Déclarations de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les relations de la France et de la Russie, notamment les relations culturelles, économiques et commerciales, le partenariat entre l'Union européenne et la Russie, les relations de la Russie avec l'Alliance atlantique, Moscou les 30 et 31 octobre 1997.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voyage de M. Lionel Jospin en Russie du 30 octobre au 31 octobre 1997

Texte intégral

Allocution devant la communauté française, à Moscou (Russie)
Mes chers compatriotes,
Mesdames , Messieurs
C'est une grande joie pour moi en tous cas de me retrouver parmi vous ce soir et croyez que je suis sensible au fait que vous soyez venus si nombreux.
J'ai réservé à la Russie ma première visite, dans mes présentes fonctions, hors de l'Union européenne. L'occasion m'en était offerte, un mois après la visite d'Etat effectuée par Monsieur le Président de la République, par la Commission mixte économique, qui se réunit périodiquement au niveau des Premiers ministres et qui permet de procéder à un échange de vues approfondi sur l'ensemble des questions bilatérales, notamment dans le domaine économique, mais aussi de progresser dans le dialogue et l'établissement d'un partenariat diversifié entre la France et la Russie.
Sont également venus à Moscou avec moi le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Dominique Strauss-Kahn, le ministre des Affaires étrangères, qui lui est là, Hubert VÉDRINE, plusieurs parlementaires impliqués dans les relations avec la Russie, des personnalités culturelles et aussi un nombre appréciable de chefs d'entreprises qui ont ici des intérêts et des projets. Je saisis cette occasion pour les remercier devant vous d'avoir effectué ce déplacement avec moi. Leur présence contribuera de manière décisive à la réussite de cette visite.
J'ai déjà eu un entretien cet après-midi avec le Président Eltsine et avec le Premier ministre M. Tchemomyrdine. Dans les deux cas, j'ai pu constater à quel point la volonté de développer de bonne relations avec l'Union européenne mais en particulier la France était forte du côté russe. Je leur ai indiqué, pour ma part, que la France suivait avec beaucoup d'intérêt le vaste mouvement de réformes actuellement en cours en Russie et qu'elle comptait bien être présente aux côtés du peuple russe dans la période encore difficile de transition qui s'ouvre à lui.
Mesdames et Messieurs,
La présence française ici, c'est d'abord sur vous qu'elle repose.
Depuis les récits du siècle dernier, un séjour en Russie est toujours assimilé, plus ou moins, dans l'esprit de nos concitoyens restés en France, à une aventure, une expérience pleine d'imprévus et de difficultés, mais aussi lié à une page de vie marquée d'impressions fortes et souvent d'une fascination définitive pour ce pays. Sans doute ce caractère unique de la Russie tient-il à ces espaces magnifiques et déroutants, à ce peuple rude mais chaleureux, à ce climat qui confère à la campagne russe, quand il la couvre de neige et de glace, sa majesté. Il faut ici des caractères bien trempés. Cela est, j'imagine, le cas pour vous.
C'est pourquoi je tiens à rendre hommage à vos efforts en faveur du rapprochement franco-russe. C'est votre dynamisme, c'est votre esprit d'ouverture et de conquête, votre ténacité et votre sérieux que je m'efforce, d'une certaine façon, de faire passer à notre jeunesse en France. Le Monde est entré dans une période de bouleversements accélérés, souvent pacifiques heureusement, mais néanmoins considérables. Il n'y a pas de positions acquises. Désormais, tout est en mouvement.
Nous voulons que dans ce Monde la France soit respectée, considérée comme une grande Nation et poursuive son ambition naturelle d'être présente partout où se créent les richesses, où éclosent des idées et émergent les acteurs de demain. Pour cela, il faut que nos compatriotes rejettent toute frilosité et investissent, sans complexe et avec enthousiasme dans tous les nouveaux lieux de compétition où des positions sont à conquérir. Vous l'avez fait et je voudrais vous dire l'estime que vous portent nos compatriotes restés en France.
Je voudrais vous assurer de toute l'attention des pouvoirs publics français pour soutenir votre présence et votre action. J'ai proposé il y a quelques mois devant la représentation nationale française la définition d'un nouveau pacte républicain pour rompre avec la peur du lendemain, pour retrouver la confiance entre les gouvernants et le peuple souverain qui scelle le contrat démocratique, pour mettre notre pays en mesure de retrouver la croissance, et avec elle le chemin de l'emploi et de l'équité sociale.
Soyez assurés de la détermination du Gouvernement à associer nos compatriotes expatriés à ce nouveau pacte.
Une des difficultés essentielles de l'expatriation, mais une condition de sa réussite, est la scolarisation des enfants. Nous sommes l'un des rares pays à avoir constitué, à travers le Monde, un réseau exceptionnel d'écoles et de lycées afin d'assurer l'éducation des enfants expatriés, mais également d'offrir à des jeunes étrangers la possibilité de se former dans notre langue, au plus près de notre culture. Ces établissements coûtant cher, mais je suis persuadé qu'il n'y a pas d'investissement plus judicieux à long terme et d'instrument plus efficace pour notre rayonnement. A Moscou, grâce à l'aide des autorités russes - le Président Eltsine comme M. Loujkov, maire de Moscou - le bâtiment qui abritait l'école française avant la révolution va être remis à notre disposition. Ce geste hautement symbolique, qui a pris la forme d'un accord que j'ai signé avec M. Tchemomyrdine, nous permettra de disposer, dans le c_ur historique de Moscou, d'un établissement dont j'espère qu'il deviendra un haut lieu de la pédagogie et de l'exigence intellectuelle, pour les jeunes français comme pour les élites russes de demain.
Une autre préoccupation permanente des communautés expatriées est la sécurité, et je pense là évidemment aux quatre français volontaires de l'Organisation humanitaire Equilibre, qui sont toujours détenus dans la région du Caucase, avec des nationaux de plusieurs autres pays. J'en ai parlé déjà avec le Président Eltsine. J'ai abordé ce thème avec le Premier ministre, j'y reviendrai demain. Nous combinons tous nos efforts et j'espère qu'ils pourront très bientôt, comme M. Christophe André, volontaire de Médecins sans frontières, retrouver sains et saufs leurs familles en France.
Mesdames et Messieurs,
Vous êtes, aux côtés de notre Ambassadeur, de ses collaborateurs, les représentants de la France, les acteurs de sa présence et de son rayonnement en Russie. Que ce soit dans l'économie et les finances, dans l'éducation et la culture, dans les médias et les divers services de l'Etat, chacun d'entre vous apporte sa pierre à l'édification d'une relation franco-russe durable et forte.
Mais quel est au fond notre projet pour cette relation ? Il est assurément ambitieux.
