Déclaration de M. Harlem Désir, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur la politique européenne en matière d'immigration clandestine, à Luxembourg le 20 avril 2015.

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Circonstance : Réunion d'urgence du Conseil de l'Union européenne sur les migrants en Méditerranée, à Luxembourg le 20 avril 2015

Texte intégral

Le nouveau drame qui s'est déroulé dans la nuit de samedi à dimanche en Méditerranée sera suivi d'autres si des décisions fortes ne sont pas prises. Nous avons donc demandé que puisse se tenir une réunion des ministres des affaires étrangères et des ministres de l'intérieur en toute urgence. Cette réunion se tiendra cet après-midi. Il y a urgence car la situation aujourd'hui est celle de ces trafics, de ces nouveaux esclavagistes qui mettent sur des bateaux des milliers de migrants, d'hommes, de femmes, et qui les livrent à la mort en Méditerranée.
Des actions doivent être prises, en particulier dans quatre domaines.
Le premier, c'est le renforcement du contrôle de la frontière, et donc de l'opération qui est menée sous l'égide de Frontex, qui aujourd'hui n'est pas dimensionnée de façon suffisante. Il y a aujourd'hui 21 bateaux, 4 avions, 1 hélicoptère. Il faut des moyens beaucoup plus conséquents pour cette opération de contrôle de la frontière, de surveillance de la frontière et aussi d'organisation, quand c'est nécessaire, du secours aux personnes qui sont menacées de naufrage.
Deuxièmement, une lutte résolue doit être menée contre les filières qui organisent le trafic d'êtres humains, en particulier dans les pays de transit, mais aussi les pays de provenance, et donc une coopération judiciaire, policière renforcée. Il y a des points qui sont sensibles, notamment la région d'Agadez et la région d'Arlit, au Niger, qui dont devenus des points de passage pour ces filières. Bien sûr il y a aussi la situation en Libye, qui fera l'objet de la réunion des ministres des affaires étrangères ce matin. Il est indispensable qu'en Libye il y ait un soutien international très fort à la constitution d'un seul gouvernement, autour d'un seul Parlement, et que soit restituée une autorité légitime sur l'ensemble du territoire, et que soient combattus les groupes de trafiquants qui sont souvent aussi des groupes terroristes qui tentent d'utiliser le chaos en Libye pour constituer un sanctuaire terroriste ; on le voit encore avec les massacres de populations, notamment de minorités chrétiennes.
Enfin, il y a un combat qui doit être mené d'une façon générale pour la stabilité, pour le développement des pays de la rive Sud de la Méditerranée. La coopération doit être renforcée avec la Tunisie, qui a réussi sa transition démocratique mais qui est confrontée aujourd'hui à d'immenses défis économiques et de développement. C'est le cas aussi avec les pays de la Corne de l'Afrique, avec les pays d'Afrique de l'Ouest, qui sont touchés aujourd'hui par les violences conduites par Boko Haram.
Il faut donc que la politique extérieure, la politique de sécurité commune de l'UE soit tournée vers son voisinage Sud. Il y a évidemment des problèmes de stabilité à l'Est. Nous nous sommes occupés de ces problèmes avec l'accord de Minsk sur la situation en Ukraine. Mais le Sud est une priorité aussi importante pour la sécurité et la stabilité de l'Europe.
Enfin, il faut que la politique d'immigration et d'asile commune soit mise en place au niveau européen, et qu'il n'y ait pas aujourd'hui seulement 5 pays qui accueillent les réfugiés politiques. Il faut être en mesure d'identifier ceux des migrants qui relèvent de la protection internationale, et donc du droit d'asile, qui doivent faire l'objet d'une répartition pour être accueillis dans l'ensemble des 28 États membres de l'UE, non pas simplement dans quelques-uns, et faire la distinction avec ceux qui relèvent d'une migration économique, illégale, parce qu'il y a ces trafiquants, ces filières criminelles, qui abusent de leur situation, et organiser les conditions de leur retour dans leurs pays, et de leur réinsertion dans leurs pays.
C'est donc un agenda extrêmement important, extrêmement lourd qui est à l'ordre du jour de ces réunions : la réunion de cet après-midi des ministres des affaires étrangères et des ministres de l'intérieur, qui portera donc spécifiquement sur la réponse d'urgence à apporter à la situation en Méditerranée et sur une stratégie globale en matière de politique d'immigration et d'asile, et la réunion de ce matin qui portera notamment sur la situation en Libye, qui est devenue aujourd'hui un véritable trou noir.
Il y a une urgence humanitaire contre des bandes criminelles mafieuses, terroristes, qui mettent en danger la vie de milliers de personnes - et qui ont déjà provoqué à travers ces naufrages la mort de plusieurs milliers de personnes. Et puis, il y a aussi une urgence politique, parce que c'est un enjeu aussi de crédibilité pour l'UE. Il faut montrer la capacité collective par de nouvelles mesures fortes pour apporter une réponse claire et solide en termes de surveillance et de contrôle de la frontière, en termes de lutte contre les bandes criminelles qui organisent ces trafics et de combat de ces filières criminelles en termes humanitaires et de stabilité, de sécurité et de développement.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 avril 2015