Déclarations de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur les relations France - Russie et la situation politique en Russie, Moscou les 1er et 2 novembre 1993.

Prononcé le 1er novembre 1993

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Circonstance : Voyage officiel à Moscou de M. Balladur les 1er et 2 novembre 1993-dîner officiel offert par M. Viktor Tchernomyrdine le 1er novembre, conférence de presse le 2 novembre

Texte intégral

Je voudrais vous dire tout l'honneur et le plaisir que je ressens ce soir à me trouver en Russie à l'invitation de votre gouvernement. Il existe en effet en nos deux pays une relation très ancienne et étroite qui a été confortée et renouvelée par les changements historiques intervenus en Russie depuis la fin du régime soviétique.
En commémorant cette année le centenaire de l'Alliance franco-russe, nous entendons avant tout manifester notre souci de retrouver ensemble sans exclusive notre héritage historique commun. Beaucoup, presque tout, a changé depuis un siècle en Europe, comme dans le reste du monde. Mais le lien qui s'était scellé entre nos deux peuples s'est confirmé à travers tous les remous de l'histoire. Il ne s'est plus jamais défait. Ce qui, à mes yeux, fait le prix de cette relation est qu'elle eut, dès l'origine, un retentissement profond dans chacune de nos populations qui comprirent alors toute la signification de cette relation privilégiée qui s'affirmait entre les deux extrémités de l'Europe. Aujourd'hui, il ne saurait être question de renouer avec le jeu des alliance de l'Europe du siècle passé. Il s'agit au contraire pour nos deux pays, dans un continent débarrassé de ses divisions, de contribuer par leurs échanges à la construction d'une Europe réunie.
Cette Europe, et en premier lieu, la France, a confiance dans l'avenir de la Russie qui joue en son sein un si grand rôle. Chacun mesure aujourd'hui la difficulté de la grande entreprise de démocratisation et de réformes économiques dans laquelle vous vous êtes engagés. Chacun admire la résolution qui vous anime. Cette grande entreprise est l'affaire du peuple russe et de lui seul ; il lui revient avec son génie propre de poursuivre sa marche vers une société plus libre. C'est une tradition constante de votre littérature et en particulier de l'oeuvre d'Alexandre Soljenytsine que j'ai récemment accueilli à Paris, d'avoir sans cesse rappelé les exigences morales qui sont celles de la condition humaine. La liberté et la démocratie, c'est à dire en réalité le respect de la dignité de l'homme et de son expression, font partie intégrante de ces exigences.
Les événements dramatiques qui ont secoué récemment Moscou n'auront de sens que s'ils permettent à votre grand peuple de se prononcer en toute liberté sur les changements institutionnels qui le concernent et sur la désignation de ses représentants. Nous vous félicitons de la volonté exprimée par les plus hautes autorités russes d'avoir recours à la consultation du peuple qui sera pour la Russie le meilleur gage de sa stabilité future.
Monsieur le Premier ministre, je souhaite vous dire que la France accompagne et soutient le mouvement de réforme que vous conduisez. D'ores et déjà, une coopération d'un type nouveau s'est développé entre nos deux pays pour aider à la transition vers un état de droit. Elle concerne depuis deux ans la refonte du cadre législatif de la fonction publique et la formation de fonctionnaires; elle concerne aussi dans le domaine juridique, des formules de jumelage entre tribunaux qu'il nous revient de développer au profit de nouvelles générations de juristes.
Dans le même sens, sachez que la France, avec d'autres, est prête, comme vous l'avez souhaité, à contribuer au bon déroulement de votre processus électoral.
Votre pays, Monsieur le Premier ministre, s'est également engagé dans une ambitieuse entreprise de transition vers l'économie de marché. Je tiens ce soir à rendre hommage à la détermination qui vous anime. Ce processus est d'autant plus difficile à mener à son terme, que l'économie mondiale traverse une période de ralentissement. Mais l'expérience nous apprend qu'il n'y a pas d'autre voie que celle du marché.
Je souhaite que dans ce domaine également la France puisse contribuer au succès de votre politique. Elle le fait grâce à une aide importante. Elle le fait également grâce à l'activité de ses entreprises. Confiantes dans l'avenir économique de votre immense pays, elles ont su s'adapter aux changements fondamentaux qu'a connus l'économie russe au cours des deux dernières années. Ainsi, nos banques ont été les premières à ouvrir des filiales de plein exercice, et plusieurs de nos entreprises ont créé une véritable activité industrielle.
