Texte intégral
Anita Hausser
Le Président Bush a parlé cette nuit de l'imminence de l'intervention de forces terrestres en Afghanistan, en compagnie de troupes amies. Est-ce que les troupes françaises font partie des troupes amies ?
- "A un moment ou à un autre - parce que cette série d'opérations limitées au sol va sans doute se poursuivre pendant une certaine durée -, il est en effet possible que des forces spéciales françaises soient associées à certains coups de mains qui devront être réalisés. Cette décision n'est pas prise. Nous sommes en phase de planification avec le partenaire américain et il y aura des phases successives. Il n'y a pas, en effet, de limitation a priori à notre participation. J'insiste simplement sur le fait que ce qui va être développé par les Etats-Unis est une série d'actions limitées, en différents sites, et absolument pas une démarche d'une prise de contrôle globale du territoire afghan."
En certains sites bien ciblés ?
- "Oui, en fonction de l'information et du renseignement qu'on parvient progressivement à recouper. Pour démanteler - j'insiste bien - les infrastructures militaires et logistiques d'Al Qaïda, de l'organisation de Ben Laden et aussi le soutien - puisque c'est très entremêlé - que peuvent leur apporter les militaires taliban."
Vous dites "à un moment ou à un autre" et que "la décision n'est pas prise" : mais vous êtes bien saisi d'une demande ? La France est-elle saisie d'une demande américaine ?
- "On peut le présenter de plusieurs façons. Mettons-nous un peu à la place des Etats-Unis qui sont en train d'inventer, au fur et à mesure, ce que sont les bonnes actions militaires pour traiter un problème comme celui-là. On a tous dit - et eux aussi - que l'action militaire n'était pas la seule. En même temps, si vous voulez supprimer le centre nerveux de ce dispositif terroriste, il faut bien agir et ne pas attendre indéfiniment sur le territoire afghan, là où ils sont réfugiés, avec le soutien du régime. C'est ce qui est fait. Cette action va demander du temps, parce qu'ils sont dispersés, parce qu'il sont bien dissimulés et parce qu'il y a la volonté de ne pas écraser l'Afghanistan. Ce n'est pas avec le pays qu'on est en guerre. Cela va demander des phases successives, sur lesquelles les Etat-Unis réfléchissent, phase après phase. Par définition il n'y avait pas une opération de destruction d'Al Qaïda qui était déjà dans les plans américains. Cela a été réalisé au fur et à mesure. Dans cette planification, à laquelle maintenant nous participons, parce que les Etats-Unis l'ont souhaité et nous aussi, on analyse les possibilités dans les prochaines phases. Il faut savoir que pour mettre en action des forces spéciales, à partir du moment où on les a déployées dans la zone, cela prend à nouveau plusieurs semaines, parce qu'on n'envoie pas des militaires faire un coup de main sur un site dont il ne connaissent rien."
C'est-à-dire que dans un premier temps, les troupes amies ne seraient que des troupes britanniques ?
- "Oui et sans doute peu nombreuses. Il s'agit de petits effectifs. Je crois qu'il faut se garder des illusions d'optique : il y a eu beaucoup de moyens militaires déployés sur cette zone par les Etats-Unis et puis il y en avait qui étaient présents - comme les Britanniques - pour d'autres raisons, car c'était un exercice prévu avant. Mais il y a très peu de ces forces qui ont été employées. C'est une opération très limitée."
C'est aussi une opération de dissuasion ?
- "Non, mais c'est une opération qui vise à affaiblir un régime dictatorial - qui a de faibles moyens militaires, mais qui les emploie en grande partie pour dominer sa population - et pour supprimer les infrastructures - elles-mêmes dispersées - d'une organisation terroriste qui est bien planquée, si j'ose dire. Vous ne pouvez pas faire cela par des bombardements de masse, cela n'a pas de sens. C'est un travail, j'allais dire, à la petite cuillère. Et cela demande de la part des dirigeants politiques et de la part des citoyens qui s'y intéressent, un peu de détermination et de persévérance. Si quelqu'un pense qu'on peut traiter ce problème, détruire ces infrastructures militaires et de danger potentiel d'un tour de main, il se trompe bien sûr."
Comment est-ce que vous qualifieriez les résultats obtenus jusqu'à présent ?
