Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « L'avenir de l'industrie ferroviaire française », organisé à la demande de la commission du développement durable.
(...)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie la commission du développement durable d'avoir inscrit à l'ordre du jour ce débat d'importance pour la croissance de la France, pour son image internationale et, surtout, pour l'emploi.
L'industrie ferroviaire française représente environ 21 000 emplois dans notre pays. Sa compétence est largement reconnue, puisqu'elle se classe aujourd'hui au troisième rang mondial, avec plus de 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel, dont un quart réalisé à l'export. Elle apporte une contribution très positive à notre balance commerciale : nous exportons, en ce qui concerne le ferroviaire, nettement plus que nous n'importons.
L'industrie ferroviaire française a fortement bénéficié, depuis de nombreuses années, du renouveau du ferroviaire en France, sur lequel elle a pu s'appuyer pour partir à la conquête des marchés extérieurs. Ces commandes importantes en France, dont on connaît le caractère cyclique, ont permis à la filière de commencer à se structurer pour être en mesure de répondre aux besoins d'autres marchés à l'international, en vue de se préparer à des périodes de moindre intensité de la demande en France.
En 2011, le rapport de la commission d'enquête sur la situation de l'industrie ferroviaire française portant sur la production de matériels roulants, présidée par le député Alain Bocquet, a permis de dresser un constat clair et de préconiser des mesures auxquelles le Gouvernement a été particulièrement attentif.
L'une des mesures les plus emblématiques consistait à encourager les coopérations dans le secteur, car elles sont créatrices de valeur. C'est la raison pour laquelle, à la fin de l'année 2012, le Gouvernement a créé l'organisme Fer de France, qui fédère l'ensemble des acteurs du rail.
Cet organisme, dont l'État est partie prenante, a pour ambition de donner une meilleure visibilité sur les perspectives de plans de charge en France, afin de mieux les affronter, mais aussi d'accroître la performance de cette filière à l'exportation.
S'agissant des perspectives en matière de plans de charge en France, beaucoup d'orateurs se sont interrogés. Pour calmer l'ardeur de la critique, je rappellerai simplement que, entre la commande et la livraison d'un modèle nouveau, il se passe cinq ans ; chacun a donc sa part de responsabilité...
L'État agit par des mesures de soutien aux commandes publiques. Avec le Grand Paris, ce sont près de 32,5 milliards d'euros qui sont investis par l'État et les collectivités. Il s'agit, d'une part, de construire les nouvelles lignes du Grand Paris Express, et, d'autre part, de moderniser et de prolonger les réseaux existants en Île-de-France, qu'il s'agisse du tramway, du métro ou du RER. Ces perspectives d'investissements sont autant d'opportunités pour la filière ferroviaire française.
Ainsi, plusieurs appels d'offres très importants sont en cours ou en passe d'être lancés par la Société du Grand Paris, la RATP ou la SNCF. Le Gouvernement veille à ce que les marchés soient lancés au plus vite. C'est ainsi qu'un marché de 2 milliards d'euros a été récemment attribué à Alstom, portant sur la livraison de rames de métros sur pneus pour le réseau du Grand Paris. Il permet de pérenniser 2 000 emplois au sein du groupe Alstom ; il apporte immédiatement une charge d'étude importante pour le site de Valenciennes et une charge de production à partir de 2019.
S'agissant des trains d'équilibre du territoire, les TET, dont nous parlerons plus en détail lors du débat suivant, la commission présidée par le député Philippe Duron souligne, dans son rapport, les besoins en termes de renouvellement de matériels roulants. D'ores et déjà, l'État a décidé l'acquisition de trente-quatre rames de Régiolis à Alstom, pour un montant d'investissement de 510 millions d'euros. L'objectif initial était une livraison des premières rames à la fin de l'année 2015. Pour des raisons strictement industrielles, l'entreprise a dû reporter cette échéance à la fin de l'année 2016. Qu'un retard d'un an pour une commande de cette nature soit uniquement imputable à une question de production n'est pas le moindre des paradoxes.
En ce qui concerne les lignes de TET, se pose la question du renouvellement des matériels. L'âge moyen des matériels actuels dépasse trente-cinq ans, soulignent certains intervenants et les auteurs du rapport. Cet âge moyen s'élevait donc déjà à trente-deux ans voilà trois ans : je ne crois pas que des initiatives aient été prises à l'époque pour remédier à la situation- Là encore, les responsabilités sont partagées !
M. Jean-Jacques Filleul. Très bien !
M. Martial Bourquin. Très bien ! Il fallait le dire !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. J'ai demandé à mes services d'établir très précisément les modalités de renouvellement du parc de matériels roulants des TET. Nul ne conteste qu'il n'existe pas de solution sans le renouvellement de ces matériels. Je communiquerai donc prochainement un calendrier de renouvellement compatible avec les capacités financières de l'État.
Je partage l'approche de Louis Nègre et d'un certain nombre d'autres orateurs visant à privilégier l'achat « sur étagère », c'est-à-dire sur le fondement de contrats-cadres existants.
M. Martial Bourquin. Très bien !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Je souhaite rappeler que, au terme du troisième appel à projets de transports collectifs, quatre-vingt-dix-neuf propositions ont été retenues, correspondant à 450 millions d'euros de subventions, qui soutiendront 5,2 milliards d'euros d'investissements. Sur ce montant, 2,6 milliards d'euros concernent directement l'industrie ferroviaire et viennent s'ajouter à tous les projets dont j'ai déjà parlé.
