Déclaration de Mme Myriam El Khomri, secrétaire d'Etat à la politique de la ville, sur la négociation des contrats de ville de nouvelle génération et les quartiers, Paris le 26 mai 2015.

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Ce séminaire des réseaux déconcentrés de l’Etat pour les politiques de la ville, de la jeunesse et des sports, revêt une importance particulière, au moment où nous négocions les contrats de ville de nouvelle génération, et où nous mettons en oeuvre les décisions du comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté.
Les attentes de nos concitoyens sont légitimement très fortes :
- Le rapport de l’ONZUS 2014, qui porte sur des données des années 2012 et 2013, montre que la situation n’a sans doute jamais été aussi difficile dans les quartiers populaires. C’est l’effet de la crise qui dure depuis 2008 et qui produit des effets particulièrement délétères sur le chômage et la pauvreté.
- Le Premier ministre a employé des mots forts – apartheid, relégation sociale et territoriale – pour marquer les esprits et aussi pour montrer que ceux qui ne sentent pas Charlie n’expriment pas une adhésion aux actes des terroristes mais bien un sentiment de défiance et d’abandon qui interpelle toute la société. Je crois pouvoir dire que ces mots du Premier ministre ont été bien reçus dans les quartiers car ils correspondent au sentiment général de leurs habitants.
C’est dire s’il y a urgence et une ardente obligation d’agir pour nous tous, les décideurs publics, à tous les échelons de la chaîne.
D’ores et déjà, le contexte général est en train de changer avec d’une part les premiers signes de reprise, qui sont là, et avec les premiers résultats des politiques que nous menons. Je ne prendrai que deux exemples :
- En 2014 les emplois d’avenir ont été ciblés à près de 20 % sur les jeunes des quartiers prioritaires contre seulement 10 % des contrats aidés qui pouvaient leur bénéficier en 2011 ;
- Le chômage des jeunes a commencé à baisser en Seine Saint Denis grâce à tous les dispositifs d’emploi – formation mis en place, les emplois d’avenir bien sur, mais aussi la garantie jeune et les contrats aidés désormais systématiquement ciblés sur les quartiers prioritaires ; et ce mouvement est appelé à s’amplifier avec le développement du service civique, la montée en charge des EPIDe, la mise en place de la prime d’activité et des contrats starter.
Mais il nous faut aller plus vite, car la situation ne s’améliorera dans les quartiers, et les effets de la reprise ne s’y feront sentir, que si la politique de la ville est en mesure de raccrocher les quartiers à la dynamique du pays. C’est notre responsabilité collective en tant que serviteurs de l’Etat.
L’Etat a un rôle déterminant à jouer dans ces territoires fragiles de la République, pas pour agir seul ou faire à la place des acteurs locaux, mais pour incarner la solidarité nationale, être le garant de la cohésion sociale, mobiliser toutes les énergies, montrer que l’action publique n’est jamais plus efficace que dans la proximité.
Avec Patrick Kanner et Thierry Braillard, nous nous déplaçons plusieurs fois par semaine en région. Nous avons ainsi l’occasion de vous rencontrer très régulièrement et de voir l’utilité vitale de l’action que vous conduisez, avec vos collaborateurs dans les services déconcentrés et dans les préfectures et avec les délégués du préfet que j’aurais l’occasion de réunir prochainement.
Je souhaite ici vous témoigner ma reconnaissance pour votre action en faveur des quartiers et de l’intérêt général. Je suis consciente de la complexité de cette politique de la ville qui prétend améliorer la vie des gens dans les quartiers populaires et ce faisant vient mettre à contribution toutes les politiques publiques, avec leurs particularités et leurs subtilités; je connais les difficultés qui sont les vôtres devant la réfaction des moyens humais et matériels qui vous sont dévolus et devant le manque d’implication de certains services publics parfois ; je sais combien votre tâche est difficile et exigeante ; mais je sais aussi quelles sont vos qualités d’engagement et votre savoir-faire.
Dans ce ministère et ce secrétariat d’Etat en charge de la politique de la ville, personne n’est ici par hasard, c’est vrai de la base au sommet ; la dimension militante est inséparable de notre action quotidienne ; vous pouvez en être fiers.
