Texte intégral
Monsieur le Président, vendredi dernier, le terrorisme a une nouvelle fois frappé durement, aveuglément au Koweït, en Tunisie, mais aussi de manière particulièrement abjecte en France. À mon tour, j'ai une pensée pour Hervé Cornara et j'exprime toute ma solidarité à ses proches, à sa famille, ainsi qu'à toutes les familles des victimes de ce vendredi sanglant, comme vous l'avez appelé. Je leur adresse avec émotion les condoléances et l'entier soutien du gouvernement français.
Ces nouveaux actes de folie meurtrière confirment - nous l'avons dit ici à de maintes reprises avec le ministre de l'intérieur - le niveau extrêmement élevé de la menace terroriste islamiste dans notre pays, en Europe, dans de nombreux pays dans le monde - États-Unis, Australie, Canada -, mais également dans les pays musulmans qui sont les premiers, je veux le rappeler, à souffrir de ce terrorisme djihadiste.
Face à cette menace terroriste dont le niveau est inédit, insidieuse, protéiforme, je veux le répéter une nouvelle fois, calmement et avec beaucoup de détermination, tout est mis en œuvre pour assurer la sécurité des Français, même si le risque zéro n'existera jamais car nous sommes confrontés à un phénomène de radicalisation de masse sans précédent : 1.800 personnes sont recensées pour la seule mouvance des filières irako-syriennes. Ce phénomène s'inscrit dans la durée.
C'est une guerre de longue haleine que nous menons contre le terrorisme et le djihadisme en France comme à l'extérieur. Nous devons cette lucidité et ce devoir de vérité à la représentation nationale, qui en est bien sûr informée, et qui elle-même a beaucoup travaillé sur ces questions. Je pense au travail réalisé par Éric Ciotti, Patrick Mennucci et ceux qui les accompagnés. Nous le savons donc, c'est un phénomène de longue durée.
Sur le plan répressif, ce sont actuellement 145 dossiers judiciaires qui sont ouverts ; 306 personnes ont été interpellées dans le cadre de ces filières djihadistes syro-irakienne et 179 d'entre elles ont fait l'objet de poursuites.
Lorsque les poursuites judiciaires ne sont pas possibles, le gouvernement a recours à toutes les mesures administratives susceptibles de prévenir la menace terroriste. Je veux les rappeler :
. Expulsion du territoire des étrangers qui prêchent la haine et la violence - ils sont quarante à avoir été expulsés depuis 2012, dont une quinzaine d'imams ;
. Lancement de procédures de déchéance de la nationalité française dès lors que les conditions de droit sont réunies - plusieurs dossiers dont déjà engagés, comme le rappelait le ministre de l'intérieur ce matin ;
. Interdiction d'entrée et de sortie du territoire ; gel des avoirs financiers ; blocage des sites internet faisant l'apologie du terrorisme ; suppression des prestations sociales aux djihadistes ayant quitté la France.
Toutes les solutions sont explorées, mises en œuvre pour entraver l'action des terroristes. En outre, il faut empêcher d'agir les associations qui encouragent ou diffusent les appels à la violence. S'il faut les dissoudre, nous le ferons.
Des questions ont été posées concernant la mouvance salafiste. J'ai eu l'occasion ici même, à l'Assemblée nationale, et avec le ministre de l'intérieur devant les 150 représentants de l'islam de France de dire notre inquiétude s'agissant de la profusion des messages, notamment des Frères musulmans en France et dans le monde. J'ai rappelé notre profonde inquiétude et la nécessité d'agir contre le salafisme le plus radical.
Monsieur le Président, j'étais devant votre groupe ce matin. Olivier Falorni a, en parlant du salafisme le plus radical, utilisé l'expression de «véritable carburant du radicalisme», cette radicalité qui ensuite peut entraîner vers le terrorisme.
Nous savons à qui nous avons affaire. Le ministre de l'intérieur agit et agira avec les armes du droit, car l'État de droit est indispensable pour lutter contre le terrorisme, en faisant un travail de longue haleine, dans la discrétion pour fermer les mosquées quand il le faut, pour s'attaquer aux commerces qui alimentent financièrement le terrorisme, tout en sachant - le ministre de l'intérieur l'a rappelé ce matin devant les présidents des assemblées et les présidents des groupes - que ce travail doit être mené d'abord sur internet, car c'est là où la radicalisation se développe, ainsi que dans les prisons.
