Déclaration à la presse de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur les écoutes téléphoniques du NSA, le nucléaire iranien et sur la situation en Syrie, à Paris le 24 juin 2015.

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Texte intégral

- États-Unis - Écoutes téléphoniques de la NSA
(...)
Q - Qu'attendez-vous des autorités américaines après les révélations de Wikileaks sur l'espionnage, l'écoute des conversations des présidents français ? Est-ce qu'il y a une demande particulière ?
R - Il y a eu un communiqué du conseil de défense ce matin et le Premier ministre s'exprimera sur ce point dans quelques dizaines de minutes à l'Assemblée nationale.
Moi-même, j'ai convoqué l'ambassadrice des États-Unis ce soir. Je lui dirai, d'une part, que ces pratiques sont inadmissibles entre alliés et, d'autre part, que les engagements qui ont été pris doivent être respectés. Je lui dirai que nous souhaitons que les choses soient complètement mises sur la table.
Il n'est pas question d'accepter que les présidents de la République - trois présidents de la République successivement - soient écoutés, y compris dans leurs conversations privées ; chacun peut le comprendre.
Le mot d'ordre, c'est bien sûr, comme cela doit être entre alliés... Il doit y avoir une certaine confiance. Quand ce type de pratiques se développe, cela porte atteinte à la confiance. C'est quelque chose qu'il faut prendre très au sérieux. (...).
- Iran - Nucléaire
Q - (À propos de l'Iran)
R - Sur la question que vous avez posée, c'est-à-dire les discussions à propos du nucléaire iranien, j'ai rencontré pendant une heure, lundi 22 juin, M. Zarif le ministre des affaires étrangères iranien et ensuite avec quelques collègues européens nous l'avons rencontré pour une séance supplémentaire.
Je lui ai dit ceci : la France souhaite un accord mais un accord qui soit robuste c'est-à-dire un bon accord et non pas un mauvais accord. Qu'est-ce que cela signifie ? Je ne vais pas entrer dans les détails techniques, mais cela signifie plusieurs points : il faut une limitation des capacités de production et de recherche en matière de nucléaire ; il faut l'acceptation du côté iranien, comme c'est la règle internationale, d'une vérification possible de l'ensemble des sites ; et in fine cela signifie que s'il y a une levée des sanctions et s'il y a un manquement par l'Iran à ces obligations ces sanctions puissent être rétablies. Ce sont trois éléments fondamentaux pour un accord robuste.
Depuis, un certain nombre de déclarations ont été faites qui ne me semblent pas aller dans ce sens. La France réaffirme à la fois son souhait de trouver un accord robuste mais en même temps la fermeté de ses positions.
- Syrie
(...)
Q - Beaucoup de gens se posent des questions à propos de la position russe concernant la Syrie et d'une évolution. Vous avez rencontré votre homologue russe hier, est-ce qu'il y a eu des discussions sur cela ? Quelle est votre sentiment sur la position actuelle de la Russie à propos de la Syrie ?
R - J'ai eu l'occasion, au cours des derniers jours, de discuter de la Syrie avec beaucoup de responsables puisque je me trouvais le week-end dernier en Égypte où j'ai rencontré le président Sissi ; ensuite en Jordanie où j'ai rencontré le Roi Abdallah ; ensuite, j'ai rencontré le Premier ministre israélien, j'ai rencontré le président de l'Autorité palestinienne. J'ai eu l'occasion hier de rencontrer le ministre des affaires étrangères russe et j'ai aussi discuté avec le ministre des affaires étrangères allemand. Et puis, avec mon collègue des affaires étrangères d'Arabie saoudite, nous en parlons bien sûr, de même qu'avec beaucoup d'autres collègues.
Si votre question porte sur la position des Russes, bien sûr, c'est aux autorités russes de la présenter. Je peux simplement vous confirmer la position française. Il faut une solution politique en Syrie, pour éviter que le pays continue d'être à feu et à sang. Cette solution politique qui permettra - espérons-le - à la Syrie de retrouver son unité et son calme et de lutter efficacement contre les groupes terroristes : je veux parler de Daech, de Jabhat al-Nosra. Cette solution, c'est qu'il y ait un gouvernement d'union nationale avec, d'un côté, des éléments du régime - je dis les choses telles qu'elles sont, car il n'est pas question qu'il y ait un effondrement de l'État syrien, ce qui serait extrêmement grave - et, de l'autre, l'opposition, rassemblée, et la reconnaissance des rôles des différentes communautés, et de l'unité et de l'intégrité de la Syrie.
C'est bien sûr très difficile parce que nous avons perdu trop de temps, alors qu'on aurait dû choisir cette route beaucoup plus rapidement. La France travaille dans cette direction. Nous en discutons avec, bien évidemment, les partenaires arabes, avec la Turquie, les États-Unis d'Amérique. Nous en discutons aussi - c'est un point très important - avec les Russes. C'est dans ce sens qu'il faut aller. N'oubliez pas que la priorité numéro un de la France, c'est la sécurité et la paix. Nous avons parlé de l'Iran tout à l'heure, avec la question du nucléaire, nous voulons éviter la prolifération nucléaire. Cela vaut en Syrie, en Irak. Cela vaut au Mali et il y a eu récemment un grand succès avec la signature par les groupes du Nord et par le gouvernement d'un accord qui, espérons-le, va permettre d'aller vraiment vers le développement. Ce qui serait un succès considérable rendu possible au départ par l'intervention de la France, soutenue ensuite par les Africains et les Nations unies. Donc, l'idée maîtresse, c'est la sécurité et la paix, cela ne veut pas dire la faiblesse mais la sécurité et la paix. Nous essayons toujours - c'est le rôle de la France - de chercher la sécurité et la paix.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 juin 2015