Texte intégral
Nous sommes ici au siège de l'OUA et je viens de m'entretenir longuement avec le Secrétaire général pour montrer toute l'importance que la France attache à l'ensemble de l'Afrique. La France a des amis et des partenaires traditionnels en Afrique. C'est un pays fidèle ; elle restera naturellement et avant tout fidèle à ses amis et à ses engagements. Mais au-delà de cela, elle doit avoir un regard global et complet sur l'ensemble de l'Afrique, parce qu'elle a l'intention de rester engagée en Afrique. C'est important pour elle, aussi bien sur le plan politique qu'économique, et elle pense qu'elle peut apporter quelque chose à la solution des problèmes de ce continent, dès lors que c'est sur la base d'un dialogue marqué par le respect mutuel avec tous les grands pays d'Afrique qui jouent un rôle significatif, et naturellement avec l'Organisation de l'unité africaine qui les rassemble tous et avec son Secrétaire général qui est le mieux placé pour avoir une vision d'ensemble de toutes ces questions. Cela explique que nous n'ayons même pas encore eu le temps de parler de toutes les questions que nous aurions pu aborder. Nous n'avons pu parler que des principales et j'ai trouvé, pour ma part, cet entretien extrêmement intéressant et très prometteur pour la suite de nos échanges.
Q - (Sur les accords de défense)
R - La France est engagée par un certain nombre d'accords de défense ou de coopération militaire qui ont été signés avec un certain nombre de gouvernements africains, il y a une vingtaine d'années ou plus. La France respecte ses accords comme elle respecte tous les accords qu'elle a signés, où que ce soit, ce qui est une partie de la réponse à votre question. La France ne poursuit cette présence que parce que les Etats concernés le lui demandent.
Deuxième point : la France a engagé une réforme de son armée qui l'a conduit à une armée professionnelle, moins nombreuse, mais en même temps mieux formée, mieux équipée, plus mobile, ce qui nécessite moins d'implantations. Donc, cela l'amène, aussi bien sur le territoire français qu'en Afrique, à réduire ses implantations car elle peut remplir les mêmes fonctions avec moins de troupes, moins de bases. C'est un processus qui est en cours, et qui a été expliqué aux dirigeants intéressés par mon collègue le ministre français de la Défense, M. Alain Richard.
Dernier point : bien que vous ne m'ayez pas posé la question, naturellement, en aucun cas, ces accords ne peuvent amener la France à s'impliquer et s'ingérer dans des conflits ailleurs.
Q - Pourquoi êtes-vous venu en Ethiopie ?
R - J'ai voulu venir en Ethiopie parce qu'il me semblait que ce pays est un pays particulièrement important et qu'il joue dans tout l'Ouest de l'Afrique un rôle qui dépasse de loin ses propres frontières et que c'est un rôle de stabilisation et un rôle de recherche et d'accompagnement de solutions aux différents problèmes qui peuvent se trouver dans cette région. C'est donc un pays avec lequel la France souhaite développer ses échanges, son dialogue politique, sa concertation politique. Au cours des entretiens que j'ai eus aujourd'hui avec le Premier ministre comme avec le ministre des Affaires étrangères, nous avons évoqué un certain nombre de questions bilatérales qui ont précisément donné plus de contenu, de substance et de régularité à nos consultations et nos entretiens. Nous avons évoqué la situation dans l'Est de l'Afrique. Nous avons procédé à un échange de vues. Il ne s'agit pas de négocier de conclure ou de décider à la place d'autres, mais de faire un tour d'horizon de la situation et plus largement nous avons échangé nos vues sur tous les problèmes qui peuvent se rencontrer aujourd'hui sur le continent africain, tout en redisant comme je l'ai dit tout à l'heure dans mon allocution, qu'il n'y a pas que des problèmes. Il y a aussi des perspectives encourageantes. C'est donc une étape de plus qui a été franchie dans la relance d'un dialogue franco-éthiopien qui, pour des raisons évidentes, était tombé en sommeil pendant extrêmement longtemps et qui, depuis quelques années, a recommencé à prendre forme nous voulons hisser son niveau et augmenter son contenu.
Q - Qu'est-ce que la nouvelle politique africaine de la France ?
R - J'ai expliqué dans mon intervention que la politique française envers l'Afrique conduite par le président Jacques Chirac et le gouvernement de Lionel Jospin était une combinaison de fidélité par rapport aux engagements de la France sur le continent africain par rapport à ses partenaires anciens, amis traditionnels, et de fidélité à son engagement pour l'aide au développement dans toutes les enceintes spécialisées. Et de plus, il s'agit d'une ouverture à l'ensemble du continent, aux problèmes de l'ensemble du continent, et à de nombreux autres partenaires avec lesquels la France n'avait pas l'habitude d'échanger ses vues, notamment sur le plan politique. Voilà ce qui constitue ce que vous pouvez appeler un nouvel élan. C'est en tout cas la façon dont nous voulons aborder, aux côtés de l'Afrique, dans la continuité d'un engagement très ancien, mais en nous adaptant en permanence aux réalités nouvelles, comme nous le faisons volet par volet à l'intérieur de notre politique africaine, les prochaines années. Les conversations au siège de l'OUA, et sans nul doute les conversations de demain, nous font penser que nous sommes dans la bonne voie.
