Texte intégral
Monsieur le Président,
Mes chers collègues, Mesdames, Messieurs,
Il y a un peu moins dun an, a été adoptée la loi dorientation et dincitation à la réduction du temps de travail : la loi sur les 35 heures.
Bientôt, lAssemblée examinera le projet de loi dit « 2ème loi sur le temps de travail » qui devra définir la réglementation applicable en matière dorganisation du travail au nouvel horaire légal de 35 heures.
Aujourdhui, nous sommes donc au milieu du gué.
Certaines entreprises, en nombre plus important quon le dit parfois, ont commencé, à la suite de négociations entre patronat et syndicats, à mettre en oeuvre une nouvelle organisation du travail et une durée réduite de celui-ci. Dautres commencent à négocier. Beaucoup toutefois, il faut le reconnaître, sont restées dans une position attentiste pour diverses raisons, notamment faute de connaître le contenu de cette deuxième loi.
Il nous faut regarder avec une grande attention ce qui sest passé dans les entreprises depuis un an, afin den tirer les enseignements nécessaires et dêtre ainsi en mesure de pouvoir arrêter les dispositions souhaitables : il s'agit à la fois d'améliorer les conditions de vie et de travail des salariés, de permettre la création demplois durables dans notre économie et de préserver la compétitivité de nos entreprises. Constatons que, si de nombreux accords ont été signés, la satisfaction simultanée de ces trois objectifs na pas toujours été le cas.
Je crois cependant honnête de souligner que la renaissance de la négociation collective qui a été permise par la première loi sur le temps de travail est un acquis sur lequel nous devons nous appuyer. C'est tout le mérite de ce colloque de faire le point sur l'acquis et sur le futur possible. J'en félicite et remercie vivement les initiateurs, en particulier le Président Yves Cochet.
Mesdames et messieurs, un de vos ateliers portera sur la semaine de travail de quatre jours. Je voudrais my arrêter quelques instants. Je sais que, dans de nombreux secteurs, lannualisation ou la modulation du temps de travail rend difficile son organisation sous forme de jours complets. La variation de la durée du travail en fonction de lactivité fait que lamplitude du temps de travail se modifie fortement entre les périodes dactivité intense et dactivité plus faible. Pour autant il serait regrettable que la volonté de réduire collectivement la durée du travail empêche ceux qui le souhaitent, dans les organisations pour lesquelles cela est possible, de choisir une réduction parfois plus importante, en tout cas différente, leur permettant daccéder par exemple à la semaine de travail de quatre jours.
Dautre part, se pose le problème du temps partiel. Nombreux sont ceux qui, à temps partiel, souhaiteraient travailler davantage et ne le peuvent pas. Nombreux sont ceux qui souhaiteraient travailler à temps partiel et ne le peuvent pas davantage. Une réforme des aides au temps partiel permettrait sans doute daméliorer les choses. Elle devrait viser à développer le temps partiel choisi et à faire reculer le temps partiel subi. Elle pourrait utilement sappuyer sur un accord entre partenaires sociaux définissant les conditions dun recours plus facile, plus souple et surtout réversible à cette réduction individuelle du temps de travail quest le temps partiel.
Pour en revenir à la semaine de travail de quatre jours, je pense que dans les nombreux secteurs dactivité qui ne sont pas soumis à une forte fluctuation de lactivité tout au long de lannée, disposer dun jour supplémentaire de congé peut permettre véritablement une nouvelle organisation de la vie des salariés, un investissement plus facile dans la vie associative, locale et familiale. C'est pourquoi j'y insiste spécialement parce que, si on veut
- jy reviendrai - des accords « gagnant-gagnant », il faut que les salariés bénéficient réellement de la loi, ce qui ne sera le cas que si son application change vraiment en mieux leur vie.
L'avenir immédiat, cest celui du débat sur la seconde loi. Quels sont les objectifs qui doivent nous guider ? Les trois que jévoquais précédemment : améliorer les conditions de vie des salariés, permettre la création demplois durables, préserver la compétitivité des entreprises.
La loi devra fixer le cadre juridique nécessaire à la conciliation de ces trois objectifs.Pour autant, je suis persuadé que cest localement, dans chaque branche et dans chaque entreprise, d'une façon pragmatique, que les modalités particulières pourront être définies précisément. Ce qui sest passé depuis un an en matière de négociation sur la réduction du temps de travail montre que cest par des accords négociés que les modalités les mieux adaptées à la conciliation de ces trois objectifs ont été trouvées. On ne peut pas faire comme si ces accords n'existaient pas.
Dans cet esprit, il nous faut conforter la place de la négociation. Cette confortation suppose que les signataires des accords puissent se prévaloir dun soutien de la majorité des salariés concernés. Certains ici et là ont évoqué à ce sujet la nécessaire refonte des règles de représentativité syndicale. Le sujet est difficile, on ne peut cumuler toutes les difficultés à la fois, je crois que cest aux syndicats eux-mêmes de présenter les propositions les plus adaptées pour que la représentativité syndicale coïncide avec la représentativité des salariés. Il nen demeure pas moins que le problème existe et quil devra être réglé dune façon ou dune autre.
