Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, à France Info" le 13 juillet 2015, sur les négociations entre la Grèce et l'Union européenne.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

NICOLAS TEILLARD
L'invité politique de France info ce matin : le ministre de l'Agriculture, porte-parole du gouvernement. Bonjour Stéphane LE FOLL.
STÉPHANE LE FOLL
Bonjour.
NICOLAS TEILLARD
Compromis, projet de compromis posé sur la table ce matin, on est encore loin de la sortie de crise à Bruxelles. Est-ce que vous avez quand même de l'espoir après cette nuit de négociation ?
STÉPHANE LE FOLL
Il y a une nuit de négociation et plusieurs jours d'ailleurs de négociation parce que je crois que derrière tout cela il y a une page d'histoire pour l'Europe qui va s'écrire, je l'espère. La France et le président de la République auront cherché tout au long de ces négociations à rendre compatible le maintien de la Grèce de la zone euro avec aussi les impératifs qui sont liés à la créance qui est due par la Grèce aujourd'hui. Donc cette discussion elle porte à la fois sur une dimension économique des choses mais aussi sur une dimension politique.
NICOLAS TEILLARD
C'est ce que veut défendre la France justement en jouant un petit peu cet équilibre ?
STÉPHANE LE FOLL
C'est ce que défend la France. La Grèce c'est un pays qui représente 2 % du PIB, mais c'est un pays qui a aussi parce que c'est un pays dans une géographie très particulière, c'est un pays avec l'histoire qui est celle de ce pays qui a aussi une force symbolique. Et ne pas être solidaire à un moment où un pays rencontre une difficulté ça veut dire qu'une prochaine fois on pourrait avoir la même chose et le même problème, donc il s'agit à la fois d'être cohérent sur l'objectif d'équilibre que l'on doit trouver, mais ferme, c'est ce qu'a fait le président de la République sur le fait qu'on ne peut pas laisser penser qu'on laisserait tomber la Grèce.
NICOLAS TEILLARD
On a le sentiment que ce symbole de la Grèce il est insuffisant pour Angela MERKEL qui veut des actes, l'Allemagne a une ligne très dure, très ferme, il y a des divergences entre François HOLLANDE et Angela MERKEL ?
STÉPHANE LE FOLL
Il faut respecter la ligne de l'Allemagne mais il faut aussi respecter ce qu'est la position de la France. J'ai entendu, et vous l'avez indiqué tout à l'heure juste au début ce qu'a dit Nicolas SARKOZY, mais entre la France et l'Allemagne il n'y a pas d'alignement de l'un sur l'autre, il y a deux grands pays qui ont une responsabilité et ils assument à partir de là des choix. Je ne comprends pas que la droite française, sauf à être dans l'idée que, et c'est malheureusement ce qui caractérise Nicolas SARKOZY il n'y a que la revanche après la défaite de 2012 qui compte, qu'elle puisse perdre comme ça le sens de l'histoire. Le sens de l'histoire c'est que le couple franco-allemand est essentiel à la construction du projet européen. Mais parce qu'il est essentiel à la construction du projet européen, ça veut dire que chacun doit défendre aussi une part de ce qu'est l'intérêt de l'Europe.
NICOLAS TEILLARD
Vous trouvez ça irresponsable en plein sommet ?
STÉPHANE LE FOLL
Oh irresponsable ! Oui, je trouve que ce n'est pas responsable en tout cas, en plein sommet aller à Bruxelles pour s'immiscer dans une discussion. Enfin, de toute façon ça n'a pas été vraiment noté et ça n'aura pas d'influence ni d'impact.
NICOLAS TEILLARD
Stéphane LE FOLL pas d'alignement, on l'a compris, mais enfin au bout d'un moment il va falloir un accord, il va falloir des signatures.
STÉPHANE LE FOLL
Oui bien sûr.
NICOLAS TEILLARD
Si l'Allemagne fait tout pour qu'il y ait une sortie de la Grèce de la zone euro, que dira la France ?
STÉPHANE LE FOLL
La France est dans la position que j'indiquais, à la fois pour tenir compte de ce que sont les demandes des pays qui considèrent qu'on ne peut pas continuer à prêter sans qu'il y ait des contreparties qui viennent de la Grèce avec des engagements qui soient suffisamment sécurisants pour pas qu'on recommence ce qui a été fait déjà.