Q - (Sur le rôle des forces d'interposition en Afrique)
R - Les idées de base sont très simples. On voit bien que, sur le continent africain, il y a besoin de faire intervenir, malheureusement mais c'est comme cela, les forces d'interposition au maintien de la paix. Deuxième remarque, cette technique est très spéciale. N'importe quelle armée n'est pas capable de faire du maintien de la paix ou de l'interposition. Il faut avoir une force que l'on peut montrer et qui est dissuasive parce qu'on la montre sans avoir à s'en servir ou en ne s'en servant que dans des cas limites. C'est un exercice très compliqué, c'est une sorte de discipline militaire en soi qu'il faut développer et qui requiert une formation adéquate. Troisième point, il y a une série de raisons historiques à l'ensemble de nos pays occidentaux, et notamment ceux qui se sont énormément engagés ces dernières années dans les actions au titre de l'ONU, et la France est au tout premier rang de ces pays ainsi que la Grande-Bretagne. Le point suivant, c'est qu'il y avait en Afrique des initiatives jusqu'ici un peu désordonnées dans ce domaine-là avec des programmes américains, des programmes français, des programmes britanniques, d'autres peut-être. L'autre point, c'est que de nombreux pays africains veulent bénéficier de ce type de formation mais étaient un peu gênés de voir ce manque de coordination. Donc, la France a pensé que c'était une bonne réponse au problème qui est posé aujourd'hui, que de participer et même d'encourager une coordination des initiatives qui étaient prises jusqu'ici par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou la France, mais sans cette coordination, de le faire en plus d'une façon ouverte parce que cela n'empêche personne de s'y joindre et de le faire à l'intérieur d'une relation qui sera renforcée avec l'OUA. Ainsi cela permettra de rassembler tous les éléments qui peuvent donner à ceux qui le souhaitent et qui en ont besoin la formation la plus adéquate et dans les meilleurs conditions possibles, dans le meilleur cadre possible pour que cette formation réponde parfaitement bien à l'objet annoncé. Voilà l'esprit de notre politique. Après la concrétisation, nous ne nous interdisons rien, cela dépend des demandes. C'est une politique qui évoluera au fil du temps, sur le terrain. Il n'y a pas de liste a priori. Aucun pays n'est privilégié par rapport à un autre, aucun n'est exclu et cela dépendra donc et des besoins et naturellement au premier chef, des demandes.
Q - (Sur la modernisation de la politique française en Afrique)
R - Les éléments de la modernisation sont ceux que j'ai cités tout à l'heure, c'est-à-dire avoir une politique qui comprend un dialogue beaucoup plus soutenu, beaucoup plus ouvert à un certain nombre de grands partenaires en Afrique même. J'ajouterais une concertation également plus développée avec les partenaires européens et occidentaux de la France. J'ajouterais l'élément que je citais tout à l'heure, qui est celui de l'adaptation de la présence militaire française, de l'orientation de ses actions de formation militaire de façon prioritaire vers les capacités de maintien de la paix et enfin un volet, disons culturel et humain, dans la mesure où le gouvernement français cherche à adapter sur certains points les règles et les mécanismes qui permettent à des étudiants, à des chercheurs, à des enseignants, à différentes professions, à différents experts de venir en France pour travailler ou étudier. Les autres points, je les ai cités. C'est la façon dont nous traitons, dont nous nous comportons face aux conflits internes que nous déplorons naturellement, mais que nous traitons avec un refus absolu d'ingérence ou d'implication directe et en concentrant tous nos efforts, qui sont grands et aussi tenaces que possible, sur le terrain politique et diplomatique. Voila les têtes de chapitres.
Q - (Sur les Comores)
R - C'est extrêmement simple. La France depuis le début de cette crise a soutenu les efforts qui ont été poursuivis par l'Organisation de l'unité africaine et notamment par l'ambassadeur Pierre Yéré qui était son envoyé. C'est la seule politique que nous ayons eue et à plusieurs reprises, le gouvernement français a eu l'occasion de souhaiter qu'aucun obstacle d'aucune sorte ne soit placé qui vienne contrarier cet effort.
Q - (Sur l'Algérie)
R - Les termes ne sont pas tout à fait ceux-là. La France comme beaucoup d'autres pays, comme des responsables de beaucoup de grandes organisations, puisque tout cela n'est en rien un problème français naturellement, en raison de l'émotion qu'elle ressent devant ce qui se passe a eu l'occasion de dire sa disponibilité dans l'hypothèse où les différentes parties en présence en Algérie, à commencer naturellement par les autorités, souhaiteraient une intervention qu'elles jugeraient utile d'une entité quelconque. Ce n'est pas à nous de choisir. Ce n'est pas à nous de dire quel organisme ou quel pays. Donc la France a exprimé sa disponibilité, mais pas plus que les autres pays et organisations, celle-ci n'a reçu de réponse positive. Nous en sommes là./.
Monsieur le Secrétaire général, permettez-moi d'abord de vous remercier pour les mots très aimables par lesquels vous m'avez accueilli, et laissez-moi dire ensuite combien je suis honoré d'être ici parmi vous, dans ce lieu déjà historique au siège de votre Organisation qui incarne dans son nom et dans son action, l'unité africaine. A l'occasion de ma première visite comme ministre des Affaires étrangères de la France, en Afrique, j'ai souhaité marquer par le choix de mes destinations et l'ouverture qui caractérisent les orientations de la politique africaine de mon pays, menée par le président de la République, M. Jacques Chirac et le Premier ministre, Lionel Jospin.
J'étais hier en Afrique du Sud, pays qui symbolise la renaissance de l'Afrique, grâce à une transition démocratique admirable et à une uvre de réconciliation nationale qui est source d'inspiration pour le continent dans son ensemble, et qui a de quoi faire méditer le reste du monde.