Ce mouvement connaîtrait une ampleur nouvelle si nos agents économiques avaient l'assurance de pouvoir travailler dans un environnement législatif et réglementaire stable et équilibré. Beaucoup peut et doit encore être fait des deux côtés pour développer nos échanges, gage de prospérité pour nos deux pays. Le gouvernement français poursuivra son effort pour faciliter l'action des différents agents économiques français en Russie. Il souhaite que cette action contribue à une profonde ouverture de votre pays en direction de l'Europe.
Monsieur le Premier ministre, la France est convaincue que la Russie doit jouer un rôle essentiel sur notre continent. Elle veut écarter toutes les tentations d'instaurer ici ou là de nouvelles coupures. Elle souhaite mobiliser au contraire toutes les ressources de la relation franco-russe que je viens de rappeler pour établir une entente forte et durable au service des valeurs que nous partageons désormais. Nous pourrons ainsi contribuer à l'instauration d'une grande Europe réconciliée, ouverte et démocratique.
Notre tâche prioritaire doit être de faire face aux nouvelles crises et aux conflits qui résultent des problèmes de minorités qui n'ont pas trouvé de solutions satisfaisantes. Ce danger immédiat et redoutable, nous en voyons déjà les conséquences dramatiques dans l'ex-Yougoslavie. Il nous revient de tout faire pour éviter que cet exemple si négatif ne se reproduise à l'avenir. C'est à cette fin que j'ai proposé, dès ma prise de fonction, de mettre en place un pacte de stabilité en Europe auquel tous les Etats intéressés sont invités à participer. En six mois, cette idée est devenue le projet commun des douze pays membres de la Communauté européenne, comme vient de le réaffirmer le Conseil européen qui s'est réuni la semaine dernière.
Je viens aujourd'hui vous confirmer, Monsieur le Premier ministre, que la Russie doit tenir toute sa place dans ce projet auquel elle est invitée à participer à part entière, La mobilisation de tous les pays démocratiques européens face aux nouvelles passions ethniques, nationalistes ou idéologiques, en utilisant de façon pragmatique toutes les formes de coopération bilatérale et multilatérale aujourd'hui disponibles, nous offre les meilleurs moyens de construire un avenir commun pour l'ensemble de notre continent.
Monsieur le Premier ministre, permettez-moi ce soir de vous remercier de l'hospitalité si généreuse que vous m'offrez dans votre pays, permettez-moi de former les voeux personnels pour vous-même et pour Mme Tchernomyrdine, pour votre pays et pour le succès du grand mouvement de réforme que vous avez engagé. Ces voeux sont ceux de mon épouse et de moi-même, mais ils sont aussi ceux de mon pays et du peuple français que tant de liens unissent à la Nation russe.
Je lève mon verre à l'amitié franco-russe.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 avril 2004)
Avant de répondre à vos questions, je souhaiterais vous résumer les conclusions que je tire de cette visite officielle en Russie. Elles sont de trois ordres :
En premier lieu, je suis venu m'entretenir avec le Président Eltsine et le Premier ministre Tchernomyrdine des grands problèmes qui se posent sur le continent européen.
Les transformations majeures que celui-ci a connues depuis 1989 ont créé une situation nouvelle qui comporte de nombreux facteurs d'instabilité. Notre intérêt commun est de construire pour demain une Europe ouverte et pacifique où règne un climat d'entente et de coopération entre les peuples si divers qui la composent.
Aux yeux de la France, la Russie, du fait de son histoire, de ses capacités et de la place éminente qu'elle tient sur la scène internationale, doit jouer un rôle majeur dans l'équilibre et la stabilité du continent européen.
C'est dans cet esprit que j'ai longuement abordé avec nos interlocuteurs le projet de pacte de stabilité pour l'Europe. La Russie sera un partenaire essentiel pour le succès de cette initiative. Elle participera bien évidemment à part entière à la conférence plénière qui doit se tenir l'année prochaine. Elle pourra également participer directement à une table de négociation.
