Déclaration de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, sur la contribution de la Brigade de recherche et d'intervention (BRI) à la lutte contre la criminalité organisée et contre le terrorisme, à Paris le 23 juin 2015.

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Circonstance : 50ème anniversaire de la Brigade de recherche et d'intervention (BRI), à Paris le 23 juin 2015

Texte intégral

Monsieur le Député, Président de la Commission des Lois,
Monsieur le Préfet, Directeur général de la Police nationale,
Monsieur le Préfet de Police,
Monsieur le Directeur régional de la Police judiciaire,
Monsieur le Commissaire divisionnaire, chef de la Brigade de Recherche et d'Intervention,
Mesdames et Messieurs,
Nous vivons dans un monde dangereux, où la sécurité nationale et celle de nos concitoyens sont des exigences de chaque instant. Les menaces auxquelles nous sommes confrontés ne cessent en effet d'évoluer : parce que notre rôle est de protéger les Français contre chacune d'entre elles, nous avons l'impérieux devoir de constamment nous adapter et de nous préparer à faire face à toutes les situations. Si nous l'avions oublié, les attentats des 7, 8 et 9 janvier derniers nous l'ont tragiquement rappelé. Dix-sept de nos compatriotes, parmi lesquels trois policiers, ont été froidement assassinés par des terroristes : dans la partie mondiale qui se joue pour éradiquer la terreur, la France est en première ligne.
Nous savons que l'instabilité et la violence que connaissent plusieurs régions du monde – la Syrie, l'Irak, la Libye, le Sahel – permettent à des groupes terroristes de monter de véritables centres d'entraînement avec le projet de frapper nos populations et celles de nos voisins européens, aussi bien que les intérêts français dans le reste du monde.
Nous savons également que le risque terroriste que nous affrontons à l'intérieur de nos frontières est désormais d'une nature bien différente de celle à laquelle nous étions habitués. Aujourd'hui, la menace est diffuse, parce qu'elle implique des personnes qui sont nées ou qui ont grandi parmi nous et qui, au terme d'un processus de radicalisation, basculent dans le fanatisme et la violence armée. Dès lors, nous devons tenir compte de ces évolutions et adapter en conséquence nos dispositifs de riposte.
Mais le terrorisme n'est pas la seule menace à laquelle notre pays doit faire face. Le grand banditisme, les mafias et les trafics en tous genres, les différentes formes d'économie souterraine qui gangrènent des quartiers entiers et peuvent miner la société de l'intérieur, constituent pour nous des adversaires tout aussi redoutables. La plupart du temps, ils revêtent d'ailleurs, eux aussi, une forte dimension internationale, ce qui bien sûr complique encore davantage notre tâche.
J'ajoute que les événements tragiques de janvier ont achevé de mettre en lumière un phénomène récent dont nous avions commencé à prendre conscience lors de « l'affaire MERAH » – je veux parler de la porosité qui existe entre la petite et la grande délinquance enkystée dans nos quartiers d'une part, et ce terrorisme « de proximité » que je décrivais à l'instant d'autre part.
Depuis 50 ans, la Brigade de Recherche et d'Intervention est placée en première ligne pour lutter contre toutes ces menaces qui se multiplient, se transforment et nourrissent les angoisses contemporaines.
Depuis 50 ans, la BRI paye le prix de la lutte contre la criminalité organisée et contre le terrorisme.
Depuis 50 ans, elle répond présent, chaque fois que, pour protéger nos concitoyens et neutraliser les malfaiteurs les plus dangereux, il faut intervenir avec force, précision et rapidité à la fois.
C'est la raison pour laquelle je suis très fier d'être à vos côtés aujourd'hui pour présider cette cérémonie d'anniversaire et célébrer avec vous les cinquante années écoulées depuis la création de la Brigade de Recherche et d'Intervention.
A l'origine de celle-ci, il y a, au début des années 1960, la volonté d'un homme, le commissaire François LE MOEL. Face à l'augmentation du nombre de braquages et de prises d'otages en région parisienne, il décide en effet de créer une unité d'élite, chargée de lutter contre ces entreprises criminelles. C'est ainsi que, le 22 septembre 1964, naît la Section de Recherche et d'Intervention, soutenue par le Directeur de la Police judiciaire de l'époque, Max FERNET. Sa mission est inédite : il s'agit d'enquêter en amont sur les braqueurs présumés afin de les interpeller en fragrant délit, et non pas après qu'ils ont commis leur forfait. C'est donc la démarche classique de l'investigation qui est renversée : au lieu de prendre pour point de départ le crime déjà perpétré, les policiers partent du criminel pour empêcher le crime. Aux yeux du commissaire LE MOEL, l'anticipation et la prévention constituent en effet les plus sûrs moyens de neutralisation des équipes de malfaiteurs qui se livrent au grand banditisme et qui, souvent récidivistes, finissent par bien connaître les techniques d'enquête de la police, compliquant par là même le travail des enquêteurs. La capacité à s'adapter aux évolutions de la criminalité est encore aujourd'hui la marque de fabrique de la BRI.