Je suis aujourd'hui ici, en Ethiopie, très ancienne nation de l'Est africain engagée dans un redressement spectaculaire après des années de conflit, et qui s'avance, elle aussi, résolument sur la voie de la démocratie et qui joue un rôle modérateur dans une région instable. Et je suis ici, au siège de l'Organisation de l'unité africaine, pour marquer la volonté de la France de développer ses rapports avec l'ensemble des pays d'Afrique, et confirmer la disponibilité de la France à soutenir les efforts de votre Organisation au service du développement et de la stabilité du continent tout entier.
Demain, je serai à Abidjan, et ma visite dans cette capitale en pleine expansion de l'Ouest africain, sera le symbole de la fidélité de la France à ses amis et partenaires de longue date, comme l'a été mon escale avant-hier soir à Libreville chez le président Bongo.
Je voudrais vous dire comment mon pays voit aujourd'hui votre continent et son évolution.
Nous nous réjouissons d'abord de constater que depuis 1995, l'Afrique a renoué avec une croissance économique supérieure à celle de sa population. Plusieurs pays se sont engagés simultanément dans la voie de la démocratisation et dans celle des réformes économiques.
Pour tous, l'environnement et les dynamiques régionales revêtent une importance croissante.
Mais la part globale de l'Afrique subsaharienne dans les échanges économiques mondiaux n'a cessé de diminuer depuis 25 ans, pour n'en représenter aujourd'hui qu'1,5 %. Les appels à l'investissement privé pour qu'il se substitue à l'aide publique, n'ont à l'évidence pas encore eu suffisamment d'effets, les investissements extérieurs annoncés se font trop souvent attendre, ou bien se concentrent sur quelques activités très rentables dans un petit nombre de pays.
Dans le même temps, le fardeau de la dette, malgré des programmes récurrents d'annulation ou de rééchelonnement - et vous savez que mon pays les a toujours favorisés - reste un handicap majeur au moment où un nouvel élan est observé sur votre continent.
A ce tableau, il faut ajouter la tendance à la réduction de l'aide publique internationale. En effet, avec la fin de la Guerre froide, une partie de l'aide dont bénéficiait l'Afrique s'est dirigée vers d'autres horizons. Certains grands pays ont opéré des coupes drastiques dans leurs budgets d'aide au développement. Dans certains cas, cette réduction a été supérieure à 30 % pour les seules années 1995 et 1996, et cela au moment même où l'Afrique poursuivait des processus d'ajustement structurel courageux mais parfois difficiles à supporter par les populations.
La poursuite de la réduction de cette aide internationale constituerait dans ce contexte un risque majeur d'aggravation des tensions et des crises. La France l'a rappelé à ses partenaires européens en 1995 lorsqu'il s'agissait de renouveler le Fonds européen de développement. Elle a plaidé cette cause au Sommet des Sept à Lyon en 1996. Je l'ai dit moi-même à New York le 25 septembre dernier, à l'occasion de la réunion ministérielle du Conseil de sécurité des Nations unies consacrée à l'Afrique.
Je veux le souligner devant vous. Il ne s'agit pas ici d'un débat théologique sur les mérites respectifs de l'aide publique et de l'investissement privé. En fait, l'un et l'autre se complètent : les investisseurs ne viennent que là où l'environnement est prometteur ; l'aide publique au développement a pour fonction d'aider les pays capables de formuler et de conduire leur stratégie de développement et qui s'engagent à réunir plus rapidement les conditions favorables à l'accueil de ces investissements.
Au-delà de l'impératif de solidarité qui guide notre politique, si la France plaide, avec constance, pour le maintien d'une aide significative, c'est qu'elle est convaincue qu'il n'y aura pas de stabilisation durable en Afrique sans développement, elle est convaincue qu'il appartient d'abord aux Africains de trouver en eux-mêmes les ressorts de ce développement, mais que la communauté internationale conserve le devoir de les y aider. Elle en a le devoir et c'est aussi son intérêt car il va de soi que chaque partenaire extérieur de l'Afrique aura des relations économiques d'autant plus bénéfiques avec les pays africains que ceux-ci seront prospères.
Pas de stabilité sans développement, c'est ce repère essentiel que nous devons avoir à l'esprit pour aborder à présent les questions de sécurité sur votre continent.
Celui-ci a connu ces dernières années plusieurs tragédies, parfois immenses. Des populations civiles ont été déplacées, rejetées vers des pays en proie eux-mêmes à de graves difficultés. Ces flots de réfugiés ont à leur tour déstabiliser des régions entières, en dépit des efforts du Haut-Commissariat aux Réfugiés.
Ces populations, parfois prises en otages par des groupes armés convaincus de génocide, pour lequel un Tribunal pénal international a été créé à juste titre, ont à leur tour été victimes de massacres dans des conditions sur lesquelles l'ONU tente maintenant de faire la lumière.
Mais, malgré tout cela, des signes d'espoir apparaissent. Tout d'abord, depuis plusieurs années, les Africains confirment chaque jour davantage leur volonté d'être actifs dans la prévention et le règlement des conflits qui les affectent. L'Organisation de l'unité africaine, votre Organisation, joue un rôle croissant dans nombre de situations délicates. Nous l'avons vu avec la Mission d'observation au Burundi. Nous le voyons aux Comores. Et pour la première fois, dans l'année écoulée, les Secrétaires généraux de l'ONU et de l'OUA ont désigné un représentant spécial conjoint, en la personne de l'ambassadeur Sahnoun, pour la région des Grands lacs. La France encourage vivement ce rapprochement entre les deux organisations. Elles ne peuvent qu'y gagner toutes les deux.