Au cours du demi-siècle écoulé, pour écarter le spectre de la guerre, la France a porté son effort principal sur la réconciliation franco-allemande et l'intégration politique et économique de l'Europe occidentale. Nous avons connu à cet égard une réussite exemplaire et les quinze États de l'Union Européenne vivent aujourd'hui en paix, dans un ensemble ouvert et prospère qui ne cesse de s'intégrer davantage - je pense à la future Union économique et monétaire - et qui bientôt s'élargira encore, notamment vers l'Est. Car la fin des blocs conduit logiquement à engager le dialogue avec les pays d'Europe centrale et orientale afin de leur ouvrir cet espace de prospérité et de coopération. La Russie se préoccupe, légitimement, de sa place dans la nouvelle architecture européenne qui se dessinera autour de cette Union Européenne élargie .
Je suis venu dire ici que nous voulons avec la Russie nouvelle des relations denses, amicales, chaleureuses. Nous n'avons pas dénoncé avec constance la fracture qui a trop longtemps divisé l'Europe comme espace de civilisation pour en édifier une autre. Nous n'oublions pas ce que la Russie a apporté à la Culture, à la civilisation européenne, qu'elle est depuis des siècles un acteur à part entière de la scène politique et économique du Continent. Les évolutions d'aujourd'hui, qui vont vers l'ouverture et la coopération, n'ont pas lieu de l'inquiéter, mais offrent au contraire à la Russie des chances nouvelles.
C'est pourquoi les préoccupations russes devant la perspective de l'élargissement de l'OTAN qu'exprimaient encore il y a un instant le Premier ministre doivent être prises en compte. Et je crois que l'Acte fondateur signé à Paris et le conseil conjoint qui a été créé permettront l'expression de ses préoccupations dan un dialogue confiant. Avec le Président de la République, le Gouvernement s'attache à ce que, sur tous les grands dossiers internationaux, la France et la Russie aient des échanges de vues suivis et fassent converger leur action. L'expérience prouve d'ailleurs que nos positions de principe, les fondements de notre action internationale, sont maintenant très proches. Le même efforts de concertation politique permanente a été engagé avec la Russie par l'Union Européenne, dans le cadre des procédures de la politique extérieure et de sécurité commune. Gageons qu'il ira en s'amplifiant.
Mais, c'est l'imbrication économique qui sera sans doute la plus déterminante pour l'avenir, et la plus tangible en résultats pour les populations. A cet égard, l'insertion de la Russie dans l'ensemble européen est une réalité : 34,5 % de ses importations proviennent aujourd'hui de l'Union Européenne. Ces chiffres sont trop peu connus et occultés par l'attention prêtée à quelques frictions marginales. En réalité, c'est, selon les termes de l'accord de partenariat et de coopération " conclu en 1994, un véritable partenariat à long terme qui doit s'instaurer entre l'Union et la Russie. Les mécanismes ont été créés pour cela, l'intérêt est commun : il faut à présent la confiance et la volonté réciproques qui naissent d'une perception réelle des enjeux.
Face aux bouleversements de l'économie russe, la France a pris, il faut le dire, quelque retard, et nous ne saurions nous contenter des 3 % de part de marché qui sont les nôtres. Heureusement, les évolutions des deux dernières années sont plus favorables puisque nos échanges progressent à un rythme annuel de 20 % et plus. Le nombre de nos entreprises représentées et le volume de nos investissements croissent également, signe que la confiance dans les perspectives de ce pays, et en nos propres capacités, se renforce. Mais c'est à vous, cadres expatriés des entreprises, qu'il revient de prospecter ce marché jusque dans les provinces les plus lointaines, de saisir les occasions qui se présentent dans les provinces les plus lointaines, de saisir les occasions qui se présentent, et aussi de prouver à vos sièges parisiens que l'on peut faire des affaires en Russie et que ce pays comptera à l'avenir, comme marché et comme partenaire scientifique et industriel.
Je me réjouis aussi que les médias français soient de plus en plus présents en Russie, car ils contribuent puissamment à une meilleure connaissance réciproque, et aussi à susciter des vocations nouvelles d'expatriation. De même, je salue nos compatriotes qui exercent ici leur activité dans le cadre d'organisations internationales ou d'entreprises étrangères dans lesquelles ils font la preuve de leurs compétences et de leurs qualités.
Nos efforts pour accompagner la Russie dans sa transformation. Ce pays a une longue histoire, de très anciennes traditions, un fort enracinement dans sa terre et sa fierté nationale. Les célébrations du 850ème anniversaire de la ville de Moscou l'ont montré. Tout cela, les Français le comprennent. Nous respectons la Russie et souhaitons restaurer le dialogue entre nos deux cultures. Nous consentons pour cela un effort important et disposons désormais d'un réseau de 34 attachés linguistiques, lecteurs et assistants organisés autour de 9 antennes régionales. Nous aidons par des subventions des éditeurs russes à publier des auteurs français du XXème siècle, comme nous aidons les bibliothèques et créons des salles de lecture françaises ou franco-allemandes. Le Centre Culturel de Moscou développe ses activités.
Mais c'est évidemment dans le domaine de la formation des hommes que notre apport à la mutation de la société et de l'économie russes peut être le plus effectif. Nous répondrons bien sûr à l'appel du Président Eltsine en ce sens, et j'espère que beaucoup d'entreprises françaises seront candidates pour accueillir en stage des cadres russes.
Je pense d'ailleurs à cet égard que la réussite qui vient de se produire pour le lancement d'Ariane 5, la deuxième génération des Arianes, qui vous savez avait connu un échec qui nous avait préoccupé, et qui vient, semble-t-il, le temps est suffisamment passé maintenant pour qu'on puisse penser que tout est en ordre et en élipse, nous venons donc de remporter un très grand succès pour la France, très grand succès pour l'Europe, très grand succès pour le CNES, dont le Président je crois nous rejoindra demain. Et je pense que cela porte témoignage de la qualité de nos chercheurs, de nos ingénieurs, de nos techniciens de l'industrie et de la recherche française et européenne. Je voulais donc me réjouir devant vous de ce succès extrêmement prometteur pour l'avenir. Je pense que cela conduira d'autant plus de cadres russes à avoir envie d'aller dans des entreprises françaises qui j'espère se feront accueillantes à ces hommes et à ces femmes, parce qu'il s'agit des élites de l'avenir.
Mesdames, Messieurs,
Je suis venu ici pour renforcer les fils de la longue tradition des relations franco-russes, et pour confirmer à mes interlocuteurs que la Russie avait toute sa place dans la nouvelle architecture européenne. Cet immense pays s'est engagé, avec courage et détermination, dans la voie d'une renaissance qui en fera un partenaire majeur du siècle prochain.
Comme vous, j'aime ce grand peuple et je voudrais que les Français soient nombreux à aller vers lui. Mes voeux nous accompagnent donc dans votre tâche quotidienne. Soyez assurés de mon soutien pour faire progresser ensemble et avec vous l'amitié et l'entente franco-russes.
Vive la République !
Vive la France !
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 22 juin 2001)
Dîner à la résidence
Monsieur le Premier vice-Premier ministre,
Messieurs les Membres du gouvernement russe,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de vous dire le grand plaisir que j'ai eu, ainsi que les ministre français et les hommes d'affaires qui m'accompagnent, à faire votre connaissance et à passer cette soirée avec vous.