J'ai informé mes interlocuteurs du déroulement des travaux des Douze, qui ont abordé la question au Conseil européen de vendredi dernier et qui doivent décider en décembre prochain du lancement de la conférence.
Nous sommes convenus de rester en contact étroit sur ce sujet.
Nous avons également évoqué la nécessité d'utiliser toutes les institutions existantes, sans avoir besoin d'en créer de nouvelles, pour assurer la paix et la stabilité sur l'ensemble du continent. Tel est notamment le cas de la CSCE dont la Russie et la France chercheront conjointement à renforcer le rôle, en particulier dans le domaine du maintien de la paix.
Dans le même esprit, nous avons examiné le souhait de la Russie de participer pleinement aux différentes organisations ou enceintes internationales ou mondiales.
La France souhaite que la poursuite du processus de transition démocratique menée en Russie permette une telle intégration de façon progressive. Elle favorisera cette évolution.
En second lieu, nous avons fait le bilan de nos relations bilatérales.
Ces relations sont variées. Au-delà d'une communauté de vues politiques sur des points majeurs de la conception de l'Europe, nous avons de nombreux programmes de coopération exemplaires.
J'ai évoqué avec le Président Eltsine et avec M. Tchernomyrdine la participation active de la France au programme de réforme économique engagé par le gouvernement russe. Il faut savoir que le total de l'aide française, au travers des différents canaux de financement, a atteint 30 milliards de francs depuis 1990. Par ailleurs, la France a joué un rôle décisif dans le traitement de la dette russe.
Les entreprises françaises ont investi ou sont prêtes à le faire dans de nombreux secteurs tels que l'énergie, l'aéronautique ou la finance. J'ai discuté avec M. Tchernomyrdine des moyens de renforcer encore leur présence.
Au-delà des grands groupes français, je tiens à saluer également le rôle très actif de nombreuses petites et moyennes entreprises françaises qui ont trouvé leur place sur le marché russe.
Nous avons par ailleurs fait le point sur l'aide au démantèlement des armes nucléaires de l'ex-URSS, au service de laquelle la France va engager 400 millions de francs.
Enfin, j'ai indiqué à mes interlocuteurs l'attention et la sympathie avec laquelle la France suivait la grande entreprise de démocratisation et de réforme économique dans laquelle s'est lancée la Russie.
Ce processus a traversé des journées douloureuses, il y a à peine quelques semaines. Le pire a été évité, mais il convient de rester vigilant.
La Président Eltsine et son gouvernement incarnent la légitimité démocratique, dont bénéficiera également le Parlement qui sera issu des urnes le 12 décembre prochain. La France ne mesure pas son soutien et, lorsqu'ils sont sollicités, ses conseils, pour faciliter l'avènement d'un Etat de droit en Russie.
C'est ainsi que le Parlement français prépare l'envoi d'observateurs aux élections du 12 décembre.
C'est bien un message de soutien de la France au processus démocratique conduit par le Président Eltsine que je suis venu porter. Je crois qu'il a été bien compris et bien perçu.
Au moment où nous fêtons le centenaire de l'Alliance franco-russe, je me réjouis de pouvoir vous dire qu'un nouvel élan a été donné à nos relations bilatérales. Nous avons jeté les bases d'un dialogue plus direct, plus moderne, nous permettant de coopérer ensemble pour relever les nouveaux défis auxquels est confronté le continent européen.
Q - Vous avez rencontré aujourd'hui les représentants des milieux d'affaires ainsi que la communauté française de Moscou. Jusqu'à quel point les appréciations de la situation en Russie qui vous ont été faites lors des entretiens officiels diffèrent-elles de celles qui vous ont été exposées au cours de vos rencontres avec les représentants de la communauté et des milieux d'affaires français ?
R - C'est nécessairement différent, parce que lorsque nous rencontrons des intellectuels ou des chefs d'entreprises, ils parlent des choses telles qu'ils les voient tous les jours. Mais ce qui est identique, c'est la conviction que la Russie est engagée dans une grande entreprise de rénovation, je pourrais presque dire de refondation, et que dans cette entreprise elle bénéficie du soutien d'un certain nombre de pays dans le monde, tous les grands pays du monde pourrais-je dire, et de leur compréhension. Pour le reste, je ne veux pas, à l'occasion d'une visite telle que M. Juppé et moi faisons, interférer dans les problèmes de politique intérieure de la Russie. Je me borne à redire que je souhaite le succès de l'entreprise actuelle qui est méritoire et difficile.