- "Ils sont à mon avis cohérents avec ce qu'on peut faire par ce type d'actions. En effet, maintenant les forces de coalition ont la maîtrise du ciel. Ils n'ont plus de risques de destruction des aéronefs au-dessus de 3.000 mètres. Cela permet d'avoir un bon contrôle, à partir du ciel, de ce qui se passe au sol. La plupart des capacités de riposte des taliban ont été détruites et on arrive à localiser une partie des forces des taliban. Il n'y a pas de décision aujourd'hui de détruire globalement les moyens armés des taliban. L'objectif à la fin - enfin, il faudrait que soit le plus tôt possible - est tout de même d'établir une alternative politique en Afghanistan, qui soit à la fois représentative réellement de l'Afghanistan et qui soit normalement partenariale vis-à-vis de la communauté internationale et des Etats de la région. Cette alternative politique ne peut pas être constituée simplement par l'alliance du Nord pour de multiples raisons. L'Alliance du Nord n'est pas une représentation globale et cohérente de l'Afghanistan. Si vous détruisez un peu prématurément l'ensemble du potentiel militaire des taliban au sol, vous passez évidemment le message à l'Alliance du Nord : "Vous n'avez qu'à occuper le terrain". Et si vous vous voulez construire une alternative politique cohérente et durable en Afghanistan, avec toutes les difficultés que cela comporte, vous n'avez pas intérêt à mettre l'Alliance du Nord au pouvoir à Kaboul."
Aujourd'hui, la coopération entre les Etats-Unis et les alliés, dont la France, fonctionne bien ? Grâce à la présence des officiers de liaison aux Etats-Unis ? Grâce au dialogue politique ?
- "Il se dit beaucoup de choses là-dessus de la part de quelques politiques qui voudraient que nous fassions des rodomontades. Le meilleur moyen de s'en assurer est de voir ce que disent et expriment les dirigeants américains. Il y a convergence sur les objectifs - parce que nous avons les mêmes analyses du risque présenté par cette menace terroriste - et il y a une combinaison de moyens pragmatiques et utiles. Les Américains connaissent nos moyens militaires. Ils savent ce qu'il y a de disponible. On est tout à fait transparents sur ce plan. Il n'y aura pas en effet de limitation quant à l'utilisation qui en sera faite."
Je voudrais en venir à la France : vous parlez de protéger des sites d'intérêt national. Ce qui fait dire au quotidien Ouest France - à qui vous avez accordé une interview - que l'on va déployer de missiles sol-air autour de La Hague. D'abord, qu'est-ce qu'un "site d'intérêt national" ?
- "Par rapport au risque d'emploi d'un aéronef comme projectile, ce sont les infrastructures dont la percussion par un aéronef lourd provoquerait le plus de dommages à la population."
Toute centrale nucléaire, avant La Hague...
- "Cela comporte les sites nucléaires qui sont plus ou moins exposés et dont beaucoup, tout de même, ont une résistance mécanique qui fait que même un aéronef lourd n'atteindrait pas le coeur. Cela peut concerner également d'autres infrastructures - prenez un grand barrage avec plusieurs dizaines et ou de centaines de milliers d'habitants qui sont en contrebas du barrage. Cela peut être des grandes installations industrielles, cela peut être de grands sites urbains. Nous avons un travail qui est un travail global et qui consiste à établir des zones de protection aérienne par la rapidité d'intervention des avions."
Vous parlez d'avions, mais le déploiement de missiles, c'est de l'imagination ?
- "C'est un des outils possibles, mais de toutes façons las avions, lorsqu'ils ont à intervenir auprès d'un aéronef qui serait détourné, ont aussi comme moyen des armes."
Il n'est donc pas nécessaire de déployer des missiles partout ?
- "Les deux moyens peuvent être complémentaires."
Je voudrais vous poser une question politique : la cohabitation se tend. Est-ce qu'il est facile, dans ce cas, de tenir des conseils de défense, des conseils restreints, où tout le monde parle d'une même voix ?
- "Le travail de responsabilité au nom du pays se fait. Le fait qu'il y ait des différences politiques entre le président de la République qui est un homme politique de droite et ce Gouvernement de gauche n'est pas une nouveauté. Le fait que le rendez-vous électoral majeur d'avril-mai 2002 se rapproche n'empêche pas notre Gouvernement d'agir en responsabilités."
Avec le président de la République ?
- "Personne n'a pu voir de différences dans les orientations prises et dans les décisions prises."
Cela va continuer ?