NICOLAS TEILLARD
Ca veut dire que s'il n'y a pas d'engagement la France serait prête à accepter une sortie de la Grèce de la zone euro.
STÉPHANE LE FOLL
La France, elle, elle défend la position qui consiste à dire on a nécessairement à trouver un accord pour sécuriser ces nouveaux prêts, ces nouveaux financements pour la Grèce et la Grèce a un impératif, c'est de rassurer et d'engager des réformes. Voilà la position de la France, ça reste cette position et ça restera cette position. Et j'espère, alors on est avec quelques points encore en négociation, mais j'espère qu'il y aura à partir de là le compromis européen qui est à la hauteur je l'ai dit de l'enjeu qui est posé aujourd'hui.
NICOLAS TEILLARD
Est-ce que c'est vraiment à la hauteur ? Parce que l'Eurogroupe demande à la Grèce de voter d'ici mercredi une réforme des retraites, une hausse de la TVA, une réforme de la fonction publique, est-ce que dans un pays où il a fallu 9 mois pour voter la loi Macron, par exemple, c'est raisonnable de demander aux Grecs de faire autant de réformes en trois jours ?
STÉPHANE LE FOLL
Ce qui est raisonnable c'est de sortir les Grecs et la Grèce de la situation dans laquelle ils sont. Moi je vous rappelle simplement une chose aujourd'hui, les banques n'ont plus de liquidités, les Grecs ne peuvent pas, et il faut que chaque français aujourd'hui, ce matin, s'imaginent ça, ne peuvent pas retirer plus de 60 euros par jour, et avec un risque de faillite générale. Donc à partir de là chacun doit bien mesurer la situation. Et donc il faut, je l'ai dit, trouver la voie du compromis. Cette voie du compromis elle a été posée en termes clairs : pas de sortie de la Grèce de l'euro, de la zone euro, très clair, défendu par la France. Et des positions sur les créanciers qui veulent que la Grèce s'engage parce qu'ils ont besoin de contreparties ou de confiance retrouvées puisque ça fait déjà plusieurs fois…
NICOLAS TEILLARD
Là il y a clairement une défiance très claire quand même, parce qu'on demande même de gérer le système de privatisation, c'est une mise sous tutelle de la Grèce.
STÉPHANE LE FOLL
Ca ne suffit pas du tout, il y a un respect au-delà des éléments qui sont mis sur la table pour essayer de conforter ce compromis, il y a un respect et il y aura un respect de la souveraineté de la Grèce.
NICOLAS TEILLARD
Est-ce que mettre dans la balance la sortie de la Grèce de la zone euro avec les conséquences que ça aurait ça n'est pas déjà biaisé les discussions dès le départ ?
STÉPHANE LE FOLL
Mais elles n'étaient pas biaisées puisque certains évoquaient de manière très claire la sortie de la Grèce de la zone euro, ce n'est pas biaisé ça. Vous avez entendu comme moi, il y a même eu d'évoqué, je le rappelle…
NICOLAS TEILLARD
Sauf que la Grèce ne négocie pas avec un pistolet sur la tempe.
STÉPHANE LE FOLL
Une sortie temporaire, donc il y a des pays mais vous…il faut bien mesurer qu'en Europe chaque pays à une opinion, que des opinions ont été, d'ailleurs beaucoup s'y radicalisaient. Je pense à certains pays où aujourd'hui les nationalistes sont aux portes ou gouvernent d'ailleurs avec des coalitions, donc on a à tenir l'intérêt général européen, c'est ce qu'a fait le président de la République depuis le début. On a à considérer que la solidarité et la cohérence de l'Europe ça vaut deux jours, trois jours, une semaine, dix jours de discussion ; que le compromis nécessairement il devra tenir compte aussi d'un certain nombre d'exigences des créanciers. Mais que la position qu'a défendue le président de la République c'était de dire on ne commence pas par considérer qu'on va faire sortir la Grèce de l'Euro. Ca c'était la position de la France. Et donc le chemin qu'on doit trouver c'est l'accord et ses compromis.
NICOLAS TEILLARD
Stéphane LE FOLL, invité du 6-9 de France info ce matin et porte-parole du gouvernement, merci à vous.
STÉPHANE LE FOLL
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 juillet 2015