Q - Les réformes en Russie ne pourront réussir sans relations économiques équilibrées avec les pays industriels développés. Il s'agit avant tout de l'accès de la Russie aux marchés européen et mondial. Dans ce domaine il existe aujourd'hui de nombreux obstacles. On peut citer ici l'aluminium, le textile etc. Avec vos interlocuteurs russes, avez-vous abordé ces problèmes, en particulier celui des relations économiques entre la France et la Russie, et entre l'Europe de l'Ouest et la Russie ? Quelle est votre opinion sur ces questions ?
R - Nous l'avons fait, Monsieur, et j'ai pu constater effectivement chez mes interlocuteurs, notamment chez le Premier ministre M. Tchernomyrdine, le désir de voir l'Europe occidentale s'ouvrir largement aux produits russes. Ce n'est pas d'ailleurs un désir proprement russe, le même désir se manifeste de la part de nombreux pays d'Europe centrale, qui eux aussi sont en train de cheminer vers un autre type de société, vers la réforme économique et politique. Je suis tout à fait conscient du fait que cette réforme sera d'autant plus consolidée, que l'intégration de la Russie dans l'économie mondiale sera d'autant plus solide qu'elle pourra entrer dans le concert économique international, c'est-à-dire importer des produits et exporter ses propres produits. Simplement, il ne peut s'agir que d'un processus par étapes, parce que dans nombre de productions il faut bien voir qu'il peut y avoir des phénomènes de concurrence entre les produits russes et les produits de l'Europe occidentale, vous avez cité l'aluminium, on pourrait citer d'autres domaines. Donc il faut éviter que cette situation n'entraîne une sorte de déstabilisation des marchés, il faut donc se montrer progressif et procéder étape par étape. Le principe est, bien entendu, acquis, à savoir qu'on ne peut à la fois vouloir l'intégration de la Russie dans le système qui prévaut dans le monde et ne pas faire en sorte d'accueillir ses produits, mais, je le répète, pour éviter des désordres sur les marchés ; il faut que ça se fasse progressivement. Nous sommes convenus que nous allions en parler et que nous allions notamment discuter de ce que pourrait être le chiffre des exportations russes d'aluminium. C'est un problème qui nous concerne, nous Français, vous me pardonnerez de ne pas vous en dire davantage.
Q - Avez-vous abordé les questions de coopération bilatérale dans les domaines de la conversion et de la technologie militaire ?
R - Nous n'avons pas abordé cette question. Nous avons parlé de la coopération en matière nucléaire et de l'aide que la France est prête à apporter pour aider la Russie à résoudre ses problèmes et à tenir les engagements qu'elle a pris.
Q - L'opposition russe a été écrasée et actuellement elle ne participe pratiquement plus au débat politique. Dans le même temps de nombreux amendements sont apportés au projet de Constitution de la Fédération russe. Ne craignez-vous pas de nouvelles atteintes à la démocratie en Russie ? Faites-vous toujours autant confiance au Président Eltsine ? Je souhaiterais aborder également la question suivante : les observateurs se posent de plus en plus de questions sur les conditions de la libération des otages français en Algérie. Toute cette histoire semble assez irréelle. Que pourriez-vous nous dire à ce propos ?
R - Je ne me pose que des questions sérieuses. J'ai vécu ces huit jours dans la préoccupation, l'inquiétude et l'angoisse. Je vous assure que cela ne m'a pas fait sourire. Je me réjouis que l'affaire se soit terminée comme elle s'est terminée. Et je rends hommage à l'action de nos services, notamment diplomatiques, qui s'y sont employés avec le succès que nous connaissons. C'est tout ce que j'ai à dire sur ce sujet.