Après les entretiens que j'ai eus cet après midi avec le président Boris Eltsine et le Premier ministre Victor Tchernomyrdine, j'ai mesuré à nouveau, ce soir, la force que représente pour la Russie une équipe dirigeante étroitement soudée, avec un projet politique ambitieux pour son pays.

Nous sommes impressionnés par l'ampleur des transformations qui sont engagées chez vous. Celles-ci imposent bien sûr d'immenses sacrifices au peuple russe. Mais les réformes sont les conditions du redressement et de la prospérité à venir. Je souhaite leur plein succès.

Nous aurons demain, avec M. Tchernomyrdine, à pousser notre coopération bilatérale. Mon gouvernement et les hommes d'affaires français, ceux qui sont ici ce soir et les autres, sont tout à fait résolus à y contribuer. Je me réjouis que vous y soyez vous aussi très attachés.

Je lève mon verre en votre honneur, Monsieur le Premier vice-Premier ministre, et en celui des autres membres du gouvernement russe, ainsi qu'au succès de la Russie et à notre amitié./.

(Source http://www.doc.diplomatie.gouv.fr, le 22 juin 2001)
Conférence de presse, à l'Hôtel Président à Moscou (Russie)
le 31/10/1997,
Monsieur Le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les journalistes,
Je suis très heureux de cette occasion qui m'a été donnée par la Commission mixte économique franco-russe de venir pour la première fois, en tant que chef du Gouvernement, en visite officielle à Moscou, inscrivant cette rencontre dans le prolongement de la visite d'État du Président de la République.
Ce type de Commission à dominante économique, mise en place par le Premier Ministre TCHERNOMYRDINE et mon prédécesseur, M. Alain JUPPE, est pour la France exceptionnelle. Elle n'a pas d'autre exemple. Pour la Russie, elle est limitée à deux autres pays à ce niveau de responsabilité : les États-Unis et la Chine.
Dans le cadre de cette visite, et au-delà des travaux mêmes de cette Commission, j'ai pu renouveler auprès des autorités russes, et notamment du Premier Ministre, le soutien du Gouvernement français aux réformes engagées par l'exécutif russe mais auquel s'attelle toutes les couches, tous les milieux de cette société, de ce grand pays.
J'ai aussi affirmé la volonté qui est celle de la France d'aider la Russie à retrouver sa place, ou peut-être même à trouver sa place dans l'économie mondiale, notamment dans ses organismes multilatéraux.
J'ai enfin pu apprécier le caractère pratique et concret des travaux menés par les Premiers Ministres dans le cadre de la Commission mixte. Pour la première fois, nous avons pris l'initiative d'avoir des contacts, non seulement avec le niveau fédéral, mais aussi avec des Présidents et Gouverneurs de régions de la Fédération de Russie. C'était une première, dont l'idée je crois reviens à notre ambassadeur, qui a été acceptée bien sûr par nos hôtes russes. Elle a été je crois appréciée par nos interlocuteurs, par les chefs d'entreprises qui nous accompagnaient. Je peux vous dire que pour la délégation qui est avec moi, cela a été tout à fait intéressant.
Ces rencontres notamment dans ce déjeuner de travail, à midi, nous ont donné un sens de la profondeur, l'approche de l'espace russe, une mesure aussi de la construction originale sur le plan politique et administratif qui s'opère entre l'échelon central et ses échelons fédérés, et cela aidera je pense les entreprises françaises à mieux savoir à qui elles s'adressent pour faire avancer les projets de façon positive, direct et sans doute plus rapide.
En ce qui concerne cette commission, j'ai tout à fait apprécier le fait que, notamment cet après-midi, ce soit en commun et ensemble que des responsables politiques, des autorités d'État et des chefs d'entreprises puissent nouer des dialogues, poser leurs problèmes, exposer leurs difficultés, exprimer leur satisfaction de ce qui réussi et avancer leurs espérances. Nous avons de ce point de vue travaillé de façon tout à fait positive. Cela débouche sur la conclusion d'un certain nombre d'accords concrets qui vous ont été apportés à travers notamment les signatures, mais dont d'autres seront encore signés demain, très importants, qui concernent l'usine Renault. Nous avons donc débouché sur toute une série de contrats très importants, dont la liste vous sera donnée par écrit de façon à faciliter votre travail.
Je veux remercier le Premier Ministre TCHERNOMYRDINE de la cordialité avec laquelle il m'a accueilli. Nous faisions connaissance, comme j'avais l'honneur de faire connaissance avec le Président ELTSINE. Je crois que nous avons l'un et l'autre eu l'idée que nous étions deux hommes directs dans notre façon de parler. Je ne doute pas que, pour des rencontres que nous aurons, dans les années qui viennent, nous puissions nous aussi nouer une relation féconde et travailler à l'intérêt de nos pays et au développement de l'amitié entre la France et la Russie.
En tous cas, nous avons dit que la prochaine session de cette Commission se tiendrait en France, sans doute à Paris, nous en déciderons ensemble, et vraisemblablement, en tous cas c'est une hypothèse qui pourrait convenir au Premier Ministre, au mois de mai.
Question : Ces derniers temps, le GAZPROM et les compagnies d'État ont des discordes avec les États-Unis sur le contrat avec l'Iran quant à l'élaboration des jugements respectifs. Quelle est l'attitude en France, votre attitude personnelle et votre attitude à l'égard de la loi de Matt KENNEDY ?
Réponse : j'ai eu l'occasion de m'exprimer en France sur ce sujet, comme d'ailleurs l'a fait aussi le Président de la République française. Et nous l'avons fait de la même manière. D'abord l'entreprise Total, dans sa coopération avec GAZPROM, détermine librement sa politique commerciale et signe des contrats. C'est ce qu'elle a fait. Ensuite, il n'y a aucune règle internationale aujourd'hui qui fasse peser un interdit sur les relations commerciales avec l'Iran. Enfin, il est clair que si la législation américaine s'applique légitimement aux entreprises américaines, je parle pour les français, il n'est pas question pour nous d'accepter que la législation américaine puisse s'appliquer aux entreprises françaises ou aux français. En sorte que cet accord a été signé librement par une entreprise. L'État a eu à en connaître. Il l'approuve et je pense que tout cela doit être apprécié de façon raisonnable par nos amis américains. C'est l'impression que j'ai eu de leur réaction. En tous cas en ce qui me concerne, je m'en tiendrai au principe de raison. Ce n'est pas d'ailleurs une position personnelle. C'est la position que partagent les autorités françaises, donc c'est la position de la France.
Question : j'aimerais savoir si vous avez parlé de la situation en Irak, et en particulier de la l'expulsion des experts américains des Nations-Unies. Quelle est votre position à ce sujet ?
Réponse : nous l'avons évoqué brièvement parce que nos entretiens étaient à dominante économique. Nous l'avons évoqué brièvement parce que la situation n'apparaît pas encore comme tout à fait certaine dans ses développements. Enfin, je pense que le Ministre des Affaires Étrangère français, demain matin, aura l'occasion avec son homologue, le Ministre PRIMAKOV, qui est de retour du Proche-Orient, de discuter ensemble des problèmes internationaux que la France et la Russie ont en commun. Naturellement, nous tirerons profit du voyage de M. PRIMAKOV pour avoir son sentiment sur un certain nombre de sujets, et sans doute évoqueront-ils cette question. Nous suivons cette question de près aux Nations-Unies. Nous pensons que l'Irak ne peut se dérober à ses obligations internationales au regard des résolutions au Conseil de sécurité, au regard de la loi commune fixée par la Communauté internationale, par l'Organisation des Nations-Unies, y compris quand elle comporte des sanctions ou des régulations. Nous souhaiterions que l'Irak puisse retrouver sa place dans la Communauté internationale. Cela suppose que ce pays applique les résolutions qui le concernent. C'est donc une évolution que nous trouvons négative, que nous regrettons . Je pense que ce n'est pas dans ce sens que l'Irak devrait s'orienter. Et nous, nous avons plutôt fait des efforts dans le respect des résolutions des Nations-Unies pour que la situation évolue des deux côtés. C'est donc quelque chose qui nous préoccupe. Naturellement, je précise, si cela a besoin d'être précisé, que le fait que l'Irak veuille exclure des visites des experts américains ne serait en aucun cas être accepté.
Question : Combien de temps faudra-t'il pour doubler le chiffre d'affaires dans le commerce entre les deux pays, étant donné que le commerce entre la France et la Russie doit subordonner au règlement de la Commission Européenne, par exemple dans le domaine du textile, où la situation reste très difficile ?
Réponse : Dominique STRAUSS-KAHN, qui n'est pas simplement le Ministre de l'Économie et des Finances, mais un expert en mathématiques, vous dirait en combien d'années un commerce qui augmente désormais de plus de 20 % par an peut être doublé. Cela va beaucoup plus vite qu'on ne le croit si on fait des calculs sur, comme on dit, les intérêts composés. Je crois que l'objectif qu'ont fixé les deux Présidents est un objectif ambitieux, mais c'est un objectif logique. Donc, c'est à nous, par le travail que nous accomplissons, c'est par l'énergie, l'investissement sur cet objectif des chefs d'entreprises, que nous verrons si cet objectif est réaliste. Les seuls objectifs réalistes sont ceux qu'on inscrit dans la réalité. C'est ce que nous allons faire. En combien d'années ? Eh bien j'espère aussi vite que possible. Quant aux problèmes qui peuvent exister dans les rapports entre la Russie et l'Union Européenne sur le terrain du commerce, vous avez cité les textiles, le secteur du textile est un secteur sensible pour tous les pays, pas simplement pour la Russie, également pour la France. La France doit aujourd'hui abandonner un plan de soutien à l'industrie textile qui n'a pas été jugé comme légal par l'Union Européenne. Vous voyez donc que l'Union Européenne impose aussi à ses membres des contraintes. Et nous devons donc travailler autrement pour aider notre industrie textile, qui en a besoin. Je crois, c'est une piste que j'ai exposée dans la Commission, que l'Union Européenne et la Russie devrait peut-être chercher le moyen de renégocier un accord spécifique sur le textile, qui permettrait de lever des obstacles, notamment des quotas en Union Européenne, mais qui permettrait aussi de lever des obstacles, notamment des certifications dans l'intérêt des consommateurs tels qu'ils sont utilisés en Russie. Donc, il faut faire un effort conjoint sur un secteur sensible pour améliorer la situation. Je crois de toutes façon que les potentialités de développement des échanges entre la Russie et la France ne seront pas affectés par ces problèmes qui concernent le textile.
Question : je souhaiterais avoir votre réaction après la ratification ce matin par la Douma de la convention internationale interdisant les armes chimiques.
Réponse : je n'ai pas à porter de jugement sur les libres-décisions des instances de la Fédération de Russie, mais il est clair que la France est favorable à la signature, puis à la ratification d'un certain nombre de conventions, que cela concerne les armes chimiques, que cela concerne les mines antipersonnel, que cela concerne d'autres armements cette fois-ci nucléaire. C'est donc une nouvelle attendue, mais positive que celle que vous avez annoncée il y a un instant.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 22 juin 2001)
Dîner officiel offert par M, Viktor Tchernomyrdine, Premier ministre russe
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi Monsieur le Premier ministre, de vous remercier tout d'abord pour l'accueil extrêmement chaleureux que vous avez bien voulu me réserver, ainsi qu'aux membres du gouvernement français, aux parlementaires et à la délégation qui m'accompagnent, pour l'occasion de ma première visite officielle en Russie à l'occasion de cette troisième session de la Commission mixte que nous présidons ensemble.

