Déclaration de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, sur la réponse du gouvernement grec (référendum) aux propositions de l'Eurogroupe, à l'Assemblée nationale le 30 juin 2015.

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Circonstance : Séance de questions d'actualité, à l'Assemblée nationale le 30 juin 2015

Texte intégral

Monsieur le Député, vous avez votre lecture, mais permettez-moi de vous dire qu'ayant participé à l'ensemble de la négociation, y compris à la réunion de l'Eurogroupe de samedi dernier, je n'ai pas la même que vous - et je crois pouvoir en parler en connaissance de cause, en particulier pour ce qui concerne la position française.
Samedi dernier, au sein de l'Eurogroupe - en présence, évidemment, du ministre des finances grec -, il y avait sur la table des négociations, comme la France le souhaitait, une proposition globale, avec des mesures nécessaires pour faire en sorte que l'économie et les finances grecques retrouvent de la stabilité, mais aussi avec un indispensable accompagnement en termes de solidarité de la part de l'Europe et de chacun de nos pays, une aide au financement de l'économie, une aide à l'investissement - car c'est l'investissement qui permettra à la croissance de reprendre en Grèce et la Grèce a, d'abord et avant tout, besoin de retrouver de la croissance, de l'activité et de l'emploi - et une proposition relative à la dette, pour permettre d'alléger le poids de celle-ci au cours des mois et des années qui viennent, le temps que la Grèce retrouve de l'air et une capacité à se développer.
Voilà ce qu'il y avait sur la table des négociations et à quoi le gouvernement grec, en toute liberté et en toute légitimité, a choisi de répondre par la voie du référendum.
Pas plus qu'aucun membre du gouvernement, je ne conteste la légitimité du référendum. C'est le choix du gouvernement et du Parlement grecs : ce sera donc le choix du peuple grec que d'y répondre. C'est inattaquable.
Nous ne remettons pas en cause la démocratie, mais je ne veux pas non plus que l'on mette en cause la vérité de la négociation et de la position de la France./.
Merci, Monsieur le Député, pour la brièveté de votre question, à laquelle je vais répondre un tout petit peu plus longuement, les réponses n'étant pas aussi simples que les questions dans ce domaine.
Tout d'abord, une question est posée au peuple grec. Elle est posée à partir d'un document qui n'est pas le produit d'un accord, mais qui est en cours de négociation. C'est le choix qu'a fait le gouvernement grec et j'ai décrit, en répondant à une question sur la situation de la Grèce, quelle était la situation de la négociation et quelles étaient les propositions, en particulier celles de la France qui défend un accord global afin qu'il soit durable.
Ensuite, nous sommes aujourd'hui mardi. Nous avons encore devant nous quelques heures pendant lesquelles, à l'initiative de la France, à l'initiative de la Commission et en particulier de M. Juncker, des propositions peuvent être faites. Il reste encore quelques heures pendant lesquelles, dans le dialogue avec le gouvernement grec, nous pouvons essayer de trouver une solution qui soit bonne pour la Grèce et bonne pour l'Europe. C'est d'abord et avant tout à cela que je me consacre aujourd'hui, et non pas à faire des hypothèses sur tel ou tel résultat du référendum.
Enfin, je veux dire clairement ici que les conséquences du «oui» ne sont pas les mêmes que les conséquences du «non».
La conséquence du «oui», c'est que le dialogue et la négociation continuent. Je cherche ici à éclairer le débat - la France et le président de la République le font depuis longtemps -, et non pas à faire campagne dans un sens ou dans l'autre.
La conséquence du «non», c'est que nous glissons dans une voie inconnue : celle du risque de la sortie de l'euro. Nous n'en voulons pas pour la Grèce ! Nous voulons la Grèce dans l'euro, nous voulons une Europe forte, nous voulons une Europe solidaire avec la Grèce, et c'est cela que nous privilégions, y compris dans les instants qui suivent./.
Monsieur le Député, voici quelques éléments de réponse à votre question.
Tout d'abord, qui sont les «créanciers», comme vous dites ? Sont-ce des spéculateurs qui auraient prêté à la Grèce afin d'essayer de réaliser les meilleurs profits possibles sur le dos des Grecs ? La réponse est non, vous le savez.
Aujourd'hui, la Grèce est endettée à l'endroit d'institutions publiques, qu'il s'agisse du Fonds monétaire international - qui est une institution publique -, qu'il s'agisse de la Banque centrale européenne - qui est une institution publique - ou, bien entendu, qu'il s'agisse de chacun de nos États.
Les Grecs sont endettés vis-à-vis des autres contribuables de l'Europe qui ont légitimement fait preuve de solidarité afin d'aider la Grèce à traverser des périodes difficiles.
Est-ce une raison pour ne rien faire ? Non ! Je vous l'ai dit, le Premier ministre l'a répété : nous avons formulé des propositions pour faire en sorte que le poids de la dette puisse être allégé dans les années qui viennent - qui seront très difficiles - afin que la Grèce puisse retrouver la croissance.
Oui, cela peut porter tous les noms que l'on voudra, mais cela revient à faire en sorte que, pendant ces années-là, la Grèce ne rembourse pas autant que ce qui était prévu afin qu'elle puisse consacrer ses moyens à son développement, à son économie, à sa croissance.
Voilà exactement ce qu'est la position de la France !
Dès lors, Monsieur le Député, nous avons voulu le dialogue, pendant la négociation, jusqu'au bout et aujourd'hui encore, en ce moment même, c'est le dialogue que nous voulons. Nous le privilégierons, quel que soit le résultat du référendum.
Dans un cas, les négociations continuent, dans l'autre, c'est l'inconnu, mais c'est peut-être dans ce cas de figure-là que le dialogue est le plus nécessaire. Précisément, nous serons là pour dialoguer, tendre la main et faire en sorte que la Grèce puisse rester dans la zone euro et dans l'Europe.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 juillet 2015