Pour permettre à l'OUA de répondre plus efficacement aux multiples urgences, la France avait apporté en novembre 1996, une première contribution d'un million de francs au Mécanisme de prévention, gestion et règlement des conflits. Le gouvernement français a décidé de poursuivre et d'augmenter cette aide. Je vous annonce aujourd'hui qu'il apportera en 1998 une contribution d'un million de dollars à votre Organisation.
Parallèlement, certaines organisations sous-régionales, en Afrique australe, en Afrique de l'Ouest et dans la Corne de l'Afrique, affirment leur compétente et constituent déjà des facteurs de stabilisation qu'il faut encourager. La diplomatie préventive des chefs d'Etat concourt aussi à dénouer heureusement nombre de différends.
Dans certaines situations, l'Afrique, en dépit de moyens parfois limités, a pris l'initiative d'opérations de maintien de la paix, par exemple l'action de l'Ecomog au Liberia, constitue, à cet égard, une expérience positive. La mission de surveillance des Accords de Bangui en Centrafrique aura été un succès pour les pays africains qui l'ont constituée.
Nous pensons que ces évolutions doivent être encouragées et poursuivies. Mais il faut également, en amont, mieux préparer les armées africaines à prendre part à des opérations de maintien de la paix, ce qui suppose une formation adéquate. Ce sont des opérations toujours extrêmement délicates et qui ont peu de rapport avec l'usage habituel des moyens militaires. La France entend ainsi consacrer dès l'année prochaine plus de 30 millions de dollars à des actions de formation et d'équipement visant à améliorer les capacités africaines de maintien de la paix. A cet égard, elle envisage d'apporter son aide, en accord avec le président Bedié, à la création d'un centre d'instruction et d'entraînement au maintien de la paix qui aurait vocation à accueillir des stagiaires de différents pays car, naturellement, tout cela ne se conçoit qu'à la demande des pays concernés.
D'autres pays ont également annoncé leur intention de participer à de tels efforts qui doivent être coordonnés.
C'est pourquoi la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont récemment proposé, ensemble, de créer un cadre ouvert à tous, pays africains et pays donateurs, en vue de renforcer les capacités des pays africains dans le domaine du maintien de la paix. Ce cadre serait placé sous les auspices des Nations unies et de l'Organisation de l'unité africaine. Je suis heureux que cette initiative ait reçu un accueil favorable dans vos capitales. Les Secrétaires généraux des Nations unies et de l'OUA l'ont également saluée, le 25 septembre dernier, à l'occasion de la première session ministérielle du Conseil de sécurité consacrée à l'Afrique dont je parlais il y a un instant.
Une concertation est maintenant nécessaire pour progresser dans cette voie. Le Département des opérations de maintien de la paix du Secrétaire général de l'ONU et l'observateur permanent de l'OUA aux Nations unies envisagent à cet effet de réunir à New York dans les prochaines semaines tous les pays intéressés, africains et donateurs. Cette rencontre devrait permettre de déboucher sur la constitution d'un groupe de soutien aux capacités africaines de maintien de la paix, dans lequel vos pays et tous les bailleurs de fonds intéressés, ainsi que les secrétariats de l'ONU et de l'OUA échangeront leurs propositions. Surtout, ils pourront décider ensemble de coopérations concrètes sur le terrain. Nous pourrions ainsi faire de ce groupe un forum qui favorisera tous ceux qui, dans le monde, partagent nos idées sur la paix en Afrique. Bien entendu, l'adhésion des pays africains est, à cet égard, primordiale ou essentielle.
Mais, je vous le redis ici solennellement, Mesdames et Messieurs, encourager l'Afrique à s'impliquer davantage dans la résolution de ses crises et l'y aider, ne signifie en aucune façon que la communauté internationale doit se désengager de ses responsabilités à l'égard du continent africain. En tout cas, ce n'est pas la politique de mon pays.
La France, pour sa part, s'est employée inlassablement en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, à apporter sa contribution à la prévention des crises, en privilégiant de plus en plus une approche multilatérale des questions de sécurité sur votre continent. Elle a maintenu les accords de défense qui la lient à certains pays. En même temps, elle a marqué en plusieurs circonstances son refus de se laisser impliquer dans les conflits internes ou de s'ingérer dans les affaires intérieures de ses partenaires africains comme vous l'avez vu dans la crise malheureuse et tragique qui frappe le Congo-Brazzaville où la France soutien la médiation internationale du président Bongo et de Mohamed Sahnoun et à propos de laquelle quelques éléments encourageants apparaissent enfin à la suite de leurs efforts tenaces et persévérants. S'agissant des Comores, la France n'a d'autre politique que d'appuyer la médiation conduite par l'ambassadeur Yéré sous l'égide de l'OUA.
