Texte intégral
- Principales orientations de la politique étrangère de la France
Merci à vous, cela me fait plaisir de vous voir, vous êtes les bienvenus ici.
Il est vrai qu'il y a beaucoup de crises et, en vous écoutant, j'avais à l'esprit la phrase de Shakespeare dans «Le marchand de Venise» qui dit : «S'il était aussi facile de faire que de dire ce qu'il faut faire, les chapelles seraient des cathédrales et les chaumières des palais.». C'est une leçon d'humilité pour nous tous.
Je ne vous ferai pas de topo général d'introduction parce que, comme nous n'avons que peu de temps, je pense qu'il est préférable que je réponde à vos questions.
Je ferai juste une remarque préliminaire.
Il y a effectivement beaucoup de crises, de difficultés et de points chauds dans le monde et le risque, c'est finalement d'essayer d'apporter ce que l'on peut à ces crises mais sans ligne directrice. Or, la France est un pays particulier - cela ne veut pas dire qu'il faille être arrogant - parce que nous avons - même si nous ne sommes pas et de loin le plus grand pays du monde - une diplomatie globale, c'est-à-dire que nous possédons, je crois, l'ensemble de la panoplie de l'influence. Nous sommes un membre permanent du Conseil de sécurité - merci au général de Gaulle ; nous avons une puissance militaire importante, une puissance économique. Nous ne sommes pas la première puissance économique mais il y en a quand même 190 derrière nous. Nous avons un appareil diplomatique, éducatif et culturel important. Nous avons nos principes, notre histoire. Nous avons la langue française. Tout cela constitue pas mal d'éléments, pour une puissance en tout cas. Nous essayons d'avoir une diplomatie globale.
Lorsque le président de la République ou moi-même avons à prendre des orientations ou des décisions sur telle ou telle crise, nous nous référons à quatre piliers qui sont un guide, un point fixe.
Premièrement, nous essayons de travailler, toujours, pour la sécurité et la paix. Cela ne veut pas dire le pacifisme, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'interventions, mais nous tentons, lorsqu'il y a des difficultés, de savoir ce qui est utile pour la sécurité et la paix.
Deuxièmement, il y a tout ce qui touche à la planète, non seulement à l'organisation générale de la planète, avec notre conception de l'ONU et des rapports internationaux. Cette année, en particulier, la préservation de la planète est l'objet de la COP21. Le meilleur résumé a été fait par Ban Ki-moon : «There's no plan B because there's no planet B.» Tout est dit. Au départ, je n'étais pas spécialiste de ces questions mais je m'y suis mis et je suis désormais absolument certain que c'est un énorme problème qu'il faut prendre à bras le corps. Donc, en même temps que la sécurité et la paix, nous essayons de travailler pour la planète.
Troisièmement, nous avons une certaine vision de l'Europe. Nous nous attachons à la relancer, parce que nous croyons en elle, mais en même temps nous nous attachons à la réorienter. Certaines choses ont été faites dans le bon sens mais il reste encore des choses à faire.
Quatrièmement, il y a le redressement économique et plus largement le rayonnement de la France. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à être chargé du tourisme et du commerce extérieur parce que tout cela, dans une France ouverte au monde, prend une certaine cohérence.
Nous allons aborder de nombreux sujets, de nombreuses crises mais chaque fois, nous tentons de nous déterminer à partir de ces quatre grands objectifs. (...).
- Ukraine - Russie
(...)
Q - Sur l'Ukraine. Vous venez de passer un moment avec vos trois collègues européens à Berlin pour parler de la première dimension de cette crise, c'est-à-dire la situation militaire sur le terrain politico-militaire qui est loin d'être résolue étant donné que, apparemment, les armes lourdes restent sur place et que l'on ne respecte pas, pour l'instant, les accords de février. Donc, première dimension : la dimension politico-militaire dans cette confrontation.
Deuxième dimension, c'est la dimension économique et les sanctions qui ont leurs effets positifs et négatifs. On vient de voir que la Grèce par exemple a obtenu un assouplissement dans cette confrontation avec M. Poutine, mais les sanctions étaient quand même une question de (inaudible) pour les Européens et pour les Russes.
La troisième dimension, qui est plus récente, c'est la guerre de communication. Le Kremlin actuellement monte une campagne selon laquelle l'Occident est responsable de tous leurs malheurs et c'est quotidien à Moscou.
Ma question : premièrement, quelle analyse faites-vous sur M. Poutine et sur ses intentions. Au départ, Mme Merkel pensait qu'il serait possible de dialoguer avec lui mais apparemment c'est fini. Croyez-vous que M. Poutine est seul ou y a-t-il peut-être d'autres forces, de personnalités au Kremlin qui pensent que peut-être il faut sortir de la crise ? Deuxième partie de ma question, c'est l'Europe : les Européens, à votre avis, sont-ils unis sur ce qu'il faut faire ou êtes-vous seul avec M. Steinmeier et d'autres pour piloter une politique à deux ? Quelle est la politique, étant donné que les Polonais, les Baltes sont beaucoup plus agressifs dans leur attitude par rapport à l'Allemagne et peut-être vous ?
