Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, à "Euorpe 1" le 2 juin 2015, sur le suicide de l'ex-maire de Marvejols (Corrèze), sur les chiffres du chômage et l'évaluation du pacte de responsabilité.

Prononcé le

Média : Europe 1

Texte intégral

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Etre porte-parole n'a jamais été une sinécure, surtout quand le chômage augmente, l'angoisse et les drames aussi, Bienvenue Stéphane LE FOLL, bonjour.
STEPHANE LE FOLL
Bonjour.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'abord nous sommes tous émus, affectés, par le suicide cette nuit de l'ex-maire de Marvejols en Corrèze (sic), Jean ROUJON. Sa ville est endettée, 13 millions d'euros, il voulait protester de son honnêteté, il ne s'était pas enrichi personnellement. Qu'est-ce que vous pensez de cet acte tragique de désespoir, vous ?
STEPHANE LE FOLL
D'abord c'est une grande tristesse d'apprendre ce décès ce matin, et je l'ai appris en arrivant chez vous, donc j'exprime à sa famille, à tous ses proches, mes plus sincères condoléances. Et je le dis, assumer des responsabilités, quel que soit le niveau, au niveau territorial, dans des collectivités, ou ailleurs, est toujours une chose qui – et ce n'est pas suffisamment dit – implique, engage. Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé, quels ont été les motifs, mais ce que vous évoquez, si ce maire qui avait été élu, je crois, il n'y a pas longtemps, a pris sur lui l'ensemble de ce qui était un endettement qui devenait insupportable pour sa commune, c'est la preuve que son engagement il est allé jusqu'au bout, il a tout pris personnellement, alors qu'il travaillait pour l'intérêt général. Donc c'est une triste nouvelle ce matin, mais ça montre aussi que la responsabilité en politique c'est aussi une sincérité et un engagement, je veux juste le rappeler.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, on n'en doute pas pour l'ex-maire, mais Marvejols, en Lozère, doit rembourser au mois de juillet 600.000 euros, et on voit bien qu'elle ne peut pas le faire. Quel acte de compréhension vous ferez, ou vous demanderez à l'administration, ou à l'Etat, puisque vous êtes l'Etat ?
STEPHANE LE FOLL
On est sur une situation que je ne connais pas, il y a des mesures et des éléments qui sont de toute façon à prendre en compte lorsqu'il y a, comme ça, une incapacité à rembourser des emprunts ou des éléments de dette, je n'ai pas les informations. Je sais que de toute façon la préfecture et l'ensemble des services de l'Etat regarderont tout ça pour qu'on évite ce qui peut être un défaut de paiement, je n'ai pas d'autre réponse…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il ne s'agit pas du nouveau maire, il s'agit de l'ex-maire, qui voyait le bilan de sa gestion…
STEPHANE LE FOLL
Ah, c'était l'ex-maire, d'accord.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
L'ex-maire.
STEPHANE LE FOLL
C'est l'ex-maire, bon !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Parce qu'on apprend les informations au fur et à mesure, comme on les annonce sur Europe 1, mais parce qu'il y a le risque d'autres élus, en fassent autant.
STEPHANE LE FOLL
Oui, mais on est sur une situation où il y a eu des collectivités, pour des choix, qui a un moment ont été faits, certains avec des emprunts aussi qu'on a appelés toxiques, donc il faut qu'on solde ce passé, il faut qu'on arrive à faire en sorte que les collectivités locales participent aussi à l'effort qui est fait par l'Etat pour réduire la dépense publique, en même temps qu'il faut qu'on arrive à assurer à ces collectivités la capacité qu'elles ont à passer cette transition.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, mais c'est un dilemme qui est insoluble.
STEPHANE LE FOLL
Mais, insoluble, mais vous savez, ministre de l'Agriculture, depuis que je suis arrivé, j'ai fait autour d'1 milliard d'économies, ce dilemme c'est tous les jours, tous les jours, et ce n'est pas facile. Vous le savez, vous me l'avez rappelé d'ailleurs quand je suis arrivé, quand on a des difficultés sur le terrain, eh bien on a des choix très importants à faire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que vous demandez à l'Etat, ou à l'administration, de faire preuve au moins de plus d'humanité dans certains cas ? Parce qu'il y a d'autres villes endettées.
STEPHANE LE FOLL
Ecoutez, Monsieur ELKABBACH, vous êtes toujours en train de poser des questions avec des réponses qui sont définitives. Cette situation, je ne la connais pas, il y a un surendettement, de toute façon on était dans des procédures où l'Etat est à côté…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous comprenez l'émotion collective ?