Nous nous sommes vus longuement. Pendant deux jours, denses et passionnants, nous avons débattu non seulement de nos relations bilatérales, mais aussi des nombreux sujets internationaux auxquels la France et la Russie accordent un égal intérêt. J'ai apprécié la justesse de vos analyses, votre connaissance approfondie des dossiers, la ferme volonté aussi avec laquelle vous entendez pousser notre coopération économique et les relations franco-russes dans leur ensemble.

Vous pouvez être assuré que le Premier ministre et l'ensemble du gouvernement français sont résolument attachés à développer une forte relation de coopération entre la France et la Russie. Nos deux pays ont beaucoup d'ambition pour eux-mêmes, c'est-à-dire pour la prospérité de leurs peuples, et pour l'ensemble de notre continent.

Le développement économique et social, les échanges culturels et la recherche tenace de l'entente et de la paix en Europe sont les axes de notre action politique comme de la vôtre. A l'issue de nos entretiens, j'ai le sentiment que nous pourrons travailler utilement l'un avec l'autre, dans le droit fil de ce que le président de la Fédération de Russie et le président de la République française ont eux-mêmes souhaité.

Je veux, bien entendu, en cette occasion, rendre hommage à la clairvoyance et au courage du président Boris Eltsine, qui a choisi de proposer au peuple russe une voie nouvelle pour son développement et le progrès des générations à venir, qui a soutenu avec ténacité l'établissement de la démocratie et de la libre entreprise, qui s'attache aussi, en dépit d'innombrables difficultés, à préserver la cohésion du tissu social et des conditions de vie décentes pour le plus grand nombre.

Je salue le rôle personnel du président Eltsine pour le rapprochement de la Russie et de ses frères européens. L'Acte fondateur du 27 mai, le partenariat entre l'Union européenne et la Russie, notre commune volonté de donner corps aux instances qui rassemblent tous les Européens, le Conseil de l'Europe et l'OSCE tout particulièrement, sont des novations capitales. La France se réjouit d'une évolution qu'elle appelait de ses voeux depuis longtemps et qui n'eut pas été possible sans un même état d'esprit de la part de la Russie et de ses plus hauts dirigeants.

Je constate d'ailleurs, lors de ce séjour à Moscou, que la Russie est fermement conduite par des hommes et des femmes de qualité.

Vous m'avez donné l'occasion d'en rencontrer beaucoup en peu de temps, qu'ils appartiennent à votre gouvernement, aux milieux politiques, à la vie économique, sociale ou culturelle, ou qu'ils aient la charge de Républiques ou d'autres structures de la Fédération. Et je me réjouis de pouvoir, demain encore, prolonger ces contacts.

Je mesure la profondeur des changements en cours dans votre pays. Je sens combien les uns et les autres souhaitent assurer le bien-être du peuple russe et la grandeur de leur pays. Je suis impressionné par l'immense entreprise de rénovation de votre société, fondée sur des valeurs que nous partageons et qui constituent le ressort commun des Européens.

Oui, nous nous sentons proches des Russes, qui ont en eux des forces propres peu communes, une vieille et grande culture et la volonté tenace de résister dans l'épreuve. Oui, nous avons confiance dans la Russie, dans sa capacité à prendre la place éminente qui lui revient sur la scène européenne et mondiale et dans la contribution de son peuple, de ses entreprises, de ses intellectuels à notre enrichissement mutuel.

*
Je me réjouis comme vous-même, Monsieur le Premier ministre, des travaux intenses qui ont été menés dès hier sous la responsabilité de nos ministres en charge des relations économiques extérieures et aujourd'hui dans le cadre de notre Commission mixte. Nous avons constaté que la coopération économique et financière bilatérale connaissait heureusement des progrès marqués depuis deux ans. Mais nous nous sommes accordés pour considérer qu'elle avait un tout autre potentiel et qu'il convenait d'imprimer une nouvelle et forte impulsion. Nous avons constaté, lors d'échanges très directs avec les chefs d'entreprises qui nous accompagnaient, que telle était également leur volonté.

Les projets, que nous avons examinés en détail, ne manquent pas pour soutenir une relance ambitieuse de notre coopération. Les domaines technologiquement avancés, dans lesquels nous avons tout lieu de conjuguer nos savoir-faire et nos capacités, seront donc l'objet de nouvelles entreprises communes, qu'il s'agisse de l'industrie spatiale, de l'aéronautique, des télécommunications ou de l'audiovisuel. Le développement de l'exploitation des ressources énergétiques, en Russie et en pays tiers, seront un secteur privilégié de notre coopération dans lequel les entreprises françaises, aux côtés des entreprises russe, dans un cadre juridique approprié, sont disposées à investir très largement. La protection de l'environnement, l'aménagement des services urbains, le développement rural, la production des biens de consommation sont d'autres domaines porteurs.

Sur tous ces aspects, nous avons eu à coeur de permettre aux entreprises russes et françaises de nouer des alliances, d'échanger davantage, d'investir au service de la croissance et de l'emploi dans nos deux pays. Des accords importants ont été signés. Des moyens financiers conséquents ont été dégagés. Des procédures ont été fixées pour assurer la mise en oeuvre de nos décisions communes. Je sais que vous veillez à ce qu'elles fonctionnent comme il convient et je ferai de même en ce qui me concerne. La coopération est, avant tout, affaire de volonté et de ténacité. Nous ne manquons tous les deux ni de l'une, ni de l'autre. Elles sont le gage des progrès que nous attendons et que nous mesurerons lorsque j'aurai le plaisir, l'an prochain de vous accueillir à mon tour à Paris.