R - Il y avait la réponse dans la question.
Sur l'Ukraine, dès le début nous avons toujours établi un lien avec la recherche de la sécurité et de la paix. Quand vous m'avez interrogé sur le Yémen, ce que nous cherchons c'est la sécurité et la paix, même si c'est un long processus. Pour la Syrie nous recherchons une solution politique, la sécurité, la paix et l'intégrité du territoire aussi. La question de l'intégrité, du rétablissement des États est une question tout à fait décisive parce que l'on voit en ce moment un affaiblissement des États et une montée de groupes qui veulent se prendre pour des États alors qu'ils ne sont pas des États, notamment des groupes terroristes. Mais l'affaiblissement des États et l'évolution d'États, qui ont été institutionnellement créés pour rassembler des communautés, vers le communautarisme sont des phénomènes très dangereux.
Sur l'Ukraine, notre objectif - là encore entre l'idéal et le réel il y a souvent une grande marge mais c'est cela la marge de la politique -, c'est d'avoir une Ukraine qui puisse avoir, idéalement, à la fois de très bonnes relations avec l'Union européenne et, en même temps, de bonnes relations avec la Russie, puisque tout cela est commandé par la géographie. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. Je ne reviens pas sur l'annexion, que nous considérons comme illégale, de la Crimée par la Russie, quelles que soient les circonstances historiques. Puis, là, nous avons une situation particulière dans l'Est de l'Ukraine.
La France et l'Allemagne, dans le cadre du format « de Normandie », ont agi pour essayer d'obtenir une désescalade. Notre attitude générale dans cette crise ukrainienne vis-à-vis de la Russie est un couple «fermeté - dialogue».
Fermeté, pourquoi ? Parce qu'un certain nombre des agissements de la Russie sont ou ont été des agissements inacceptables.
Q - ...même avec l'Iran, c'est la même attitude.
R - ...Oui, mais les situations ne sont pas exactement les mêmes, mais peut-être que nous parlerons de l'Iran...
Et dialogue, pourquoi ? Parce que nous n'allons pas déclarer la guerre à la Russie. Personne de raisonnable ne peut dire cela. Si nous voulons arriver à renouer les fils du dialogue, à faire baisser la tension, il faut que nous discutions.
Et les sanctions, qui ne sont pas du tout une fin en soi, sont cet élément que nous avons pour faire le lien entre la fermeté et le dialogue. Sinon, comment agir ? Les sanctions, d'ailleurs, sont pénalisantes pour la Russie mais sont pénalisantes aussi pour nous, Français, Allemands et autres européens.
Nous en sommes là. Nous avons passé 18 heures à Minsk pour discuter de tout cela. C'était donc très intéressant. Nous avons abouti à l'accord de Minsk II et maintenant nous, les Allemands et les Français, nous essayons de le faire respecter.
Sur le sujet des armes lourdes, il y a eu un retrait de beaucoup d'entre elles mais ce n'est pas suffisant. Quand nous estimons, Frank-Walter Steinmeier et moi-même, que les choses ne vont pas assez loin, nous convoquons une réunion soit à Berlin, soit à Paris, soit ailleurs, avec nos deux collègues. Nous avons fait le point sur cet aspect et aussi sur l'OSCE. Il faut, pour que l'on puisse vérifier l'application des décisions de Minsk II, que l'OSCE dispose de moyens supérieurs. Et nous avons fait aussi le point sur la perspective politique. Puisque tout cela doit être normalement réglé avant le 31 décembre, c'est l'objectif que nous nous sommes fixé.
Il doit donc y avoir des élections, quelles sont les règles des élections ? Comment avoir, du côté ukrainien, des contacts avec les séparatistes ? Nous avons passé tout cela en revue, avec des conversations, même entre personnes qui se connaissent bien, souvent difficiles. Mais, je crois que nous avons progressé sur certains points. C'est ainsi que nous devons faire.
Le texte de Minsk est précis et notre rôle, aux uns et aux autres, c'est son application. La prochaine étape de l'application, c'est qu'il faut à la fois que les groupes de travail soient mis sur pied, que le cessez-le-feu soit partout respecté - alors qu'il n'est pas respecté partout - et que la démarche politique avance. Puisqu'il va falloir qu'il y ait des élections dans les régions concernées. Et cela détermine ensuite le respect de l'intégrité des territoires, la libération de la frontière et sa surveillance. Nous sommes dans ce processus.