STEPHANE LE FOLL
Mais bien sûr que je la comprends, ce n'est pas moi qui vais vous dire le contraire, bien sûr que je la comprends. Je connais des communes, pas loin de chez moi, qui ont aussi, par exemple, cette question des emprunts toxiques, qu'il faut qu'on arrive à traiter.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Comment ?
STEPHANE LE FOLL
Il y a une caisse qui a été mise, un fonds spécifique, où l'Etat vient pour essayer d'éviter que ces emprunts toxiques finissent par pourrir la capacité de remboursement des collectivités, donc on les aide.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous dites que je veux des réponses précises, enfin ça continue pour le chômage, mais vous ne croyez pas que les Français en ont assez qu'on leur répète chaque fin de mois « ça va plus mal, c'est la preuve que ça va aller mieux » ?
STEPHANE LE FOLL
Je crois, effectivement, je ne vais pas faire ça, d'abord ça fait 7, 8 ans, je crois, que de manière pratiquement continue le chômage en France monte, donc il y a des questions de fond qui sont posées. En même temps je sais aussi qu'on a connu la crise, qu'on en sort à peine, et que tant qu'on n'en n'est pas vraiment sortis, on ne va pas avoir une capacité, dans l'économie française, à créer de l'emploi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous vous rendez compte que depuis 2012 il y a plus de 640.000 nouveaux chômeurs, et que l'héritage, le vôtre, commence à s'alourdir ?
STEPHANE LE FOLL
Oui, je crois que c'est 580.000 chômeurs de catégorie A.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On dit 642.000, mais enfin bon !
STEPHANE LE FOLL
Je ne sais pas… c'est trop. Allez hop ! On ne va pas discuter des chiffres, c'est trop, j'en ai parfaitement conscience. Donc, je répète qu'on a besoin de sortir de cette crise pour avoir un peu plus de croissance, parce que c'est la croissance qui crée la capacité qu'on a à absorber des jeunes qui arrivent sur le marché du travail, et puis ceux qui ont perdu un emploi, à cause de la crise économique, ça c'est le premier point. Le deuxième c'est qu'il faut qu'on continue à utiliser tous les outils possibles pour créer de l'emploi, c'est encore l'effort qui sera fait avec la création de 100.000 emplois supplémentaires en emplois aidés, parce qu'il faut qu'on offre des perspectives.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça va faire 550.000 au total.
STEPHANE LE FOLL
Il y en a eu, des années, vous savez…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, avec Lionel JOSPIN, mais…
STEPHANE LE FOLL
Oui, même sous Nicolas SARKOZY il y en avait plus qu'aujourd'hui, enfin je le dis simplement, ce n'est pas une critique…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, oui, peu importe, ça dure, comme on le dit, depuis Raymond BARRE.
STEPHANE LE FOLL
Ce n'est pas une critique, donc je le dis parce qu'il faut qu'on utilise…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais comment vous le financez ?
STEPHANE LE FOLL
Eh bien on le finance avec les économies sur le budget de la Nation, bien sûr, on n'a jamais triché là-dessus.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
François REBSAMEN dit « je sais que 2015 sera meilleur que l'année 2014. » Il y a encore des promesses difficiles à tenir, vous croyez qu'il y a encore des naïfs qui y croient ?
STEPHANE LE FOLL
Je sais une chose c'est qu'avec le taux de croissance du premier trimestre à +0,6 %, on va atteindre des niveaux de croissance qui, normalement, doivent déboucher sur de la création d'emplois, ça je le sais. A condition, d'ailleurs je vais le dire ce matin, que du côté du patronat il y ait aussi la prise de conscience qu'avec 35, 40 milliards d'euros du Pacte de responsabilité, il faut qu'il y ait des contreparties en termes de créations d'emplois.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais c'est le ping-pong, parce que ce matin Geoffroy ROUX de BEZIEUX disait à Thomas SOTTO, qui est ici, qu'il a bien entendu, que ce n'est pas sa faute, c'est la faute du gouvernement. Alors vous dites…
STEPHANE LE FOLL
Oui, ça j'imagine, mais là, moi je me souviens de monsieur GATTAZ, qui a d'ailleurs un pin's qui est bien connu, il faut quand même que maintenant chacun assume – c'était l'idée du Pacte de responsabilité – sa responsabilité.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'était 41 milliards d'euros étalés jusqu'en 2017.
