Texte intégral
Je vous remercie de votre invitation et je suis ravie d'être parmi vous aujourd'hui à l'occasion du 55ème congrès de l'UNAPEI.
Je suis venue l'année dernière à Nantes quelques semaines après ma prise de fonctions au gouvernement et j'ai entendu les attentes à vous qui êtes des personnes en situation de handicap, des parents et des professionnels du réseau des ADAPEI.
On reproche souvent aux politiques, membres du gouvernement ou élus locaux je suis également élue locale de faire des discours, de prendre des engagements, puis de repartir.
Je suis venue aujourd'hui pour vous parler de résultats et d'actions en cours. Certes, il reste toujours à faire et la tâche importante qui reste à mener doit toujours enseigner l'humilité à ceux, responsables des politiques publiques ou associations, qui sont en position de répondre aux besoins et attentes des personnes.
C'est bien par cette action conjointe, ce « pacte de confiance », cette responsabilité partagée entre nous, que l'inclusion et la pleine participation sociales des personnes en situation de handicap gardera tout son sens.
Je veux aujourd'hui saluer la force, la capacité d'innovation et d'adaptation du réseau des ADAPEI qui, je le sais et le constate tous les jours dans mon action politique nationale et locale, fait vivre cette exigence partagée de l'accessibilité universelle. Elle constitue un vecteur important des premiers résultats et des changements en cours.
Oui, les premiers résultats sont là et nous ne comptons pas nous arrêter là. Je suis déterminée même si les obstacles nombreux - mais jamais insurmontables - les incompréhensions légitimes qu'il convient de lever par l'écoute et la concertation, les oppositions naturelles et nécessaires en démocratie qu'il convient de prendre en compte pour améliorer les décisions
L'écoute, la concertation, le dialogue sont au cur de mon action, c'est vrai. Le renoncement jamais.
Quelques mois à peine après les mesures annoncées par le Président de la République lors de la CNH, les choses avancent très concrètement. Je souhaite insister sur quelques unes d'entre elles.
A propos de la scolarisation, il y aura bien dès la rentrée scolaire 2015, 100 unités d'enseignement actuellement localisées au sein des IME qui seront externalisées au sein d'école ou de collège. Un premier recensement nous indique dès à présent que plus de 80 sites sont volontaires. Je rappelle que ce n'est pas une mesure ponctuelle, c'est un mouvement de fond. Chaque année 100 nouvelles unités seront concernées. Par ailleurs, bien entendu, nous poursuivons la création des unités d'enseignement en maternelle pour les jeunes enfants autistes. De 30 nous passerons à plus de 60 à la prochaine rentrée scolaire.
Concernant l'accès aux soins des personnes handicapées, les orientations ont d'ores et déjà été données aux agences régionales de santé (ARS) pour la création ou le renforcement des moyens dédiés aux consultations spécialisées en milieu hospitalier. De la même façon, concernant les maisons de santé, les ARS sont en responsabilité pour soutenir les projets qui vont dans le sens de l'accessibilité aux soins des personnes handicapées.
Du côté de l'emploi et de la place essentielle des ESAT, la circulaire budgétaire 2015 prévoit des mesures financières spécifiques pour que ces établissements développent des accompagnements médico-sociaux vers l'accès et le maintien dans l'emploi ordinaire. Là aussi, ce n'est pas une mesure ponctuelle. Les ESAT qui s'engagent dans ce processus de changement seront soutenus et cela fera l'objet d'un élément fort de la contractualisation avec leur ARS.
D'autre part, un partenariat fort avec l'AGEFIPH et le FIPHFP est engagé en faveur de ces mesures vers l'emploi ordinaire et nous poursuivrons nos efforts communs pour développer d'autres formes de dispositifs d'emploi accompagné, notamment en faveur du handicap psychique.
L'inclusion concrète, c'est aussi vivre chez soi mais avec les services et les accompagnements nécessaires. Début 2016, un plan d'actions en faveur du développement des formules d'habitat regroupé avec services sera proposé, tenant compte des expériences existantes. Il existe des expériences locales portées par les associations un peu partout en France.
En matière d'accessibilité de la ville et des transports, j'entends çà et là que le Gouvernement ne fait rien pour empêcher les lobbies d'organiser le recul des acquis de la loi du 11 février 2005. Je ne peux pas laisser dire cela !
