Texte intégral
YVES CALVI
Jean-Michel APHATIE, à 07h49, vous recevez notre garde des Sceaux, Christiane TAUBIRA.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Christiane TAUBIRA.
CHRISTIANE TAUBIRA
Bonjour monsieur APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Confirmez-vous cette information du Parisien : vous préparez un projet de loi pour que le Parlement, réuni en congrès à Versailles, probablement à l'autonome, modifie la Constitution, afin de pouvoir ratifier, c'est une vieille histoire, la charte européenne sur les langues régionales ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui, absolument, je suis en charge, à la demande du président de la République, de ce projet de réforme constitutionnelle. Effectivement, la France, d'ailleurs, a signé la charte européenne.
JEAN-MICHEL APHATIE
En 92.
CHRISTIANE TAUBIRA
Voilà, tout à fait, c'était au début des années 90. Il a été envisagé un temps, parce que le Premier ministre Lionel JOSPIN s'y était engagé, il a été envisagé de faire ratifier. Le président de l'époque, Jacques CHIRAC, n'avait pas convoqué le Congrès pour se faire, donc nous allons le faire. C'est un engagement fort du président de la République, qui a fait débat pendant la campagne. C'est une demande très forte, parce qu'on sait, depuis très longtemps, que les langues ne sont pas que des idiomes, que les langues c'est du patrimoine, que les langues transportent du patrimoine, que les langues font s'épanouir le patrimoine, parce qu'elles sont des vecteurs d'imaginaire, et qu'une société n'a pas, n'a aucune raison de s'appauvrir en ne laissant pas, justement, ces langues, prospérer. Donc il faut qu'elles soient enseignées, il faut qu'elles soient d'abord reconnues, il faut qu'elles soient enseignées, il faut qu'elles produisent aussi des innovations, de la créativité, donc
JEAN-MICHEL APHATIE
Il faut qu'elles vivent.
CHRISTIANE TAUBIRA
Absolument.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà. Nous sommes tous les deux d'accord, Christiane TAUBIRA, à des titres divers, mais communs finalement.
CHRISTIANE TAUBIRA
Voilà, et des millions de Français.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà.
CHRISTIANE TAUBIRA
Des millions de Français aussi.
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce qu'il y aura autre chose dans ce projet de révision constitutionnelle, quelque chose qui pourrait toucher au Conseil de la magistrature, par exemple, ou d'autres choses ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Alors, c'est une autre réforme constitutionnelle, qui a
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce que vous la ferez en même temps ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non, parce que
JEAN-MICHEL APHATIE
Non.
CHRISTIANE TAUBIRA
Alors, en terme de calendrier, il est possible effectivement que ça puisse être joint, c'est mieux, ça permet de convoquer le congrès une seule fois. Cela suppose effectivement qu'on arrive à contraindre le calendrier suffisamment, pour arriver à le faire dans les prochains mois. La réforme constitutionnelle pour l'indépendance de la magistrature, vous savez, a déjà commencé son parcours, puisqu'elle est déjà passée une fois à l'Assemblée nationale et une fois au Sénat.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bon, donc à suivre, il y a une révision constitutionnelle qui est sur le feu
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui, absolument, oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et nous regarderons ça. Vous avez bien entendu pris connaissance, Christiane TAUBIRA, du rapport des deux députés Eric CIOTTI et Patrick MENNUCCI, sur la lutte contre le terrorisme islamiste. Ils notent on le sait de toutes les façons ils notent que les moyens de la justice antiterroriste sont trop limités, pour faire face à des affaires qui ne cessent d'augmenter, neuf juges d'instruction spécialisés dans le pôle antiterroriste de Paris, est-ce que vous allez augmenter le nombre de ces juges, Christiane TAUBIRA ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non, d'abord parce qu'il y en a davantage, il y en a davantage au Parquet
JEAN-MICHEL APHATIE
Neuf.
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui, absolument
JEAN-MICHEL APHATIE
Au pôle antiterroriste.
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui, ils étaient une dizaine en début d'année et j'ai renforcé deux fois déjà. Donc il y a
JEAN-MICHEL APHATIE
Ils sont neuf je crois.