S'agissant de la première question que vous avez posée, le texte de Constitution préparé n'est pas encore connu, en tous cas pas de moi. Le Président Eltsine m'a dit que ce serait le cas dans quelques jours, qu'il serait tiré à 100 millions d'exemplaires, qu'il serait envoyé pratiquement à tous les foyers de Russie et que, a-t-il ajouté, il serait sur le mode français, adopté par référendum. Je n'ai pu, bien entendu, que me réjouir de cette référence qui me parait incontestable. Quant au reste je ne peux pas vous donner un sentiment sur le texte d'une Constitution que je ne connais pas, mais le connaîtrais-je que fidèle à ma ligne de conduite je m'interdirais de porter un jugement sur les problèmes de politique intérieure et sur l'équilibre des pouvoirs propre à la Russie. Il n'y a pas en la matière de loi absolue. Je me souviens de la façon dont parfois a été accueillie la Constitution de la 5ème République élaborée par le général de Gaulle, et qui ne ressemblait parait-il pas tout à fait aux canons de la démocratie parlementaire telle que dans un certain nombre de pays, on la pratique. Je crois que personne ne peut dire que la France a un régime moins démocratique que d'autres pays dans le monde.
Q - Vos interlocuteurs russes vous ont-ils parlé de la nouvelle doctrine militaire russe ?
R - Ils nous ont dit qu'ils allaient nous en parler, et comme de mon côté je demandais quel était le contenu à leurs yeux de la notion de partenariat pour la paix, voilà un sujet de conversation tout trouvé pour les prochaines semaines et les prochains mois.
Q - De Gaulle parlait d'une "Europe de l'Atlantique à l'Oural", c'est-à-dire d'une Europe unifiée. Aujourd'hui on nous propose de créer un pacte de stabilité et de sécurité en Europe. Quel est le lien entre ces deux idées, entre l'Europe du général de Gaulle et celle de M. Balladur ? Nous sommes témoins de la cohabitation en France d'un Président et d'un gouvernement appartenant à des courants politiques différents, ce qui ne les empêche pas de collaborer parfaitement. La politique extérieure, qui a toujours été en France une prérogative présidentielle, est aujourd'hui devenue l'objet d'un certain consensus entre le Président et le Parlement. Cette situation est-elle, à votre avis, possible en Russie ?
R - Je vais répondre tout de suite à la deuxième question : elle est rituelle. Je pourrais vous dire, Monsieur, qu'à question rituelle, réponse rituelle. Nous avons un système constitutionnel qui est ce qu'il est, qui a de grands mérites, et qui requiert de ceux auxquels le peuple fait confiance parfois successivement dans le temps de savoir faire en sorte que nos institutions fonctionnent harmonieusement. Pour ma part je m'y emploie. Je ne suis d'ailleurs pas le seul à m'y employer et le résultat c'est le sentiment que cela vous donne. Je n'ai rien à ajouter là-dessus.
En ce qui concerne la première question, sur la conception qu'on peut avoir de l'Europe, je ne me référerai pas au passé, à un passé révolu, à un passé où il faudrait remonter à plus de 20 ans et à une autre Europe. Ce que je peux dire c'est que le général de Gaulle a certainement eu une vision prémonitoire de ce que serait l'évolution du continent européen. Le projet de pacte de stabilité et de sécurité qui a été adopté par la France et que nos partenaires paraissent considérer avec faveur, je vous en dirai plus comme je vous le disais tout à l'heure au mois de décembre lors du Conseil européen, ou plutôt après ce Conseil européen. Ce pacte de stabilité est fondé sur l'idée suivante : nous avons vécu un très grand bouleversement, un certain monde a pris fin. Et comme toujours l'Europe dans pareilles circonstances (c'est vérifié pendant des siècles) a tenu à faire le point et à définir de nouvelles règles du jeu. Cela a été le cas au Congrès de Westphalie il y a 350 ans, au Congrès de Vienne. Cela a été le cas lors du traité de Versailles. Je prend ces trois exemples, on pourrait en trouver un ou deux autres si l'on cherchait bien. C'est le désir de changer les règles du jeu alors que tant de choses ont changé sur le continent, règles du jeu applicables notamment en matière de traitement des conflits, afférents entre autres au statut des minorités, afin que l'on ne voit pas se reproduire ailleurs sur le territoire de l'Europe ce que l'on a constaté dans l'ex-Yougoslavie. Ce pacte de stabilité n'est dirigé contre personne, il ne s'agit d'évincer personne, et bien entendu la Russie y a toute sa place. Il ne s'agit pas pour nous, tout au contraire, de mettre si je puis dire la Russie de côté du développement de l'Europe, mais au contraire de l'y intégrer pleinement, d'en faire un acteur majeur, et pas davantage d'ailleurs de faire en sorte d'écarter les Etats-Unis d'Amérique. Il s'agit pour nous de définir les règles de la stabilité du continent, des règles relatives au traitement et à la solution des conflits, non pas en créant de nouvelles institutions, mais en utilisant celles qui existent, au premier chef la CSCE . Je crois que si nous y parvenons, nous pourrons éviter que lorsque les difficultés se présenteront , les choses ne dégénèrent. Nous pourrons faire en sorte que, des procédures de solution des litiges étant définies, elles puissent être appliquées de façon à éviter le pire.