Depuis 1964, cette méthode a largement fait ses preuves. Au fil des années, la Section de Recherche et d'Intervention, devenue en 1966 la Brigade de Recherche et d'Intervention, a renforcé ses compétences et affiné son savoir-faire, passant ainsi maître dans l'art de la filature, de la surveillance et de l'interpellation des criminels les plus redoutables. Au point même que ses méthodes et son professionnalisme ont inspiré la création du RAID en 1985, renforçant ainsi les capacités de la police française à lutter contre toutes les formes de criminalité et de grand banditisme.
Après 1972 et la tragique prise en otages des athlètes israéliens lors des Jeux Olympiques de Munich, la BRI s'est élargie et s'est également adaptée à l'apparition de nouvelles menaces, de type terroriste cette fois. La lutte antiterroriste est devenue l'une de ses spécialités, en plus des missions quotidiennes de surveillance et de filature qu'elle assure contre le crime organisé et la grande délinquance.
A l'époque, en effet, il n'existait en France aucun groupe d'intervention capable de réagir dans l'urgence à une prise d'otages massive ayant lieu en pleine ville. Pour combler ce manque, la Préfecture de Police crée alors la Brigade Anti-Commando qui, en cas de crise, regroupe désormais autour du pivot que constitue la BRI plusieurs unités issues d'autres services parisiens. Le tout premier service français – et même européen – d'intervention d'urgence était né.
Depuis cet événement, l'ennemi que nous combattons n'a bien sûr cessé de changer de visage, de technologie et de mode opératoire, de même qu'il n'a cessé de s'adapter aux nouveaux moyens de destruction et de communication. C'est la raison pour laquelle, face à des actes criminels de plus en plus sophistiqués, il vous faut sans cesse anticiper leurs évolutions, avoir toujours un coup d'avance. Quoi de commun, en effet, entre la prise d'otages de Munich en 1972 et les « tueries planifiées » d'aujourd'hui ?
Nous affrontons des terroristes mieux renseignés et mieux préparés que jamais, qui font en sorte de profiter d'une exposition médiatique planétaire. A l'heure de la mondialisation de l'information, des réseaux sociaux et des chaînes d'information en continu, l'effet provoqué est terrible, et son écho, durable, aux quatre coins de la planète.
Voilà pourquoi, depuis 2009, la BRI est l'une des composantes de la Force d'intervention de la Police nationale (FIPN), au côté du RAID. Ce regroupement des unités d'intervention de la police nous a ainsi permis de rationaliser et d'accroître l'efficacité de notre riposte. C'est ainsi que nous pourrons répondre toujours plus rapidement aux attaques. Au cours de l'assaut, comme vous le savez mieux que quiconque, la moindre seconde compte, le temps est une denrée précieuse pour sauver un maximum de vies. Grâce à vous, grâce aussi aux gendarmes du GIGN, nous sommes prêts à la riposte.
Aujourd'hui, je veux rendre hommage aux femmes et aux hommes qui, depuis tant d'années, ont fait l'histoire de la BRI, à tous ceux qui, avec courage et abnégation, se sont engagés dans cette unité d'élite, au péril de leur vie pour sauver celle des autres, lutter contre le crime et veiller au respect de la loi républicaine.
Je salue évidemment votre chef, le commissaire divisionnaire Christophe MOLMY, ainsi que le commissaire Georges SALINAS, qui le seconde.
Je veux également saluer l'ensemble des directions qui, au côté de la BRI, coopèrent au sein de la Brigade Anti-Commando : la Police judiciaire, la Direction de l'Ordre public et de la Circulation (DOPC), la Direction de la Sécurité de proximité de l'agglomération parisienne, le Laboratoire central de la Préfecture de Police, mais aussi la Brigade de Sapeurs-pompiers de Paris qui met à disposition ses médecins-urgentistes, ainsi que le Pr Denis SAFRAN, votre indéfectible et précieux compagnon de route.