Alors que faire ? Ce sera l’objet de mon intervention et des échanges que nous aurons à l’issue :
- Nous devons achever de mettre en application cette nouvelle politique de la ville qui résulte de la loi de programmation de février 2014 et la conclusion des contrats de ville de nouvelle génération en sont le point d’orgue ;
- Nous devons dans le même temps faire entrer sans délai dans le réel les décisions adoptés lors du comité interministériel du 6 mars dernier.
1- Tout d’abord donc, la conclusion des contrats de ville doit être menée à bien pour donner corps à la nouvelle politique de la ville.
A ce jour 60 contrats ont été signés, sur les 390 à conclure. L’ensemble doit être achevé pour le 30 juin prochain, ainsi que l’instruction du 15 octobre 2014 l’a prévu. Cette échéance du 30 juin n’est pas une date couperet bien sur, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, mais elle reste un horizon.
J’ai demandé au commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, de réaliser un suivi attentif de la préparation des contrats de ville partout sur le territoire. Le CGET le fait avec une équipe de chargés de mission qui sont à votre disposition pour vous informer, vous accompagner, vous conseiller. Il le fait également avec le souci de ne pas vous accabler de demandes de reporting ou de renseignements d’indicateurs. Ces tâches ont été internalisées au niveau central, à ma demande.
Sur cette base, je suis en mesure de vous restituer plusieurs données nationales essentielles sur la préparation des contrats :
- D’un point de vue quantitatif, nous aurons 75 % des contrats signés au 15 juillet prochain. C’est bien. Pour les 100 contrats qui resteront à signer, il faudra aller vite et prévoir leur signature à la rentrée prochaine. Il n’est pas admissible que certains départements aient renvoyés à octobre, voire novembre, la signature des contrats. Je vous demande de signaler au CGET et à mon cabinet les contrats qui ne pourraient être signés avant le 30 septembre. Je vous invite également à continuer à nous faire part des dates prévisibles pour que je puisse avec Patrick Kanner faire acte de présence chaque fois que l’agenda le permet.
- D’un point de vue qualitatif, sur les 60 contrats déjà signés, nous considérons que la moitié corresponde en tous points aux exigences que le Parlement et le Gouvernement ont placées dans ces contrats de nouvelle génération. On en déduit facilement que la moitié des contrats déjà signés devront être complétés et enrichis sur certains points d’ici la fin de l’année.
C’est tout particulièrement le cas lorsque le contrat n’a pas traité de la mise en place des conseils citoyens et lorsqu’il n’inclut que la signature du préfet, du maire et de l’intercommunalité sans mobiliser au-delà les autres services publics.
Il est donc nécessaire de s’attarder un temps sur les quatre exigences cardinales que nous plaçons dans les contrats de ville.
En premier lieu, le pilotage des contrats à l’échelle intercommunale. C’est nécessaire vous le savez pour inscrire le contrat de ville dans une perspective stratégique, faire jouer la solidarité locale, mobiliser les compétences de l’intercommunalité et arrimer les quartiers aux dynamiques de l’agglomération.
Cela ne signifie pas que l’EPCI devient le seul interlocuteur ou se substitue aux communes :
- l’EPCI remplit, sur le territoire intercommunal, la fonction d’un ensemblier et met en oeuvre les actions relevant de ses compétences ;
- Sur le territoire de la commune, le maire met en oeuvre les actions définies par le contrat de ville qui relèvent de toutes les compétences qui lui sont propres. Il est partie prenante à la gouvernance du contrat, via le caractère concerté de l’élaboration et de la mise en oeuvre (comité de pilotage, modalités de rendu de compte et autres).
Le pilotage intercommunal peut cependant connaître des exceptions dans trois cas de figure :
- pour les communes isolées
- pour les Communautés de communes n’ayant pas fait le choix de se saisir de la compétence politique de la ville
- pour les Outre-mer lorsque l’EPCI n’est pas en mesure de jouer le rôle de pilote du contrat.
A ce jour, 60 % des contrats signés sont bien pilotés à l’échelle intercommunale et 28 % des communautés de communes assurent le pilotage des contrats. Parmi les communautés de communes qui n’assurent pas le pilotage, une part significative en est néanmoins signataire au titre de ses compétences propres.
Le rôle des intercommunalités va être conforté avec le Pacte de solidarité financier et fiscal prévu par la loi de février 2014. Ce pacte a vocation à formaliser l’ensemble des leviers de solidarité mobilisées à l’échelle de l’interco. Un modèle de pacte de solidarité financier et fiscal est en cours d’élaboration, en étroite concertation avec les associations nationales d’élus, et sur la base des travaux déjà menés par l’Association Des Communautés de France. Ce pacte constitue une annexe obligatoire au contrat de ville. Il sera annexé postérieurement à la signature du contrat de ville. Dans l’attente de la diffusion du modèle, un premier travail d’identification peut être conduit localement.
