviter le vis-à-vis extrêmement périlleux entre l'auteur des faits et la victime. La création d'institutions judiciaires a été un fait de civilisation majeur. Nos institutions judiciaires sortent notre société de ce face-à-face entre les auteurs et les victimes. Il me semble qu'une contribution aux victimes assise sur le produit des amendes pénales des auteurs des actes répréhensibles rétablirait un mécanisme propice à introduire un lien entre l'auteur et sa victime. Je sais que vous pensez le contraire.
Le deuxième souci est lié aux règles budgétaires du ministère de l'Économie et des Finances. Hélas, mes craintes se sont avérées exactes. Les complications en matière de recouvrement sont réelles. Malheureusement, dans notre société, dans notre pays, le recouvrement des amendes est loin d'être satisfaisant. La sécurité financière ne serait pas effective. De plus, je craignais que cette contribution aux victimes serve de prétexte à l'affaiblissement des lignes budgétaires dévolues à l'aide aux victimes, que je me démenais à sécuriser.
Je vous avais présenté très franchement mes inquiétudes en vous disant que j'allais les explorer, ce que j'ai fait ! Nous nous sommes revus en octobre puis en mars. Très rapidement, j'ai décidé de missionner une parlementaire. Si j'avais choisi une mission brève avec un périmètre très restreint, j'aurais pu la nommer moi-même. Parce que j'ai choisi que cette personne effectue un travail plus dense et plus profond, j'ai demandé au Premier ministre de la désigner comme parlementaire en mission. Le processus est plus lourd, plus long, plus compliqué à mettre en place, parce qu'il introduit de l'interministériel. Comme j'ai tenu à vous en tenir informés, vous savez que nous avons eu quelques soucis. Il a été difficile de convaincre, de persuader le ministère de l'Économie et des Finances. Cette difficulté a retardé le lancement de cette mission.
Aujourd'hui, Nathalie NIESON a commencé cette mission. Ses débuts sont tout à fait satisfaisants et intéressants. Évidemment, j'ai mis tous les moyens de la Chancellerie à sa disposition. Le déplacement de quelques jours, qu'elle a effectué au Canada, lui a permis de rencontrer des personnalités ad hoc. Elle a pu prendre toute la mesure du dispositif qui a été mis en place dans ce pays. Elle a étudié son opérationnalité, son influence et l'impact d'un certain nombre de paramètres, notamment culturels et sociologiques, sur l'efficacité de cet instrument.
Il ne suffit pas de constater que l'instrument fonctionne bien dans une société pour être persuadé qu'il fonctionnera correctement ici. Ce n'est pas le cas. Le Canada - et particulièrement Montréal - a apporté des réponses à la nécessité de financer l'aide aux victimes. À mon avis, certaines ne fonctionneront pas ici, notamment pour des raisons tout à fait mécaniques. Au Canada, le recouvrement des amendes fonctionnent très bien. En France, tant que le taux de recouvrement restera de moins de 40%, nous ne pourrons pas espérer une sécurisation réelle.
J'ai tenu à entendre Nathalie NIESON avant de venir vers vous. Je l'ai reçue en début de semaine. Elle m'a fait un rapport d'étape. Elle a dégagé six pistes, qui seront expertisées, explorées et consolidées. Nous nous interrogeons quant à savoir si nous devons en retenir une parmi toutes. Je n'exclue pas de cumuler des pistes qui nous permettraient d'additionner des ressources. Surtout, je lui ai demandé de veiller à concevoir des ressources pérennes. Compte tenu des auditions qu'elle a effectuées avec vous-mêmes et diverses associations, elle est convaincue de la nécessité de travailler à l'organisation de contrats pluriannuels.
Je crois qu'il faut dégager les associations du temps et de l'énergie qu'elles consacrent à la recherche des financements. Souvent, les associations sont conduites, voire contraintes, à déployer des astuces pour mobiliser des financements a priori non dévolus à de l'aide et à de l'accompagnement aux victimes. Elles mobilisent des financements qui s'inscrivent dans des programmes de cohésion. Elles convertissent ces sommes au bénéfice des victimes. Seulement, il faudrait réussir à dégager ce temps et cette énergie de sorte à ce qu'ils soient directement mis au service des victimes.