Sur les sanctions proprement dites, quel est notre état d'esprit ? Évidemment, il y a des différences - c'est le sens de votre question - entre tel ou tel pays d'Europe qui s'expliquent très largement par l'Histoire et par la géographie. Les pays qui ; géographiquement, sont justes à côté de la Russie et qui, souvent, historiquement, ont eu à souffrir - le mot est faible - de l'URSS, ont une attitude qui peut être parfois différente des pays du Sud. Et nous, les Allemands et les Français, je ne dis pas que nous sommes au milieu mais nous avons - et on nous fait grandement confiance - ce rôle : nous avons négocié Minsk et nous avons essayé d'entraîner tout le monde vers des solutions raisonnables de désescalade.
Voilà où nous en sommes et l'esprit général vis-à-vis des sanctions est celui-ci, nous l'avons d'ailleurs très souvent dit aux Russes : si les Russes respectent les engagements qu'ils ont pris, les sanctions ne sont pas une fin en soi, les sanctions diminueront et disparaîtront. En revanche, s'il n'y a pas respect ou même s'il y a violation plus grande - et l'on pense à ce qui peut se passer autour de Marioupol -, à ce moment-là, évidemment, les sanctions peuvent être encore aggravées.
Quant à un jugement sur M. Poutine, je ne le ferai pas. Je dirais simplement, puisque vous me demandez s'il est tout seul, s'il y en a d'autres, j'ai le sentiment, après avoir longuement observé, qu'il exerce une influence sur son pays.
Q - Que pouvez-vous nous dire sur le dossier des Mistral ?
R - La réponse sera courte : rien. Les choses n'ont pas évolué depuis les dernières déclarations du président. Nous sommes dans une période où la décision a été suspendue. Je n'ai pas d'autres commentaires.
(...)
Q - Si Marioupol tombe, ce n'est plus une question de sanctions, c'est un acte de guerre à ce point-là.
R ? Je crois que tous les pays du côté européen, mais pas seulement du côté européen, considèrent - et j'hésite à employer le mot ligne rouge parce qu'il a une connotation qui est un peu incertaine - que là c'est autre chose. C'est un autre problème qui est posé avec des conséquences évidemment beaucoup plus sévères.
Merci à tous..
- Yémen -
(...)
Q - Quelle est l'analyse exacte de la France sur le rôle du Yémen et de l'Iran ?
R - Nous avons soutenu la résolution présentée aux Nations unies, nous avons dit que nous soutenions la démarche qui était celle de la coalition et nous avons indiqué que nous restions à disposition pour favoriser une solution politique car, là encore, - et d'ailleurs c'est une grande leçon qu'il faut tirer de toute une série de conflits qui ont existé depuis dix ans - on ne peut pas régler les problèmes de l'extérieur. Parfois la force est nécessaire certes, mais lorsqu'il s'agit d'un conflit qui a lieu sur le terrain, il ne peut être réglé que par les habitants eux-mêmes finalement, aidés, le cas échéant, par une négociation internationale, on reviendra peut-être à l'Irak mais c'est la grande leçon de l'Irak.
Pour le Yémen, nous n'intervenons pas nous-mêmes dans le conflit mais l'analyse que nous faisons, vous la connaissez. Il y a d'une part, l'influence très importante de Saleh, l'autorité légitime du président Hadi qui a à ses côtés son Premier ministre qui est aussi celle du vice-président, il y a Al-Qaïda et aussi des éléments que j'appellerai extérieurs. Notre objectif est à la fois que l'autorité légitime soit rétablie, que la stabilité soit rétablie et que l'on trouve une solution politique. C'est dans esprit que nous travaillons mais nous ne souhaitons pas intervenir militairement dans ce conflit.
Dans mes discussions avec les Saoudiens, il y a évidemment l'environnement iranien, on me l?a confirmé, et ils sont très sensibles au fait géographiquement exact que la frontière nord du Yémen se trouve à 450 kms environ de La Mecque. Tout cela compose un ensemble qui, pour eux et pour les Émirats notamment est inquiétant. C'est dans cet esprit-là qu'ils m'ont dit être intervenus, je leur ai dit que la France, comme d'autres pays d'ailleurs car nous en avons encore parlé hier au G7, est à disposition si elle peut favorisée une solution sans intervenir directement bien sûr.
(...).
- Arabie Saoudite
(...)
Q - Dans la foulée de votre visite dimanche dernier à Riyad «Le Monde» a publié un papier intéressant, citant les sources de votre Maison, de la défense et également de l'Élysée où l'on parle de la confiance délabrée des Saoudiens vis-à-vis des États-Unis. Les Saoudiens vous ont-ils parlé à ce sujet ? Est-ce que vous pourriez élaborer sur le sujet qui est une évidence pour certains d'entre nous ?