- "Oui."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 18 octobre 2001)
Le Président Bush a parlé cette nuit de l'imminence de l'intervention de forces terrestres en Afghanistan, en compagnie de troupes amies. Est-ce que les troupes françaises font partie des troupes amies ?
- "A un moment ou à un autre - parce que cette série d'opérations limitées au sol va sans doute se poursuivre pendant une certaine durée -, il est en effet possible que des forces spéciales françaises soient associées à certains coups de mains qui devront être réalisés. Cette décision n'est pas prise. Nous sommes en phase de planification avec le partenaire américain et il y aura des phases successives. Il n'y a pas, en effet, de limitation a priori à notre participation. J'insiste simplement sur le fait que ce qui va être développé par les Etats-Unis est une série d'actions limitées, en différents sites, et absolument pas une démarche d'une prise de contrôle globale du territoire afghan."
En certains sites bien ciblés ?
- "Oui, en fonction de l'information et du renseignement qu'on parvient progressivement à recouper. Pour démanteler - j'insiste bien - les infrastructures militaires et logistiques d'Al Qaïda, de l'organisation de Ben Laden et aussi le soutien - puisque c'est très entremêlé - que peuvent leur apporter les militaires taliban."
Vous dites "à un moment ou à un autre" et que "la décision n'est pas prise" : mais vous êtes bien saisi d'une demande ? La France est-elle saisie d'une demande américaine ?
- "On peut le présenter de plusieurs façons. Mettons-nous un peu à la place des Etats-Unis qui sont en train d'inventer, au fur et à mesure, ce que sont les bonnes actions militaires pour traiter un problème comme celui-là. On a tous dit - et eux aussi - que l'action militaire n'était pas la seule. En même temps, si vous voulez supprimer le centre nerveux de ce dispositif terroriste, il faut bien agir et ne pas attendre indéfiniment sur le territoire afghan, là où ils sont réfugiés, avec le soutien du régime. C'est ce qui est fait. Cette action va demander du temps, parce qu'ils sont dispersés, parce qu'il sont bien dissimulés et parce qu'il y a la volonté de ne pas écraser l'Afghanistan. Ce n'est pas avec le pays qu'on est en guerre. Cela va demander des phases successives, sur lesquelles les Etat-Unis réfléchissent, phase après phase. Par définition il n'y avait pas une opération de destruction d'Al Qaïda qui était déjà dans les plans américains. Cela a été réalisé au fur et à mesure. Dans cette planification, à laquelle maintenant nous participons, parce que les Etats-Unis l'ont souhaité et nous aussi, on analyse les possibilités dans les prochaines phases. Il faut savoir que pour mettre en action des forces spéciales, à partir du moment où on les a déployées dans la zone, cela prend à nouveau plusieurs semaines, parce qu'on n'envoie pas des militaires faire un coup de main sur un site dont il ne connaissent rien."
C'est-à-dire que dans un premier temps, les troupes amies ne seraient que des troupes britanniques ?
- "Oui et sans doute peu nombreuses. Il s'agit de petits effectifs. Je crois qu'il faut se garder des illusions d'optique : il y a eu beaucoup de moyens militaires déployés sur cette zone par les Etats-Unis et puis il y en avait qui étaient présents - comme les Britanniques - pour d'autres raisons, car c'était un exercice prévu avant. Mais il y a très peu de ces forces qui ont été employées. C'est une opération très limitée."
C'est aussi une opération de dissuasion ?
- "Non, mais c'est une opération qui vise à affaiblir un régime dictatorial - qui a de faibles moyens militaires, mais qui les emploie en grande partie pour dominer sa population - et pour supprimer les infrastructures - elles-mêmes dispersées - d'une organisation terroriste qui est bien planquée, si j'ose dire. Vous ne pouvez pas faire cela par des bombardements de masse, cela n'a pas de sens. C'est un travail, j'allais dire, à la petite cuillère. Et cela demande de la part des dirigeants politiques et de la part des citoyens qui s'y intéressent, un peu de détermination et de persévérance. Si quelqu'un pense qu'on peut traiter ce problème, détruire ces infrastructures militaires et de danger potentiel d'un tour de main, il se trompe bien sûr."
Comment est-ce que vous qualifieriez les résultats obtenus jusqu'à présent ?