Q - Quels sont les principes de l'Alliance franco-russe que reprendra à son compte le cabinet que vous dirigez ?
R - L'Europe a changé depuis cent ans, c'est une banalité de le dire, et il est certain que la nouvelle relation que nous souhaitons entre la Russie et la France est une relation fondée sur le désir de faire en sorte que la Russie soit pleinement intégrée dans le développement du continent européen, de la paix et de la coopération et de la stabilité sur ce continent. Cela n'a pas donc tout à fait le même caractère qu'il y a cent ans. Vous me dispenserez, Monsieur, de vous en dire davantage, et j'espère que vous m'avez compris. Notre désir d'intégrer la Russie au développement de la politique européenne n'est bien entendu dirigé contre personne.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 avril 2004)
Je suis venu porter ce message d'abord aux autorités russes, mais il vous concerne au premier chef, puisque c'est vous qui participez chaque jour au développement de nos relations diplomatiques, industrielles, commerciales et culturelles, donnant ainsi corps à notre volonté politique. Je vous remercie d'y donner souvent le meilleur de vous-même.
Je connais les conditions parfois difficiles dans lesquelles se déroule votre activité professionnelle. La transformation si profonde de ce pays fait que bien souvent vos affaires n'y disposent pas de règles du jeu précises et stables. Quant aux bouleversements sociaux, ils entraînent une insécurité difficile à supporter pour vous-mêmes et vos familles. Je sais que l'ambassade de France est attentive à ces problèmes et vous apportera tout son soutien.
Sachez en tous cas que c'est à travers les relations de travail et d'échange que vous développez chaque jour que se renforceront la sympathie et l'amitié que se vouent mutuellement nos deux peuples.
Ma visite à Moscou a également pour but, dans une période difficile de la vie de ce grand pays, de témoigner l'appui de la France à la grande entreprise de démocratisation et de réforme économique qu'il a entrepris.
Nous sommes prêts à accompagner la Russie sur le chemin abordé aujourd'hui avec un nouvel élan. Nous tous attendons beaucoup des élections du 12 décembre qui pourront créer les conditions d'un nouvel essor des libertés économiques comme d'un enracinement des libertés politiques. Notre pays est prêt à y contribuer, à la demande du gouvernement russe, par l'envoi d'observateurs, qui mettront leur expérience de la démocratie au service du peuple russe.
Laissez-moi vous dire que votre présence en Russie, qui est celle de la France, est aussi l'occasion chaque jour de porter témoignage de nos valeurs : respect de l'individu, tolérance, liberté d'expression, qui trouvent naturellement, ici plus qu'ailleurs, un sens fort. Ce message, à travers vos activités si diverses, dans des conditions souvent difficiles, vous en êtes les premiers porteurs, et je voudrais vous saluer à ce titre.
Voici près d'un siècle, lorsque le dernier Tsar décidait l'élection de la première Douma, le grand essayiste Anatole Leroy-Beaulieu écrivait dans "Le Temps", l'ancêtre du "Monde": "Nous sentons plus que jamais combien l'Europe et le monde ont besoin d'une Russie forte et pacifiée, d'une Russie réconciliée avec elle-même et avec l'esprit du siècle, à laquelle tout peuple libre puisse tendre la main".
C'est aujourd'hui encore la pensée qui doit guider notre action, celle de mon gouvernement et la vôtre.
Je lève mon verre à vos succès en Russie, à votre bonheur et à votre prospérité, à l'amitié entre la France et la Russie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 avril 2004)
Je suis heureux de me trouver aujourd'hui parmi vous à Moscou, afin de témoigner tout le prix que mon gouvernement attache au développement des relations entre la France et la Russie. Ma présence ici, alors qu'une nouvelle étape de l'histoire de ce grand pays va être franchie, répond à une double exigeance : développement du dialogue entre nos deux Etats et soutien aux valeurs de la démocratie.