La réalité, c'est que la loi de 2005 a proclamé, véritablement proclamé, la mise en accessibilité du bâti et des transports au 1er janvier 2015 sans s'intéresser à sa mise en uvre. Ceci explique pour une très large part, son mauvais bilan en la matière. Le gouvernement ne pouvait pas laisser passer le 1er janvier 2015 sans suite concrète et sans suite pragmatique.
Avec l'élaboration de l'ordonnance « accessibilité », le gouvernement a fait le choix responsable de proposer des solutions opérationnelles plutôt que de rester dans l'incantation. Le Sénat a examiné et voté ce mardi, le projet de loi de ratification du texte et y a apporté quelques améliorations ; c'est une bonne chose. Sur ce dossier, ce que je souhaite et ce que nous souhaitons tous au fond, c'est que la situation avance. Ce qui n'est pas acceptable, c'est de s'accommoder de l'inertie.
Je veux aussi saluer la formidable impulsion donnée en matière d'accessibilité numérique. Et je veux le dire à nouveau, la secrétaire d'état Axelle LEMAIRE, est très impliqué et nous travaillons ensemble régulièrement sur ces sujets. L'adoption de la norme RGAA pour l'accessibilité des sites internet publics, le travail avec les écoles pour que les étudiants apprennent à programmer « accessibles ». Le projet de loi numérique tiendra compte de ce nouveau défi de l'accessibilité.
Au delà, vous le savez, l'un des axes majeurs des mesures annoncées lors de la CNH est la mise en uvre du projet désormais intitulé « une réponse accompagnée pour tous » faisant suite au rapport « Zéro sans solution », remis par Denis Piveteau. Certains me disaient d'ailleurs que ce rapport était enterré, que rien n'en serait fait C'est exactement le contraire qui se passe actuellement.
Dès octobre 2015, les territoires volontaires pourront faire partie de la première vague de mise en uvre de la feuille de route du projet « une réponse accompagnée pour tous » dont j'ai souhaité, avec Marisol Touraine, confier le pilotage à Marie-Sophie Desaulle. Ce n'est pas une expérimentation, c'est un changement complet et profond de nos organisations. Je sais pouvoir compter sur vous tous pour, par ce que vous y avez participé et que vous avez porté ce rapport, pour que vous puissiez contribuer à ce changement profond de pratiques et de fonctionnement des établissements et services afin que plus aucune personne ne soit sans solution. Car il faut se le dire collectivement : nombre de personnes sont exclues (ou refusées) de nos établissements car ils présentent des troubles du comportement et que les équipes se trouvent alors en grande difficulté au point parfois de renvoyer les personnes chez elles, en Belgique ou en psychiatrie alors qu'elles ont besoin d'une réponse pluridisciplinaire, étayée et durablement « sur mesure ». C'est cela qu'il nous faut « gagner ensemble » ; la volonté (et sûrement l'engagement réciproque) de ne jamais renoncer devant la difficulté d'une prise en charge. C'est cette ambition que je souhaite porter avec vous avec le déploiement progressif du rapport « Zéro sans solution ».
Le « zéro sans solution » ne se gagnera pas sans vous, membres des ADAPEI car vous avez en main un beau réseau d'établissements et de services. Aller vers l'inclusion c'est développer plus de services et de dispositifs « hors les murs » et vous le faites ! Répondre aux situations complexes, c'est faire évoluer en profondeur le fonctionnement des établissements. Acceptons collectivement ce défi, ou plutôt cet impératif ! Vous le savez, c'est de la vie de nos enfants, de nos proches qu'il s'agit ; c'est pourquoi, il ne faut plus attendre.
Pour se faire, l'un des outils attendus par l'ensemble des fédérations et des associations ainsi que par les départements, est le CPOM (contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens). Marisol TOURAINE a donc pris la décision d'inscrire dans loi le principe de la généralisation de ces contrats en fixant une échéance raisonnable pour y parvenir. Ce que nous souhaitons par ces contrats est simple : une amélioration de la qualité de l'offre médico-sociale compte tenu de l'évolution des attentes légitimes et des besoins des personnes et de leurs proches. A moyen terme, c'est donc l'ensemble de l'offre médico-sociale pour les personnes handicapées qui fera l'objet de ces contrats avec les financeurs, pour une évolution fine, adaptée et adaptable au plus près des besoins des personnes. Car souvent il nous est reproché la rigidité du système.