J'ai à coeur d'ajouter, Monsieur le Premier ministre, que la coopération économique est aussi l'affaire des individus et que la formation des cadres est au coeur de la problématique du développement, dans votre pays comme dans le mien. J'ai eu la joie, ce matin, de rendre visite à l'Université d'Etat de Moscou et de rendre hommage à ses responsables, notamment à son recteur, M. Sadovnitchi. J'ai pu, à cette occasion, dialoguer longuement avec des étudiants russes, y compris avec ceux qui ont choisi de suivre un cursus d'enseignement en sciences humaines créé en coopération entre nos deux pays dans le cadre du Collège universitaire franco-russe. J'ai apprécié la vigueur et la pertinence des interventions qui ont été faites, la qualité du débat auquel se sont prêtés des jeunes qui seront à leur tour parmi les dirigeants ou les animateurs de votre pays.

Nous sommes convenus, dans le cadre de notre Commission mixte, de donner corps, avec l'aide des entreprises et de nos instituts techniques et universitaires, à un vaste programme commun de formation de cadres supérieurs. La France s'honore de répondre ainsi, fortement et rapidement, au voeu exprimé cet été par le président Boris Eltsine.

*
La Russie et la France, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs, sont deux vieux et grands pays. Elles sont, comme souvent par le passé, soumises aux traumatismes qu'impose le changement accéléré des sociétés et l'adaptation des économies aux réalités nouvelles. Elles ont, l'une et l'autre, l'immense richesse de leurs jeunesses, qui croient en l'avenir de leur pays et qui entendent prendre toute leur part, celle des citoyens responsables, dans la construction de cet avenir.

L'Union européenne est pour nous, Français, depuis deux générations, l'un des axes privilégiés de nos efforts. Elle le restera d'autant plus que chacun mesure aujourd'hui à quel point la solidarité des Etats européens est la condition du progrès économique et social et de la paix. Cette solidarité se renforce chaque jour et s'exprimera bientôt de la manière la plus forte avec la mise en place d'une monnaie unique, l'euro. Mais la solidarité qui s'est construite peu à peu à l'ouest de l'Europe perdrait son sens si nous ne cherchions pas à y associer l'ensemble des Européens. Il y faudra certes du temps et beaucoup d'efforts d'adaptation réciproques. Nous en avons longuement parlé aujourd'hui et nous sommes convenus de poursuivre entre nos deux pays un dialogue régulier sur la construction européenne et l'association de la Russie à cette entreprise.

L'enjeu européen est déterminant pour l'avenir que les jeunes de Russie, comme de France, nous demandent de préparer avec eux et pour leur génération.

C'est dans cet esprit que je me réjouis, Monsieur le Premier ministre, d'avoir avec vous organisé de manière très concrète les nouvelles étapes de notre coopération. Celle-ci est indissociable de nos relations politiques et doit être portée à un même niveau de qualité et d'intensité. Elle doit être authentiquement représentative du partenariat privilégié de la France et de la Russie que les chefs d'Etat et les deux gouvernements entendent fermement établir.

Je souhaite lever mon verre, Monsieur le Premier ministre à votre bonheur personnel et au succès de votre importante mission, en l'honneur aussi du président Boris Eltsine et à la prospérité de la Russie./.


(Source http://www.doc.diplomatie.gouv.fr, le 22 juin 2001)
Déjeuner en présence des responsables russes
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Présidents des Républiques de la Fédération de Russie,
Messieurs les Gouverneurs
Mesdames et Messieurs,
J'entreprends ma première visite officielle en Russie, pays dans lequel je suis venu à plusieurs reprises, cette fois à l'occasion de la réunion de la commission économique franco-russe. J'ai donc souhaité pouvoir rencontrer le plus largement possible les acteurs politiques et économiques de votre pays et apprécier directement et personnellement les espoirs, comme les difficultés, de l'immense entreprise de la transformation de la Russie.

Tant avec le président Eltsine qu'avec le Premier ministre Tchernomyrdine, j'ai pu apprécier combien nous partageons une ferme volonté de renforcer la relation politique et économique entre nos deux pays et notre forte convergence de vue sur nombre de sujets internationaux.

Les travaux de la Commission que nous co-présidons avec M. Tchernomyrdine, nous ont en outre permis d'évoquer très concrètement les différents domaines de notre coopération économique bilatérale ; nous avons défini de nouveaux objectifs et évoqué les moyens de les mettre en oeuvre.

J'ai pu mesurer la force et l'ampleur du changement en cours en Russie. Votre pays assume avec un immense courage toutes les contraintes de sa transformation : mutation politique, marquée par la conquête de la démocratie, et transformations économiques.

La France a marqué, dès 1991, sa volonté d'accompagner la transition de la Russie vers l'économie de marché, en l'aidant à mobiliser les principales institutions financières internationales en faveur des réformes que vous aviez entreprises, et en s'associant directement à leurs interventions par un appui direct dans le cadre bilatéral.

Le peuple russe a fait, pendant ces dernières années, des choix déterminants et des sacrifices considérables.

Nous sommes aujourd'hui les témoins attentifs et solidaires de vos premiers succès : la Russie est parvenue à stabiliser sa situation financière et notamment à contenir son inflation et à stabiliser sa monnaie. Je sais que le gouvernement russe s'emploie à prolonger cette action, en réglant notamment la question fondamentale des recettes fiscales, qui doivent tout à la fois répondre aux besoins de l'Etat et des collectivités décentralisées, accompagner les réformes économiques des mesures sociales qu'elles nécessitent, sans que soient pénalisés les investissements et la création d'emplois.

La Russie doit, en sachant tenir le cap d'une politique courageuse, recueillir de nouveaux fruits de ses efforts, dont j'ai la conviction qu'ils se manifesteront par des signes de plus en plus forts d'un retour à la croissance.

J'observe, en outre, que la Russie a trouvé les moyens de son intégration dans l'économie mondiale : la pleine participation russe au sommet des chefs d'Etats et de gouvernements du G7, devenu G8, l'adhésion de votre pays au Club de Paris en tant que créancier et les accords trouvés en son sein pour une régularisation de ses relations financières, tant avec ses créanciers qu'avec ses débiteurs, en constituent autant de signes remarquables.

La Russie doit prendre sa place dans les cadres normalisés des échanges internationaux. La France, avec l'Union européenne, soutient fortement la volonté de la Russie d'adhérer à l'Organisation mondiale du Commerce. J'ai la conviction que l'amélioration du cadre législatif et réglementaire en Russie permettra l'ouverture prochaine de négociations concrètes.

Le succès du développement de notre relation économique bilatérale implique avant tout de mieux nous connaître. Je souhaite que les responsables économiques russes viennent plus nombreux et plus souvent en France, afin qu'ils puissent apprécier ce que nous pouvons leur offrir.

L'importance et la qualité de la délégation de chefs d'entreprises qui m'accompagnent témoignent de l'intérêt toujours plus grand que suscite, en France, votre pays. Ils représentent ici certains pôles d'excellence de l'industrie française, notamment l'énergie, l'espace et l'aéronautique, l'automobile, la construction et les services urbains, les télécommunications, la santé, l'industrie agro-alimentaire ou encore les services financiers.

Cet après-midi, notre Commission associera étroitement ces entreprises à ses travaux. Je ne doute pas que l'esprit de pragmatisme et d'ouverture qui anime nos échanges et dont je suis reconnaissant au Premier ministre, M. Tchernomyrdine, permettra d'examiner les moyens d'accompagner et de faciliter la mise en oeuvre de leurs projets.

Bien entendu, le développement des échanges entre la France et la Russie dépend aussi des entreprises dont l'activité, les progrès et les marchés ne relèvent que partiellement du dialogue entre les gouvernements. Ce constat reflète en particulier le développement en Russie de modes de consommation de plus en plus ouverts à l'offre internationale.