De la même façon, un projet de décret est actuellement en cours d’examen au conseil d’Etat pour organiser la mise en cohérence des différents plans, schémas et programmes existant au plan territorial avec la politique de la ville. Ce texte obligera les plans et schémas à prendre en considération les objectifs des contrats de ville, et ce faisant rendra encore plus central le rôle de l’intercommunalité.
Je vous demande de tenir bon sur la gouvernance intercommunale des contrats de ville et de rassurer les maires sur le rôle dévolu aux communes dans l’exécution opérationnelle et la relation aux habitants.
La seconde exigence cardinale des nouveaux contrats de ville tient à la mobilisation de tous les services publics.
Vous le savez, il est impératif de mobiliser autour du maire, du président de l’EPCI et du représentant de l’Etat, tous les services publics : les opérateurs de l’Etat et les services qui ne sont pas placés sous l’autorité directe du préfet, notamment les ARS, le Rectorat et le procureur de la République ; Pole emploi et les missions locales ; les chambres consulaires ; les Régions et les Départements ; les CAF ; les organismes HLM, et d’autres encore.
Rares sont les contrats qui associent tous ces services publics, je pense aux contrats d’Auch et de Nantes. C’est pourtant indispensable si l’on veut changer la donne dans les quartiers. Aussi, je le dis très clairement, les contrats qui n’auraient été signés que par le premier cercle constitué de l’Etat, de la commune et de l’intercommunalité, devront être élargis et enrichis dans les prochains mois par d’autres signataires.
La dynamique n’en est pas moins lancée. Les données nationales montrant que la préparation des contrats de ville associe :
- à 86 % les Régions et les Départements ;
- à 77 % les bailleurs sociaux ;
- à 70 % les antennes territoriales de la Caisse des Dépôts ;
- à 70 % également les antennes de Pôle Emploi ;
- à 84 % les CAF.
Continuez donc en ce sens et veillez surtout à ce que les signatures entraînent des engagements concrets et renforcés pour les quartiers prioritaires. C’est là que se joue l’essentiel, avec la mobilisation des politiques de droit commun.
L’Etat doit être exemplaire, à la fois pour montrer l’exemple et aussi parce que bon nombre d’engagements relèvent de sa responsabilité propre.
A l’occasion de mes déplacements, j’entends parfois qu’il est difficile de mobiliser les crédits de droit commun de l’Etat au sein des contrats de ville. Vous devez vous appuyer :
- sur la déclinaison territorialisée des engagements des conventions interministérielles ;
- sur la mise en place autour du préfet, d’équipes interservices rassemblant également l’ARS, le DASEN, le Directeur départemental de Pôle emploi et le procureur de la République ;
- sur les circulaires interministérielles venant rappeler les modalités d’intégration des différentes politiques publiques dans les contrats. Avec Patrick Kanner, nous vous avons ainsi adressé plusieurs instructions en la matière :
* celle sur l’intégration des enjeux éducatifs le 26 novembre 2014 ;
* celle sur l’intégration des enjeux de santé le 5 décembre 2014 ;
* celle sur la mobilisation des politiques de Transport le 6 mars 2015 ;
* celle sur l’intégration des enjeux sportifs le 25 mars dernier ; Thierry Braillard vous en a parlé précédemment ;
* celle sur la mise en oeuvre des mesures emploi – formation le 25 mars également ;
* celle sur l’amélioration des relations entre la police et la population le 25 mars toujours.
Vous recevrez dans les prochains jours une nouvelle circulaire sur l’intégration des enjeux culturels dans les contrats. Nous devons promouvoir la culture dans les quartiers. La mesure « pas un contrat de ville sans un établissement culturel ou un acteur audiovisuel associé », décidée lors du CIEC, a pleinement vocation à s’inscrire dans le cadre des contrats de ville : l’instruction conjointe qui va être adressée aux préfets et aux DRAC vous donne les éléments d’information nécessaires et le ministère de la culture s’est engagé à vous fournir l’aide nécessaire pour vous aider à nouer des partenariats nationaux, lorsque vous ne disposez pas d’établissement public culturel sur le ressort de votre territoire.
