Déclaration de M. Manuel Valls, Premier ministre, sur les liens historiques et culturels qui unissent la France à l'Irlande et les coopérations universitaire et économique, à Dublin le 23 avril 2015.

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Circonstance : Voyage à Dublin (Irlande) les 23 et 24 avril 2015 - Intervention devant la communauté française d'Irlande à l'occasion de l'inauguration de la nouvelle ambassade de France, le 23

Texte intégral

Mesdames, messieurs les ministres,
Mesdames, messieurs les parlementaires,
Monsieur l'ambassadeur,
Mesdames, messieurs,
Mes chers compatriotes,
Je suis ravi d'être ici, à Dublin – c'est une première pour moi !
Je ne suis pas venu seul… Permettez-moi avant tout de saluer nos ministres Madame Axelle LEMAIRE et Monsieur Harlem DESIR, dont la présence témoigne de notre attachement à l'Irlande. Je tiens également à saluer la délégation de parlementaires qui m'accompagne, et particulièrement Madame Hélène CONWAY-MOURET, Sénatrice des Français établis hors de France, dont l'attachement à l'Irlande n'est plus à démontrer !
Je suis ravi d'être avec vous, ce soir, pour inaugurer cette magnifique ambassade. Cette nouvelle maison de la France, ce « petit bout de France » en Irlande est un symbole de l'amitié qui lie nos deux pays.
Cette amitié, c'est celle que nos amis irlandais nous témoignent par leur accueil chaleureux. James JOYCE écrivait à propos de son pays natal – je ne m'aventurerai pas à le citer en anglais … encore moins avec l'accent irlandais … – « chaque année, je sens avec une intensité croissante que notre pays n'a pas de tradition qui lui fasse plus d'honneur (…) que celle de son hospitalité ».
Et la France accueillera à son tour les Irlandais, ici, dans cette nouvelle ambassade qui rassemble l'ensemble des services français, jusqu'ici dispersés sur trois sites. Ce que nous inaugurons, c'est une maison de la France qui porte une ambition, qui est ouverte sur le monde qui l'entoure, sur la jeunesse, l'esprit d'initiative, qui regarde vers l'avenir.
Mes chers compatriotes,
Cette nouvelle ambassade, avec des locaux plus accessibles, en plein cœur de Dublin, c'est aussi, bien sûr, la vôtre.
J'apprécie toujours, lors de mes déplacements à l'étranger, ces rencontres avec la communauté française. On y retrouve la curiosité, la force de caractère de celles et ceux qui ont fait le choix de s'installer dans un nouveau pays. On y retrouve toujours, aussi, une communauté de valeurs, ce je-ne-sais-quoi qui fait l'esprit français et qui permet à la France de rayonner dans le monde. Vous êtes tous ici - si vous me passez l'expression, monsieur l'ambassadeur ! – des ambassadeurs de notre pays.
Vous êtes près de 20 000 à avoir choisi l'Irlande et son cadre épanouissant pour y développer vos projets professionnels et votre projet de vie.
Vous êtes une communauté jeune, dynamique, engagée dans tous les secteurs, de l'enseignement aux activités financières, des technologies de l'information à la recherche scientifique.
Je voudrais saluer également le travail exemplaire de l'équipe de l'ambassade - motivée, enthousiaste et innovante. En encourageant les idées et les talents, vous faites grandir les liens entre la France et l'Irlande. Les liens consulaires, mais aussi les liens économiques, culturels, scientifiques, et, bien sûr, amicaux.
Cette relation entre nos deux pays se nourrit d'une histoire et d'un passé communs.
Je voudrais rendre hommage aux femmes et aux hommes qui ont construit, au fil des siècles, cette relation d'exception, cette amitié profonde entre nos deux pays.
Je pense aux pérégrinations des poètes et des écrivains entre l'Irlande et la France, entre la France et l'Irlande. Ce nomadisme fertile a fait germer les plus grands noms de la littérature : James JOYCE, bien sûr, que je citais tout à l'heure, mais aussi Oscar WILDE ou Samuel BECKETT, tous deux nés à Dublin et morts à Paris. Ils illustrent cette complicité, cette connivence entre nos deux cultures.
Je pense aussi aux échanges entre ces créateurs, entrepreneurs, commerçants, qui ont tissé des liens entre les villes côtières irlandaises et françaises. Les noms de LYNCH, BARTON ou HENNESSY – ces familles irlandaises qui ont fait fortune dans le vin et le cognac en France – gardent aujourd'hui dans notre pays toute leur puissance évocatrice …
Je pense, enfin, à ces Irlandais qui se sont battus avec courage sous le drapeau français : ceux qui se sont engagés volontairement pendant deux siècles au sein des huit régiments de l'armée française – c'était la célèbre « brigade irlandaise ». Ceux, aussi, qui se sont battus pour défendre la France et la liberté pendant les deux Guerres mondiales. En 2016, cela fera cent ans que des Irlandais se sont battus dans la Somme, et je souhaite que la France vienne, ici, en Irlande pour leur rendre l'hommage particulier qu'ils méritent. Certains ont aussi laissé leur vie dans les plaines du Nord de la France et en Normandie.