R - Je suis allé en Arabie Saoudite le week-end dernier, j'ai rencontré le Roi et les hautes autorités saoudiennes et j'ai vu aussi le prince héritier des Émirats arabes unis qui est un homme très influent dans la région.
Nous avons parlé de nombreux sujets, de nos relations bilatérales sur différents plans, politique, économique et militaire et de défense.
Nous avons fait un tour d'horizon et évidemment, ce qui est venu directement, c'est le Yémen puisque les Saoudiens y sont engagés et que c'est à leur porte. Nous avons aussi abordé les questions de l'Irak, de la Syrie, du Liban et de la négociation de l'accord nucléaire avec l'Iran.
Je ne vais pas parler à la place des Saoudiens mais il y a évidemment dans toute cette région, une inquiétude puisque vous connaissez les relations entre l'Iran et un certain nombre de ses voisins. Ce n'est pas révéler grand mystère que de dire qu'ils s'interrogent sur ce que sont les visées de l'Iran, quel sera le contenu final de l'accord, si nous arrivons à en passer un, et quelles seront les garanties dont ils disposeront eux-mêmes.
Je ne ferai pas de commentaire sur la perception qu'ils ont des États-Unis, il y a depuis très longtemps une relation particulière entre les États-Unis et ces pays mais ils s'interrogent, compte tenu de l'évolution de la situation.
Vous voyez qu'au bout de trois ans de Quai d'Orsay, j'adopte même le langage. Je dois dire aussi qu'ils ont une grande confiance en la France.
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- Syrie
(...)
Q - Sur la question syrienne qui nous accable depuis 2011, depuis un certain temps, on organise des conférences auxquelles il y a une grande participation avec des engagements et des promesses, mais quand il s'agit de sortir les fonds, rien ne vient. Que peut-on faire selon vous ?
R - Il y a plusieurs aspects à la tragédie syrienne. Vous avez pris l'un des plus importants qui est la dimension humaine. Lorsque l'on fera l'histoire de la tragédie syrienne, on s'apercevra que c'est l'un des plus grands drames humains, peut-être même le plus grand de ce début de siècle. On cite toujours le chiffre du nombre de morts qui ne cesse d'augmenter - 220.000 voire 230.000 ? mais, au-delà, il y a toutes les populations déplacées et toutes les conséquences sur les pays voisins. On sait que c'est une situation effrayante et pour y faire face - je parlerai de la solution politique dans un instant -, il faut abonder, augmenter les financements, ce que vous appelez les «pledges» qui ne sont pas limités à cette question. Dans les conférences, on entend des chiffres énormes et si on fait le point, deux ou trois ans plus tard, les chiffres sont ce qu'ils sont mais la réalité n'est pas là. Je ne peux que souscrire à cette nécessité d'augmenter les financements et les aides humanitaires quels qu'ils soient.
Si on va au fond de la question il faut essayer de casser la cause pour casser l'effet de la tragédie syrienne. Je ne reviens pas sur les causes, sinon tout de même pour nous rappeler à tous que la tragédie syrienne a commencé par une révolte tout à fait localisée, dans un petit village avec seulement quelques jeunes gens au moment du Printemps arabe. Cette révolte a été traitée de telle façon par M. Bachar Al-Assad, à une époque où il n'y avait pas de terrorisme, qu'aujourd'hui on arrive à la situation effrayante que l'on connaît. Je me souviens très bien - je venais juste d'arriver au gouvernement ? que lors de la réunion de Genève I, en juin 2012, la plupart d'entre nous pensait que nous trouverions une solution, que nous réglerions cela à court terme. Je me souviens très bien que, dans les couloirs, la discussion tournait autour du fait de savoir où l'on enverrait M. Bachar Al-Assad.
En fait, cela ne s'est pas passé ainsi ; je ne reviens pas sur la genèse de tout cela.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Nous avons un pays complètement dévasté, éclaté avec d'une part M. Bachar Al-Assad et, d'autre part, Daech, même s'il y a d'autres groupes terroristes et également une opposition avec des nuances et des difficultés pour exister.
Je ne sais pas si c'est le cas aux États-Unis ou en Grande-Bretagne mais on sent monter le raisonnement suivant : «tout le monde sait que M. Bachar Al-Assad est un tyran épouvantable, qualifié de criminel contre l'humanité, mais comme Daech agit vraiment de manière effrayante, entre deux éléments effrayants, il faut choisir le moins mauvais, alors soutenons M. Bachar Al-Assad».
La France ne partage absolument pas cette analyse, pas seulement pour des raisons morales, même si elles existent. Il est avéré qu'il a utilisé l'arme chimique contre son peuple, encore récemment, cela est attesté avec le chlore. Il est à l'origine d'un conflit abominable et il a lui-même aidé Daech au début en libérant un certain nombre de prisonniers.