L'amélioration de la qualité de l'offre suppose également de revoir la tarification des établissements et services médico-sociaux. Et là aussi, le bruit courait que le rapport Vachey-Jeannet ne serait jamais mis en uvre. La réforme de la tarification est engagée avec un calendrier de 3 ans, pas plus ! Ce n'est pas une réforme administrative, c'est une réforme de grande ampleur à laquelle vous êtes associés. Car, je souhaite que le système de financement des établissements et services médico-sociaux puisse inciter à la mise en place de réponses de plus en plus inclusives et adaptables aux évolutions des besoins des personnes en fonction des conséquences de leur handicap ou de leur âge.
Et le manque de moyens, me direz-vous ?
Nous poursuivons les efforts de création de places à un rythme soutenu, plus de 4 000 places par an, et la circulaire budgétaire pour l'exercice 2015, adressée aux ARS indique clairement la priorité que constituent les situations complexes et critiques dans les financements à attribuer aux établissements et services. De la même façon, cette circulaire insiste sur la nécessite de soutenir le développement de réponses adaptées au vieillissement des personnes handicapées. Il n'y a pas de réponse unique et je sais combien les Adapei sont en pointe sur cet aspect. L'enjeu d'adaptation de l'offre médico-sociale est fort tant du côté du champ du handicap que des personnes âgées.
Beaucoup de nos concitoyens sont encore contraints d'aller en Belgique. Moins d'un an après la signature de l'accord franco-wallon, les choses avancent également. Je souhaite vous en rendre compte. Le programme d'inspections conjointes entre l'ARS Nord Pas de Calais et l'Agence Wallonne (AWIPH) est mis en uvre et ce sont une dizaine d'établissements concernés sur les 24 établissements actuellement conventionnés.
Le reconventionnement de ces établissements est fait, alors que rien n'avait été revu depuis des années, ce qui a permis de fixer des objectifs de qualité de l'accueil et de l'accompagnement des personnes.
Nous contestons systématiquement les actions promotionnelles portées à notre connaissance. Et lorsque des établissements ne proposent pas les conditions suffisantes d'accueil et d'accompagnement de nos concitoyens, sans hésitation, nous prenons les mesures appropriées d'arrêt des orientations et donc du financement qui s'y rattache venant de l'Assurance maladie. Cela a été le cas pour un premier établissement cette année. Et je n'hésiterai pas à chaque fois que cela se représentera.
Mais, nous allons plus loin car en effet il ne s'agit de se satisfaire de cette situation historique. J'ai pris l'engagement en présence du Ministre wallon que plus aucun départ en Belgique ne soit fait faute de solution en France. Cet engagement se traduira dans les faits. Ainsi, nous sommes en train de revoir toutes les procédures qui existent actuellement et qui font notamment que les familles désemparées acceptent « il faut l'admettre, sous la contrainte » une solution d'accueil en Belgique. Cela nécessite aussi de prioriser les créations de places en France au lieu que l'Assurance maladie engage la dépense en Belgique. C'est ce sur quoi nous travaillons actuellement, et vous pouvez compter sur ma détermination pour que cela puisse se résoudre très vite. Il y a différentes circuits d'orientation et nous devons tous les identifier. Vous me direz que c'est le bon sens qui l'emporte. En effet, c'est du bon sens mais tout ce qui paraît simple est souvent plus compliqué à faire qu'on ne le pense. L'inversion du flux est en marche.
Je souhaite maintenant en venir à la simplification qui est également un engagement pris lors de la CNH mais aussi un axe majeur de l'action du gouvernement.
Lundi dernier, j'ai annoncé les 11 premières mesures de simplification concernant le handicap. Plusieurs d'entre elles visent à éviter que les personnes handicapées aient à envoyer à plusieurs organismes les mêmes pièces justificatives pour justifier de leurs droits.
Ainsi, il ne sera plus nécessaire de fournir sa carte d'invalidité à la CAF lors de la demande d'allocation d'adulte handicapé. Ce sont les administrations entre elles qui échangeront cette information afin de vérifier le statut d'invalidité de la personne.