La politique de mon pays est donc claire, Mesdames et Messieurs. Engagement renouvelé à l'égard de l'Afrique, il n'est pas question d'une façon ou d'une autre d'un quelconque désengagement, non-implication, non-ingérence dans les conflits internes, soutien méthodique à la consolidation des fondements de l'Etat de droit, soutien au processus de démocratisation, à la bonne gouvernance, vieux mot français qui s'entend aussi bien en anglais, soutien au développement durable, clé de la stabilité et de la paix en Afrique. Elle se veut le fer de lance de cette politique au sein de l'Union européenne, et plusieurs de ses partenaires partagent heureusement ses vues politiques. L'Union européenne, à travers le Fonds de développement, la Convention de Lomé et les aides bilatérales, constitue au total et de très loin le principal partenaire de votre continent. Je le redis devant vous, la France adapte et modernise sa relation avec l'Afrique, avec toute l'Afrique, mais elle restera engagée à ses côtés. Vous la trouverez auprès de vous, dans le respect de la souveraineté de chacun de vos pays, attentive à favoriser l'essor de votre immense continent, un continent d'avenir.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 octobre 2001)
Q - (Sur les accords de défense)
R - La France est engagée par un certain nombre d'accords de défense ou de coopération militaire qui ont été signés avec un certain nombre de gouvernements africains, il y a une vingtaine d'années ou plus. La France respecte ses accords comme elle respecte tous les accords qu'elle a signés, où que ce soit, ce qui est une partie de la réponse à votre question. La France ne poursuit cette présence que parce que les Etats concernés le lui demandent.
Deuxième point : la France a engagé une réforme de son armée qui l'a conduit à une armée professionnelle, moins nombreuse, mais en même temps mieux formée, mieux équipée, plus mobile, ce qui nécessite moins d'implantations. Donc, cela l'amène, aussi bien sur le territoire français qu'en Afrique, à réduire ses implantations car elle peut remplir les mêmes fonctions avec moins de troupes, moins de bases. C'est un processus qui est en cours, et qui a été expliqué aux dirigeants intéressés par mon collègue le ministre français de la Défense, M. Alain Richard.
Dernier point : bien que vous ne m'ayez pas posé la question, naturellement, en aucun cas, ces accords ne peuvent amener la France à s'impliquer et s'ingérer dans des conflits ailleurs.
Q - Pourquoi êtes-vous venu en Ethiopie ?
R - J'ai voulu venir en Ethiopie parce qu'il me semblait que ce pays est un pays particulièrement important et qu'il joue dans tout l'Ouest de l'Afrique un rôle qui dépasse de loin ses propres frontières et que c'est un rôle de stabilisation et un rôle de recherche et d'accompagnement de solutions aux différents problèmes qui peuvent se trouver dans cette région. C'est donc un pays avec lequel la France souhaite développer ses échanges, son dialogue politique, sa concertation politique. Au cours des entretiens que j'ai eus aujourd'hui avec le Premier ministre comme avec le ministre des Affaires étrangères, nous avons évoqué un certain nombre de questions bilatérales qui ont précisément donné plus de contenu, de substance et de régularité à nos consultations et nos entretiens. Nous avons évoqué la situation dans l'Est de l'Afrique. Nous avons procédé à un échange de vues. Il ne s'agit pas de négocier de conclure ou de décider à la place d'autres, mais de faire un tour d'horizon de la situation et plus largement nous avons échangé nos vues sur tous les problèmes qui peuvent se rencontrer aujourd'hui sur le continent africain, tout en redisant comme je l'ai dit tout à l'heure dans mon allocution, qu'il n'y a pas que des problèmes. Il y a aussi des perspectives encourageantes. C'est donc une étape de plus qui a été franchie dans la relance d'un dialogue franco-éthiopien qui, pour des raisons évidentes, était tombé en sommeil pendant extrêmement longtemps et qui, depuis quelques années, a recommencé à prendre forme nous voulons hisser son niveau et augmenter son contenu.
Q - Qu'est-ce que la nouvelle politique africaine de la France ?
R - J'ai expliqué dans mon intervention que la politique française envers l'Afrique conduite par le président Jacques Chirac et le gouvernement de Lionel Jospin était une combinaison de fidélité par rapport aux engagements de la France sur le continent africain par rapport à ses partenaires anciens, amis traditionnels, et de fidélité à son engagement pour l'aide au développement dans toutes les enceintes spécialisées. Et de plus, il s'agit d'une ouverture à l'ensemble du continent, aux problèmes de l'ensemble du continent, et à de nombreux autres partenaires avec lesquels la France n'avait pas l'habitude d'échanger ses vues, notamment sur le plan politique. Voilà ce qui constitue ce que vous pouvez appeler un nouvel élan. C'est en tout cas la façon dont nous voulons aborder, aux côtés de l'Afrique, dans la continuité d'un engagement très ancien, mais en nous adaptant en permanence aux réalités nouvelles, comme nous le faisons volet par volet à l'intérieur de notre politique africaine, les prochaines années. Les conversations au siège de l'OUA, et sans nul doute les conversations de demain, nous font penser que nous sommes dans la bonne voie.