Et puis il y aussi le « pacte culturel » que la ministre de la culture a souhaité contractualiser avec les collectivités volontaires. Certaines des communes qui ont signé ou qui vont signer ces contrats ont des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Je pense par exemple à Cambrai. Bien entendu, dans cette hypothèse, les pactes culturels ont vocation à intégrer les contrats de ville. Je compte sur votre vigilance.
Je ne mésestime pas les difficultés et les résistances sur la mobilisation du droit commun mais il nous faut avancer. Je souhaite à cet égard donner quelques exemples de bonnes pratiques :
- en Loire Atlantique : signature de 13 conventions départementales en octobre 2014 qui tiennent compte des dispositions des conventions nationales d'objectifs et des priorités déterminées localement ;
- Maine et Loire : signature d’une convention unique entre le préfet de département et les services et opérateurs de l’Etat portant déclinaison des conventions interministérielles d’objectifs, avec également des engagements de l’EPIDE et de La Poste ;
- Puy de Dôme, le « dire de l’État » est une déclinaison des conventions interministérielles sous la forme d’enjeux identifiés selon les différents quartiers prioritaires et d’indicateurs d’évaluation associés.
Plus généralement, je souhaite que les progrès objectifs obtenus au plan national dans la mobilisation des politiques de sécurité, d’éducation et d’emploi soient déclinés dans les contrats de ville.
Nous avons 77 des 80 zones de sécurité prioritaire qui recouvrent les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Dans les agglomérations concernées, le contrat doit en faire mention et décliner autant que faire se peut les engagements de moyens et de résultats.
Nous avons 80 % des REP et 99 % des REP + qui recouvrent les QPV. Là aussi, cela doit être traduit dans les contrats. Par ailleurs, je vous rappelle que les écoles qui accueillent des élèves défavorisés mais qui ne sont pas rattachés à un collège REP peuvent bénéficier d’un accompagnement particulier dans le cadre des conventions académiques de priorité éducative dont la durée est calquée sur celle des contrats de ville. N’hésitez pas à prendre l’attache du recteur d’académie lorsque la situation des écoles le justifie.
Dans le cadre de la nouvelle politique d’allocation des moyens annoncée à la fin de l’année dernière par la ministre de l’éducation nationale, ces écoles pourront donc bénéficier des dispositifs liés à la scolarisation des enfants de moins de trois ans, du dispositif « plus de maîtres que de classes et elles continueront à avoir un nombre d’élèves par classe plus bas.
Nous avons désormais un ciblage systématique de tous les dispositifs d’emploi – formation sur les QPV. On doit en lire la traduction dans les contrats.
Et il ne faut pas se laisser enfermer dans des « discussions quasi notariales » sur la quantification des moyens de l’Etat. Lorsque la comptabilité des moyens financiers n’est pas opérante car il s’agit de postes de fonctionnaires, de policiers ou d’enseignants, il faut aller sur des engagements de résultats. Lorsque les données financières ne sont pas disponibles au niveau communal ou intercommunal, je pense en particulier aux contrats aidés, il faut aller sur des engagements départementaux inscrits ensuite dans chaque contrat de ville.
Encore une fois, l’Etat doit être exemplaire pour pouvoir être en mesure d’aller chercher le droit commun des autres services publics. L’enjeu est tout aussi essentiel. Je vous rappelle en particulier que les Départements et les Régions se sont engagés en particulier à mobiliser 10 % des enveloppes FEDER/FSE qui leur sont déléguées en faveur des priorités thématiques et territoriales de la politique de la ville.
Là aussi, je voudrais donner quelques exemples de bonnes pratiques :
- en Loire Atlantique, le conseil départemental et le conseil régional ont pris des « lettres d’engagement » pour les contrats de ville de Nantes et Saint Nazaire ;
- en Maine et Loire, les contrats de Cholet et Angers bénéficient de « déclarations d'intentions » des partenaires, avec l’identification des interventions des villes, des communautés d’agglo, du Conseil Régional Pays de la Loire, du Conseil Départemental, de la CAF, de la CDC, d’un collectif inter-bailleurs en termes de moyens humains et financiers, de mise à disposition de statistiques, de production d’indicateurs, de gouvernance ;
- en Vendée, le contrat de Fontenay le Comte comprend l'engagement de la communauté de communes au titre de ses compétences en développement économique, politique du logement et du cadre de vie et accès aux soins.