Il ne sera plus nécessaire non plus de transmettre à la CAF les photocopies des justificatifs déjà transmis à la MDPH dans le cadre du dossier de demande déposé par la personne. Ces échanges de données seront totalement dématérialisés. La personne n'enverra qu'une seule fois les documents à la MDPH.
D'autres mesures portent sur la durée de validité des documents et des droits.
Jusqu'à aujourd'hui, la durée d'attribution de l'allocation adulte handicapé (AAH) pour les personnes qui ont un taux d'invalidité compris entre 50 et 80% était de 2 ans. Désormais, la durée peut être étendue à 5 ans par la MDPH.
Concernant le certificat médical nécessaire à toute demande faite auprès de la MDPH, sa durée passe de 3 à 6 mois, évitant ainsi à la personne de devoir le refaire auprès de son médecin dans le cadre de l'instruction de son dossier par la MDPH.
Je souhaite également insister sur des mesures qui concernent les prestations et allocations.
Tout d'abord, concernant l'allocation de rentrée scolaire, son versement a été étendu aux enfants en situation de handicap de plus de 6 ans maintenus en école maternelle, compte tenu de la nécessité de leur laisser plus de temps pour consolider leurs apprentissages et leur progrès. Jusqu'ici, seuls les enfants scolarisés en école primaire étaient concernés. C'est donc une mesure très importante en faveur de l'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap.
Par ailleurs, la mise en place par les conseils départementaux d'un système de tiers-payant pour l'achat des aides techniques par les personnes handicapées va être désormais possible. Cela évite aux personnes handicapées de faire l'avance de frais d'une partie du coût de l'aide technique.
Enfin, je souhaite insister sur une dernière mesure qui visera à remplacer la carte de stationnement et la carte de priorité par une carte unique dite de « mobilité-inclusion ». Les droits reconnus par ces deux cartes seront bien entendus totalement conservés mais la personne n'aura plus à solliciter deux cartes différentes. Elle disposera de deux exemplaires d'une même carte par exemple pour stationner, et pour ne pas faire la queue au supermarché.
L'ensemble de ces mesures rend un service très concret aux personnes handicapées. Mais, il est clair qu'il faut poursuivre ces efforts de simplification et nous y travaillons constamment. Je me suis donc engagée avec Thierry MANDON d'ici fin 2015, une seconde vague de mesures portera notamment sur tout ce qui concerne les procédures relatives à l'accès et au maintien dans l'emploi des personnes handicapées.
Ces mesures au service des personnes sont également un signal adressé aux MDPH pour qu'elles puissent se recentrer sur leur métier essentiel : l'accompagnement de la situation des personnes. Je suis donc en constant dialogue avec les MDPH et les départements pour que la qualité de service rendu aux personnes puisse s'améliorer en permanence.
L'accessibilité universelle et l'inclusion concrète des personnes engagent l'ensemble des ministères et des politiques publiques. Comme vous le savez, très prochainement, le gouvernement remettra au parlement le rapport sur la politique nationale en faveur des personnes handicapées, tel que le prévoit la loi du 11 février 2005. Ce rapport indiquera très clairement la contribution de chaque domaine de l'action publique à l'inclusion des personnes handicapées dans notre pays. Là aussi ce ne seront pas que des phrases, ce seront des actions concrètes portées par chaque ministère.
C'est l'engagement pris par le Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap, c'est l'engagement tenu.
Je tiens à vous le dire aujourd'hui. Vous me trouverez toujours à vos côtés pour soutenir les initiatives que vous prenez dans vos territoires allant dans le sens de l'inclusion des personnes handicapées.
De ce côté là vous pouvez compter sur ma détermination.
Devant vous aujourd'hui, je n'ai pas fait un exercice d'autosatisfaction, ce n'est pas mon genre. Je ne nie pas les problèmes quotidiens de chaque personne, ou de chaque famille. J'y fais face et j'agis. Dans votre action quotidienne aussi : vous y faites face et vous agissez. Et c'est à l'honneur des associations que vous représentez que de contribuer ainsi à l'action publique en faveur des personnes handicapées. Nous travaillons ensemble pour répondre à une exigence simple : faire de la citoyenneté et des droits des personnes handicapées le socle fondateur de l'action publique et garantir les solidarités essentielles qui font l'honneur de notre pacte républicain.
Je souhaiterais terminer par un proverbe africain qui prend tout son sens aujourd'hui.
« Seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin ».
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 8 juin 2015