Q - (Sur le rôle des forces d'interposition en Afrique)
R - Les idées de base sont très simples. On voit bien que, sur le continent africain, il y a besoin de faire intervenir, malheureusement mais c'est comme cela, les forces d'interposition au maintien de la paix. Deuxième remarque, cette technique est très spéciale. N'importe quelle armée n'est pas capable de faire du maintien de la paix ou de l'interposition. Il faut avoir une force que l'on peut montrer et qui est dissuasive parce qu'on la montre sans avoir à s'en servir ou en ne s'en servant que dans des cas limites. C'est un exercice très compliqué, c'est une sorte de discipline militaire en soi qu'il faut développer et qui requiert une formation adéquate. Troisième point, il y a une série de raisons historiques à l'ensemble de nos pays occidentaux, et notamment ceux qui se sont énormément engagés ces dernières années dans les actions au titre de l'ONU, et la France est au tout premier rang de ces pays ainsi que la Grande-Bretagne. Le point suivant, c'est qu'il y avait en Afrique des initiatives jusqu'ici un peu désordonnées dans ce domaine-là avec des programmes américains, des programmes français, des programmes britanniques, d'autres peut-être. L'autre point, c'est que de nombreux pays africains veulent bénéficier de ce type de formation mais étaient un peu gênés de voir ce manque de coordination. Donc, la France a pensé que c'était une bonne réponse au problème qui est posé aujourd'hui, que de participer et même d'encourager une coordination des initiatives qui étaient prises jusqu'ici par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou la France, mais sans cette coordination, de le faire en plus d'une façon ouverte parce que cela n'empêche personne de s'y joindre et de le faire à l'intérieur d'une relation qui sera renforcée avec l'OUA. Ainsi cela permettra de rassembler tous les éléments qui peuvent donner à ceux qui le souhaitent et qui en ont besoin la formation la plus adéquate et dans les meilleurs conditions possibles, dans le meilleur cadre possible pour que cette formation réponde parfaitement bien à l'objet annoncé. Voilà l'esprit de notre politique. Après la concrétisation, nous ne nous interdisons rien, cela dépend des demandes. C'est une politique qui évoluera au fil du temps, sur le terrain. Il n'y a pas de liste a priori. Aucun pays n'est privilégié par rapport à un autre, aucun n'est exclu et cela dépendra donc et des besoins et naturellement au premier chef, des demandes.
Q - (Sur la modernisation de la politique française en Afrique)
R - Les éléments de la modernisation sont ceux que j'ai cités tout à l'heure, c'est-à-dire avoir une politique qui comprend un dialogue beaucoup plus soutenu, beaucoup plus ouvert à un certain nombre de grands partenaires en Afrique même. J'ajouterais une concertation également plus développée avec les partenaires européens et occidentaux de la France. J'ajouterais l'élément que je citais tout à l'heure, qui est celui de l'adaptation de la présence militaire française, de l'orientation de ses actions de formation militaire de façon prioritaire vers les capacités de maintien de la paix et enfin un volet, disons culturel et humain, dans la mesure où le gouvernement français cherche à adapter sur certains points les règles et les mécanismes qui permettent à des étudiants, à des chercheurs, à des enseignants, à différentes professions, à différents experts de venir en France pour travailler ou étudier. Les autres points, je les ai cités. C'est la façon dont nous traitons, dont nous nous comportons face aux conflits internes que nous déplorons naturellement, mais que nous traitons avec un refus absolu d'ingérence ou d'implication directe et en concentrant tous nos efforts, qui sont grands et aussi tenaces que possible, sur le terrain politique et diplomatique. Voila les têtes de chapitres.
Q - (Sur les Comores)
R - C'est extrêmement simple. La France depuis le début de cette crise a soutenu les efforts qui ont été poursuivis par l'Organisation de l'unité africaine et notamment par l'ambassadeur Pierre Yéré qui était son envoyé. C'est la seule politique que nous ayons eue et à plusieurs reprises, le gouvernement français a eu l'occasion de souhaiter qu'aucun obstacle d'aucune sorte ne soit placé qui vienne contrarier cet effort.
Q - (Sur l'Algérie)
R - Les termes ne sont pas tout à fait ceux-là. La France comme beaucoup d'autres pays, comme des responsables de beaucoup de grandes organisations, puisque tout cela n'est en rien un problème français naturellement, en raison de l'émotion qu'elle ressent devant ce qui se passe a eu l'occasion de dire sa disponibilité dans l'hypothèse où les différentes parties en présence en Algérie, à commencer naturellement par les autorités, souhaiteraient une intervention qu'elles jugeraient utile d'une entité quelconque. Ce n'est pas à nous de choisir. Ce n'est pas à nous de dire quel organisme ou quel pays. Donc la France a exprimé sa disponibilité, mais pas plus que les autres pays et organisations, celle-ci n'a reçu de réponse positive. Nous en sommes là./.
Monsieur le Secrétaire général, permettez-moi d'abord de vous remercier pour les mots très aimables par lesquels vous m'avez accueilli, et laissez-moi dire ensuite combien je suis honoré d'être ici parmi vous, dans ce lieu déjà historique au siège de votre Organisation qui incarne dans son nom et dans son action, l'unité africaine. A l'occasion de ma première visite comme ministre des Affaires étrangères de la France, en Afrique, j'ai souhaité marquer par le choix de mes destinations et l'ouverture qui caractérisent les orientations de la politique africaine de mon pays, menée par le président de la République, M. Jacques Chirac et le Premier ministre, Lionel Jospin.
J'étais hier en Afrique du Sud, pays qui symbolise la renaissance de l'Afrique, grâce à une transition démocratique admirable et à une uvre de réconciliation nationale qui est source d'inspiration pour le continent dans son ensemble, et qui a de quoi faire méditer le reste du monde.
Je suis aujourd'hui ici, en Ethiopie, très ancienne nation de l'Est africain engagée dans un redressement spectaculaire après des années de conflit, et qui s'avance, elle aussi, résolument sur la voie de la démocratie et qui joue un rôle modérateur dans une région instable. Et je suis ici, au siège de l'Organisation de l'unité africaine, pour marquer la volonté de la France de développer ses rapports avec l'ensemble des pays d'Afrique, et confirmer la disponibilité de la France à soutenir les efforts de votre Organisation au service du développement et de la stabilité du continent tout entier.