Les actions et engagements financiers des collectivités au bénéfice des habitants des quartiers prioritaires devront dans un proche avenir être formalisés :
* Via le rapport politique de la ville que les collectivités territoriales devront présenter annuellement devant leurs assemblées délibérantes
* Le contenu de ce rapport est précisé par un décret actuellement en cours d’élaboration, en lien avec la DGCL et en concertation avec les associations nationales d’élus.
* Via l’état annexé au budget
* Un modèle d’état annexé au budget est actuellement en cours d’élaboration en concertation avec les associations nationales d’élus
Le CGET va mettre en ligne l’intégralité des référentiels sur la mobilisation du droit commun, incluant les fiches de bonnes pratiques.
J’en viens à présent à la troisième exigence fondamentale des contrats de ville : la prise en compte des trois piliers social, urbain et économique.
C’est fondamental car cela engage l’ambition d’avoir un contrat unique et intégré. Là où jusqu’à présent le développement social était traité dans les CUCS, le développement urbain dans les conventions ANRU et le développement économique dans le dispositif des ZFU, nous avons désormais un cadre unique.
Tous les contrats que nous avons examinés avec le CGET comportent ces trois piliers. C’est heureux. Je laisserai le soin à Raphaël Le Méhauté de préciser sur chaque thématique les points positifs et les points de vigilance.
Pour ma part, je souhaite insister sur les nouveaux projets de renouvellement urbain et sur l’enjeu du développement économique.
S’agissant de l’ANRU, la liste des projets nationaux a été officialisée par un arrêté que j’ai signé avec Patrick Kanner et qui est paru au Journal Officiel début mai. Cette liste des 200 projets nationaux de renouvellement urbain fait suite aux délibérations des conseils d’administration de décembre et mars dernier. Elle n’a pas bougé depuis le 16 décembre et concentre l’effort à plus de 80 % sur les quartiers présentant les plus lourds dysfonctionnements urbains.
Les projets régionaux sont pour la plupart déjà actés. Le CA de l’ANRU du 21 avril a statué sur les enveloppes financières accordées à l’ensemble des préfets de région, à l’exception de Rhône-Alpes et Ile de France qui seront examinés au prochain CA. Sans ces deux régions donc, 200 projets régionaux ont été présentés par les préfets de région. Cela montre que des besoins existent dans beaucoup de quartiers. Cela implique par ailleurs un travail de priorisation au sein de ces 200 projets régionaux pour concentrer l’effort, et un travail de mobilisation des partenaires lorsque les projets doivent faire appel d’abord au droit commun avant de solliciter les moyens spécifiques de l’ANRU.
Je tiens à vous signaler quelques évolutions notables qui seront prises lors du prochain CA qui se tiendra le 23 juin : nous nous apprêtons à approuver un nouveau règlement de l’ANRU et sommes actuellement au travail avec les services et les partenaires, notamment Action Logement et l’Union Sociale pour l’Habitat pour finaliser ce règlement. Ce nouveau programme devra conduire à une meilleure utilisation des financements apportés par l’ANRU aux projets afin notamment de privilégier ceux qui intègrent la dimension de la co-construction avec les habitants ainsi que la question de la mixité. Je veux plus de participation des habitants ; je veux aussi que nous soyons beaucoup plus exigeants sur la question de la mixité dans les quartiers. Il pourra d’ailleurs être question de moduler ces financements en partie sur la prise en compte de ces deux exigences : la participation et la mixité.
Je voulais également vous signaler que nous avons obtenu de la Caisse des Dépôt un pré financement d’un milliard d’euros pour s’engager deux ans plus tôt dans le nouveau PNRU. Pour mémoire, nous payons aujourd’hui encore le PNRU 1 et jusqu’en 2019. Ça limite notre champ d’action, notamment pour faire encore plus dans les quartiers et plus vite. Ce préfinancement va nous permettre d’engager sans délai les nouveaux projets.
Le développement économique et l’emploi à présent. C’est la priorité pour ce gouvernement. C’est ce qu’attendent de nous les habitants et notamment les jeunes de ces quartiers. Un habitant qui crée son entreprise, c’est un habitant qui crée son emploi et qui peut en créer d’autres derrière.
