Déclaration de M. Michel Rocard, Premier ministre, sur la Commission nationale consultative des droits de l'homme, Paris le 16 février 1989.

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Circonstance : Installation de la Commission nationale consultative des droits de l'homme pour un second mandat Paris le 16 février 1989

Texte intégral

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Je veux vous dire d'abord combien je me sens honoré à titre personnel de procéder aujourd'hui à l'installation de votre Commission.
Mais ce n'est pas ma personne, bien sûr, c'est ma fonction qui est ici concernée.
C'est le Premier ministre qui installe la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme, mettant ainsi clairement en évidence l'importance que le Gouvernement attache à la cause des Droits de l'Homme.
Je le disais aux Nations-Unies, Monsieur le Président, il y a quelques jours encore, m'adressant à la Commission des Droits de l'Homme :
En cette année du Bicentenaire de la Révolution Française et de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, le Gouvernement français se sent plus que jamais l'héritier de ceux qui firent le geste solennel du 26 août 1789 et de tous ceux qui contribuèrent à concrétiser ce geste partout dans le monde.
Je pense notamment à des hommes comme René CASSIN, qui, faut-il le rappeler, fut celui qui pour la première fois, c'était en 1947, présida votre commission, lui qui joua un rôle déterminant dans la rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme dont nous venons de fêter le 40ème anniversaire.
Cet héritage nous honore mais, surtout, il nous oblige.
Au début de votre intervention, Monsieur le Président, vous avez souligné que l'installation de la Commission - à laquelle nous procédons aujourd'hui pour un nouveau mandat - était placée sous le double signe de la continuité et du renforcement de son autorité morale.
J'ai souhaité, en effet, assurer la continuité de la Commission.
Premier signe de cette volonté : vous avez bien voulu accepter, Monsieur le Président, parvenu à la fin de votre mandat, de rester en fonctions quelque temps encore, pour transmettre le relai à votre Vice-Président, le Conseiller d'Etat et ancien Bâtonnier de Lyon, Paul BOUCHET, présent aujourd'hui parmi nous pour la première fois.
De même, il m'a semblé nécessaire, pour affirmer cette volonté de continuité que je sais partagée, d'éviter toute exclusion : non seulement le mandat de tous les membres sortants qui l'on souhaité, est renouvelé, mais encore nos experts auprès des organisations internationales ainsi que les responsables des Droits de l'Homme des grandes confédérations syndicales siègeront de nouveau au sein de la Commission.
Cette présence syndicale souligne une option qui m'est chère comme à vous tous : les Droits de l'Homme, qui sont fondamentalement des droits civils et politiques, ne peuvent s'exercer pleinement que lorsque sont fermement établis les droits économiques et sociaux.
J'ai voulu la continuité de la Commission, j'ai voulu aussi le renforcement de ses compétences et de son autorité morale.
S'agissant de votre compétence, l'évolution amorcée sous la présidence de Mme Nicole QUESTIAUX, puis institutionalisée sous la présidence de M. Jean PIERRE-BLOCH, se trouve définitivement consacrée par les textes.
Je suis donc convaincu que votre commission aura à coeur de toujours prendre en compte non seulement la dimension internationale mais aussi la dimension nationale des droits de l'homme.
J'ai souhaité aussi, suivant en cela les voeux de la Commission fondés sur sa longue expérience, accroître le rayonnement de son autorité morale.
Le décret organisant la Commission lui confère désormais le label "national" : de Commission Consultative vous êtes devenu Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme.
Ainsi se trouvera conforté son rôle d'interlocuteur des autorités au niveau gouvernemental et non plus seulement celui d'interlocuteur de tel ou tel ministère.
Dans le même temps qu'est élargie la dimension interministérielle de la Commission (désormais ce ne sont plus huit mais onze Ministères qui siègeront avec vous), la présence des représentants des administrations se trouve ramenée à un rôle consultatif.
Ils ne participeront donc plus aux votes délibératifs. Il était pour le moins paradoxal, vous en conviendrez, de voir les textes organiser eux-mêmes les pressions de l'administration sur les décisions de la Commission lorsque celles-ci, par exemple, ont précisément pour objet de critiquer les autorités.
Cela m'a paru de nature à nuire à votre autorité morale et peu conforme à l'idée que je me fais de votre indépendance.
Dans le même esprit, la Commission - et non plus le Gouvernement - aura la maîtrise de l'ordre du jour. Vous avez conquis en fait cette faculté d'auto-saisine. Désormais, vous en bénéficierez en droit. C'était votre souhait, je l'ai fait mien.
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, je ne vous quitterai pas sans vous redire le plaisir qu'a le Premier ministre à accueillir votre Commission à l'Hôtel Matignon.
C'est "une première" qui illustre la réalisation d'un voeu que vous aviez formé dès la réélection du Président François MITTERRAND : celui de voir la Commission directement rattachée au Premier Ministre.
Ce voeu est devenu une réalité et je me réjouis de ce que désormais nous allons travailler ensemble.
Je ne me lasserai jamais de dire combien je suis persuadé que les Droits de l'Homme sont d'autant mieux défendus que gouvernants et non gouvernants coopèrent ensemble à leur défense, dans le respect de l'autonomie des uns et des autres.
Tel est le voeu, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, qu'à mon tour, je forme pour l'avenir de la Commission et, pour tout dire, pour l'avenir de notre pays.