Demain, je serai à Abidjan, et ma visite dans cette capitale en pleine expansion de l'Ouest africain, sera le symbole de la fidélité de la France à ses amis et partenaires de longue date, comme l'a été mon escale avant-hier soir à Libreville chez le président Bongo.
Je voudrais vous dire comment mon pays voit aujourd'hui votre continent et son évolution.
Nous nous réjouissons d'abord de constater que depuis 1995, l'Afrique a renoué avec une croissance économique supérieure à celle de sa population. Plusieurs pays se sont engagés simultanément dans la voie de la démocratisation et dans celle des réformes économiques.
Pour tous, l'environnement et les dynamiques régionales revêtent une importance croissante.
Mais la part globale de l'Afrique subsaharienne dans les échanges économiques mondiaux n'a cessé de diminuer depuis 25 ans, pour n'en représenter aujourd'hui qu'1,5 %. Les appels à l'investissement privé pour qu'il se substitue à l'aide publique, n'ont à l'évidence pas encore eu suffisamment d'effets, les investissements extérieurs annoncés se font trop souvent attendre, ou bien se concentrent sur quelques activités très rentables dans un petit nombre de pays.
Dans le même temps, le fardeau de la dette, malgré des programmes récurrents d'annulation ou de rééchelonnement - et vous savez que mon pays les a toujours favorisés - reste un handicap majeur au moment où un nouvel élan est observé sur votre continent.
A ce tableau, il faut ajouter la tendance à la réduction de l'aide publique internationale. En effet, avec la fin de la Guerre froide, une partie de l'aide dont bénéficiait l'Afrique s'est dirigée vers d'autres horizons. Certains grands pays ont opéré des coupes drastiques dans leurs budgets d'aide au développement. Dans certains cas, cette réduction a été supérieure à 30 % pour les seules années 1995 et 1996, et cela au moment même où l'Afrique poursuivait des processus d'ajustement structurel courageux mais parfois difficiles à supporter par les populations.
La poursuite de la réduction de cette aide internationale constituerait dans ce contexte un risque majeur d'aggravation des tensions et des crises. La France l'a rappelé à ses partenaires européens en 1995 lorsqu'il s'agissait de renouveler le Fonds européen de développement. Elle a plaidé cette cause au Sommet des Sept à Lyon en 1996. Je l'ai dit moi-même à New York le 25 septembre dernier, à l'occasion de la réunion ministérielle du Conseil de sécurité des Nations unies consacrée à l'Afrique.
Je veux le souligner devant vous. Il ne s'agit pas ici d'un débat théologique sur les mérites respectifs de l'aide publique et de l'investissement privé. En fait, l'un et l'autre se complètent : les investisseurs ne viennent que là où l'environnement est prometteur ; l'aide publique au développement a pour fonction d'aider les pays capables de formuler et de conduire leur stratégie de développement et qui s'engagent à réunir plus rapidement les conditions favorables à l'accueil de ces investissements.
Au-delà de l'impératif de solidarité qui guide notre politique, si la France plaide, avec constance, pour le maintien d'une aide significative, c'est qu'elle est convaincue qu'il n'y aura pas de stabilisation durable en Afrique sans développement, elle est convaincue qu'il appartient d'abord aux Africains de trouver en eux-mêmes les ressorts de ce développement, mais que la communauté internationale conserve le devoir de les y aider. Elle en a le devoir et c'est aussi son intérêt car il va de soi que chaque partenaire extérieur de l'Afrique aura des relations économiques d'autant plus bénéfiques avec les pays africains que ceux-ci seront prospères.
Pas de stabilité sans développement, c'est ce repère essentiel que nous devons avoir à l'esprit pour aborder à présent les questions de sécurité sur votre continent.
Celui-ci a connu ces dernières années plusieurs tragédies, parfois immenses. Des populations civiles ont été déplacées, rejetées vers des pays en proie eux-mêmes à de graves difficultés. Ces flots de réfugiés ont à leur tour déstabiliser des régions entières, en dépit des efforts du Haut-Commissariat aux Réfugiés.
Ces populations, parfois prises en otages par des groupes armés convaincus de génocide, pour lequel un Tribunal pénal international a été créé à juste titre, ont à leur tour été victimes de massacres dans des conditions sur lesquelles l'ONU tente maintenant de faire la lumière.
Mais, malgré tout cela, des signes d'espoir apparaissent. Tout d'abord, depuis plusieurs années, les Africains confirment chaque jour davantage leur volonté d'être actifs dans la prévention et le règlement des conflits qui les affectent. L'Organisation de l'unité africaine, votre Organisation, joue un rôle croissant dans nombre de situations délicates. Nous l'avons vu avec la Mission d'observation au Burundi. Nous le voyons aux Comores. Et pour la première fois, dans l'année écoulée, les Secrétaires généraux de l'ONU et de l'OUA ont désigné un représentant spécial conjoint, en la personne de l'ambassadeur Sahnoun, pour la région des Grands lacs. La France encourage vivement ce rapprochement entre les deux organisations. Elles ne peuvent qu'y gagner toutes les deux.
Pour permettre à l'OUA de répondre plus efficacement aux multiples urgences, la France avait apporté en novembre 1996, une première contribution d'un million de francs au Mécanisme de prévention, gestion et règlement des conflits. Le gouvernement français a décidé de poursuivre et d'augmenter cette aide. Je vous annonce aujourd'hui qu'il apportera en 1998 une contribution d'un million de dollars à votre Organisation.