J'en viens au financement de l'aide aux victimes. Malheureusement, le budget du ministère de la Justice n'est pas extravagant. Ce budget, qui avait été augmenté de façon appréciable de 4,3%, a subi depuis des gels successifs. Le dégel n'est pas encore amorcé. J'ai dû contribuer à l'équilibre des finances publiques, à l'effort commun de solidarité et au plan de lutte contre l'exclusion et la pauvreté. J'ai perdu une partie de mes crédits. Néanmoins, j'ai tenu à préserver, à sanctuariser l'aide aux victimes, qui, comme vous le savez, était de 80,5 millions d'euros. Elle atteint 12,8 millions d'euros aujourd'hui. Je sais que ce n'est pas suffisant, mais cette aide a progressé. Jusqu'à l'an dernier, il me plaît de rappeler qu'elle subissait depuis longtemps une baisse, qui fut de 6% en 2012. Cette année, je l'ai augmenté de 25,8%. L'effort est important, y compris pour absorber les créances pesant sur un certain nombre d'associations.
Je sais que les associations sont fragiles. Vous me l'avez dit l'année dernière. Je m'en suis préoccupée. Lors de mes déplacements, il arrive souvent que les parlementaires m'alertent en particulier sur l'association de leur circonscription. À plusieurs endroits, je sais que nous devons continuer à éteindre le feu. Ponctuellement, il m'arrive de débloquer de petites sommes, car elles permettent parfois de maintenir une association encore en activité. J'ai le sentiment que cela n'est pas bien juste. Je le fais parce qu'un parlementaire m'a attrapée. Nous devons mieux consolider le système d'une façon générale pour permettre aux associations d'avoir la légèreté d'esprit nécessaire à l'accomplissement de la lourde mission qui leur incombe auprès des victimes.
Par ailleurs, vous savez à quel point je me suis mobilisée sur le Fonds Interministériel de Prévention de la Délinquance (FIPD). Dès le mois de juin de l'année dernière, j'ai obtenu l'inversion de la répartition de ce fonds, qui était consacré à 75% à la vidéo surveillance et à 25% à tout le reste. Dès le mois de juin, j'ai obtenu qu'il soit consacré à 25% à la vidéo surveillance et à 75% à tout le reste, donc à la présence humaine. De part votre présence, vous aviez raison de rappeler que vous assurez un maillage territorial, qui apporte une réponse aux victimes quel que soit leur lieu de vie et quel que soit le lieu de leur agression.
Le Comité interministériel 2014-2017 s'est réuni. Les répartitions ont été faites. Des lignes sont bien sûr consacrées à des victimes spécifiques. Je pense notamment aux violences faites aux femmes et aux violences intrafamiliales. Ces agressions spécifiques doivent être traitées spécifiquement. Je vous le dis tout en étant absolument persuadée du besoin et de l'importance de l'intervention généraliste. Très franchement, je pense que nous devons réussir à faire reculer ces agressions dans la société. Nous devons faire chuter le taux d'acceptabilité sociale de telles agressions. Aujourd'hui, au XXIe siècle, chaque citoyen doit convenir qu'il est inadmissible que des violences soient faites aux femmes et que la maison se révèle un lieu d'hostilité propice aux agressions et à la guerre. Pour faire reculer ces violences, il faut des interventions ciblées et une politique publique tout à fait volontariste.
Au sein des commissions FIPD, je veille à ce que les procureurs de la République soient mobilisés. Au mois de juin, j'ai été très heureuse de remporter le combat sur l'inversion de la répartition de ce fonds, mais la vigilance sur l'affectation des lignes reste de mise pour permettre une meilleure prise en compte des actions conduites par les militants associatifs. De la même façon, sur l'ensemble du territoire, je demande aux Cours d'appel de veiller à la bonne application de la politique gouvernementale sur l'accompagnement et l'aide aux victimes. Sur les 12,8 millions d'euros, dont je parlais tout à l'heure, plus de 9,5 millions d'euros ont été mis, au mois de juin, à la disposition des Cours d'appel de façon à ce qu'elles les répartissent entre les diverses associations locales, hors bureaux d'aide aux victimes. L'existence des bureaux n'est pas au détriment de l'aide accordée aux associations. Ainsi, les Cours d'appel disposent déjà de moyens.