Je souhaite également souligner les besoins très importants de rénovation du réseau ferré existant. Pour faire face à ce défi, SNCF Réseau doit s'engager résolument dans une démarche de partenariats de long terme avec les industriels sur l'ensemble des systèmes à rénover. Cela permettra notamment d'insuffler une réelle dynamique d'innovation, dans les outils comme dans les méthodes, afin de réaliser davantage de travaux de manière plus efficace.
Le Gouvernement s'engage aussi en soutenant l'innovation, qui constitue l'un des atouts de cette filière. L'État accompagne ainsi l'institut de recherche Railenium à concurrence de 80 millions d'euros. La création de l'entreprise commune européenne Shift2Rail, que la France a largement soutenue au Conseil européen, complétera et amplifiera le dispositif en faveur de la recherche et du développement ferroviaires. J'ai d'ailleurs sensibilisé la Commission européenne à la nécessité que ce projet se concrétise dans les délais prévus. Compte tenu de l'urgence, mon homologue allemand, Alexander Dobrindt, et moi-même avons demandé expressément que l'examen de ce dossier soit inscrit à l'ordre du jour du conseil « transports » qui se déroulera après-demain à Luxembourg.
Au cours de l'année 2015 sera par ailleurs lancé le plan industriel « TGV du futur », qui fait partie du programme d'investissements d'avenir arrêté en 2014 par le Gouvernement. Il s'agit de développer une nouvelle génération de trains à grande vitesse destinée à la fois à répondre aux besoins français et à conquérir de nouveaux marchés à l'export. Nous souhaitons ainsi faire évoluer le modèle de la grande vitesse, en l'axant moins sur la performance technique et davantage sur l'optimisation des coûts, l'interopérabilité et la capacité.
Ce plan mobilise la société Alstom, qui rassemble autour d'elle un ensemble de PME et d'entreprises de taille intermédiaire, ou ETI. Le Gouvernement a rendu un avis favorable à une participation de l'État, jusqu'à hauteur de 127,5 millions d'euros, à une entreprise commune avec Alstom destinée à conduire les efforts de recherche et développement nécessaires à la concrétisation de ce projet de TGV du futur. L'État accompagnera également les sous-traitants du programme « TGV du futur » au travers d'un appel à projets ferroviaire que l'ADEME lancera dans les semaines à venir.
Quant aux PME, l'État a déjà lancé un premier appel à projets ferroviaire « Initiative PME 2015 », qui a permis de retenir dans un premier temps sept projets subventionnés jusqu'à concurrence de 200 000 euros. Cela concerne des projets innovants, comme celui de la société Ixtrem, qui développe un système de détection des défauts susceptible d'améliorer considérablement la maintenance des matériels, ou celui de la société Lucéor, qui conçoit des solutions de communication informatique intégrées à l'intention des exploitants ferroviaires. Un nouvel appel à projets destiné aux PME sera lancé d'ici à la fin de l'année.
Enfin, l'accroissement de la performance de nos industriels à l'exportation est un enjeu vital pour la filière. À cet égard, les importants investissements déjà réalisés constituent une véritable vitrine. En effet, un matériel français vendu à l'étranger représente une promotion non seulement de la conception et de l'ingénierie françaises, mais également des composants fabriqués en France. Dans ce domaine, nos entreprises détiennent un savoir-faire unique qu'il faut encore valoriser.
Le Gouvernement s'emploie à favoriser le déploiement des acteurs de la filière sur les marchés d'exportation. Au cours des deux dernières années, le secteur ferroviaire a représenté à lui seul le tiers des dossiers soutenus au titre de la réserve des pays émergents, gérée par le ministère de l'économie, ce qui représente au total 1,5 milliard d'euros de prêts accordés. Ainsi, la vente au Maroc de quatorze rames à grande vitesse, soutenue par l'État au travers d'un prêt de 350 millions d'euros, a engendré 120 000 heures de travail pour le site de Belfort d'Alstom.
Se développer hors de nos frontières est indispensable, mais cela est parfois difficile, notamment pour les centaines de PME, de PMI et d'ETI. Je me félicite donc de la création, avec un soutien important de la Banque publique d'investissement, de Rail Export, qui apporte des solutions pratiques et opérationnelles adaptées à ces entreprises pour leur développement international. Elle doit d'ailleurs inciter la filière à renforcer les complémentarités entre sous-traitants et grands intégrateurs, ce qui permettrait à ceux-ci d'ouvrir la voie à la conquête de contrats profitant à l'ensemble de la filière.
En dernier lieu, le Gouvernement se mobilise pour que l'élaboration des textes relatifs au volet technique et industriel du quatrième « paquet ferroviaire » soit achevée au plus vite. Cela débouchera, pour notre industrie, sur l'ouverture de nouvelles opportunités au sein de l'Union européenne. À cet égard, je précise que, malheureusement, le conseil « transports » du 11 juin ne validera pas définitivement le volet technique du « paquet ferroviaire », la discussion entre le Parlement et la Commission n'ayant pas encore abouti. Une nouvelle réunion est prévue le 18 juin et la France, comme je l'ai déjà indiqué, demandera après-demain que le trilogue puisse déboucher. L'adoption du volet technique permettra de passer à la discussion du volet politique.
Notre industrie ferroviaire est la vitrine d'un savoir-faire d'excellence. Elle est individuellement ou collectivement engagée dans des démarches d'exportation, d'innovation et de coopération. Le soutien et l'accompagnement de nos entreprises dans cette direction constituent une priorité de l'action gouvernementale, parce que ces entreprises, ces compétences représentent des atouts incontestables qu'il faut valoriser, afin de construire avec elles le ferroviaire de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Jean Bizet applaudit également.)
M. Jacques Chiron. Très bien !
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « l'avenir de l'industrie ferroviaire française ».
source http://www.senat.fr, le 12 juin 2015