Au-delà de cet aspect moral, cela ne nous semble absolument pas efficace. En effet, en admettant que l'on considère que M. Bachar Al-Assad est l'avenir de son peuple, proposez cette solution à la population syrienne et au moins la moitié va se diriger vers les groupes terroristes car elle ne peut pas accepter que l'avenir soit celui considéré comme à l'origine du drame.
Ce vers quoi nous travaillons, je vous le confirme de manière tout à fait explicite même si les voies de ce travail doivent être discrètes ou secrètes, c'est à une solution politique qui fasse une union entre des éléments du régime de M. Bachar Al-Assad - mais pas lui - et l'opposition.
Nous voulons en effet éviter ce qui s'est passé en Irak, c'est-à-dire, qu'il y ait un effondrement total de la structure syrienne déjà en difficulté. Si nous n'avons pas une perspective d'alliance avec ces éléments du régime, la Syrie durablement sera éclatée. Cela ne veut pas dire que nous donnons les noms car si on fait cela, l'élément en question a de grandes chances quelques jours plus tard d'être assassiné.
Nous travaillons avec les pays arabes, avec les Américains, les Russes, pour tenter de trouver cette solution. L'élément commun entre ces groupes qui se combattent, c'est une Syrie unie qui reconnaisse les droits à chaque communauté et à chaque individu d'exister en son sein. C'est très difficile, c'est très ambitieux mais il nous semble que c'est la seule perspective possible.
Il y a des combats à mener mais la solution est politique. Elle ne peut pas être militaire puisqu'il y a des grandes puissances qui se font conflit, par personne interposées. Peut-être peut-on venir à bout de tel élément proprement syrien, mais on ne viendra pas à bout de l'Iran, de la Russie ou de tel ou tel pays arabe voire d'autres grandes puissances.
C'est cet axe que défend la France. Il y a des éléments qui malgré le côté dramatique de la situation vont dans ce sens. Vous avez vu qu'a eu lieu une réunion de l'opposition à Moscou ; il y aura une réunion générale de l'opposition qui normalement devrait avoir lieu en Arabie saoudite avec des personnes qui ont des différences entre eux mais si on peut rassembler cette opposition, c'est une bonne chose. Il y a aussi des contacts ou en tout cas des réflexions qui sont menés par rapport au régime lui-même mais cela ne peut pas concerner M. Bachar Al-Assad.
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- Iran - nucléaire
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Q - Sur l'Iran. Où en êtes-vous de votre analyse de la possibilité d'obtenir un accord satisfaisant pour la France, qui a été le pays perçu comme le plus dur dans ces dernières négociations ? Et comment l'attitude du Congrès américain va-t-elle influencer cette perspective ?
R - Nous en avons parlé hier, bien sûr, car nous avions une réunion du G7 à Lübeck. John Kerry a fait l'aller-retour alors qu'il avait vu le Congrès la veille. Il est reparti pour Washington où je me trouverai d'ailleurs à la fin de semaine, non pas pour ces questions mais pour une réunion de ce que l'on appelle le MEF - «major economies forum» - autour de la COP21.
Sur l'Iran, nous avons une position qui n'a pas changé depuis le début. Je suis ces travaux depuis le début du gouvernement. Nous souhaitons arriver à un accord, mais que cet accord soit solide, robuste et vérifiable. Pourquoi ? Les deux choses sont liées car ce qui est en cause, c'est la prolifération nucléaire et je considère que l'accord auquel nous arriverons peut-être avec l'Iran va constituer une sorte de standard pour l'ensemble des pays.
À tel ou tel moment, la France a été jugée non pas dure mais ferme. Pourquoi ? Si on me montre une bouteille d'eau et qu'on me dit que c'est du vin, je dirai «non, il s'agit bien d'une bouteille d'eau !» Admettez que nous souhaitions absolument signer l'accord avec l'Iran quel que soit le contenu, que va-t-il se passer ? Les pays de la région - entendue au sens large - vont admettre qu'un accord a bien été signé mais ils considèreront qu'il n'est pas suffisamment solide. Eux-mêmes vont à ce moment-là se prémunir. Donc, alors que cet accord doit permettre d'autoriser le nucléaire civil et de prohiber la bombe atomique, on arriverait - j'emploie un conditionnel par un futur - à l'effet exactement inverse. Et ce n'est pas un scoop de dire qu'il y a plusieurs pays de la région qui peuvent parfaitement se doter de l'arme nucléaire.
L'arme nucléaire a été un élément qui a évité la guerre lorsqu'elle a été possédée par quatre ou cinq pays dans le contexte précédent. Finalement - et c'est tout le paradoxe de la dissuasion nucléaire -, si dans cette région absolument éruptive du Proche et du Moyen-Orient, la plupart des grands pays disposent de l'arme nucléaire, évidemment c'est une catastrophe.