Simplement, je vois bien l'alerte. Au mois de juin, nous avons déjà débloqué 9,5 millions d'euros. Je me pose la question de savoir comment nous finirons l'année. Je comprends que le besoin est réel. L'absorption des crédits révèle la mobilisation des associations sur le terrain. Sur ce sujet, je travaillerai à nouveau avec le secrétaire général présent, ce matin.
S'agissant du financement, telles sont les principales pistes. Les principes doivent être réaffirmés : intervention généraliste, prise en charge globale, consolidation et donc pluri-annualisation des financements au service des associations.
La politique générale d'aide aux victimes s'entend financièrement, car les moyens sont le nerf de la guerre pour agir, mais elle doit aussi s'entendre en matière d'orientation. Sur ce plan, vous êtes des partenaires extrêmement précieux, parce que vous refusez ce que j'évoquais tout à l'heure, à savoir l'essentialisme. Vous refusez de vous positionner telle une victime passive qui subirait. Vous êtes des associations de victimes et des associations d'aide aux victimes. Vous posez la victime comme un sujet de droit. Tel est bien ce que j'ai perçu de votre contribution à la conférence de consensus. Je veux encore vous remercier publiquement d'avoir accepté de participer, d'apporter une contribution à cette conférence de consensus, dont je vais rappeler en quelques mots l'esprit.
J'ai clairement affiché la volonté politique de créer un consensus dans la société sur ces questions. Ces politiques sont essentielles pour le vivre ensemble, le lien social et la cohésion. Les politiques publiques de la justice en particulier sont essentielles dans notre société. Je demande à être éclairée dans ma décision par des éléments objectifs et par des analyses rigoureuses manifestant la véritable volonté de servir la société. Tel était l'esprit de cette conférence de consensus ! Le Comité d'organisation, qui fut mis en place, rassemblait des personnalités extrêmement diverses. Elles ont eu des parcours et des expériences très différentes. Malgré leurs multiples sensibilités et appréciations sur ces sujets très difficiles et compliqués liés aux questions pénales, je leur ai demandé de travailler ensemble et de produire un diagnostic partagé sur notre niveau de connaissance, sur les expériences que nous avons conduites en France, et sur celles qui ont été menées en Europe, en Amérique du Nord, et plus singulièrement au Canada.
Vous avez accepté d'y contribuer. Comme vous l'avez très clairement exprimé, nous partageons la conviction que lutter contre la récidive revient à vouloir éviter de nouvelles victimes. La politique pénale doit justement viser à éviter de nouvelles victimes. Vous avez apporté une contribution tout à fait appréciable. Vous avez accepté de donner de la densité et de la crédibilité à ce processus. D'autres associations de victimes y ont participé. Par exemple, l'association Le Mars de Reims a participé au Comité d'organisation. J'ai moi-même réuni très rapidement le Conseil national d'aide aux victimes de façon à lui permettre de s'exprimer sur les préconisations rassemblées par le jury de consensus. La contribution de celles et ceux, qui ont malheureusement vécu l'agression ayant fait d'elles et d'eux des victimes, est significative. Vous êtes sur le terrain, vous pensez, vous réfléchissez, vous vous mobilisez de façon à accompagner les victimes. Pour moi, cette contribution est vraiment appréciable parce qu'elle me permet de faire prendre en considération de façon tangible l'appréciation des victimes et des accompagnants de victimes dans l'élaboration et la conception même de la politique pénale. Votre contribution est extrêmement précieuse.
Je vous parlais des bureaux d'aide aux victimes. Vous m'en aviez parlé avec une inquiétude assez soutenue. Je rappelle que les bureaux d'aide aux victimes ne sont pas installés au détriment d'autres actions d'aide aux victimes. Ce sont des crédits fléchés, que j'ai défini très précisément lors de l'élaboration du budget. Les crédits pour les bureaux d'aide aux victimes, que je généralise dans tous nos tribunaux de grande instance, coûteront un peu moins de deux millions d'euros. Nous avons estimé ce montant pour des places d'ouverture, qui seront différentes selon les territoires et selon l'importance du tribunal de grande instance. Il était vraiment nécessaire d'installer des bureaux d'aide aux victimes dans nos juridictions.