Les négociations dentreprises nous ont montré aussi quune des conditions nécessaires pour parvenir à des accords « gagnant-gagnant », était de disposer du temps nécessaire à cette négociation. Nous devons veiller, bien sûr, à ce que le cap de la loi soit tenu. Mais lobjectif de la réduction de la durée du travail nest pas incompatible avec la définition de dispositions qui entreraient en vigueur de façon progressive, de façon à permettre, même après labaissement de la durée légale à 35 heures, lorganisation dune véritable négociation sur les modalités dans les entreprises. Il serait, à mon sens, mauvais dimposer des dispositions-couperets dont lapplication risquerait de menacer lexistence même de certaines entreprises, donc lemploi. Je pense ici surtout à certains domaines spécifiques et aux plus petites entreprises dont on sait quelles créent des emplois. Il nous faut veiller à leur donner les possibilités de sadapter progressivement au nouvel horaire légal et aux dispositions qui laccompagneront. Cest pourquoi ne serait-il pas bon, au moins pour les PME, de bâtir un régime transitoire applicable aux contingents dheures supplémentaires et à leur tarification ?
Bien évidemment, les décisions que nous serons appelés à prendre en matière dallégement de charges, de réforme de lassiette des cotisations patronales de sécurité sociale seront déterminantes pour assurer le succès du dispositif. Je suis de ceux qui pensent qu'est nécessaire une baisse de charges sur les bas salaires, elles-mêmes sexerçant à l'intérieur d'une baisse générale des charges sociales et des impôts. Veillons dans les décisions prochaines à ne pas loublier et à éviter en particulier de surcharger les entreprises, ce qui serait contre productif.
Tous ces sujets et dautres, comme le temps de travail des cadres, le développement de la formation, le temps de travail dans la fonction publique seront abordés lors de vos discussions. Ils sont très complexes. Vos réflexions et vos échanges contribueront, je lespère, à identifier les questions et les réponses nécessaires pour lexamen de la deuxième loi, à lautomne prochain. Sans jamais oublier que le juge de paix, pour les gouvernements, pour les parlementaires, comme pour les entreprises et plus généralement pour nos concitoyens, cest et ce sera lemploi.
Bon travail et merci !
(Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 20 mai 1999)
Mes chers collègues, Mesdames, Messieurs,
Il y a un peu moins dun an, a été adoptée la loi dorientation et dincitation à la réduction du temps de travail : la loi sur les 35 heures.
Bientôt, lAssemblée examinera le projet de loi dit « 2ème loi sur le temps de travail » qui devra définir la réglementation applicable en matière dorganisation du travail au nouvel horaire légal de 35 heures.
Aujourdhui, nous sommes donc au milieu du gué.
Certaines entreprises, en nombre plus important quon le dit parfois, ont commencé, à la suite de négociations entre patronat et syndicats, à mettre en oeuvre une nouvelle organisation du travail et une durée réduite de celui-ci. Dautres commencent à négocier. Beaucoup toutefois, il faut le reconnaître, sont restées dans une position attentiste pour diverses raisons, notamment faute de connaître le contenu de cette deuxième loi.
Il nous faut regarder avec une grande attention ce qui sest passé dans les entreprises depuis un an, afin den tirer les enseignements nécessaires et dêtre ainsi en mesure de pouvoir arrêter les dispositions souhaitables : il s'agit à la fois d'améliorer les conditions de vie et de travail des salariés, de permettre la création demplois durables dans notre économie et de préserver la compétitivité de nos entreprises. Constatons que, si de nombreux accords ont été signés, la satisfaction simultanée de ces trois objectifs na pas toujours été le cas.
Je crois cependant honnête de souligner que la renaissance de la négociation collective qui a été permise par la première loi sur le temps de travail est un acquis sur lequel nous devons nous appuyer. C'est tout le mérite de ce colloque de faire le point sur l'acquis et sur le futur possible. J'en félicite et remercie vivement les initiateurs, en particulier le Président Yves Cochet.
Mesdames et messieurs, un de vos ateliers portera sur la semaine de travail de quatre jours. Je voudrais my arrêter quelques instants. Je sais que, dans de nombreux secteurs, lannualisation ou la modulation du temps de travail rend difficile son organisation sous forme de jours complets. La variation de la durée du travail en fonction de lactivité fait que lamplitude du temps de travail se modifie fortement entre les périodes dactivité intense et dactivité plus faible. Pour autant il serait regrettable que la volonté de réduire collectivement la durée du travail empêche ceux qui le souhaitent, dans les organisations pour lesquelles cela est possible, de choisir une réduction parfois plus importante, en tout cas différente, leur permettant daccéder par exemple à la semaine de travail de quatre jours.