Tout cela a été dit et rappelé depuis plusieurs mois. Nous n'allons pas inventer de nouvelles mesures car nous savons qu'il faut agir dans la durée. C'est là où l'ennemi ou l'adversaire ou ceux qui veulent abattre nos valeurs sont. Nous devons donc agir.
Depuis 2012, les moyens légaux ont été renforcés. Deux lois antiterroristes ont été votées par une très large majorité de l'Assemblée et du Sénat. La loi sur le renseignement, vous l'avez rappelé, Monsieur le Président, a également été votée et est aujourd'hui devant le Conseil constitutionnel.
Le gouvernement a également accru les moyens des services en charge de lutter contre le terrorisme. Le plan Vigipirate a été déployé, ce sont 30.000 policiers, militaires, gendarmes qui sont sur le terrain. Dans le cadre de l'opération Sentinelle, 7.000 soldats sont présents partout pour protéger 5 000 lieux de culte ou des écoles confessionnelles. Cela veut dire que nous avons pris les uns et les autres la mesure de ce qu'il faut mettre en œuvre pour lutter contre le terrorisme.
Ce matin, le ministre de l'intérieur a, devant la représentation nationale - Assemblée et Sénat - réunie autour du président de la République, diffusé un document précis sur tout ce qui a été mis en œuvre. Ce document sera diffusé à l'ensemble de la représentation parlementaire.
Face au terrorisme, face à ceux qui s'attaquent à nos valeurs, pas uniquement en France, pas uniquement en Europe, mais partout dans le monde - je pense aussi à nos amis égyptiens, car le procureur général d'Égypte a été assassiné hier -, il faut opposer une coopération sans faille au niveau international et européen ainsi que l'unité et le rassemblement autour de nos valeurs. Au-delà des questionnements légitimes, nous serons en effet beaucoup plus forts pour lutter contre le terrorisme lorsque nous serons unis, rassemblés sur les moyens, sur les actions et sur les valeurs./.
Je vous remercie de votre question. Il est vrai, en effet, comme nous l'avons tous dit ici d'une manière ou d'une autre, que nous sommes confrontés à ce qui est sans doute la plus grande menace de ces dernières décennies : celle de ce terrorisme, de cet adversaire à la fois extérieur et intérieur - c'est le même, ce sont les mêmes terroristes qui agissent à l'extérieur, ici ou dans d'autres pays.
J'ai rappelé tout à l'heure les chiffres, au nom de ce devoir de vérité et de lucidité. Je rappelle une nouvelle fois que d'autres pays sont concernés par ces phénomènes - la plupart en Europe. Un chiffre effrayant doit nous amener à mesurer l'ampleur de ce phénomène : celui des 5.000 Européens - je ne parle que des Européens - qui sont présents aujourd'hui en Irak ou en Syrie. Pour la fin de l'année, les projections prévoient un chiffre de 10.000 Européens, outre tous ceux, Tunisiens, Marocains ou Algériens, qui sont déjà là-bas.
Chacun doit donc comprendre que, comme je l'ai rappelé à la tribune de cette assemblée le 13 janvier dernier et, déjà, dès la fin de l'année 2012, lorsque nous avons voté ensemble la première loi antiterroriste, qui tirait aussi les leçons des crimes de Merah à Toulouse et à Montauban, nous sommes engagés dans une guerre contre le terrorisme - un guerre que mène le terrorisme, celle que mène notamment Daech, et qui est nouvelle par rapport aux phénomènes de terrorisme que nous avons connus.
Pour cela, il faut évidemment des moyens nouveaux et considérables. Notre arsenal juridique est là, je l'ai rappelé : ce sont les deux lois antiterroristes, avec des mesures concrètes et efficaces qu'il faut appliquer tous les jours, et la loi sur le renseignement, qui est aujourd'hui devant le Conseil constitutionnel et qui nous donne des moyens supplémentaires.