Vous le savez, le Gouvernement a souhaité transformé les ZFU en « Territoires Entrepreneurs » sur la durée des contrats de ville 2015-2020, pour expurger les effets d’aubaine et renforcer l’impact sur la création d’activités et d’emplois : le dispositif d’exonérations s’appuie désormais sur une stratégie de développement économique globale qui doit impérativement s’inscrire dans les contrats de ville. Il s’agit de mettre en place l’écosystème local favorisant le développement et la création des entreprises, en mobilisant tous les acteurs - collectivités territoriales notamment les Régions, chambres de commerce et d’industrie et chambres des métiers et de l’artisanat, réseaux d’accompagnement des créateurs - mais aussi les entreprises.
Nous devons davantage nous appuyer sur le bassin économique local. Pour cela je vous encourage à associer les acteurs économiques aux contrats de ville. De nombreux secteurs d’activités peinent à recruter aujourd’hui. Ces secteurs doivent être partie prenantes de nos contrats de ville. Vous pouvez pour cela vous appuyer sur le CREPI et FACE qui sont des partenaires incontournables pour vous. La signature de chartes locales entreprises et quartiers est à cet égard une très bonne initiative, comme c’est le cas à Evry, à Nantes, à Epinal, et dans beaucoup d’autres agglomérations.
Prenez l’exemple du numérique. De nombreux emplois ne sont pas pourvus. Et ce secteur d’activité est très dynamique. Il est même prometteur. Il l’est pour les jeunes – notamment des quartiers – dont beaucoup d’entre eux maitrisent les usages. Il a cet avantage de ne pas renvoyer à l’échec. 40 000 emplois pourraient être créés d’ici 3 ans. Je veux privilégier l'implantation de fabriques du numérique dans ces quartiers afin d'y développer des perspectives concrètes en matière d'emploi. Il faut que les entreprises qui relèvent de ce secteur d’activité nous rejoignent dans les contrats de ville. Et nous avons des outils et des dispositifs attractifs pour les y emmener. Une mission de préfiguration sur la « Grande Ecole du Numérique » annoncée par le président de la République rendra ses propositions en juin. Nous aurons à nous en saisir aussitôt pour que les premières fabriques du numérique puissent ouvrir leurs portes avant la fin de l’année.
Au-delà, nous avons mis en place un véritable arsenal pour favoriser la création et le développement des entreprises dans les quartiers, avec notamment le prêt Entreprises et Quartiers de BpiFrance ou encore les exonérations de CFE et TFPB pour les commerces de proximité. Ces commerces sont un enjeu essentiel pour la vie des quartiers et pour les besoins des habitants mais aussi pour l’attractivité économique locale afin d’attirer de nouvelles entreprises.
Beaucoup de projets entrepreneuriaux trouvent rapidement un premier financement et une identité juridique et peu trouvent ensuite les conseils et ressources nécessaires au déploiement, à la rentabilité et à la pérennisation de leur activité. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité se doter d’une agence pour le développement économique des territoires afin de proposer une offre d’accompagnement qui tiendra compte des spécificités locales, du profil des créateurs d’entreprises, de leurs difficultés particulières, notamment en termes de discrimination, de capital social ou de réseau. Une mission de préfiguration a été lancée en avril dernier. D’ici à la mi-juillet, la mission rendra ses conclusions ; nous vous en tiendrons informés.
Quatrième et dernière exigence incontournable des contrats de ville : la participation des habitants.
Ceux qui m’ont accueilli en déplacement le savent, je suis très attachée à la participation des habitants. Ils doivent nourrir notre réflexion et même notre action en faveur des quartiers. Nous devons être à l’écoute de leurs préoccupations et aussi des réalités vécues au quotidien.
A ce jour au moins 191 conseils citoyens ont été mis en place. C’est une tendance très positive.
Les contrats doivent impérativement prévoir les conditions de mise en place d’une participation effective des habitants, au travers de la mise en place des conseils citoyens. Lorsque ce n’est pas le cas, il faudra compléter le contrat avant la fin 2015. C’est une exigence incontournable.
Le contexte y aide : on n’a jamais autant parlé de la démocratie participative, de ce qu’on en attend, des difficultés qu’elle soulève et des potentialités qu’elle représente. Pas une semaine sans un séminaire, une réunion de travail, un colloque sur la question. C’est très bien. Une partie du chemin est d’ores et déjà parcourue.
