Texte intégral
Je suis heureuse d'être parmi vous ce matin pour ouvrir, dans cette salle et dans ce ministère, vos deux journées de colloque consacré à l'accès aux soins des personnes sourdes à partir de l'expérience des unités d'accueil et de soins accessibles en LSF.
J'en suis ravie en tant que ministre en charge des personnes handicapées car, vous le savez, l'un des axes majeurs de mon action est justement de réduire les inégalités d'accès aux soins des personnes en situation de handicap.
J'en suis ravie en tant que médecin, car votre présence nombreuse témoigne de l'implication des professionnels de santé afin de réduire les obstacles, encore nombreux, que rencontrent nos concitoyens en situation de handicap lorsqu'il s'agit de prévention ou d'éducation à la santé, de consultation libérale ou hospitalière et plus encore parfois lorsqu'une hospitalisation est nécessaire. Je souhaite tout d'abord rendre hommage aux pionniers qui, dès 1995, ont pris l'initiative, de créer la première unité d'accueil et de soins des sourds en langue des signes (UNISS) à l'AP-HP, à l'hôpital Pitié- Salpêtrière.
Depuis, que de chemin parcouru mais il convient de saluer le travail réalisé sous l'égide de Dominique Gillot qui, dès 1998, s'était penchée sur les « droits des sourds » autour de 115 propositions dont celles qui avaient vocation à pérenniser ce type de dispositif. Les politiques publiques ont su accompagner les initiatives que vous avez prises et c'est ainsi que la Circulaire du 20 avril 2007 a permis le développement de ces unités d'accueil et de soins. Ce sont aujourd'hui 18 unités qui maillent notre territoire national et permettent globalement de couvrir l'ensemble des spécialités médicales, y compris la psychiatrie ce qui est à souligner. Ces dispositifs ont bénéficié à plus de 13 600 personnes en file active pour plus de 153 000 consultations médicales et environ 600 hospitalisations.
Mais les chiffres ne sont que des chiffres. Ils sont importants à prendre en compte car ils confirment ici l'ampleur des attentes des personnes concernées et la capacité de notre beau système de santé de répondre à ces besoins de santé publique.
L'activité est au rendez-vous mais aussi et surtout la qualité et l'expertise le sont tout autant. Et c'est bien là, l'enjeu fondamental de l'action que Marisol TOURAINE mène afin que la réforme de notre système de santé puisse permettre de faire face aux défis de santé publique qui sont devant nous, qu'il s'agisse du vieillissement, de l'émergence de nouvelles maladies mais aussi et surtout pour préserver les idéaux d'égalité et de justice sur lesquels repose notre modèle de protection sociale.
Concernant l'accès aux soins des personnes handicapées, comme vous le savez, la Conférence Nationale du Handicap qui s'est tenue en décembre 2014 à l'Elysée en présence du Président de la République, a défini des mesures fortes pour réduire les inégalités d'accès :
- Agir pour que l'information, la prévention et l'éducation à la santé se développent totalement vers les personnes en situation de handicap. Nous savons que les personnes en situation de handicap, et tout particulièrement les femmes, échappent à la prévention.
- Agir sur les pratiques et le fonctionnement des établissements et services médico-sociaux afin que les soins courants, la prévention et l'éducation à la santé fassent pleinement partie des priorités d'accompagnement. Nous savons aussi que lorsqu'une personne a mal quelque part, qu'elle ne peut pas l'exprimer ou qu'elle n'est pas bien évaluée et traitée par nos professionnels, son état de santé s'aggrave, la personne est déstabilisée et son parcours ainsi que son entourage fragilisés.
- Agir sur l'offre de soins également en développant des réponses à tous les niveaux et dès le premier recours car il faut pouvoir garantir, comme pour nous tous, l'accès à des soins de proximité (en santé physique et en santé mentale) et réserver au recours hospitalier ce qui relève de son expertise et de son plateau technique. Plusieurs établissements de santé ont su d'ores et déjà adapter leur fonctionnement. Il faut se servir de ces bonnes pratiques pour formaliser ce recours hospitalier.
Quelles sont les mesures concrètes que nous proposons ?