- "Ils sont à mon avis cohérents avec ce qu'on peut faire par ce type d'actions. En effet, maintenant les forces de coalition ont la maîtrise du ciel. Ils n'ont plus de risques de destruction des aéronefs au-dessus de 3.000 mètres. Cela permet d'avoir un bon contrôle, à partir du ciel, de ce qui se passe au sol. La plupart des capacités de riposte des taliban ont été détruites et on arrive à localiser une partie des forces des taliban. Il n'y a pas de décision aujourd'hui de détruire globalement les moyens armés des taliban. L'objectif à la fin - enfin, il faudrait que soit le plus tôt possible - est tout de même d'établir une alternative politique en Afghanistan, qui soit à la fois représentative réellement de l'Afghanistan et qui soit normalement partenariale vis-à-vis de la communauté internationale et des Etats de la région. Cette alternative politique ne peut pas être constituée simplement par l'alliance du Nord pour de multiples raisons. L'Alliance du Nord n'est pas une représentation globale et cohérente de l'Afghanistan. Si vous détruisez un peu prématurément l'ensemble du potentiel militaire des taliban au sol, vous passez évidemment le message à l'Alliance du Nord : "Vous n'avez qu'à occuper le terrain". Et si vous vous voulez construire une alternative politique cohérente et durable en Afghanistan, avec toutes les difficultés que cela comporte, vous n'avez pas intérêt à mettre l'Alliance du Nord au pouvoir à Kaboul."
Aujourd'hui, la coopération entre les Etats-Unis et les alliés, dont la France, fonctionne bien ? Grâce à la présence des officiers de liaison aux Etats-Unis ? Grâce au dialogue politique ?
- "Il se dit beaucoup de choses là-dessus de la part de quelques politiques qui voudraient que nous fassions des rodomontades. Le meilleur moyen de s'en assurer est de voir ce que disent et expriment les dirigeants américains. Il y a convergence sur les objectifs - parce que nous avons les mêmes analyses du risque présenté par cette menace terroriste - et il y a une combinaison de moyens pragmatiques et utiles. Les Américains connaissent nos moyens militaires. Ils savent ce qu'il y a de disponible. On est tout à fait transparents sur ce plan. Il n'y aura pas en effet de limitation quant à l'utilisation qui en sera faite."
Je voudrais en venir à la France : vous parlez de protéger des sites d'intérêt national. Ce qui fait dire au quotidien Ouest France - à qui vous avez accordé une interview - que l'on va déployer de missiles sol-air autour de La Hague. D'abord, qu'est-ce qu'un "site d'intérêt national" ?
- "Par rapport au risque d'emploi d'un aéronef comme projectile, ce sont les infrastructures dont la percussion par un aéronef lourd provoquerait le plus de dommages à la population."
Toute centrale nucléaire, avant La Hague...
- "Cela comporte les sites nucléaires qui sont plus ou moins exposés et dont beaucoup, tout de même, ont une résistance mécanique qui fait que même un aéronef lourd n'atteindrait pas le coeur. Cela peut concerner également d'autres infrastructures - prenez un grand barrage avec plusieurs dizaines et ou de centaines de milliers d'habitants qui sont en contrebas du barrage. Cela peut être des grandes installations industrielles, cela peut être de grands sites urbains. Nous avons un travail qui est un travail global et qui consiste à établir des zones de protection aérienne par la rapidité d'intervention des avions."
Vous parlez d'avions, mais le déploiement de missiles, c'est de l'imagination ?
- "C'est un des outils possibles, mais de toutes façons las avions, lorsqu'ils ont à intervenir auprès d'un aéronef qui serait détourné, ont aussi comme moyen des armes."
Il n'est donc pas nécessaire de déployer des missiles partout ?
- "Les deux moyens peuvent être complémentaires."
Je voudrais vous poser une question politique : la cohabitation se tend. Est-ce qu'il est facile, dans ce cas, de tenir des conseils de défense, des conseils restreints, où tout le monde parle d'une même voix ?
- "Le travail de responsabilité au nom du pays se fait. Le fait qu'il y ait des différences politiques entre le président de la République qui est un homme politique de droite et ce Gouvernement de gauche n'est pas une nouveauté. Le fait que le rendez-vous électoral majeur d'avril-mai 2002 se rapproche n'empêche pas notre Gouvernement d'agir en responsabilités."
Avec le président de la République ?
- "Personne n'a pu voir de différences dans les orientations prises et dans les décisions prises."
Cela va continuer ?
- "Oui."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 18 octobre 2001)