Cette histoire commune a forgé un lien indéfectible entre nos deux pays.
Ce lien ne se dément pas. Les 7, 8 et 9 janvier derniers, alors que des attentats ont frappé la France en plein cœur, l'Irlande s'est levée et s'est tenue, une fois de plus, à nos côtés. Je sais que vous avez été sensibles aux nombreux témoignages de sympathie et de solidarité que vous avez reçus, ici, dans cette épreuve. Les marches organisées à Dublin, Cork, Limerick, Galway, les initiatives des municipalités, les messages de milliers d'écoliers, ont montré à la France qu'elle peut compter sur l'Irlande dans les moments les plus difficiles. Ils ont montré que la solidarité entre les peuples triomphera toujours sur la haine et la division que les terroristes tentent de répandre.
Ce lien entre nos deux pays, nous devons le faire vivre.
Je ferai demain le point avec le Premier ministre irlandais sur nos convergences, sur nos possibilités d'action, sur les nouvelles initiatives qui rendent notre relation si dynamique.
Car aujourd'hui, plus que jamais, la France veut être un partenaire majeur de l'Irlande. Ensemble, nous pouvons innover, conquérir de nouveaux marchés, réorienter l'Europe, défendre dans le monde des valeurs de paix et de sécurité ! Je suis convaincu que la relation entre nos deux pays se conjugue au futur.
Ma venue doit d'abord encourager le développement de coopérations dans le domaine de la recherche. Nos deux pays disposent d'un savoir-faire et de chercheurs de qualité, qui travaillent déjà spontanément ensemble. Alors, allons plus loin ! Encourageons les initiatives ! Associons les universités et les laboratoires de recherche, avec l'appui des entreprises françaises et irlandaises. Nous avons tous à y gagner.
Il y a, bien sûr, d'autres secteurs dans lesquels nos entreprises peuvent travailler ensemble – d'ailleurs, les exemples de coopérations réussies ne manquent pas : JAMESON et PERNOD-RICARD, OPENHYDRO et la DCNS, qui préparent l'avenir ensemble en explorant les possibilités des énergies marines.
Cette visite me permettra d'appuyer les projets des entreprises françaises. Elles sont près de 350 à s'être établies en Irlande et elles font désormais activement partie du dynamisme économique du pays.
L'Irlande affichait l'année dernière le taux de croissance le plus élevé de la zone euro. C'est une excellente nouvelle pour l'Europe – et pour la France !
Notre pays a d'ailleurs beaucoup à apprendre de la manière dont l'Irlande s'est réformée, avec courage et audace. Ces efforts, on le voit, ont porté leurs fruits.
J'aurai, enfin, l'occasion de rencontrer, demain, les investisseurs irlandais qui font confiance à la France et à son potentiel. Ils ont raison ! Et je leur dirai qu'ils sont les bienvenus dans notre pays.
Il y a aussi entre la France et l'Irlande une relation culturelle – je l'évoquais – que nous devons faire vivre.
Je me rendrai – très tôt demain matin – à l'Université de Trinity, pour y découvrir le Livre de Kells, qui fait si intimement partie de l'histoire et du patrimoine irlandais.
Et j'ai la conviction profonde que c'est par l'enseignement de nos deux langues que nous ferons progresser encore l'amitié entre nos deux pays et entre nos deux peuples. Je voudrais à ce titre rendre hommage au travail des 3 000 professeurs irlandais qui enseignent la langue française dans tout le pays. Si le Français est de très loin la première langue étrangère apprise par les élèves irlandais, si la francophonie rayonne ici, c'est avant tout grâce à eux.
J'irai donc demain à la rencontre des étudiants et professeurs francophones d'Irlande – je retrouverai peut-être d'ailleurs certains d'entre vous ! Ils me présenteront en français les œuvres de Samuel BECKETT – cet auteur qui maîtrisait si bien les deux langues qu'il traduisait lui-même ses œuvres.
Et je lui emprunterai, pour conclure mon propos, cette formule : « se donner du mal pour les petites choses », écrit-il dans MOLLOY, « c'est parvenir aux grandes, avec le temps ».
Depuis près de quinze siècles, les hommes et les femmes français et irlandais ont posé les pierres pour bâtir la relation entre nos deux pays. Vous y avez apporté la vôtre, et ce soir, je veux rendre hommage au bel édifice de l'amitié franco-irlandaise qui en résulte, au sens propre – c'est cette belle ambassade –, comme au sens figuré – ce sont tous ces liens qui nous unissent.
Grâce à l'implication quotidienne et sans cesse renouvelée de chacun d'entre vous, nous sommes parvenus aux grandes choses. Et je je ne doute pas un seul instant que nous continuerons à suivre ce chemin.
Je vous remercie.
source http://www.ambafrance-ie.org, le 18 mai 2015