STEPHANE LE FOLL
Sur la fin 2017.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, jusqu'en 2017. 25 ont été déployés, ou vont être déployés, jusqu'en 2015. Il reste donc 15 milliards à engager. J'ai relu la motion CAMBADELIS, que vous avez tous signée et votée. Elle prévoit que si le MEDEF continue de décevoir, les 15 milliards du Pacte de responsabilité iront directement, pas au MEDEF, à l'investissement privé et public. Est-ce que c'est ce que le gouvernement est en train de préparer et va peut-être décider ?
STEPHANE LE FOLL
Il n'y a pas de décisions qui ont été prises, et je peux vous le dire puisqu'on en a discuté il n'y a pas très longtemps…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais ça pend au nez.
STEPHANE LE FOLL
Mais il va y avoir un rapport d'évaluation du Pacte de responsabilité qui va arriver là, avant l'été, sur ce rapport d'évaluation il y aura bien sûr des décisions et des conclusions à tirer, ça je le dis.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que les 15 milliards pourraient ne pas aller vers le MEDEF, les chefs d'entreprise.
STEPHANE LE FOLL
Je répète, il va y avoir un rapport qui va être fait sur l'évaluation de l'application du Pacte de responsabilité, de là, en fonction de ce qui va être dit, et en fonction des sujets que l'on évoque, il y aura des décisions qui seront prises.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Qui peuvent aller dans ce sens-là ?
STEPHANE LE FOLL
Qui peuvent aller dans le sens de, il faut maintenant…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Soyons précis, soyons précis.
STEPHANE LE FOLL
Oui, oui, mais vous êtes toujours précis, pas plus vite que la musique. Le rapport, les conclusions, mais sur ce sujet, bien sûr, c'est de dire…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce n'est pas tabou ?
STEPHANE LE FOLL
Quelles sont les contreparties qui sont liées au Pacte de responsabilité, parce qu'il y a un engagement fort de l'Etat, donc l'Etat c'est tous les Français, pour aider les entreprises.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Un mot. Ministre de l'Agriculture, vous étiez dans le Finistère, vous avez eu droit à un chahut d'éleveurs en colère qui répètent « on est en train de crever dans les fermes », et vous leur répondez « ce n'est pas moi qui décide de tout. » Alors, pour eux ce n'est peut-être pas tellement encourageant…
STEPHANE LE FOLL
Non, mais je vais le répéter… monsieur ELKABBACH, vous m'avez posé une question, je vais vous répondre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ils appellent « au secours » et vous leur dites « je vous répondrai le 12 juin à Ploërmel », dans le Morbihan. Vous ne pouvez pas leur dire…
STEPHANE LE FOLL
Oui, parce que, soyons clairs…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Aujourd'hui, déjà, des orientations ?
STEPHANE LE FOLL
Non, déjà je vais faire la même chose qu'avec vous. Il y a un respect à avoir, Fédération nationale porcine, c'est tous les producteurs de porc de France, qui ont rendez-vous le 12, je vais, je l'ai dit, et j'allais dans le Finistère pour le sujet sur la volaille. Et deuxièmement, sur la filière porc, qui est en grande difficulté, et les éleveurs en grande difficulté, penser que moi, ministre, tout seul, je peux décider du prix du porc, malheureusement, je ne le peux pas. Donc, j'ai une responsabilité, chacun a une responsabilité, et moi j'ai demandé à l'ensemble des acteurs de prendre des décisions de cohérence par rapport à cette question majeure…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et vous, l'Etat, qu'est-ce que vous faites ?
STEPHANE LE FOLL
Nous, l'Etat, eh bien je le dirai, sur les promotions, sur un certain nombre…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On ne peut pas éviter d'attendre le 12 juin, déjà une piste, pour les calmer, pour calmer leur angoisse ?
STEPHANE LE FOLL
Mais j'ai fait une réunion avec tous les représentants de la filière, tous, et je leur ai donné rendez-vous. Maintenant, je suis sous la pression, bien sûr, d'éleveurs qui, eux, ne connaissent que la difficulté, j'apporterai des réponses, mais je le fais dans l'ordre et par rapport aux engagements que j'ai moi-même pris vis-à-vis de tous les acteurs de cette filière.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Cette situation ne va pas plomber votre congrès de la fin de la semaine à Poitiers ?
STEPHANE LE FOLL
Mais la situation de la filière porc, ou d'autres, sont des situations de difficultés, il faut y faire face, et en même temps trouver des solutions, et être honnête avec tout le monde.Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 juin 2015