CHRISTIANE TAUBIRA
Non non, il y avait une dizaine de magistrats antiterroristes au Parquet, une dizaine de juges d'instruction, j'ai renforcé aussi bien le Parquet, et le siège également a été renforcé. Et puis nous n'arrêtons pas, de toute façon nous regardons, effectivement il y a une augmentation du nombre de procédures, et c'est une priorité, mais il y a évidemment la section antiterroriste de Paris, que nous renforçons non seulement en magistrats, mais également en assistance spécialisée, parce que vous savez qu'il est bon aussi d'avoir des experts, des personnes aux côtés des magistrats, qui ont une connaissance approfondie de certaines matières. Et puis nous avons mis en place en décembre 2014, un réseau de magistrats référents, antiterroristes, sur l'ensemble du territoire. En termes de frais de justice, nous renforçons également, d'abord l'ensemble des juridictions, mais en particulier le Parquet antiterroriste de Paris, c'est quand même six millions d'euros supplémentaires qui sont apportés par rapport au budget global des frais de justice. Et puis nous renforçons, bien entendu, en moyens divers, c'est-à-dire en greffiers, et je vous le disais, en assistants spécialisés, mais aussi en assistants de justice. Donc
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous contestez sur ce point donc, pourquoi pas, mais vous contestez sur ce point
CHRISTIANE TAUBIRA
Je ne conteste pas, je dis
JEAN-MICHEL APHATIE
... la tonalité du rapport qui dit que peut être des moyens insuffisants sont mis en oeuvre pour lutter contre le terrorisme.
CHRISTIANE TAUBIRA
Non, sur le rapport, c'est autre chose. D'abord je n'ai pas le rapport, parce qu'il doit être voté mardi par les membres
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous l'avez lu comme nous.
CHRISTIANE TAUBIRA
Non, mais j'ai surtout été auditionnée deux fois
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord.
CHRISTIANE TAUBIRA
Et puis, mes deux auditions ayant été publiques, il est facile de retrouver mes propos. On ne peut pas dire comme ça, d'une façon générale, que les moyens sont insuffisants. Ce qu'il y a, c'est que depuis trois ans nous créons des postes de magistrats, nous allons pour la première année, en 2015, avoir un solde positif, au sens où nous aurons plus de magistrats qui arrivent dans les juridictions, que des magistrats qui partent, parce que les départs à la retraite, par exemple, n'avaient pas été anticipés, donc les remplacements n'avaient pas été prévus. Malgré cela, malgré le fait que dès demain, nous le faisons fortement, l'année qui vient, là, nous aurons la plus grosse, le plus gros contingent d'auditeurs de justice, historique, le plus gros, ce qui m'a conduit à renforcer l'Ecole nationale de la magistrature, aussi bien en effectifs qu'en budget, donc nous faisons ce qu'il faut pour avoir des magistrats, mais malgré cela j'ai arbitré depuis deux ans, en faveur notamment du TGI de Paris et donc du Parquet antiterroriste, mais pas seulement, parce que nous avons d'autres pôles au Parquet de Paris, donc j'ai arbitré en faveur de Donc, voilà, moi je ne connais pas encore les chiffres qui sont donnés dans le rapport, mais je vous dis, la réalité des chiffres, une réalité qui se vérifie, parce que cela se fait par transparence, par avis du Conseil de la magistrature, et par nomination et arrivée dans les juridictions.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le député républicain Henri GUAINO assure que la loi interdisant le port de la burqa en France, n'est pas respectée. « Il y a des consignes pour cela dit-il le gouvernement donne des consignes pour que cette loi ne soit pas respectée ». Il a raison ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Et qui est le gouvernement et donne des consignes à qui ? D'abord, la circulaire
JEAN-MICHEL APHATIE
Aux policiers et peut-être à la justice ensuite.
CHRISTIANE TAUBIRA
Ah bon ? Ben oui, non
JEAN-MICHEL APHATIE
Non ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non, attendez, on ne peut pas commenter, enfin ou alors vous me donnez deux heures, mais on ne peut pas commenter
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, je ne vous donne pas deux heures.
CHRISTIANE TAUBIRA
les propos infondés de chaque personne qui énonce des choses.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est infondé.
CHRISTIANE TAUBIRA
Les circulaires du ministère de la Justice, elles sont publiques, elles sont accessibles au public, donc toute circulaire du ministère de la Justice peut être vérifiée. Donc s'il en a une, monsieur GUAINO, en tant que parlementaire, la produit et la conteste éventuellement, mais je ne vais pas commenter un propos d'un parlementaire, qui, à l'occasion, dit des choses pour des raisons qui en plus m'échappent.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il dit n'importe quoi.
CHRISTIANE TAUBIRA
Ah, si vous voulez dire ça comme ça, mais enfin, le sujet ne m'intéresse pas, le personnage, un peu moins.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le Parti socialiste est en congrès à Poitiers.
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous irez ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non, je n'ai pas coutume d'aller au congrès du Parti socialiste, sauf lorsque c'est arrivé et que j'ai eu des invitations, notamment des élus socialistes
JEAN-MICHEL APHATIE
Et là vous n'irez pas.
CHRISTIANE TAUBIRA
Il est possible que
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, vous ne trouvez pas
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui, non, je n'ai pas été
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez lu la une de L'Obs ? « Le Parti socialiste est-il de droite ? », François HOLLANDE avec de belles Ray Ban. Je ne sais pas, les Ray Ban doivent appartenir au précédent président, j'imagine.
