Texte intégral
PATRICK CHENE
Merci Thierry BRAILLARD d'avoir accepté notre invitation, on va faire un tour d'horizon de l'actualité politique dans quelques instants, mais je voudrais revenir d'abord sur ce projet de loi, qui crée un statut pour le sportif de haut niveau, et qui a été adopté, c'est assez rare, à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Alors, vous êtes parti du principe que 40 % des sportifs de haut niveau vivaient avec moins de 500 euros par mois, ce qui est quand même une surprise, qui a choqué, et vous avez voulu créer un statut pour ces sportifs, qui donnent souvent beaucoup au pays, en gagnant des médailles, et qu'on oublie peut-être un petit peu trop vite ensuite. Expliquez-moi d'abord, dans un premier temps, comment vous avez réussi à faire cette unanimité, est-ce que c'est le sujet, est-ce que c'est la manière dont vous l'avez abordé ?
THIERRY BRAILLARD
Déjà c'est une proposition, donc c'est une initiative parlementaire, qui a été prise notamment par Brigitte BOURGUIGNON, qui a été rapporteur du texte, et qui a amené, c'est vrai, tous les groupes à voter cette proposition. Pourquoi ? Parce qu'elle répond véritablement à une attente, des sportifs, à un besoin, et puis j'allais dire à une reconnaissance du pays par rapport à ce qu'ils nous apportent. Comme vous l'avez très bien dit tout à l'heure, il ne suffit pas simplement de se gausser, de les féliciter, une fois tous les 4 ans lorsqu'ils sont sur les podiums aux Jeux Olympiques, et sans oublier leur quotidien, et puis surtout, pour nombre d'entre eux, l'absence d'après. Et donc, par ce statut, que j'ai accompagné avec ce qu'on avait appelé, avec le président de la République, le Pacte de performance, c'est-à-dire amener des entreprises à aussi accompagner un sportif, pendant sa carrière, pour l'intégrer dans l'entreprise après la carrière. L'un plus l'autre, je pense qu'on a quand même fait avancer beaucoup le statut des sportifs.
PATRICK CHENE
Quand vous avez été nommé secrétaire d'Etat, je crois que c'était en avril, il y a un peu plus d'un an, c'est une des premières phrases que vous avez prononcée, vous avez dit « moi, si je veux laisser quelque chose, ce sera le statut des sportifs, je suis un peu révolté. » Qu'est-ce qui faisait que vous étiez révolté ?
THIERRY BRAILLARD
L'opinion publique méconnait totalement ce que sont les sportifs, trop braquée sur le footballeur professionnel, avec sa Ferrari et ce qui brille. Le quotidien d'un sportif, de haut niveau, c'est deux entraînements par jour, compétition le week-end, où que ce soit, c'est hôtel, lieu de compétition, hôtel, et je rentre, et à la fin du mois, souvent on n'est payé que par l'aide personnalisée que verse la fédération, donc on a 500 euros, un fois qu'on a payé sa colocation ou sa petite location. Et puis surtout, ce qui est encore plus grave, et ce qu'il y a dans le texte, c'est que comment on est assuré socialement, eh bien généralement, pour beaucoup, on prend une inscription dans une faculté, on ne suivra pas les études, mais au moins on sait que durant l'année on aura la protection sociale des étudiants. C'est ça la réalité des sportifs, et quand je vous parle de sportifs, je vous parle de vice-champions du monde d'escrime, de champions d'Europe de gymnastique, c'est ça la réalité des sportifs, méconnue du grand public. Donc, avec cette proposition, je crois qu'on a mis un coup de projecteur sur une réalité, et que, s'il y a unanimité, c'est véritablement que tout le monde s'est dit il faut les aider.
PATRICK CHENE
Alors, vous avez mouillé les entreprises dans cette affaire, comment persuader les entreprises que ces garçons, ces filles, qui consacrent tout leur temps à aller s'entraîner sous la pluie, matin et soir, à l'aube, souvent, ont les capacités pour aller apporter une plus-value à une entreprise ?
THIERRY BRAILLARD
Parce que depuis le plus jeune âge on leur apprend à performer, qu'ils sont des compétiteurs, et que, dans une entreprise, l'apport d'un sportif de haut niveau est une véritable plus-value. Vous savez, Patrick CHENE, ce soir il y a la première réunion de l'association de toutes ces entreprises, elles sont 67, et je peux vous dire qu'il n'y a pas eu un retour négatif depuis le début de cette opération, au contraire, au contraire.