Je me suis déplacée. J'ai vu. Nous en avons déjà installés 68. Je m'étais engagée à en installer dans tous les tribunaux de grande instance. L'expérimentation, commencée en 2009, avait permis d'installer 50 bureaux d'aide aux victimes. Je me suis engagée à en installer dans tous nos TGI. En 2013, nous en ouvrirons dans tous les autres, autrement dit une centaine. Nous en avons déjà ouvert 68.
Ces bureaux d'aide aux victimes accueillent les victimes. Leur mission est particulière. Elle n'est pas au détriment d'autres actions. Ces bureaux assurent une présence dans nos tribunaux de grande instance. Ils assurent un accueil personnalisé. Ils accompagnent la victime durant les audiences. Ils l'informent sur le fonctionnement judiciaire en général. Lorsque les jugements sont rendus, ils l'aident à procéder à la mise en exécution des dommages et intérêts. Ils l'aident à saisir d'autres structures, y compris les commissions d'indemnisation d'aide aux victimes.
Il ne s'agit pas de faire double emploi ou de fragiliser les associations d'aide aux victimes. Dans nos tribunaux, il s'agit de créer un guichet unique d'orientation pour accompagner la victime dans la procédure qui la concerne. J'y suis extrêmement attachée au point que j'en fais un élément essentiel de la politique publique du ministère en matière d'accompagnement des victimes.
Ce mois-ci, j'ai demandé à l'inspection des services judiciaires d'accompagner la mise en place de ces bureaux d'aide aux victimes. Je lui ai demandé de se déplacer sur le territoire de sorte à voir les conditions dans lesquelles ces bureaux s'installent, s'ouvrent et fonctionnent. Je lui ai demandé de repérer les éventuelles difficultés au niveau de ses relations à l'intérieur du tribunal, avec les partenaires et les associations d'aide aux victimes, qui, d'ailleurs, sont souvent celles qui acceptent de les prendre en charge, de les tenir et de les animer.
Les procureurs et les présidents de tribunaux, que j'ai rencontrés, sont absolument ravis de la présence de ces bureaux d'aide aux victimes, et surtout du travail de très grande qualité effectué par les associations. Ils les traitent correctement. Là où je suis allée, les bureaux sont correctement installés. Il faudra que j'aille là où ils le sont moins. En tout cas, j'ai rencontré des chefs de juridiction tellement contents et satisfaits du travail effectué qu'ils prennent la précaution d'installer ces bureaux correctement. Je veillerai à ce que les moyens soient assurés. Je veillerai à ce que l'accueil soit effectué de façon anonyme et confidentielle. Il faut un minimum de logistique (une ligne téléphonique, un ordinateur indispensable pour travailler). Si vous avez connaissance de lieux particuliers où il existe des manques, n'hésitez pas à me faire remonter l'information. C'est à cette condition que je pourrai réparer.
Nous veillons à ce que ces bureaux d'aide aux victimes trouvent leur place. Je le répète, ils ne trouveront pas leur place au détriment des associations, et notamment de votre réseau. Ils ne trouveront pas leur place à ce prix ! Néanmoins, ils devront trouver leur place. Nous allons de plus en plus les organiser. Nous allons les installer dans le territoire. Nous travaillons à une signalétique commune de façon à pouvoir les repérer partout dans nos TGI. Nous travaillons également à assurer l'information. Nous élaborons une plaquette d'information, qui sera remise aux victimes par l'huissier assistant à l'audience, ou qui leur sera adressée en même temps que leur convocation.
Je crois pouvoir compter sur vous. Et je vous dis, comptez sur moi, Madame la Présidente, comptez sur moi, Mesdames et Messieurs les Présidents, pour remettre de la cohérence dans nos interventions gouvernementales relatives à notre politique publique d'aide aux victimes, pour sécuriser votre financement, pour assurer, par votre intermédiaire, une réponse possible à chaque victime quel que soit le lieu où elle réside sur le territoire.