La France souhaite développer avec la Russie un dialogue à la mesure de l'importance de ce pays sur la scène mondiale et de sa contribution à l'équilibre européen. C'est l'intérêt de la Russie et celui de notre pays. Sans une Russie libre, stable et prospère, qui pourrait songer à une Europe pacifique et forte ? Le pacte de stabilité que nous cherchons à construire, nous l'Europe, doit associer la Russie, qui n'est pas à côté de l'Europe, mais en Europe. Cela pose des problèmes spécifiques mais il nous appartient ensemble de les résoudre, avec courage et réalisme.
Le courage, c'est d'apporter l'aide qui est nécessaire au moment où elle est nécessaire. Nous nous y employons; aussi bien à travers le rééchelonnement de la dette, qu'avec la formation des cadres administratifs et de gestion indispensables au renouveau du pays et de ses échanges.
Le réalisme, c'est le pari raisonné sur l'avenir de la Russie, sur ses richesses naturelles et humaines, qui font d'elle une nouvelle frontière du développement de l'Europe, où la France, forte de ses technologies et de sa culture, doit occuper une place conforme à son rang. J'ajoute qu'aider la Russie, c'est aussi y enraciner la liberté, car sans développement économique, il n'existe pas d'avenir pour la démocratie.
Communauté française en Russie
Je suis venu porter ce message d'abord aux autorités russes, mais il vous concerne au premier chef, puisque c'est vous qui participez chaque jour au développement de nos relations diplomatiques, industrielles, commerciales et culturelles, donnant ainsi corps à notre volonté politique. Je vous remercie d'y donner souvent le meilleur de vous-même.
Je connais les conditions parfois difficiles dans lesquelles se déroule votre activité professionnelle. La transformation si profonde de ce pays fait que bien souvent vos affaires n'y disposent pas de règles du jeu précises et stables. Quant aux bouleversements sociaux, ils entraînent une insécurité difficile à supporter pour vous-mêmes et vos familles. Je sais que l'ambassade de France est attentive à ces problèmes et vous apportera tout son soutien.
Sachez en tous cas que c'est à travers les relations de travail et d'échange que vous développez chaque jour que se renforceront la sympathie et l'amitié que se vouent mutuellement nos deux peuples.
Démocratisation - assistance électorale
Ma visite à Moscou a également pour but, dans une période difficile de la vie de ce grand pays, de témoigner l'appui de la France à la grande entreprise de démocratisation et de réforme économique qu'il a entrepris.
Nous sommes prêts à accompagner la Russie sur le chemin abordé aujourd'hui avec un nouvel élan. Nous tous attendons beaucoup des élections du 12 décembre qui pourront créer les conditions d'un nouvel essor des libertés économiques comme d'un enracinement des libertés politiques. Notre pays est prêt à y contribuer, à la demande du gouvernement russe, par l'envoi d'observateurs, qui mettront leur expérience de la démocratie au service du peuple russe.
Laissez-moi vous dire que votre présence en Russie, qui est celle de la France, est aussi l'occasion chaque jour de porter témoignage de nos valeurs : respect de l'individu, tolérance, liberté d'expression, qui trouvent naturellement, ici plus qu'ailleurs, un sens fort. Ce message, à travers vos activités si diverses, dans des conditions souvent difficiles, vous en êtes les premiers porteurs, et je voudrais vous saluer à ce titre.
Voici près d'un siècle, lorsque le dernier Tsar décidait l'élection de la première Douma, le grand essayiste Anatole Leroy-Beaulieu écrivait dans "Le Temps", l'ancêtre du "Monde": "Nous sentons plus que jamais combien l'Europe et le monde ont besoin d'une Russie forte et pacifiée, d'une Russie réconciliée avec elle-même et avec l'esprit du siècle, à laquelle tout peuple libre puisse tendre la main".
C'est aujourd'hui encore la pensée qui doit guider notre action, celle de mon gouvernement et la vôtre.
Je lève mon verre à vos succès en Russie, à votre bonheur et à votre prospérité, à l'amitié entre la France et la Russie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 mai 2004)