PATRICK CHENE
C'est vrai que ce ne sont pas des footballeurs qui arrivent avec leur Ferrari, ce sont des gens qui ont une humilité, qui ont une ténacité.
THIERRY BRAILLARD
Au contraire, je n'ai que des satisfécits, des deux côtés, donc on est vraiment dans le gagnant/ gagnant, le sportif, parce que le contrat qu'il a pu signer lui apporte quand même un peu
PATRICK CHENE
Une perspective d'avenir surtout.
THIERRY BRAILLARD
Un peu plus d'argent, mais surtout une perspective d'avenir, par une intégration.
PATRICK CHENE
Alors, parlons des choses moins gaies dans le football, dans le sport pardon, j'ai mélangé, parce qu'il n'y a pas que le football, parlons de la FIFA avec cette affaire qui a fait beaucoup de bruit, parlons du procès qui a lieu actuellement pour des handballeurs qui auraient triché sur un match. Quel est le travail que vous pouvez faire, à votre poste, sur cette image du sport qui est quotidiennement écornée ?
THIERRY BRAILLARD
Travailler sur l'éthique, et le travail sur l'éthique il se fait à travers d'instruments, d'outils, d'organisations qui ont été mises en place par le passé, et que, bien sûr, moi je n'ai qu'à protéger, voire à mieux soutenir encore. C'est sur la lutte contre le dopage, avec l'Agence française de lutte contre le dopage, et vous savez que prochainement nous allons ratifier, par voie d'ordonnance, la modification du Code mondial antidopage, qui, j'allais dire, est encore plus dure contre ceux qui trichent, notamment parce qu'elle nous permettra de nous attaquer aux entourages. Et puis il y a la lutte contre les paris en ligne, avec l'ARJEL, qui a été mise en place, et qui fait un travail remarquable, qui tout de suite peut vous dire s'il y a des paris suspects, pour quel match, comment, ce genre de choses. Après, je pense qu'il ne faut pas mélanger les deux questions. Il y a le problème de la FIFA, qui est un problème
PATRICK CHENE
Ça m'amène à la gouvernance du sport, vous avez votre mot à dire
THIERRY BRAILLARD
Qui est un problème très grave, et on voit très bien qu'il y a maintenant des instructions, donc ça nous permet de ne pas trop rentrer dans les détails, mais qui montrent que l'argent peut parfois rendre fous des institutions. Pour ce qui est des paris en ligne, moi j'ai toujours dit qu'il y a quand même, dans ce pays, la présomption d'innocence, que trop souvent on l'oublie, que, hier, quand on voit l'évolution du procès, on se rend compte qu'on a cloué au pilori, avant même qu'il ait pu s'exprimer, Nikola KARABATIC, je ne sais pas ce que donnera l'issue de ce procès, et je n'ai pas du tout à influer, quel que soit Mais il faut raison garder, se méfier d'être procureur ou juge, laissons les procureurs et juges faire correctement leur travail.
PATRICK CHENE
Alors, le 5 mai est une date très sombre pour la Corse, avec la catastrophe de Furiani, il y a eu une polémique, assez malheureuse, les Corses se disant « tiens, si ça s'était passé ailleurs, peut-être ce 5 mai serait un peu sanctuarisé. » Et ils ont une sorte d'aigreur par rapport à cela, notamment par rapport à la présidence de la Ligue de football, qui continue à faire jouer des matchs comme si rien n'était, ce fameux 5 mai, où de nombreuses personnes avaient trouvé la mort et des centaines de personnes avaient été blessées, et portent encore les stigmates de ces blessures dans leur corps aujourd'hui. Vous avez décidé de vous attaquer à cette date du 5 mai, si j'ose dire attaquer.
THIERRY BRAILLARD
Oui, 19 morts, 2300 blessés, c'est vrai que c'est un dossier qui a trainé et je reconnais que les Corses ont parfois eu raison de se sentir un peu pas reconnus à la hauteur de l'événement tragique qui a eu lieu. C'est un drame national, ce n'est pas un drame Corse, c'est un drame national, il faut le dire, et rien que de le dire déjà, symboliquement, ça a une portée. Et puis, après, il faut avoir des mesures, donc j'ai dit que nous allions poser une plaque commémorative au ministère des Sports, ce qui veut dire que chaque année il y aura cette commémoration, obligatoire. Et puis, parce que vous savez quand même que les calendriers sportifs ne sont simples, avec notamment les coupes d'Europe et ce genre de choses, j'ai proposé que symboliquement le samedi 5 mai, donc ce sera 2018, il n'y ait aucun match, ce jour-là, au niveau national, dans le monde professionnel et dans le monde amateur. C'est une mesure très forte, que j'ai bien sûr discutée au préalable avec Noël LE GRAËT et Frédéric THIRIEZ, donc j'attends que le Collectif du 5 mai me dise ce qu'il en pense, la collectivité de Corse, avec Paul GIACOBBI, va se prononcer sur ces propositions à travers un voeu, et fin juillet j'espère que toutes les parties auront accepté cela et qu'on pourra commémorer, comme il se doit, ce terrible drame de Furiani.