Je vous rappelle que ma circulaire générale de politique pénale et d'action publique a été diffusée en septembre 2012. Parmi ses sept principes directeurs, le quatrième concerne l'attention aux victimes. Sa déclinaison à l'attention des procureurs généraux et des procureurs précise un certain nombre de dispositions à prendre et de dispositifs à mettre en place pour assurer l'information à la victime, par exemple lors des comparutions immédiates qui les prennent souvent de court, pour l'informer sur ses droits, sur les possibilités d'indemnisation et pour l'accompagner. Il faut faire en sorte que la victime se sente immédiatement accueillie, immédiatement prise en charge et indiscutablement respectée.
J'ai demandé au ministère de travailler sur un sujet qui n'est pas simple. Il faudrait peut-être réviser les critères d'éligibilité au fonds d'indemnisation des victimes. Ce n'est pas simple. Ce fonds ne dépend pas exclusivement de l'État, puisqu'il est notamment abondé par les assurances. Il est important que nous prenions en compte les différents profils de victimes. Des infractions ne sont pas prévues. Pourtant, elles provoquent de vrais préjudices. Il faudrait que les victimes de ces infractions puissent émarger à ces fonds. J'espère pouvoir compter sur vous, sur votre expérience, votre connaissance des faits et des réalités du terrain pour moderniser et actualiser le fonctionnement de ce fonds d'aide aux victimes.
Vous avez évoqué une directive européenne. Au sujet de sa transposition, j'ai entendu une impatience. Je la partage. Soyez tranquille, Madame la Présidente, nous veillerons à faire en sorte que cette directive, qui a été adoptée en octobre 2012 par le Parlement européen et par le Conseil, et qui concerne les victimes, soit transposée dans notre droit interne. Nous avons un droit protecteur vis-à-vis des victimes. Il reconnaît le droit des victimes, leur besoin de bénéficier d'un soutien et d'une protection. Il est certain que l'Union européenne nous tire souvent vers le haut. C'est tant mieux !
Pour ma part, en moins d'un an, j'ai procédé à une douzaine de transpositions d'instruments européens et d'instruments du Conseil de l'Europe. Je pense qu'il est extrêmement important d'introduire dans notre droit ces éléments. Par exemple, j'ai procédé à des transpositions d'instruments sur lesquels j'avais un délai allant jusqu'en février 2015. Je veillerai à ce que nous inscrivions celui-ci le plus tôt possible dans l'agenda parlementaire de façon à ce que nous procédions à sa transposition.
Son article 22 est tout à fait intéressant. Il présente un instrument qu'il nous faudra construire sur l'évaluation personnalisée des victimes. Vous me direz si vous partagez mon analyse, mais je crois que l'évaluation personnalisée des victimes n'a pas grand-chose à voir avec les enquêtes sociales, que nous réalisons, ou avec les expertises classiques commandées par le tribunal. Je pense qu'il faudra réussir à construire le contenu de cette évaluation personnalisée de la victime. Il faudra saisir tous les paramètres que j'évoquais tout à l'heure, à savoir les éléments de l'équation personnelle. Qui est cette victime ? Quelle est sa personnalité ? Quelle était sa fragilité au moment des faits ? Quelle est sa vulnérabilité durable, s'il en existe une ? Quelles sont ses capacités à réagir et à surmonter le traumatisme subi ? Il nous faudra parvenir à construire cela.
J'ai déjà demandé à un groupe de travail de réfléchir à une conception de cette évaluation personnalisée. Les travaux ne sont pas assez avancés pour que je fasse des annonces. Simplement, nous travaillons en vue d'une expérimentation. Nous réfléchissons au nombre critique de lieux qui nous permettraient de comprendre comment nous pourrions améliorer le dispositif et le généraliser par la suite. Je compte sur vous et votre mobilisation. Ensemble, nous pouvons faire un bon travail.