Je sais que c’est difficile, cela demande du temps, de la pédagogie, de la conviction. Mais il faut rester exigeant et mobilisé pour que la dynamique engagée ne s’essouffle pas :
* Il faut veiller à être concret dans les contrats : qui, où, avec quels moyens, en fonctionnement, en formation, en assistance à maîtrise d’ouvrage
* Veiller à la place des jeunes et des associations de jeunes dans les conseils citoyens
* Dans le travail de pédagogie, bien faire passer le message que le Conseil citoyen ne vient pas ni concurrencer, ni assécher, ni se substituer à toutes les démarches déjà existantes. Il doit trouver sa place dans ce paysage, et devenir un moteur dans la construction d’une stratégie locale de participation.
C’est tout le sens que je veux donner aux conseils citoyens. J’ai présidé le 1er comité national de suivi s’est réuni le 30 mars dernier. Il est composé de représentants des principales associations d’élus (AMF, ACUF, ADCF, Ville & Banlieue), de 3 grands réseaux associatifs (la Fédération nationale des centres sociaux, le Comité national et de liaison des régies de quartier et la Coordination « Pas sans nous ».
L’UNADEL et les IRDSU étaient également présents, aux côtés des représentants des centres de ressources et de l’Association nationale des délégués du préfet ainsi que deux représentantes des préfets à l’égalité des chances et des sous-préfets ville.
Ce comité a formulé des préconisations que je souhaite partager avec vous – ou au moins quelques-unes d’entre elles :
* Rappeler les enjeux et les modalités de mise en place et composition des conseils citoyens et outiller les acteurs locaux ;
* Mobiliser le Service Civique : dans le cadre de leur mission, ces jeunes de 16 à 25 ans pourraient venir en appui aux conseils citoyens et participer au développement d’actions de citoyenneté dans les quartiers populaires ;
* Lancement d’une évaluation de la mise en oeuvre des conseils citoyens (fin 2015) ;
* Outils de communication mis à disposition des élus locaux, des responsables associatifs et des professionnels de la politique de la ville (dépliant et vidéo sur le site du Ministère afin de mobiliser les habitants à s’impliquer dans ces nouvelles instances).
J’aurais l’occasion dans les prochains jours de m’adresser aux 700 maires de la nouvelle géographie prioritaire pour leur faire part des attentes placées dans les nouveaux contrats de ville et la mise en place des conseils citoyens, et leur communiquer les décisions du CIEC que je vais détailler devant vous.
2- Les décisions du CIEC intéressant les quartiers de la politique de la ville.
Le comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté du 6 mars dernier a donné une nouvelle impulsion à la mobilisation gouvernementale. Les mesures prises par le CIEC, vont avoir un impact positif sur le quotidien des habitants. Patrick Kanner les a présentées dans son discours introductif. Je me concentrerai donc sur les trois séries de décisions qui intéressent tout particulièrement les quartiers.
1) Tout d’abord, le Gouvernement a fait le choix de s’attaquer aux « racines du mal ». Il s’agit, en lien avec Sylvia Pinel, la ministre du logement, de s’attaquer à la relégation sociale et territoriale dont sont victimes les habitants de ces quartiers, par une véritable politique de mixité dans la production, la répartition et l’attribution des logements sociaux, bref par une politique de l’habitat responsable.
Cette ambition implique la mobilisation de tous. Il y a urgence à imposer une meilleure répartition du parc social sur l’ensemble du territoire. D’une ville à l’autre la part du logement social peut passer de moins de 10 % à 60 %. C’est profondément injuste et c’est surtout intolrable.
Nous devons ensemble faire appliquer la loi. Nous devons contraindre les communes récalcitrantes à appliquer strictement la loi. La mobilisation des terrains disponibles et la reprise de l’instruction des permis de construire dans les communes hors-la-loi sont d’ores et déjà à l’oeuvre. Nous devons aller plus loin encore. Une action déterminée sur une offre de logement accessible au plus grand nombre, sur la mobilisation de logements existants ou sur les loyers, notamment dans les zones favorisées, doit également permettre d’ouvrir réellement le droit au logement pour tous, partout.
L’attribution des logements sociaux doit par ailleurs être plus transparente. Nous devons nous appuyer sur la généralisation des systèmes de classement des demandeurs selon des critères de priorité rigoureux et transparents.