PATRICK CHENE
Dix-neuf morts dans un stade de football, c'est vrai que
THIERRY BRAILLARD
C'est incroyable !
PATRICK CHENE
Peut-être y penser un peu plus souvent. 490 millions de budget pour le Paris-Saint-Germain, 120 pour Lyon, 105 pour Marseille, il y a un creux énorme entre ces clubs, ce n'est pas votre travail j'allais dire.
THIERRY BRAILLARD
Non, non, ce n'est pas mon travail, et le problème c'est qu'il faut aussi voir ça au niveau européen. Donc, vous savez que, vous m'aviez déjà invité par le passé pour parler du fairplay financier à l'époque, quand j'étais parlementaire, et qu'on avait fait un rapport sur ce point. Je crois que, aujourd'hui, les choses vont quand même bien mieux dans l'équilibre général du football international, avec l'arrivée de lourds investisseurs. C'est pour ça que je vais d'ailleurs mettre en place un groupe de travail, avec les ligues, j'ai l'accord de Patrick WOLFF qui dirige les ligues nationales professionnelles de sport, rugby, foot, pour réfléchir à, quand même, sauvegarder le patrimoine sportif français lorsqu'il y a l'arrivée d'investisseurs étrangers dont on n'a pas une parfaite connaissance. Donc, c'est une vraie réflexion. La vente du club de Sochaux m'a fait beaucoup réfléchir à cela, puisque dans le même temps j'assistais
PATRICK CHENE
A des Chinois.
THIERRY BRAILLARD
A des Chinois qui produisent des ampoules, à Led, alors que dans le même temps j'assistais à la finale de la coupe Gambardella, donc des U19, en football
PATRICK CHENE
Moins de 19 ans, pour les non-spécialistes.
THIERRY BRAILLARD
Voilà, excusez-moi, et c'est Sochaux qui l'emportait. Donc on sait que Sochaux a un centre de formation formidable, que c'est un club historique, qui fait partie du patrimoine sportif français, donc on va réfléchir à cela. On aura des propositions, je pense, très concrètes à faire.
PATRICK CHENE
On va venir un peu à l'actualité. Est-ce que vous mangez du Nutella ?
THIERRY BRAILLARD
Mes enfants en mangent, trop, parce que c'est vrai que c'est bon, mais je crois qu'il faut, comme tout, user mais ne pas abuser.
PATRICK CHENE
On fait allusion ici, évidemment, aux positions de Ségolène ROYAL
THIERRY BRAILLARD
J'ai compris.
PATRICK CHENE
Qui a dû faire machine arrière hier. Je voudrais revenir plutôt que l'impôt à la source. Est-ce que ça vous semble une mesure attendue par les Français, souhaitable, nécessaire, que vous allez soutenir ?
THIERRY BRAILLARD
Bien sûr. D'une part, je suis dans ce gouvernement, donc je suis loyal, et en plus c'est une mesure, moi, que je soutiens depuis très très longtemps. Il va falloir faire de la pédagogie. Il faut tout de suite arrêter les commentaires, dire que c'est un effet d'aubaine, qu'on fait ça parce qu'il y a les élections présidentielles, enfin je veux dire, dans ce pays on ne peut plus rien faire sans que tout de suite on voit la théorie du verre à moitié vide, donc moi je vais vous parler du verre à moitié plein. Nous sommes le seul pays, aujourd'hui, hormis la Suisse, mais le seul pays à ne pas le faire, et que pour beaucoup de Français, ça ne changera pas grand-chose, puisque je fais partie de ceux-ci, moi je paye mensuellement, donc, j'allais dire, ça ne va pas faire une grande révolution, donc il faut arrêter, et voir plutôt les choses positivement lorsque
PATRICK CHENE
On ira jusqu'à demander à l'employeur de le faire, j'entends déjà des voix dire « ah ça sera peut-être mieux les banques, parce qu'il ne faut pas que l'employeur sache que », alors que les autres le font.