Les entreprises françaises prennent conscience de cette aspiration. Pour accompagner et développer leur présence, notamment des plus petites d'entre elles, mon gouvernement a décidé d'organiser à Moscou, en octobre 1998, une grande exposition française orientée vers la promotion de l'image de notre pays et de nos produits, particulièrement de ceux destinés à la consommation et l'équipement des ménages.

Il appartient aussi aux opérateurs économiques français d'élargir le champ de leur présence en Russie. La brièveté de cette première visite officielle ne m'a malheureusement pas permis d'effectuer, pour cette fois, un déplacement en dehors de Moscou. Je tiens donc tout particulièrement à remercier ici les hauts responsables des Républiques et Régions de Russie qui m'ont fait l'honneur d'assister à ce déjeuner.

Leurs représentants présents à ces tables illustrent tant le poids économique de ces régions que la richesse des liens d'amitié qui ont été tissés dans le cadre de nos coopérations. J'évoquerai en particulier les projets engagés avec succès dans le domaine du pétrole et de la pétrochimie avec les Républiques du Tatarstan et du Bachkortostan, ainsi que dans le Territoire des Nenets ; dans le domaine du contrôle du trafic aérien pour les Régions de Tioumen et de Tchéliabinsk, ou encore, les projets de développement agricole ou agro-alimentaire dans plusieurs autres régions du pays.

Ces quelques exemples illustrent tant le rôle essentiel des autorités régionales dans le développement de l'économie russe que la richesse des opportunités offertes à nos entreprises dans les régions. La présence française en Russie, tant au plan culturel qu'économique, reste encore trop discrète dans nombre de régions russes.

La Russie s'est dotée d'une constitution fédérale qui confère aux Républiques et régions fédérales, notamment dans le domaine économique, une large autonomie de décision. L'élection au suffrage universel de leurs dirigeants constitue un atout significatif de la démocratie en Russie et leur confère la légitimité dont ils ont besoin pour faire face aux enjeux de la réforme et de la transition économique.

Je forme des voeux pour que la qualité et la franchise des travaux engagés avec le Premier ministre Tchernomyrdine trouvent un prolongement et s'enrichissent de la diversité de la culture et de l'économie des régions de votre immense et magnifique pays.

Je lève mon verre aux présidents des Républiques de la Fédération de Russie et à l'amitié franco-russe ! ./.

(Source http://www.doc.diplomatie.gouv.fr, le 22 juin 2001)
Université d'Etat Lomonossov
Monsieur le Recteur de l'Université d'Etat de Moscou,
Mesdames et Messieurs les Professeurs et les Chercheurs,
Chers amis étudiants,
Je suis heureux et ému de pouvoir vous rencontrer aujourd'hui, et en particulier dans ce cadre prestigieux de l'université Lomonossov de Moscou qui a hébergé tant d'illustres chercheurs et professeurs.

C'est d'autant plus un plaisir que je viens de procéder à une forte agréable cérémonie : je viens en effet de remettre les insignes de commandeur de l'Ordre national du Mérite à M. Sadovnitchi, recteur de votre université.

Il s'agissait pour le gouvernement français, de récompenser par ce geste son talent exceptionnel et son engagement en faveur de la coopération franco-russe, au travers notamment du soutien qu'il apporte au développement du collège français au sein de l'université d'Etat.

Une fois de plus, devant vous, je voudrais lui dire notre gratitude et notre fierté de le compter parmi les amis de la France.

Je voudrais aussi saisir cette occasion pour rendre hommage au travail inlassable de ceux qui ont conçu, créé et fait vivre le collège français.

Je pense en particulier, bien sûr, à mon ami Marek Halter, dont j'ai souhaité la présence à mes côtés aujourd'hui.

A lui aussi je voudrais témoigner de l'admiration et de la reconnaissance de mes compatriotes pour le rôle irremplaçable qu'il joue, et avec quelle passion, dans l'épanouissement des échanges entre nos deux cultures.

Je ne pouvais concevoir ma visite à Moscou, ma première visite officielle hors de l'Union européenne, sans un contact avec vous, étudiantes et étudiants de la nouvelle Russie, sur qui repose l'avenir de cet immense pays.

Je ne le pouvais, d'abord au regard de ma propre expérience d'enseignant. Cette expérience m'a convaincu de la justesse des paroles du grand penseur russe du siècle dernier Pissarev, pour qui : "Les hommes ne souffrent que d'une seule maladie : l'ignorance. A ce mal, il n'y a qu'un seul remède : l'instruction. Mais il ne s'agit pas de prendre ce remède à doses homéopathiques : il faut le prendre par seaux entiers, et par barriques de quarante seaux".

Buvez donc, jeunes générations montantes de la Russie d'aujourd'hui, l'instruction par barriques entières ! Alliez la connaissance aux enthousiasmes de votre âge, à cette aspiration naturelle à la justice, à la tolérance et à la liberté que l'on possède à vingt ans !

Je souhaitais également, à l'occasion de ce moment passé avec vous, vous apporter le salut et le soutien de la France dans la tâche, considérable, qui s'offre à vous. Soyez assurés que le monde entier vous regarde. Etonnez-le en construisant une Russie unie, démocratique et prospère, entourée d'amis et de partenaires. Les Français, qui ont toujours eu une grande attraction, qui a parfois touché à la fascination pour la Russie et les Russes, ont confiance en vous et sont déterminés à vous aider dans cette entreprise, courageuse et de longue haleine.

Je crois à une volonté politique éclairée, en phase avec les mentalités collectives, et sachant tirer parti des évolutions économiques et technologiques.

C'est cette volonté qui est en marche avec la construction de l'Union européenne.

L'aventure a commencé dès 1950 avec le Plan Schuman et la Communauté européenne du charbon et de l'acier, qui visait à unir les productions française et allemande de charbon et d'acier, -les deux fondements de la puissance militaire à cette époque - avec le but affirmé de rendre impossible à l'avenir toute guerre entre les deux pays, et vous savez qu'il en eut trois en 70 ans. La Russie y fut impliquée. Elle y perdit un nombre considérable de ses fils. Il s'agissait également de créer des liens indissolubles par dessus l'une des plus anciennes lignes de fracture du continent, entre les mondes latin et germanique.

Cette même volonté politique - car le but ultime de la construction européenne était et reste politique - anima les signataires du Traité de Rome en 1957, et les promoteurs de tous les approfondissements ultérieurs : rapprocher les peuples européens par des "solidarités concrètes", comme disait Jean Monnet, une meilleure connaissance réciproque, la conscience croissante de partager un avenir commun.

L'ambition était noble et immense. L'approche se révéla judicieuse, car elle a rencontré les nouvelles exigences du développement économique, notamment la nécessité d'un vaste marché ; elle répondait à l'aspiration des peuples à communiquer et circuler davantage, grâce à la révolution des techniques ; et elle bénéficiait plus généralement de l'universalisation de valeurs comme la démocratie et les Droits de l'Homme.

Le sentiment d'appartenance à une entité commune à suffisamment progressé pour que nous puissions à présent nous engager dans l'unification d'éléments aussi porteurs d'identité et de souveraineté que la politique extérieure et de sécurité et la monnaie. Le projet d'Union économique et monétaire implique lui-même une progressive coordination des politiques économiques nationales, une harmonisation minimale des normes en matière d'investissements et de fiscalité. C'est donc à terme un véritable modèle européen d'organisation sociale qu'il nous faut élaborer, dont j'espère pour ma part qu'il privilégiera les valeurs de solidarité, de cohésion sociale et d'épanouissement de l'individu.

Alors l'Europe alliera vraiment tous les éléments qui en feront un continent original : la liberté, la prospérité, la protection des plus faibles. Ainsi pourra-t-elle mieux et plus complètement répondre à l'attraction qu'elle exerce sur d'autres.