CHRISTIANE TAUBIRA
Non oui à part les Ray Ban, on voit en tout cas, malgré les efforts, on voit bien à quel point le président a de l'allure, malgré les efforts.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le Parti socialiste est-il de droite ? C'est la question. Il est de droite ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non, le Parti socialiste est clairement un parti de gauche
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors, si vous nous le dites.
CHRISTIANE TAUBIRA
avec des sensibilités différentes. Oui, qu'est-ce que c'est que la droite et la gauche ? Ce n'est pas juste des incantations, c'est pas juste de la latéralité, non plus. Il y a une histoire dans ce pays, il y a une identité à la droite et à la gauche. Il y a des doctrines, donc à gauche
JEAN-MICHEL APHATIE
Et le Parti socialiste déçoit la gauche, quand même.
CHRISTIANE TAUBIRA
qu'est-ce que c'est ? A gauche c'est se positionner très clairement pour la justice sociale, c'est très clairement
JEAN-MICHEL APHATIE
Il déçoit, quand même, à gauche, le Parti socialiste.
CHRISTIANE TAUBIRA
Sans aucun doute, mais enfin, bon, il n'est pas le seul parti à décevoir. Mais il y a des débats internes et ces débats nourrissent justement la dynamique collective. Un parti de gauche, c'est un parti qui très clairement s'inquiète des classes populaires et des classes moyennes, parce qu'elles ont été précarisées ces dernières années. C'est un parti qui très clairement se positionne pour la justice sociale, c'est un parti qui très clairement s'inquiète du lien social, donc de la solidarité, notamment vis-à-vis des plus vulnérables. C'est un parti qui a déjà montré il faut rappeler quand même que la gauche, aux responsabilités, a déjà démontré sa capacité à gérer les affaires publiques. Donc cette démonstration, elle est déjà faite. Ce qu'il faut que la gauche arrive à faire, c'est montrer plus clairement à quel point cette efficacité dans la gestion des affaires publiques, a aussi pour objectif, parmi les objectifs principaux, d'assurer une redistribution qui permet la solidarité. Aujourd'hui, ce qui est bousculé
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah, c'est un discours de congrès, là, hein, carrément.
CHRISTIANE TAUBIRA
Ce qui est bousculé, aujourd'hui, c'est la vision que l'on peut avoir de la société, de la relation avec, au sein ou l'action au sein de l'Union européenne, et de l'état du monde. C'est ça qui est bousculé et qui oblige à repenser les idéaux de gauche et la doctrine de gauche. Mais le parti
JEAN-MICHEL APHATIE
Peut-être
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Peut-être qu'ils iraient pas, « on en saura un peu » à Poitiers. François HOLLANDE est reparti en campagne, ça serait un bon candidat pour 2017 ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Mais c'est le candidat naturel de la gauche.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le vôtre ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui, sinon
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord, c'est dit.
CHRISTIANE TAUBIRA
Oui, si je n'y crois plus, je vais faire autre chose.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord. Et vous n'avez pas envie de faire autre chose. Et une dernière question au ministre de la Justice, l'Etat du Qatar porte plainte contre le vice-président du Front national, Florian PHILIPPOT, on en parle peu, mais des gens sont choqués. Et vous ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Ecoutez, la justice, la justice
JEAN-MICHEL APHATIE
Un Etat qui porte plainte contre un homme politique, c'est rare.
CHRISTIANE TAUBIRA
Ecoutez, ou bien une plainte est recevable, donc ça veut dire qu'elle est dans le cadre du droit, ou bien elle ne l'est pas. Si elle est recevable, elle est dans le cadre du droit, elle doit être traitée. On peut en être choqué moralement ou politiquement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous l'êtes ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non.
JEAN-MICHEL APHATIE
Christiane TAUBIRA, qui a, au moins sur la dernière réponse, c'est très clair
CHRISTIANE TAUBIRA
Et vous ne m'avez pas demandé si je ne suis pas choquée par les propos de certains. Mais bon, l'émission est terminée.
JEAN-MICHEL APHATIE
De qui ? Qui vous a choquée ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non, non non.
JEAN-MICHEL APHATIE
Allez-y.
CHRISTIANE TAUBIRA
Comment ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Allez-y, vous pensez à quoi ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Non non, mais parce qu'il y a des personnes qui tiennent des propos dans cette société, qui me choquent profondément.
JEAN-MICHEL APHATIE
Là, récemment ?
CHRISTIANE TAUBIRA
Ah non non, rien de précis, c'était une boutade, l'émission est terminée.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'était une boutade. Oui, elle est largement dépassée, merci Christiane TAUBIRA.
YVES CALVI
On va appliquer la Charte européenne des langues régionales par le biais d'une réforme constitutionnelle, vient de nous dire la garde des Sceaux, et elle nous confirme que les moyens sont d'ores et déjà renforcés pour l'antiterrorisme, et enfin qu'elle ne passera pas son week-end, si j'ai bien compris, au congrès du Parti socialiste. Merci à tous les deux. Entretien à réécouter et à retrouver sur le site RTL.fr.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 juin 2015