Car la BRI, notamment dans ses activités d'anti-commando et de contre-terrorisme, c'est d'abord le résultat d'une coordination étroite entre plusieurs équipes. Cette capacité à travailler ensemble pour être plus fort et pour gagner en efficacité doit continuer à nous inspirer.
Et puis, bien sûr, je veux saluer la mémoire de vos collègues tombés en mission, au service de la France et des Français. Aujourd'hui, nous pensons à eux avec gratitude et respect. Nous pensons à leurs familles auxquelles j'adresse au nom de la Nation un message de compassion, d'amitié et de soutien. Jamais nous n'oublierons leur sacrifice. La République sera éternellement reconnaissante à ceux qui la servent jusqu'au sacrifice de leur vie.
En cette journée d'anniversaire, je veux rendre à nouveau hommage à votre engagement et à votre courage, qui forcent le respect. Vos succès méritent notre admiration. En un demi-siècle, vous et ceux qui vous ont précédés ont neutralisé bien des criminels, et ont sauvé bien des Français. Car, la BRI, c'est une histoire. La BRI, c'est une exigence. La BRI, c'est une légende.
La BRI, c'est aussi une suite de noms illustres, une succession de « grands flics » : Robert BROUSSARD, Lucien AIMÉ-BLANC, Michel FAURY – et aujourd'hui Christophe MOLMY. Je pense bien sûr également à Christian LAMBERT, qui est lui aussi passé par la brigade, avant de poursuivre sa brillante carrière, notamment à la tête du RAID.
Je ne vais pas procéder à l'énumération exhaustive des grandes heures qui ont scandé votre histoire. Mais quelques hauts faits, qui sont restés dans notre mémoire collective, nous ont tous marqués par le courage et l'efficacité dont votre unité a fait preuve.
Je pense à l'interpellation, que l'on enseigne dans les écoles de police, de sept malfaiteurs qui s'apprêtaient à dérober, le 26 décembre 1967, la recette des magasins du Louvre.
Je pense bien sûr à la libération du banquier Bernard MALLET, en août 1977, et du baron Edouard-Jean EMPAIN, en janvier 1978.
Je pense évidemment à la poursuite épique de l' « ennemi public numéro un », Jacques MESRINE qui, le 8 mai 1978, s'était évadé de la prison de la Santé, avant d'être neutralisé, le 2 novembre 1979, par les policiers de l'Antigang, à la porte de Clignancourt. Comme chacun sait, cet épisode est entré dans la légende.
Je pense à l'intervention conjointe, le 14 janvier 1986, de la BRI et de la BRB, pour intercepter les braqueurs du fameux « gang des postiches » qui venaient d'attaquer l'agence du Crédit Lyonnais de la rue du Docteur Blanche dans le 16e arrondissement. Malheureusement, l'un des vôtres trouvait la mort au cours de l'opération.
Plus près de nous, je pense à la neutralisation, en janvier 2012, des frères LASCAR, retranchés à leur domicile à Pantin.
Je pense bien sûr à votre parfaite intervention, le 25 novembre dernier, après que deux malfaiteurs eurent braqué une bijouterie Cartier à proximité des Champs-Elysées, avant de se retrancher chez un coiffeur qu'ils avaient pris en otage. Votre grand professionnalisme a alors permis la reddition sans heurts des deux criminels, et la libération sans dommage de leur prisonnier.
Je pense également à l'arrestation, le 27 novembre, de Jean-Luc GERMANI, l'un des derniers parrains du milieu corse, alors en cavale depuis trois ans.
Je pense enfin, je pense évidemment à l'assaut que vous avez mené, le 9 janvier dernier, contre le terroriste Amedy COULIBALY, retranché avec plusieurs otages dans l'épicerie « Hyper-Casher » de la porte de Vincennes, où quatre de nos concitoyens avaient malheureusement déjà trouvé la mort, au simple motif qu'ils étaient juifs. Une fois de plus, vous avez sauvé des vies. Et je sais que cette intervention a profondément marqué tous ceux qui y ont participé.
Face aux nouvelles menaces que j'évoquais tout à l'heure et dont les attentats de janvier constituent un tragique exemple, le Gouvernement sait pouvoir compter sur votre unité d'élite. Le grand banditisme et les radicalismes meurtriers, d'où qu'ils viennent, doivent être combattus sans faiblesse. Dans les pires situations, les intérêts vitaux de la Nation sont entre vos mains, ainsi que la sécurité des Français.
Mesdames et Messieurs, à vous tous comme à chacun de vous, je souhaite un très bel anniversaire – et je vous apporte l'hommage de la Nation toute entière. Je vous remercie.Source http://www.interieur.gouv.fr, le 25 juin 2015