Car l'Union n'est évidemment pas toute l'Europe et les valeurs qui nous sont communes déterminent un ensemble bien plus vaste. La formidable transformation des dernières années a trouvé pour moi son expression la plus positive dans le récent sommet du Conseil de l'Europe à Strasbourg. Les chefs d'Etat et de gouvernement de 40 pays de toute l'Europe réunis ensemble pour célébrer et affirmer la démocratie et les droits de l'homme dans le cadre de l'organisation qui en est le garant. Qui aurait rêvé de cela il y a encore dix ans ?

J'évoquerai aussi nos efforts communs dans le cadre de cette autre organisation, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe/OSCE, pour construire ensemble, à travers des normes, des mesures de confiance mais aussi des actions de maintien de la paix sur le terrain, la sécurité pour tout le continent.

L'architecture européenne de sécurité a beaucoup occupé les responsables politiques et les diplomates de nos pays au cours des années écoulées. Le danger principal en la matière résidait dans un manque d'ambition. Un simple réaménagement partiel de l'ordre antérieur, des structures nées de quatre décennies de confrontation Est-Ouest, pouvait déboucher sur l'apparition de nouvelles et inutiles tensions. Ce risque n'était pas théorique. Alors que la fin du spectre de l'affrontement militaire offrait une chance unique pour au contraire rassembler les peuples de notre continent.

En cette fin d'année 1997, un chemin appréciable a été accompli dans cette direction, grâce à l'établissement de nouvelles relations entre les pays de l'Alliance atlantique et la Russie, reflétées dans un texte solennel signé à Paris par le président Eltsine en mai dernier, une transformation en profondeur de l'Alliance, qui reste à parachever, et un élargissement de cette dernière qui, et la France a veillé à cela, ne soit pas de nature à susciter d'inquiétude en Russie.

Le plus important toutefois est, selon moi, d'engager l'évolution qui changera la nature même des relations entre la Russie et les pays de l'Alliance atlantique. Le Conseil conjoint OTAN-Russie dont l'acte fondateur fut signé à Paris et qui s'est réuni cette année pour la première fois permettra au dialogue politique sur les sujets touchant à la sécurité de devenir une pratique et une évidence quasi-quotidiennes. L'expérience menée en commun en Bosnie-Herzégovine est porteuse d'espoir et a valeur d'exemple pour cette coopération.

Votre génération sera la grande bénéficiaire de cette révolution des mentalités dont j'espère que, au-delà de la concertation entre la Russie et l'Ouest de l'Europe, elle fera également entrer dans une ère nouvelle vos relations avec la jeunesse d'Europe centrale et orientale.

Ma conviction est que le monde de demain sera multipolaire, c'est à dire organisé autour de nouvelles puissances et d'ensembles régionaux, plus ou moins intégrés, qui établiront une coopération régulée par des instances multilatérales. Notre souci doit être d'agir pour qu'aucun peuple ne vive l'émergence de ce nouvel ordre mondial dans la frustration ou l'humiliation.

Personne ne doute que la Russie sera l'un des grands acteurs de ce nouvel ordre international. Vos ancêtres ont porté le drapeau et la culture russes jusque sur les rives de l'Océan pacifique, vous léguant le pays le plus vaste du monde, établi solidement sur deux continents. Les potentialités de cet immense espace, et vos prodigieuses réserves de ressources naturelles, sont loin d'être pleinement exploitées.

Vous êtes voisins de l'Union européenne, mais aussi de la Chine et de l'Inde, dont les populations si nombreuses ont entamé leur marche vers le développement économique. Et si hier, un voisin dynamique pouvait constituer une menace, les tendances d'aujourd'hui à l'interdépendance, le développement des échanges et de la coopération, l'effet stimulateur des vastes marchés en font une chance, un atout décisif. Comme nous l'avons expérimenté au sein de l'Union européenne, la prospérité de l'un entraîne celle de l'autre. La population russe bénéficie par ailleurs d'un remarquable niveau de formation générale et technique, résultat d'efforts consentis, depuis des décennies dans le domaine de l'éducation.

Restent les difficultés de la transition actuelle, que je ne connais et qui peuvent conduire certains à l'amertume et au découragement, à douter de l'avenir. Mais je n'oublie pas, pour ma part, la spectaculaire reconstruction que vos parents ont su réaliser, après la terrible épreuve de la Seconde guerre mondiale. Le "nouveau-départ" est douloureux car chacun se trouve remis en cause dans l'organisation de sa vie et de son travail, mais il permet la libération des énergies et une créativité nouvelle. A son tour la Russie, sous votre impulsion, peut devenir un nouveau laboratoire de la modernité.

Sur ce chemin-là, les obstacles sont nombreux et beaucoup ont tendance à se décourager, allant même parfois jusqu'à remettre en cause le bien fondé du choix démocratique.

C'est vrai, sachons le reconnaître, certains profitent davantage que d'autres de la liberté chèrement acquise après des décennies de régime autoritaire. Pourtant, cela ne saurait suffire à condamner la démocratie. Si la liberté ne se divise pas, il est vrai qu'elle peut et doit même le plus souvent être encadrées par des règles destinées à veiller que chacun y trouve toute sa place.

Pour être acceptables et acceptées par tous, les règles doivent être élaborées par le débat démocratique, entre des gouvernants élus qui n'oublient pas pourquoi et par qui ils l'ont été, et des oppositions respectueuses de la légitimité au pouvoir et qui préparent une alternance pacifique et féconde. Elles doivent également tenir compte des besoins des minorités et de tous ceux qui, trop faibles pour être entendus, en sont réduits à confier leur destin à d'autres.

Tenir ses promesses et assurer ses choix, privilégier le dialogue et assurer la transparence des méthodes de gouvernement, rester à l'écoute constante de la population pour garantir la pérennité du contrat social démocratique passé entre le peuple et ceux qui le représentent, voilà une noble ambition pour un gouvernement démocratique.

C'est le sens du pacte républicain que j'ai proposé aux Français, pour traduire ces orientations.

En s'appuyant sur sa capacité de mobilisation légendaire, en renouant avec ses valeurs ancestrales de solidarité, de ténacité et d'ardeur au travail, le peuple russe peut une nouvelle fois étonner le monde en édifiant lui aussi, dans le respect de ses traditions et de son identité, une société qui combine l'efficacité économique et un haut degré de cohésion et de justice sociales.

La France et l'Union européenne sont prêtes à aider la Russie dans cet effort, en établissant avec elle un partenariat réellement privilégié. Privilégié d'abord parce que l'on ignore trop souvent que la Russie effectue déjà plus du tiers de son commerce avec l'Union européenne, alors que bien des potentialités sont encore inexploitées. Ensuite, parce les liens historiques et culturels ont créé entre nous une communauté de valeurs qui ne manquera pas d'inspirer aussi nos modèles de société futurs. Notre proximité sera toujours plus grande qu'avec d'autres zones de civilisation.

L'Union européenne, que certains esprits paradoxaux ont essayé de qualifier de forteresse, n'a jamais eu pour vocation l'établissement de barrières. Bien au contraire. Elle est fondée sur l'ouverture aux autres et l'échange. C'est un ensemble qui, certes renforce pas à pas sa cohésion, mais dont la diversité est grande, et le demeurera. C'est aujourd'hui l'espace économique le plus ouvert au monde. Toute son inspiration a été et demeure la stimulation de la croissance par l'ouverture des marchés, en son sein comme à l'extérieur, et par la coopération, avec les pays développés comme avec le tiers-monde.

C'est pourquoi nous avons négocié avec la Russie un accord de partenariat et de coopération. Dans le domaine commercial, les deux parties s'accordent mutuellement le traitement de la nation la plus favorisée, avec une perspective d'évolution vers un accord de libre échange. Les quelques restrictions à ce régime ne portent que sur une partie minime de nos échanges. Cet accord ouvre aussi la voie à l'adhésion de la Russie à l'Organisation mondiale du Commerce, que nous soutenons fortement, comme la France a appuyé la pleine intégration de la Russie au G8.