Je vous ai déjà dit que j'étais très attachée au 08 Victimes. Malgré sa mise en cause, j'ai tenu à l'impliquer dans la campagne sur le harcèlement sexuel. Simplement, il existe un étau de part la contrainte communautaire et le rapport de la Cour des comptes. Vous le savez. Nous sommes dans une démocratie. Nous avons des institutions dotées d'un certain pouvoir. Depuis plusieurs années, je sais que vous réalisez un travail extrêmement important sur cette plate-forme. J'ai reçu des mises en cause. Je les ai évacuées. Je conçois qu'une personne ait été éventuellement peu satisfaite, un jour, de l'accueil ou de la réponse apportée, mais cela n'autorise pas à remettre en cause une mobilisation générale et désintéressée. Un vrai professionnalisme a été acquis. Il s'est construit et installé dans le temps. Celles et ceux, qui gèrent cette plate-forme, font preuve d'un grand dévouement et désintéressement. Le lancement d'un appel d'offres pour la gestion de cette plate-forme a été obligatoire. L'appel d'offres a eu lieu en décembre. Il m'a été dit que le dépouillement est en cours. Je ne dispose pas des informations, parce que je n'ai pas à les connaître. Je ne peux pas vous les transmettre. Je vous répète ce que j'ai dit l'année dernière. Considérant la qualité du travail que vous avez fourni, il aurait été en mon pouvoir de vous maintenir sur la gestion de cette plate-forme, je n'aurai pas hésité un quart de seconde. C'est tout à fait au-delà de moi. En tout cas, j'espère que les résultats de l'appel d'offres... Je le dis à haute voix ! Je n'ai pas à interférer. Je le dis parce que je crois qu'il n'y a pas lieu de prendre des risques alors que votre fédération a fait la preuve de son efficacité et de son dévouement. Nous sommes dans un État de droit. Des règles s'imposent à nous. Des procédures s'imposent à nous. Je m'incline, mais cela ne m'interdit pas de dire à haute voix que j'espère vraiment que vous pourrez poursuivre le travail de très grande qualité que vous avez commencé.
Pour terminer, j'en viens à la thématique que vous avez choisie pour ces 28e assises. Vous avez choisi la confiance numérique et les cyber-victimes. Vous avez raison. C'est un sujet urgent et d'une nécessité impérieuse. Certains orateurs ont décrit la cybercriminalité. Elle a deux aspects. Tout d'abord, des criminalités traditionnelles et anciennes prennent une autre ampleur et une autre forme du fait des nouvelles technologies. Puis, malheureusement, l'inventivité et une créativité assez dynamique occasionnent des infractions nouvelles. Les chiffres sont assez inquiétants. On m'a indiqué que 164 cyber-infractions étaient repérées, déterminées. En 2010, 33 000 cas liés à des cyber-infractions ont été constatés. Plus de 10 millions de personnes ont été victimes de la cybercriminalité. On me donne un chiffre impressionnant. Une personne est attaquée toutes les trois secondes ! Depuis que nous sommes réunis, la cybercriminalité a causé beaucoup de nouvelles victimes. Quatre victimes sur dix seraient des mineurs. Ce ratio est inquiétant. 40% des victimes seraient des mineurs ! Il y a lieu de réagir de façon diligente, mais surtout de façon efficace.
L'institution judiciaire apporte un certain nombre de réponses. Nos juridictions interrégionales spécialisées - nos JIRS - ont en charge les procédures relatives aux infractions les plus graves. Pour enquêter, vous savez que les JIRS ont recours à un certain nombre de techniques et de moyens procéduraux leur permettant d'être particulièrement efficaces. Nous avons également des magistrats référents dans nos juridictions. L'École nationale de la magistrature a été chargée de mettre en place des modules de formation. Elle l'a fait ! Sur ces infractions particulières, nous formons nos magistrats, nos greffiers, nos policiers, nos gendarmes et les personnels des services sociaux amenés à entrer en contact avec la victime.
Telles sont nos premières réponses, mais elles ne suffisent pas. L'ampleur du phénomène est telle, la tonicité de ce phénomène est telle, qu'il nous faut apporter des réponses de plus en plus élaborées et de plus en plus fines. Nous allons le faire. En février 2011, un groupe de travail a été mis en place à l'initiative du Premier ministre. Ce groupe de travail mobilise le ministère de la Justice, le ministère de l'Économie et des Finances, le ministère de l'Intérieur ainsi que le ministère délégué à l'Économie numérique. Sa feuille de route consiste à élaborer une stratégie de lutte contre la cybercriminalité.
