Déclaration de M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, sur la mise en oeuvre du plan Juncker et sur le projet franco-allemand de stratégie numérique, à Strasbourg le 28 avril 2015.

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Circonstance : Extraits des déclarations à la presse de M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, en marge de son déplacement au Parlement européen, à Strasbourg, le 28 avril 2015

Texte intégral

- Vous êtes le premier Ministre de l'économie français qui vient à Strasbourg voir les députés. C'est la première fois que vous venez, quelle est votre démarche ?
Je pense que c'est important que la France explique les réformes économiques qui sont en cours, parce qu'il y a beaucoup d'incompréhensions, qui parfois bloquent l'action collective. Et le cœur de notre stratégie économique et politique, c'est de réformer le pays en profondeur, de manière progressive, sur le plan budgétaire, sur le plan du marché des biens et services, sur le plan du marché du travail pour redresser notre économie et lui donner de la vitalité.
Mais cette action n'a de sens que si elle s'inscrit dans un projet européen. Et ce projet européen à court terme, c'est celui de l'investissement. Nous réformons dans notre pays, et l'Europe doit être un levier de relance. La France n'a pas à relancer : nous avons un niveau d'investissement public suffisant. La confiance doit revenir, et avec elle l'investissement privé, mais pour que notre stratégie fonctionne, on a besoin de relancer l'investissement européen. C'est évidemment le plan Juncker, comme un point de départ. Mais il faut aller beaucoup plus loin et avoir une stratégie commune. Et donc ce que je suis venu faire ici, c'est à la fois expliquer notre stratégie de réforme, son ambition, son rythme, les prochaines réformes à venir, et en même temps dire que nous avons besoin d'une ambition européenne et de plus d'investissement. Donc défendre le plan Juncker et sa mise en œuvre rapide, mais aussi les prochaines étapes à venir. Car c'est dans ce couple, ce que j'ai appelé ce New Deal que nous devons construire, que la reprise en France et dans la zone euro pourra se faire.
- Quel a été l'accueil du côté de vos interlocuteurs ?
J'ai eu des interlocuteurs attentifs et ouverts. Evidemment chacun a ses sensibilités. J'ai vu l'ensemble des responsables des groupes politiques. Mais j'ai vu d'abord beaucoup d'attention à la situation de la France. Je crois que de manière collective il y a une forte attente que la France fasse le travail, et je crois qu'il y a une reconnaissance collective que la France est en train de se réformer. Il y a une très forte vigilance, et après il y a une préoccupation sur comment articuler le plan Juncker. C'est la discussion que j'ai pu avoir hier avec les députés de la Commission économique, et pour certains du budget, et c'est la discussion que nous venons d'avoir avec le président Schultz, le président Juncker, Sigmar Gabriel, M. Hoyer et moi même. La question c'est celle d'une mise en œuvre rapide du plan Juncker, et véritablement d'une politique volontariste en matière d'investissements au plan européen.
- Comment M. Juncker a-t-il accueilli votre présentation sur les réformes ?
L'objet de la réunion que nous avions là n'était pas à proprement parler de parler des réformes en France. Le Président Juncker suit cela de très près. J'ai l'occasion de l'avoir souvent au téléphone. J'irai moi-même d'ailleurs à nouveau demain à Bruxelles pour rencontrer plusieurs Commissaires et expliquer ces réformes.
La discussion que nous avions là, dans le format que je viens d'indiquer, c'est une discussion qui visait à faire deux choses.
La première c'est faire un point très précis sur la mise en oeuvre du plan Juncker –vous savez qu'il y a un débat sur les crédits utilisés pour la mise en œuvre- et je pense que la clef pour une efficacité réelle, c'est qu'on le prenne comme un point de départ, mais qui commence rapidement, avec des projets qui ne doivent pas être des projets qui peuvent être financés par ailleurs, mais des vrais projets d'ambition, d'innovation, sur certains secteurs privés européens.
Et la deuxième chose, c'est que nous avons, avec Sigmar Gabriel, porté un projet franco-allemand de stratégie numérique, et donc nous avons remis aux deux présidents notre stratégie commune. Nous avons co-signé une lettre très détaillée pour expliquer quelle était selon nous la stratégie numérique à mettre en œuvre.
Et c'est le moment de la mettre en œuvre. Il y a eu une décision importante prise il y a une dizaine de jours par la Commission européenne. Je crois que la Commissaire Vestager a pris une décision très courageuse, qui a commencé à poser, sur la question de la concurrence, le sujet de la bonne régulation de Google. Au delà de ce sujet, en termes de concurrence, nous devons définir une stratégie commune en matière de numérique, ce qui veut dire d'abord créer un marche unique, et donc lever les barrières pour permettre aux acteurs du numérique qui se développent en Europe de pouvoir accéder à un marché beaucoup plus large. C'est un des éléments pour pouvoir croître et entrer en compétition avec les acteurs américains, dont le marché intérieur est à la taille des Etats-Unis.
Mais nous voulons aller plus loin et créer des standards communs, ce qui est le début d'une politique industrielle en la matière, et la France et l'Allemagne soutiennent activement ce sujet. Nous avons su le faire dans le passé quand l'Europe a su créer des standards en matière de téléphonie par exemple. Nous avons su orienter dans la même direction nos différents acteurs, innover et aller plus vite que nos compétiteurs. Le numérique est un lieu de compétition. Nous devons nous donner les moyens de réussir.
Troisième chose, nous croyons à la régulation des plates-formes. Les chefs d'Etat et de gouvernement ont mis ce sujet sur la table il y a maintenant plus de 18 mois. Nous devons dans la stratégie numérique avoir une vraie régulation des plates formes. Cela veut dire que quand vous avez des acteurs mondiaux, qui prennent des données, les utilisent, nous devons nous donner les moyens de les réguler sur le plan de l'utilisation économique, de la protection des données, au niveau européen. Ce qui veut dire créer les entités juridiques, les fonctionnalités techniques qui permettent de le faire. Parce que c'est à cette condition que l'on pourra garantir à nos citoyens une vraie protection des données, à nos acteurs économiques une vraie régulation de l'activité.
Et donc c'est cette stratégie ambitieuse que nous voulons porter au plan franco-allemand, afin qu'elle puisse être prise en compte par la Commission, lorsque le 6 mai, elle aura à mettre sur la table sa propre stratégie.
Cela passe enfin par la promotion de certains projets d'investissement, de certains projets industriels en matière de numérique. C'est un point essentiel pour les prochains mois.
source http://www.rpfrance.eu, le 29 avril 2015