Donc, pas seulement par rapport à ce que nous pouvons penser de l'Iran, mais d'une façon générale, pour qu'il y ait la paix et la sécurité, il faut que l'accord, s'il doit y avoir un accord, soit un accord robuste et vérifiable.
De ce point de vue-là, ce qui est dans l'accord comporte un certain nombre d'avancées - je ne vais pas les reprendre, maintenant elles sont connues - sur le nombre de centrifugeuses, sur les stocks d'uranium, sur le pourcentage d'enrichissement, sur le réacteur d'Arak.
Il y a eu des travaux importants qui sont des avancées, mais il reste, et j'ai toujours employé cette formule, des éléments qui ne sont pas encore satisfaisants. Il y a la question sur les sanctions : quel est le rythme de lifting des sanctions, si on décide de les lever ? Et quelles sanctions ? Il y a le mécanisme dit du «snap back» ; si l'Iran ne respecte pas ses obligations, comment on revient automatiquement aux sanctions antérieures ? Et puis, il y a la question essentielle, évidemment, des vérifications. Tout cela, c'est bien mais peut-on vérifier ? Si on n'arrive pas à vérifier, évidemment...
Nous avons discuté de tout cela. Nous ne nous sommes pas mis d'accord, mais il ne faut pas dire que nous n'avons pas discuté, ce n'est pas la même chose. C'est donc pourquoi je dis que nous avons encore beaucoup de travail.
C'est la position de la France. La France est un pays indépendant, nous souhaitons, bien sûr, qu'il y ait un accord mais sur une base qui soit ferme et vérifiable. Et ce sera bien sûr la position de la France jusqu'au bout.
À propos du Congrès, vous avez aux États-Unis une disposition particulière qui fait que le Congrès a un certain nombre de pouvoirs, le président a un certain nombre de pouvoirs : les questions de veto, etc. Ce n'est pas la même chose dans d'autres pays. Nous comprenons donc bien qu'il y a cette question-là ; John Kerry nous a expliqué le dispositif auquel il pense qu'il va pouvoir aboutir. De toutes les manières, chaque pays est maître de son dispositif constitutionnel. Je n'ai pas de commentaire particulier à faire sur ce point.
Nos collaborateurs reprennent le travail ces jours-ci. Je pense que l'on s'oriente plutôt vers une conférence qui aura lieu à Vienne où, d'ailleurs, ont eu lieu déjà un certain nombre de travaux dans le passé. Et nous nous préparons à ce qui va se passer entre maintenant et la fin juin ; normalement le délai est fixé au 30 juin.
Voilà où nous en sommes. Ce sont des matières très complexes. Un travail a été fait mais, je le répète, il reste du travail à faire et la France, évidemment, a été, est et sera vigilante. (...).
- Israël - Territoires palestiniens
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Q - On comprend que la France planifie une conférence à la «Madrid 91» à l'égard d'Israël-Palestine. Qu'est-ce que c'est la formule française qui va piloter cette conférence ?
R - Nous n'en sommes pas encore là. Si ce n'était pas difficile on aurait déjà résolu la question. Notre analyse, c'est que le statut quo n'est pas tenable et qu'il va falloir vraiment trouver une solution. Nous sommes sur la solution des deux États mais, comme vous le savez, plus le temps passe plus les colonies augmentent et plus il est difficile de travailler sur cette solution des deux États qui est celle sur laquelle nous travaillons depuis fort longtemps.
Nous avons donc essayé de faire un certain nombre de choses dans les mois récents, avant les élections israéliennes ; cela n'a pas été possible. Maintenant, il faut que toutes les bonnes volontés se penchent sur la question pour essayer d'avancer. Il faudra bien sûr qu'il y ait une négociation entre les parties, c'est-à-dire à la fois Israël et les Palestiniens, mais l'expérience prouve, me semble-t-il, que cette négociation directe n'est pas suffisante ; historiquement, on commence à négocier mais quand on arrive dans les derniers mètres cela ne marche pas. Du côté israélien, on nous dit : «si on fait des concessions nécessaires, le gouvernement va éclater» ; du côté palestinien, compte-tenu de telle ou telle division qui existe...
Pour reprendre le processus, nous pensons essayer d'accompagner cela internationalement. Quelle est la forme ? Cela peut être une résolution aux Nations unies, une conférence. Ce sont des choses qui sont à voir. La base documentaire existe : les propositions faites par les Européens, par les Américains, le plan arabe de 2002, etc... Vous avez beaucoup d'éléments.
C'est un conflit d'un type particulier. Dans beaucoup de cas, ce qui est difficile c'est de trouver quelle est la solution, quels sont les paramètres de solution ; là, on les connaît à peu près. Le problème est d'arriver politiquement à avoir le «drive» pour que ces paramètres puissent être mis en application.