C'est difficile à dire, en pensant à la famille de notre compatriote, mais je reste convaincu, comme le ministre de l'intérieur, que les moyens que nous donne cette loi auraient peut-être - je le dis avec prudence - permis de savoir ce que préparait cet individu. Nous avons donc besoin de ces moyens et, bien sûr, d'une coopération européenne, qui est indispensable, majeure, pour adopter au plus vite le «Passenger Name Record» - le PNR -, ce fichier recensant les passagers des vols. Il faut que chaque parlementaire européen se rende bien compte que, dans tous les pays d'Europe, les citoyens ont aujourd'hui, à juste titre, peur du terrorisme, que chaque parlementaire européen prenne ses responsabilités et que le Parlement européen puisse enfin voter le PNR, qui est aussi l'un de ces instruments.
Nous avons besoin de cette coopération avec les pays d'Europe - nous l'avons engagée avec Bernard Cazeneuve - et tous les pays concernés. Il faut que l'Europe - la France, elle, prend ses responsabilités - aide la Tunisie, qui est un pays ami, un pays frère, victime du terrorisme. C'est ce pays qui a enclenché le processus démocratique. C'est un pays qui porte haut les valeurs de la démocratie et de la laïcité. C'est aussi pour cela que ce pays frère a été attaqué par les terroristes. Nous avons un devoir de soutien, comme l'a manifesté hier le ministre de l'intérieur en se rendant en Tunisie avec ses homologues allemand et britannique.
Nous avons mis les moyens. On peut certes toujours faire plus : comme nous l'avons montré à l'occasion de la réunion de ce matin à l'Élysée, autour du chef de l'État, nous sommes toujours disponibles pour examiner vos propositions et aller plus loin. J'ai rappelé le nombre de policiers, de gendarmes et de militaires mobilisés. Je peux rappeler aussi les 1.830 policiers et gendarmes supplémentaires dédiés à la lutte contre le terrorisme qui ont été créé en trois ans, dont 930 au sein du renseignement intérieur, les 250 millions d'euros engagés et les 950 emplois qui se mettent en œuvre. On peut toujours aller plus vite, mais il faut des hommes et des femmes formés dans les juridictions spécialisées, dans la lutte contre le terrorisme et dans le milieu pénitentiaire, car il faut poursuivre sans relâche cette action.
Tous les jours - je dis bien tous les jours -, des individus sont arrêtés et des filières démantelées. Six attentats majeurs ont été évités depuis 2013. Des filières ont été démantelées. Ces derniers jours, quatorze personnes ont été interpellées. Nous continuerons les expulsions - c'est, bien sûr, indispensable - de prêcheurs de haine et de terroristes en fin de peine, dont des imams, je l'ai rappelé. La déchéance de la nationalité, dans des conditions de respect du droit, nous y sommes prêts. Cela n'avait jamais été fait à ce niveau. Nous continuerons.
Mais, Monsieur le Président, la lucidité - et je sais que, sur ces questions, nous pouvons nous retrouver - nous amène aussi à voir que, comme c'est également le cas dans de nombreux pays, certains de nos compatriotes concernés, dans certains quartiers, ne sont pas des binationaux, mais des convertis, notamment au salafisme. Nous devons donc agir sur tous les paramètres, en rassemblant la société française - la laïcité, l'école, la manière dont on vit, les quartiers - car, au fond, c'est ce qui se joue.
Si je suis inquiet, comme vous l'êtes et comme, évidemment, le sont aujourd'hui les Français, qui se disent qu'aujourd'hui leur voisin peut être un terroriste, c'est à cause de ce changement qui est train de s'opérer. Après l'émotion du mois de janvier, c'est aujourd'hui la peur qui s'est emparée de nos compatriotes. Si nous ne voulons pas que la peur s'impose dans notre société, nous devons être forts.
Monsieur le Président, je vous donne rendez-vous pour examiner ensemble les solutions que nous pouvons mettre en œuvre, dans le strict respect de l'État de droit, avec les moyens nécessaires. Avec le ministre de l'intérieur et la garde des sceaux, nous sommes ouverts au dialogue, car j'ai la conviction profonde que l'unité, le rassemblement des Français autour des valeurs est plus que jamais indispensable face à ce qui est une véritable guerre.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 juillet 2015