J'ai le plaisir de saluer Monsieur le Procureur général de la Cour d'appel de Riom, Marc ROBERT. Suite à ma demande insistante, il a accepté de présider ce groupe de travail sur la cybercriminalité. Je vous en remercie chaleureusement. Je sais que vous assurerez une animation de qualité. En novembre 2012, nous pourrons disposer. Pardon, je suis tellement impatiente que je fais de la rétroactivité ! En novembre 2013, vous remettrez votre rapport. Merci d'avoir accepté cette lourde responsabilité en plus des charges qui vous incombent. Avant la fin de l'année, nous disposerons d'éléments. Ils nous permettront d'ajuster les réponses que le ministère de la Justice apporte à cette cybercriminalité, malheureusement, galopante.
Mesdames et Messieurs les Présidentes et les Présidents d'associations d'aide aux victimes, je dois vous dire toute ma gratitude. Je dois vraiment vous exprimer ma profonde reconnaissance pour le travail que vous effectuez au quotidien. J'en prends toute la mesure. Je sais à quel point vous faites preuve d'audace, notamment dans le domaine de la justice restaurative.
D'ailleurs, une nouvelle expérimentation aura lieu d'ici la fin de l'année. Merci à vous. Vous travaillez avec le SPIC des Yvelines. Vous avez fait un travail d'une très grande qualité à la maison centrale de Poissy. Vous savez que j'émets des exigences en matière de rigueur dans la conduite de l'expérience et dans son évaluation. Je sais que vous aussi. Je n'en doute pas. Le fait d'émettre des exigences de rigueur me donne une responsabilité supplémentaire. Pour ce qui relève du ministère de la Justice, je dois veiller à ce que cette expérience soit accompagnée par des personnels et des experts, autrement dit par toutes les personnes qualifiées nécessaires. Il faut donner à cette expérimentation une dimension scientifique. Merci pour cet acte de générosité extraordinaire ! Votre générosité vous rend capable de décider de mettre face-à-face des auteurs et des victimes. Il ne s'agit pas du face-à-face dont je parlais tout à l'heure. Vous ne mettrez pas face-à-face des auteurs et des victimes de la même infraction, mais des auteurs et des victimes liés par une infraction similaire. Votre générosité est extraordinaire. Vous osez traverser cette frontière pour permettre aux victimes de débuter une reconstruction dans cette circonstance, dans cette configuration, dans ce cadre précis. Les victimes pourront exprimer leurs exigences, leurs accusations, leurs interpellations et leurs souffrances. Certains auteurs réaliseront l'ampleur de leurs actes, car, parfois, la sanction et l'énoncé de la peine ne suffisent pas à leur faire comprendre. Certains comprendront, de façon sensible, ce que ces préjudices ont représenté pour la personne qui les a subis. Des auteurs seront capables d'accomplir ce geste, cette démarche, pour se réhabiliter à leurs propres yeux, pour se réhabiliter aux yeux des victimes, qui ont souffert de leurs actes, et pour se réhabiliter aux yeux de la société.
Cette démarche révèle une magnifique générosité, mais elle est aussi un acte civique. Vous contribuez au lien social, à la cohésion sociale. Vous contribuez à rappeler que nous appartenons à la même société. Aussi furieux que nous puissions être face à un acte de délinquance, face à un délit, face à un crime, nous sommes dans la société avec ces délinquants et ces criminels. Ils resteront en prison aussi longtemps que les juges l'auront décidé. Ensuite, ils reviendront dans la société. Cette démarche est un acte civique. Par ces actes, par ces faits, vous rappelez que nous sommes dans la même société, que nous appartenons à ce monde, à cette communauté nationale, à cette France. Nous lui appartenons. Nous en répondons. Nous devons faire en sorte qu'elle soit un lieu, un espace, de paix publique, de paix civile et de sécurité pour les citoyens.
À supposer que nous puissions résumer des actes aussi beaux, aussi grands, aussi grandioses et aussi quotidiens, par une expression un peu philosophique ou un peu lyrique, la traduction de ce que vous faites serait dans cette conviction que chacun d'entre vous semble porter, que l'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes, de ce que l'on a fait de nous.
Je vous remercie.
Source http://www.justice.gouv.fr, le 28 juin 2013