Ce sont donc des affaires très délicates. Il se trouve que la France a de bons rapports avec les parties, que ce soit du côté palestinien et arabe ou du côté israélien. Nous savons le rôle éminent que joue dans ces affaires les États-Unis, compte-tenu des différents éléments, dans les temps qui viennent. Là c'est vraiment du «fine timing» de la diplomatie, nous allons essayer d'avancer, favoriser une solution. En ce moment il n'y a pas encore de gouvernement israélien, il sera constitué dans quelques temps. Il faut aussi tenir compte de cet élément-là.
(...).
- Dérèglement climatique - COP21
(...)
Q - Monsieur le Ministre, un de vos projets phare, et vous communiquez beaucoup là-dessus en ce moment ainsi que le porte-parole, Romain Nadal, c'est la COP21. Vous vous félicitez beaucoup des engagements récents d'un certain nombre de pays. Mais où sont les problèmes ? Et comment allez-vous les résoudre ?
R - C'est un sujet extrêmement important. Et je commencerais par une précision : cette question, je l'appelle « dérèglement » climatique - climate disruption -, au lieu de « réchauffement » climatique parce que, scientifiquement, ce n'est pas partout un « réchauffement » ; il y a même des endroits où il s'agit d'un refroidissement. En plus, psychologiquement, si vous expliquez à un citoyen du nord de la France qu'il va y avoir un réchauffement de cinq degrés, il va se dire «Cela va être la Côte d'Azur, ça va être extraordinaire». A la fois, pour des raisons scientifiques et psycho-politiques, je parle plutôt de de « dérèglement » climatique.
Les travaux du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, ont montré, et ce n'est pas contestable, que si les choses continuent comme elles sont aujourd'hui, vous allez avoir quatre, cinq degrés voire, dans certains cas, huit degrés d'augmentation de la température avec de multiples conséquences y compris sur le plan de la sécurité parce que ce n'est pas simplement un problème environnemental.
Je vais vous donner un exemple que, peut-être, vous ne connaissez pas. Sur la sécurité, beaucoup de guerres sont faites au nom de l'énergie. Et si on développe les énergies renouvelables, alors évidemment les conflits sont moins forts. Cela influe aussi sur l'accès à l'eau et sur les migrations. Imaginez si, des pans entiers de pays, je peux penser par exemple au Bangladesh, sont inondés, alors où vont aller ces centaines de millions de gens ?
C'est un problème environnemental, c'est un problème de sécurité et c'est aussi un problème de santé. En permettant des contacts humains dans des endroits jusque-là inaccessibles, la déforestation a favorisé le développement de pandémies, comme Ebola ou le virus du SIDA.
Si la déforestation continue nous allons avoir des problèmes de santé absolument massifs. Il faut agir et l'action c'est diminuer les gaz à effet de serre et essentiellement les énergies fossiles. Deux ou trois éléments, ces dernières années, justifient un certain optimisme.
Premier élément : c'est que scientifiquement, c'est un peu différent aux États-Unis, il y a beaucoup moins de contestation scientifique du phénomène. Le fait que le phénomène existe et qu'il est dû à l'activité humaine n'est plus sérieusement contesté, sauf pour des raisons idéologiques. Cela c'est un changement important.
Deuxièmement : les entreprises ont commencé à comprendre que c'était une véritable question et que cela pouvait être aussi une contrainte, mais en même temps une source de croissance. C'est ce que l'on appelle « green growth » car quand vous réfléchissez sur les bases de la croissance dans le futur il y a l'information, les technologies etc... et aussi tout ce qui est autour de la croissance verte.
Et puis troisièmement : il y a des pays qui autrefois étaient très réticents et qui sont maintenant beaucoup plus enclins à agir. Vous avez cité la Chine. J'ai parlé plusieurs fois aux dirigeants chinois et au président Xi Jinping de ces questions et je ne doute pas maintenant de son engagement.
En somme, c'est une nécessité vitale et sociale aussi parce qu'il y a des révoltes de toutes sortes. Il y a maintenant une acceptation beaucoup plus forte sur un plan scientifique, et sur un plan économique les entreprises, du moins beaucoup d'entre elles, ont compris que c'était une nécessité et une opportunité. De plus, sur un plan politique il y a de nombreux de pays qui sont maintenant enclins positifs pour agir. Mais cela reste extrêmement difficile. Parce que pour faire un accord entre 195 pays c'est très difficile. La situation des pays sont très différentes. Enfin, il y a des pays qui, soit pour des raisons objectives, soit pour des raisons idéologiques, sont plus réticents que d'autres.