- Tout d'abord et c'est un enjeu majeur : la mise en uvre progressive des préconisations du rapport « Zéro sans solution », remis par Denis PIVETEAU en juin 2014, à partir de la feuille de route proposée par Marie-Sophie DESAULLE que nous intitulons « une réponse accompagnée pour tous ». Les problématiques d'accès aux soins sont souvent au cur des risques de rupture de parcours.
- Nous allons aussi promouvoir l'accès aux soins de premier recours dans le cadre des formes d'exercice regroupé en libéral (en mobilisant les maisons de santé pluri-professionnelles et les centres de santé). Les ARS sont d'ores et déjà mobilisées pour le faire.
- Mais nous n'oublions pas de garantir aussi l'accès à l'hôpital par la création d'unités spécialisées de consultations là où il en manque et en tenant compte de celles qui existent déjà (notamment pour la santé orale, soins bucco-dentaires). La Circulaire FIR adressée aux ARS pour 2015 prévoit les moyens pour créer ou renforcer ces consultations.
- Toujours pour les établissements de santé, un guide méthodologique de la HAS va définir des critères et outils concrets pour l'accès aux soins des personnes en situation de handicap. Ces critères seront ensuite intégrés dans la procédure de certification des établissements.
- Enfin, il s'agit de soutenir la diffusion et la mise en uvre généralisée de la charte Romain Jacob et je sais que de nombreux partenaires présents aujourd'hui sont fortement impliqués en ce sens et je les en remercie. Il est clair que l'expertise et l'expérience des unités d'accueil et de soins pour personnes sourdes, dont le financement est assuré dans le cadre des MIG (missions d'intérêt général) attribuées aux établissements de santé concernés, vont nous être très utiles pour nourrir nos réflexions sur les conditions de mise en uvre de ces mesures prises lors de la CNH.
Ces unités sont des lieux de pratiques remarquables, exemplaires et pour deux raisons essentielles.
Tout d'abord, ils s'y développent des pratiques d'interprétariat en LSF démontrant ainsi que l'une des premières conditions de l'accessibilité est la communication nécessaire à la bonne relation entre le professionnel de santé et le patient. Les équipes de ces unités sont donc constituées de professionnels « signants » ou font appel à des intervenants extérieurs.
Mais c'est aussi l'accès à l'intermédiation qui permet un accompagnement sur mesure de la personne sourde venant renforcer la qualité des soins et des démarches qui s'y rattachent. Car si une langue différente est un obstacle majeur, les incompréhensions liées à toute situation de soins, sont aussi à prendre en compte. C'est ce que l'intermédiation permet. C'est donc bien par cette double approche que ces unités parviennent à répondre aux besoins des personnes.
Je salue à cet égard les initiatives prises en matière de formation universitaire et continue que vous avez su développer afin de consolider les compétences et postures nécessaires à cet exercice professionnel essentiel.
J'ai pu le dire à de nombreuses reprises, j'attache également une grande importance au renforcement du rôle des pairs et, sans que cela ne constitue un transfert de charge, une responsabilité plus lourde à porter, les compétences et les savoir-faire des personnes en situation de handicap doivent être mieux intégrées dans les pratiques et dans le fonctionnement des établissements. Cette expertise d'usage est une richesse et permet, si elle s'intègre dans un projet global et partagé, de modifier en profondeur les façons de faire. C'est une façon concrète de faire vivre l'accessibilité universelle.
Je sais que vous êtes également très impliqués dans ces réflexions.
Je sais pouvoir compter sur vous pour faire avancer l'ensemble de ces enjeux et je sais également pouvoir compter sur la DGCS et la DGOS pour m'en faire un retour et sachez que je serai très attentive aux conclusions que vous pourriez tirer de vos deux journées.
Je suis d'ailleurs intéressée pour rencontrer et discuter avec les professionnels et les personnes concernées au sein de l'une des unités existantes. Malgré les contraintes fortes qui pèsent sur l'agenda d'une ministre, sachez que si vous m'en faites la proposition, j'y répondrais très favorablement.
Bravo pour les réponses concrètes que vous apportez au quotidien.
Bravo pour votre capacité d'innovations et de propositions.
Je vous souhaite d'excellents travaux.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 26 juin 2015