Dautre part, se pose le problème du temps partiel. Nombreux sont ceux qui, à temps partiel, souhaiteraient travailler davantage et ne le peuvent pas. Nombreux sont ceux qui souhaiteraient travailler à temps partiel et ne le peuvent pas davantage. Une réforme des aides au temps partiel permettrait sans doute daméliorer les choses. Elle devrait viser à développer le temps partiel choisi et à faire reculer le temps partiel subi. Elle pourrait utilement sappuyer sur un accord entre partenaires sociaux définissant les conditions dun recours plus facile, plus souple et surtout réversible à cette réduction individuelle du temps de travail quest le temps partiel.
Pour en revenir à la semaine de travail de quatre jours, je pense que dans les nombreux secteurs dactivité qui ne sont pas soumis à une forte fluctuation de lactivité tout au long de lannée, disposer dun jour supplémentaire de congé peut permettre véritablement une nouvelle organisation de la vie des salariés, un investissement plus facile dans la vie associative, locale et familiale. C'est pourquoi j'y insiste spécialement parce que, si on veut
- jy reviendrai - des accords « gagnant-gagnant », il faut que les salariés bénéficient réellement de la loi, ce qui ne sera le cas que si son application change vraiment en mieux leur vie.
L'avenir immédiat, cest celui du débat sur la seconde loi. Quels sont les objectifs qui doivent nous guider ? Les trois que jévoquais précédemment : améliorer les conditions de vie des salariés, permettre la création demplois durables, préserver la compétitivité des entreprises.
La loi devra fixer le cadre juridique nécessaire à la conciliation de ces trois objectifs.Pour autant, je suis persuadé que cest localement, dans chaque branche et dans chaque entreprise, d'une façon pragmatique, que les modalités particulières pourront être définies précisément. Ce qui sest passé depuis un an en matière de négociation sur la réduction du temps de travail montre que cest par des accords négociés que les modalités les mieux adaptées à la conciliation de ces trois objectifs ont été trouvées. On ne peut pas faire comme si ces accords n'existaient pas.
Dans cet esprit, il nous faut conforter la place de la négociation. Cette confortation suppose que les signataires des accords puissent se prévaloir dun soutien de la majorité des salariés concernés. Certains ici et là ont évoqué à ce sujet la nécessaire refonte des règles de représentativité syndicale. Le sujet est difficile, on ne peut cumuler toutes les difficultés à la fois, je crois que cest aux syndicats eux-mêmes de présenter les propositions les plus adaptées pour que la représentativité syndicale coïncide avec la représentativité des salariés. Il nen demeure pas moins que le problème existe et quil devra être réglé dune façon ou dune autre.
Les négociations dentreprises nous ont montré aussi quune des conditions nécessaires pour parvenir à des accords « gagnant-gagnant », était de disposer du temps nécessaire à cette négociation. Nous devons veiller, bien sûr, à ce que le cap de la loi soit tenu. Mais lobjectif de la réduction de la durée du travail nest pas incompatible avec la définition de dispositions qui entreraient en vigueur de façon progressive, de façon à permettre, même après labaissement de la durée légale à 35 heures, lorganisation dune véritable négociation sur les modalités dans les entreprises. Il serait, à mon sens, mauvais dimposer des dispositions-couperets dont lapplication risquerait de menacer lexistence même de certaines entreprises, donc lemploi. Je pense ici surtout à certains domaines spécifiques et aux plus petites entreprises dont on sait quelles créent des emplois. Il nous faut veiller à leur donner les possibilités de sadapter progressivement au nouvel horaire légal et aux dispositions qui laccompagneront. Cest pourquoi ne serait-il pas bon, au moins pour les PME, de bâtir un régime transitoire applicable aux contingents dheures supplémentaires et à leur tarification ?
Bien évidemment, les décisions que nous serons appelés à prendre en matière dallégement de charges, de réforme de lassiette des cotisations patronales de sécurité sociale seront déterminantes pour assurer le succès du dispositif. Je suis de ceux qui pensent qu'est nécessaire une baisse de charges sur les bas salaires, elles-mêmes sexerçant à l'intérieur d'une baisse générale des charges sociales et des impôts. Veillons dans les décisions prochaines à ne pas loublier et à éviter en particulier de surcharger les entreprises, ce qui serait contre productif.
Tous ces sujets et dautres, comme le temps de travail des cadres, le développement de la formation, le temps de travail dans la fonction publique seront abordés lors de vos discussions. Ils sont très complexes. Vos réflexions et vos échanges contribueront, je lespère, à identifier les questions et les réponses nécessaires pour lexamen de la deuxième loi, à lautomne prochain. Sans jamais oublier que le juge de paix, pour les gouvernements, pour les parlementaires, comme pour les entreprises et plus généralement pour nos concitoyens, cest et ce sera lemploi.
Bon travail et merci !
(Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 20 mai 1999)