Parallèlement, certaines organisations sous-régionales, en Afrique australe, en Afrique de l'Ouest et dans la Corne de l'Afrique, affirment leur compétente et constituent déjà des facteurs de stabilisation qu'il faut encourager. La diplomatie préventive des chefs d'Etat concourt aussi à dénouer heureusement nombre de différends.
Dans certaines situations, l'Afrique, en dépit de moyens parfois limités, a pris l'initiative d'opérations de maintien de la paix, par exemple l'action de l'Ecomog au Liberia, constitue, à cet égard, une expérience positive. La mission de surveillance des Accords de Bangui en Centrafrique aura été un succès pour les pays africains qui l'ont constituée.
Nous pensons que ces évolutions doivent être encouragées et poursuivies. Mais il faut également, en amont, mieux préparer les armées africaines à prendre part à des opérations de maintien de la paix, ce qui suppose une formation adéquate. Ce sont des opérations toujours extrêmement délicates et qui ont peu de rapport avec l'usage habituel des moyens militaires. La France entend ainsi consacrer dès l'année prochaine plus de 30 millions de dollars à des actions de formation et d'équipement visant à améliorer les capacités africaines de maintien de la paix. A cet égard, elle envisage d'apporter son aide, en accord avec le président Bedié, à la création d'un centre d'instruction et d'entraînement au maintien de la paix qui aurait vocation à accueillir des stagiaires de différents pays car, naturellement, tout cela ne se conçoit qu'à la demande des pays concernés.
D'autres pays ont également annoncé leur intention de participer à de tels efforts qui doivent être coordonnés.
C'est pourquoi la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont récemment proposé, ensemble, de créer un cadre ouvert à tous, pays africains et pays donateurs, en vue de renforcer les capacités des pays africains dans le domaine du maintien de la paix. Ce cadre serait placé sous les auspices des Nations unies et de l'Organisation de l'unité africaine. Je suis heureux que cette initiative ait reçu un accueil favorable dans vos capitales. Les Secrétaires généraux des Nations unies et de l'OUA l'ont également saluée, le 25 septembre dernier, à l'occasion de la première session ministérielle du Conseil de sécurité consacrée à l'Afrique dont je parlais il y a un instant.
Une concertation est maintenant nécessaire pour progresser dans cette voie. Le Département des opérations de maintien de la paix du Secrétaire général de l'ONU et l'observateur permanent de l'OUA aux Nations unies envisagent à cet effet de réunir à New York dans les prochaines semaines tous les pays intéressés, africains et donateurs. Cette rencontre devrait permettre de déboucher sur la constitution d'un groupe de soutien aux capacités africaines de maintien de la paix, dans lequel vos pays et tous les bailleurs de fonds intéressés, ainsi que les secrétariats de l'ONU et de l'OUA échangeront leurs propositions. Surtout, ils pourront décider ensemble de coopérations concrètes sur le terrain. Nous pourrions ainsi faire de ce groupe un forum qui favorisera tous ceux qui, dans le monde, partagent nos idées sur la paix en Afrique. Bien entendu, l'adhésion des pays africains est, à cet égard, primordiale ou essentielle.
Mais, je vous le redis ici solennellement, Mesdames et Messieurs, encourager l'Afrique à s'impliquer davantage dans la résolution de ses crises et l'y aider, ne signifie en aucune façon que la communauté internationale doit se désengager de ses responsabilités à l'égard du continent africain. En tout cas, ce n'est pas la politique de mon pays.
La France, pour sa part, s'est employée inlassablement en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, à apporter sa contribution à la prévention des crises, en privilégiant de plus en plus une approche multilatérale des questions de sécurité sur votre continent. Elle a maintenu les accords de défense qui la lient à certains pays. En même temps, elle a marqué en plusieurs circonstances son refus de se laisser impliquer dans les conflits internes ou de s'ingérer dans les affaires intérieures de ses partenaires africains comme vous l'avez vu dans la crise malheureuse et tragique qui frappe le Congo-Brazzaville où la France soutien la médiation internationale du président Bongo et de Mohamed Sahnoun et à propos de laquelle quelques éléments encourageants apparaissent enfin à la suite de leurs efforts tenaces et persévérants. S'agissant des Comores, la France n'a d'autre politique que d'appuyer la médiation conduite par l'ambassadeur Yéré sous l'égide de l'OUA.
La politique de mon pays est donc claire, Mesdames et Messieurs. Engagement renouvelé à l'égard de l'Afrique, il n'est pas question d'une façon ou d'une autre d'un quelconque désengagement, non-implication, non-ingérence dans les conflits internes, soutien méthodique à la consolidation des fondements de l'Etat de droit, soutien au processus de démocratisation, à la bonne gouvernance, vieux mot français qui s'entend aussi bien en anglais, soutien au développement durable, clé de la stabilité et de la paix en Afrique. Elle se veut le fer de lance de cette politique au sein de l'Union européenne, et plusieurs de ses partenaires partagent heureusement ses vues politiques. L'Union européenne, à travers le Fonds de développement, la Convention de Lomé et les aides bilatérales, constitue au total et de très loin le principal partenaire de votre continent. Je le redis devant vous, la France adapte et modernise sa relation avec l'Afrique, avec toute l'Afrique, mais elle restera engagée à ses côtés. Vous la trouverez auprès de vous, dans le respect de la souveraineté de chacun de vos pays, attentive à favoriser l'essor de votre immense continent, un continent d'avenir.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 octobre 2001)