Car dans le même temps, de nouvelles instances de régulation mondiale se mettent en place, comme l'Organisation mondiale du Commerce. De ce fait, les "problèmes globaux", comme la grave question des changements climatiques ou le processus de désarmement, exigent un travail effectif des instances multilatérales. Même l'exploration spatiale, dont l'URSS a été le pionnier au point que tous les grands pays souhaitent utiliser votre station Mir, sera à l'avenir conduite en unissant les moyens de tous ceux qui voudront s'y associer.

Le partenariat entre nos deux pays doit ainsi trouver sa traduction sur la scène internationale. Nous devons agir ensemble, d'autant que je suis frappé par la remarquable proximité de nos analyses et de nos objectifs sur la quasi-totalité des grands dossiers internationaux, qui révèle une fondamentale identité d'approche.

L'émergence d'un monde plus sûr et plus équitable exige que chaque peuple soit mis en mesure d'assurer son développement économique et social. Personne ne doit se sentir menacé dans sa sécurité, la préservation de son identité nationale, de ses traditions et valeurs. La démocratie, la solidarité et la tolérance devront présider à l'organisation interne des Etats, comme l'égalité et le droit devront régir les rapports entre eux.

Nos deux pays partagent le même attachement à l'Organisation des Nations unies dont ils furent deux des fondateurs, au lendemain du conflit le plus meurtrier de l'Histoire de l'humanité. Garante de la sécurité et source de la légitimité internationales, l'Organisation conserve son rôle irremplaçable dans le règlement des conflits entre Etats comme dans la recherche de solutions aux problèmes globaux de notre temps : la protection de l'environnement, le développement des pays pauvres, le désarmement. Des avancées concrètes sont possibles pour rendre plus sûr et plus accueillant le monde qui sera le vôtre.

Une conférence est actuellement réunie à Kyoto, qui doit conduire à l'adoption des mesures pour lutter contre les gaz à effets de serre. J'encourage votre parlement à ratifier le Traité Start II comme la Convention sur l'interdiction des armes chimiques. Et je voudrais redire toute ma reconnaissance au président Eltsine pour l'engagement courageux qu'il a pris à Strasbourg en faveur de l'élimination des mines antipersonnel. Je m'en réjouis, puisque j'avais pour ma part, dès ma prise de fonction, décidé d'une application rapide par la France de l'interdiction totale de ces instruments de mort particulièrement odieux. Je ne peux que me réjouir d'ailleurs de la décision du comité Nobel distinguant cette année la campagne internationale pour l'interdictions des mines antipersonnel. Pour une fois, la conscience universelle a pu se faire entendre.

Notre partenariat sera aussi intellectuel et culturel et vous en êtes les premiers protagonistes. Les étudiants russes d'aujourd'hui se rendent en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne, renouant avec la tradition de leurs grands aînés. En retour, les universités russes, tout particulièrement celle de Moscou, s'ouvrent aux étudiants d'autres pays. Ainsi se reconstitue cette Europe des universités, qui au long des siècles a tant contribué au brassage des idées et à la vitalité intellectuelle de tous nos pays. Et nous savons quel fut le rôle éminent de plusieurs de vos compatriotes dans cette Europe-là.

Ce souci, et l'importance pour la transition en Russie de la formation des hommes, ont inspiré la mise en place de plusieurs programmes communautaires - Tacis et Tempus en particulier - qui mobilisent des moyens financiers considérables.

La France s'est aussi, depuis 1991, engagée fermement dans cet effort à titre bilatéral. Un centre culturel a été créé à Moscou, un institut français à Saint-Pétersbourg et plusieurs alliances françaises, de même que tout un réseau de centres linguistiques et éducatifs dans d'autres villes russes. Un programme d'aide à l'édition d'ouvrages, dit programme Pouchkine, a permis la publication de plus de deux cents titres en russe. Chaque année plusieurs centaines de bourses, dans tous les domaines, des sciences techniques aux matières artistiques, sont attribuées à des chercheurs russes. Ici même à l'université de Moscou un centre de recherches franco-russe en mathématiques appliquées, l'institut Liapounov, a été créé simultanément avec le collège universitaire.

La démarche la plus innovante a toutefois consisté dans la création, sur l'ensemble du territoire russe, d'une dizaine de filières de formation franco-russes utilisant la langue française. Et parmi celles-ci, les deux collèges universitaires de Moscou et Saint Pétersbourg qui, selon l'idée d'Andréi Sakharov et de Marek Halter et grâce à l'engagement des recteurs de l'Université de Moscou et de la Sorbonne, se sont attachés à aider et à accompagner la jeunesse russe dans son apprentissage si urgent de la démocratie et de l'Etat de droit.

Je tiens ici à remercier les promoteurs de cette initiative si bénéfique.
Jeunes de Russie, vous êtes les fils et filles d'un grand peuple. Un peuple qui a plus qu'aucun autre souffert des grandes convulsions de ce siècle. Mais un peuple qui a toujours su se relever, se grandir à travers l'adversité.

Votre avenir vous appartient. La réalité présente est encore amère pour beaucoup. Mais vous disposez de tous les outils pour construire une société meilleure : votre jeunesse, la liberté, la démocratie, une ère de paix qui s'ouvre et de prodigieuses technologies nouvelles.

Car c'est cette originalité profonde de la Russie qui a, depuis le XVIIIème siècle, constamment fasciné les Français. Elle a alimenté notre amour réciproque de la langue. Pouchkine écrivait ses premiers vers en français, tandis qu'Yves Bonnefoy se nourrit de Chestov et de Marina Tsvétaieva. Tous les Français considèrent les "Frères Karamazov" ou "Guerre et Paix" comme des chefs d'oeuvre de la littérature mondiale, mais des traducteurs amoureux de votre langue leur ont aussi rendu accessibles tous les grands écrivains russes depuis Avvakoum (chef des vieux croyants au 17ème siècle) et Karamzine (a crée le russe littéraire moderne au 18ème siècle) jusqu'à Boulgakov et Pasternak. Cette attirance réciproque s'est traduite en voyages, depuis Diderot et Voltaire, et en récits comme ceux d'Alexandre Dumas qui restent toujours populaires. Matisse est venu à Saint-Pétersbourg au début du siècle pour méditer devant les icônes d'Andreï Roubliov. Diaghilev est venu avec Bakst et Nijinski à Paris pour présenter les ballets russes et fasciner Cocteau, Picasso et Gide. La révolution de 1917, en dépit de la fermeture de la Russie sur l'étranger, a accru paradoxalement les échanges culturels entre nos deux pays grâce à plusieurs milliers d'artistes et d'intellectuels, comme Berdiaev ou Berberova qui ont choisi la France comme pays d'adoption.

Et comme autrefois les saisons russes de Diaghilev, les théâtres russes, au festival d'Avignon de cette année, ont a nouveau remporté un triomphe. J'y vois la preuve à la fois de la place que votre culture occupe depuis toujours dans nos esprits et dans nos coeurs, et de sa vitalité retrouvée.

Je vous invite donc à croire en l'avenir, à croire en vous-mêmes et veux vous assurer que la France est à vos côtés pour édifier une Europe et un monde où chaque peuple pourra, dans le respect de son identité, assurer son épanouissement et sa prospérité.

Khomiakov l'avait écrit, déjà, au siècle dernier : "Chaque époque, chaque nation, possède le pouvoir de créer un art original, à condition de croire en quelque chose, d'aimer quelque chose, à condition d'avoir une religion, un idéal quelconque". Je suis persuadé que cet idéal, vous le portez en vous, et je suis confiant dans votre capacité à faire de grandes et belles choses./.

(Source http://www.doc.diplomatie.gouv.fr, le 22 juin 2001)