Enfin nous devons ensemble plus et mieux accompagner les partenaires locaux. Je pense notamment aux bailleurs qui en contrepartie d’un abattement fiscal de 30 % sur leur TFPB, s’engagent à renforcer leur présence en matière de gardiens, de concertation avec les locataires, d'entretien et de sécurisation accrus des espaces communs et résidentiels, de réponse plus rapide quand un ascenseur est en panne ou leur coopération avec les forces de l’ordre qui est souvent un axe important des contrats de ville. Nous devons là aussi mieux accompagner les acteurs locaux pour que ces mesures soient connues des bailleurs et qu’ils s’en saisissent.
2) Deuxième série de décisions structurantes, le soutien au tissu associatif et la refonte de l’éducation populaire dans les quartiers. Le gouvernement a décidé de mobiliser des moyens supplémentaires afin de conforter les actions menées au profit des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Je vous demande de procéder dans les meilleurs délais à l’engagement des crédits qui vont vous être délégués et de vous assurer de leur consommation effective.
Les dotations complémentaires qui vous ont été allouées doivent bénéficier à tous les habitants des quartiers prioritaires. Elles n’ont pas vocation à corriger les enveloppes par contrat de ville qui vous sembleraient insuffisantes. Elles doivent être équitablement réparties en prenant en compte notamment les indicateurs objectifs proposés par le Commissariat général à l’égalité des territoires (population des quartiers prioritaires et potentiel fiscal effectif des EPCI et communes), et au-delà les situations locales que vous pouvez rencontrer.
3) La troisième série de décisions du CIEC intéressant tout particulièrement les quartiers porte sur l’amélioration concrète du quotidien des habitants.
Je n’insisterai que sur deux mesures qui illustrent pleinement la volonté d’offrir aux jeunes qui sont en situation de rupture un parcours adapté.
* En développant le « pack 2ème chance » expérimenté dans les ZSP du département du Rhône. Il s’agit de repérer les quelques dizaines de jeunes dans chaque quartier qui sont à l’origine d’un climat d’insécurité ou d’incivilités et de leur proposer des solutions sur mesure avec un coaching par le corps préfectoral.
Sans constituer une réponse massive à la question de l’emploi des jeunes des quartiers, la mise en place de cellules « deuxième chance » sous l’autorité directe des Préfets doit permettre de donner corps et visibilité au volet social des ZSP et d’afficher une réponse globale de l’Etat face à la délinquance.
* Une instruction conjointe pour vous aider à mettre en oeuvre ce dispositif est en cours d’élaboration au sein du CGET et devrait être adressée aux préfets d’ici la fin du mois de juin. Il ne s’agira pas pour nous, à travers l’instruction, de créer un modèle unique de « pack deuxième chance » mais de vous guider dans la démarche pour vous permettre d’adapter le dispositif en fonction des réalités territoriales.
* Et puis il y a aussi le principe du « tu casses, tu répares » : il s’agit là d’une mesure de réparation pénale à laquelle je suis très attachée. Avec la Garde des Sceaux, je souhaite à ce titre développer des conventions cadre au niveau national avec des entreprises privés. Il nous faut aller plus loin encore dans la prévention de la récidive dans les quartiers. Le développement des mesures de réparation pénale est une réponse. C’est une sanction éducative pour les jeunes. Et pour que la peine soit juste, il faut aussi qu’elle soit exécutée immédiatement.
Conclusion :
Toutes les décisions et dispositifs que nous venons d’évoquer visent à améliorer le quotidien des habitants. Nous devons toutes et tous avoir cet objectif à l’esprit. Nous devons changer le quotidien des habitants, redonner confiance dans l’action publique et dans la traduction concrète des politiques que nous menons dans les quartiers, en lien toujours avec les habitants dont la participation doit être encouragée.
La politique que nous mettons en oeuvre avec Patrick Kanner n’est possible qu’à travers une dynamique partenariale en lien avec les habitants, les élus, les associations, entreprises, les structures locales ; et c’est vous qui êtes chargés d’orchestrer cette mobilisation partenariale.
Lors de mes déplacements, je me réjouis de la présence des représentants des départements et des régions, de la caisse des dépôts, de la CAF, de Pôle Emploi, de l’ARS, de la DASEN, du procureur, de la CMA, des bailleurs. Souvent en présence des associations ou des conseils citoyens. C’est extrêmement positif. C’est la mobilisation de tous les acteurs, qui nous permettra de réussir ensemble avec les habitants des quartiers.
Et je sais pouvoir compter sur votre mobilisation pour faire connaitre et valoriser notre action avec les partenaires au plus près des territoires et de leurs habitants.
Source http://www.ville.gouv.fr, le 1er juin 2015