Raisons objectives : l'autre jour nous avions le Premier ministre indien qui nous rendait visite. Evidemment la question se pose pour les Indiens de façon particulière. D'un côté ils sont un grand émetteur de gaz à effet de serre, mais par habitant ils sont un tout petit émetteur. Quand vous parlez de cela à M. Modi il dit : « moi je veux bien faire les choses mais j'ai du charbon et la population indienne doit pouvoir voir son niveau de vie s'améliorer. » La situation n'est pas la même que celle du Danemark ou celle de la France. Il y a aussi les pays d'Afrique qui disent : « nous on est tout à fait d'accord mais où est la finance, il faut de la technologie et qu'est-ce qu'on va nous apporter ? » Il y a des pays qui sont dans une situation très particulière. C'est ce que l'on appelle les petites îles, qui elles vont être recouvertes par l'eau et vous vous rappelez que c'était le Premier ministre des Maldives qui avait tenu le Conseil des ministres au fond de l'eau.
D'un autre côté, il y a le développement de la technologie à mettre en oeuvre et il y a des financements à trouver. On a trouvé déjà 10 milliards d'euros pour capitaliser le green climate fund mais il y a eu des engagements pris dans le passé. En 2020 il faudra trouver 100 milliards de dollars de fonds publics et privés, chaque année, pour aller dans ce sens. Et puis, il va falloir rassembler toutes ces énergies d'une façon qui soit à la fois assez ambitieuse et assez pragmatique, sans quoi nous n'arriverons à rien. S'y ajoute un certain nombre de problèmes particuliers. J'en cite un parmi beaucoup d'autres. Le règlement du Congrès américain fait que l'on doit trouver une formule juridique qui permette d'être acceptable par tout le monde et non pas par les Américains seuls
Ce qui fait que tout cela est très compliqué et en même temps d'une immense importance. Le président de la République est très engagé sur ce sujet et à chaque fois que nous avons un contact avec d'autres pays, c'est-à-dire quasiment quotidiennement, nous en parlons. Nous essayons de traiter le sujet dans le bon sens avec le secrétaire général des Nations unies, qui est, lui aussi, très engagé personnellement. C'est une cause à laquelle il tient beaucoup. Vous vous rappelez le sommet qui avait eu lieu en septembre dernier à New York qui avait été une réussite. La chancelière allemande, qui préside le G7, est également très engagée. Elle va traiter en particulier ce sujet lors du prochain G7 qui aura lieu au mois de juin au Château d'Elmau. Voilà quelques éléments.
La COP21 c'est une nécessité, une tâche considérable, des éléments positifs et en même temps une très grand difficulté.
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- Avions Rafale - Qatar - Emirats Arabes Unis
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Q - Vous confirmez le papier paru dans Le Monde, votre rencontre avec le prince héritier émirien au sujet des Rafale ? Donc deux et puis trois pays clients pour les Rafale ? Et pourquoi le silence total sur le Qatar pour les Rafale ?
R - J'ai vu le prince héritier, qui est un homme très intelligent, en compagnie de son ministre des affaires étrangères. Je devais aller d'ailleurs aux Émirats après être allé en Arabie Saoudite. Puis, comme il allait en Arabie Saoudite, nous en avons profité pour nous voir à Riyad. Nous avons d'abord discuté de nos relations bilatérales entre les Émirats et la France, qui sont bonnes. Ensuite, nous avons fait un tour d'horizon de la région, y compris d'ailleurs en évoquant aussi la question du Yémen.
Sur les Rafale, nous avons une diplomatie économique et, en matière de défense, l'une des raisons de l'efficacité de ce qui est fait sur le plan économique et commercial, c'est que le président de la République, le Premier ministre, le ministre de la défense et moi-même, travaillons très étroitement ensemble et à l'unisson. Ni M. Le Drain ni moi-même ne parlons beaucoup mais nous essayons d'agir. Parfois ce n'est pas efficace, mais parfois ça l'est et même souvent. Là, en ce qui concerne les contrats d'armement en général, et les contrats Rafale en particulier, il y a eu des succès. Mais nous avons aussi une règle, c'est que nous ne faisons des commentaires que lorsque les choses sont faites. Il y a des discussions qui ont lieu avec les Émirats et elles vont dans le bon sens, voilà ce que je pourrais dire.
Sur le Qatar, pourquoi nous n'en avons pas parlé ? Eh bien, il y a aussi des discussions avec le Qatar. Mais parfois ces discussions sont longues, parfois elles s'accélèrent - on l'a vu dans le cas de l'Égypte -, parfois elles sont plus brèves. Cela dépend à la fois de la situation générale mais aussi des besoins de ces pays parce que ce n'est pas exactement toujours les mêmes spécificités. La base de l'avion est la même mais ils demandent parfois des spécificités différentes. Il y a aussi bien sûr des discussions qui sont en cours avec le Qatar et avec d'autres pays.
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source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 avril 2015