THIERRY BRAILLARD
Mais ça se fait partout, ça se fait partout ailleurs, pourquoi on ne serait pas capable de le faire, nous, la France ?
PATRICK CHENE
Je voudrais parler un peu de votre parti, Parti Radical de Gauche, et de votre président, il était à votre place il y a deux semaines ici, je l'ai trouvé un peu, je vais dire désabusé, pardon, en perte de vitesse, il a été battu aux sénatoriales, il ne reste que six sénateurs, sauf erreur de ma part, PRG
THIERRY BRAILLARD
On a gardé un groupe quand même.
PATRICK CHENE
Oui, d'accord, avec des alliances. Il a été écarté de la présidence de son département historique, du Tarn-et-Garonne. Qu'est-ce qui se passe avec Jean-Michel BAYLET, il va garder la présidence du parti, il est usé, il veut passer à autre chose ?
THIERRY BRAILLARD
Moi je ne sais pas. Je pense, et c'est ce que j'ai dit, nous avons un congrès en septembre, où on doit renouveler les instances, et c'est vrai qu'il y a 3 ans il avait annoncé, à la tribune du congrès de Paris, que c'était son dernier mandat, et qu'il réfléchirait à trouver, ou à proposer une ou un successeur, donc on va voir dans les semaines qui viennent comment les choses vont se passer. Moi je crois que l'intérêt c'est de savoir plutôt quel est le rôle du PRG au sein de la majorité gouvernementale.
PATRICK CHENE
C'était ma question suivante, est-ce qu'aujourd'hui vous avez un rôle ?
THIERRY BRAILLARD
Faut-il vous rappeler, Patrick CHENE, qu'au gouvernement, aujourd'hui, il n'y a que deux partis, le Parti socialiste et le Parti Radical de Gauche, et que la politique menée par le Premier ministre, et le président de la République, que nous soutenons, c'est la nôtre, et donc nous en serons garants des résultats, dont nous avons la certitude, qui, à terme, seront positifs en matière de chômage, en matière de relance de la croissance. Donc je crois qu'il faut qu'on joue notre place, toute notre place, et que les socialistes se rendent compte que, quand on a un allié aussi loyal et aussi fidèle, ça compte.
PATRICK CHENE
Vous êtes un peu agacé, comme Monsieur BAYLET, du fait que les socialistes, parfois, vous oublient un petit peu ?
THIERRY BRAILLARD
Oui, il a raison Jean-Michel BAYLET, bien sûr, je trouve que les socialistes, parfois, ne nous traitent pas à la hauteur de ce que nous faisons, et on a le sentiment que mieux vaut les critiquer, mieux vaut dire du mal de la politique, pour être reconnu.
PATRICK CHENE
Vous pensez aux frondeurs ?
THIERRY BRAILLARD
Je pense, entre autres, aux frondeurs, mais pas qu'eux.
PATRICK CHENE
Quelles sont vos ambitions personnelles, quel est votre chemin dans la politique ? Est-ce que, par exemple, la présidence du Parti Radical de Gauche vous intéresse ?
THIERRY BRAILLARD
J'ai dit que je ne m'interdisais rien et que je n'ai pas encore pris de décision. Vous savez, je crois qu'il ne faut pas parler en termes d'ambitions, car les Français qui nous regardent, après, pensent qu'en fin de compte on a un cahier, où on a chaque page écrite et on sait déjà où on veut aller, que le reste n'importe peu. Moi, comme je vous dis, je suis passionné par ce que je fais au sein du gouvernement, en plus je fais quelque chose qui me touche beaucoup, je fais de l'humain, et quand on parlait au début de cette interview du statut du sportif, derrière l'aspect juridique, derrière l'aspect légal, derrière l'aspect social
PATRICK CHENE
C'est un peu la marque du PRG, ça, de toujours garder ce côté humaniste ?
THIERRY BRAILLARD
Bien sûr, les Radicaux ont été les premiers humanistes, vous connaissez notre philosophie, et donc ça me passionne, et de voir que je change, à travers tout ce qu'on fait, la vie de personnes, comme des sportifs de haut niveau qui vont porter des médailles à Rio, quelque part ça suffit à mon bonheur chaque matin.
PATRICK CHENE
Présidence du PRG, puis mairie de Lyon, est-ce que je caricature ?
THIERRY BRAILLARD
Et pourquoi pas la présidence de la République ?
PATRICK CHENE
Allez, c'est parti ! Merci en tout cas Thierry BRAILLARD de nous avoir rendu visite ce matin, je rappelle que vous êtes secrétaire d'Etat aux Sports.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 juin 2015