Interview de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front National et candidat à l'élection présidentielle de 2002, à France 2 le 20 août 2001, sur le parrainage de sa candidature à l'élection présidentielle, l'Europe, sa succession éventuelle à la tête du Front national.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral


T. Hay Avant d'évoquer votre avenir politique et celui de votre parti, comment voyez-vous désormais l'avenir de la Corse après la mort de M. Santoni ?
- "Est-ce je pourrais faire une petite précision relative à notre manifestation de la Trinité-sur-Mer, parce qu'il me semble que le rapport qui en a été fait n'a pas été tout à fait exact."
On a dit qu'il y avait peu de monde.
- "Il y avait 1300 à 1500 personnes ont dit les organes de presse. On a parlé de "méthode sinistre" de notre service d'ordre qui avait écarté un marginal et ses chiens d'une cérémonie religieuse. Je crois qu'on a confondu la Bretagne avec la Corse ! On a confondu aussi cette cérémonie avec l'université d'été qui aura lieu la semaine prochaine. Cette cérémonie marquait la fin de la caravane qui a parcouru la France pendant un mois. Les jeunes ont fait une caravane de publicité pour la campagne présidentielle."
Les images montrent quand même que vous avez un service d'ordre un peu musclé, il fait son travail, mais il est quand même un petit peu musclé.
- "Ce ne sont pas des "méthodes sinistres". Il faut bien maîtriser des gens qui viennent troubler une grande manifestation religieuse avec des chiens et en lançant des injures ! C'est normal ce n'est pas extravagant quand même."
Comment voyez-vous l'avenir de la Corse ?
- "Je ne suis pas surpris de voir qu'on continue à tuer en Corse. On continuera de le faire tant que le gouvernement français aura à l'égard de la Corse une attitude de neutralité, voire de connivence. Il n'y a qu'une seule manière de régler le problème corse, en tout cas, elle est préalable à toutes sortes de solution quelles qu'elles soient, et en particulier d'amodiations d'administrations ou autres : c'est l'éradication du terrorisme. Tant qu'il y aura une menace terroriste, les Corses ne seront pas libres de dire ce qu'ils veulent et seront privés des droits fondamentaux des citoyens français, en particulier celui de la liberté et de la sécurité."
Venons-en à la politique, à la présidentielle évidemment. Le Figaro, le 9 juillet dernier, révélait qu'on pouvait lire des grands encarts dans la presse du Front national sur lesquels étaient inscrits : "connaissez-vous un maire pour parrainer la candidature de J.-M. Le Pen ?" Doit-on comprendre que vous avez du mal à récolter les 500 signatures ?
- "Pas du tout, mais il y a un fait : le Front national est un mouvement national qui n'est pas aussi implanté que les grands partis politiques qui sont, pour certains, en place depuis 100 ans, comme le Parti socialiste, 70 ans comme le Parti communiste, 50 ans comme le Parti gaulliste. Par conséquent, il a plus de difficultés que les autres. Je crois d'ailleurs que c'est contre lui que ce passage de 100 à 500 signatures avait été décidé. Mais pour les deux dernières élections présidentielles, où j'ai fait à chaque fois 4,5 millions de voix, j'ai eu le nombre de signatures suffisant. Cela dit, demander à nos camarades, à nos amis, s'ils connaissent des maires, de les inciter à apporter leurs signatures, c'est très normal. J'ai fait beaucoup déjà ; j'ai envoyé 35 000 brochures de présentation à tous les maires de France, sans exception, et puis j'ai mis en place un réseau de gens qui vont visiter les maires pour leur expliquer que cette signature ne signifie pas d'ailleurs qu'ils soutiennent la candidature de J.-M. Le Pen, mais simplement qu'ils remplissent la formulation administrative qui consiste à permettre la présentation du candidat d'un grand courant national, qui a fait tout de même 15% des voix."
Pour la présidentielle, sur le créneau souverainiste, si je puis dire, il va y avoir du monde : M. Pasqua est parti, M. de Villiers se tâte, M. Mégret est comme vous à la chasse aux signatures et le 9 septembre, M. Chevènement annoncera très probablement sa candidature. Est ce que cela ne va pas entraîner un émiettement de l'électorat qui pourrait cette fois-ci vous être peut-être préjudiciable ?
- "Au dernier référendum de Maastricht, il y avait 49 et quelques pour cent des voix souverainistes. Il y a une grande marge quand même, même si on devait se partager ces voix. Il y aura moins de monde à se partager les voix souverainistes qu'il n'y en aura à se partager les voix ordinaires de la droite ou encore les voix de la gauche."
L'Europe, ce sera un point fort de votre campagne ?
- "Bien sûr, parce que les Français, je le crois, ne se rendent pas compte que notre entrée progressive, mais rapide, dans l'Europe à vocation fédérale va faire disparaître la France, va faire disparaître de fait non seulement l'Etat français mais la République française et les priver des garanties qu'ils ont de pouvoir s'occuper eux-mêmes de leurs affaires. On sait que 60% des lois sont déjà décidées à Bruxelles et non plus à Paris, quand il y aura 100% des lois, les Français n'auront plus rien à dire."
Comment lutter contre l'euro à partir du moment où les gens reçoivent leur facture EDF en euro et ont déjà un chéquier en euro.
- "Moi-même, je paie toujours en francs et je continuerai à payer en francs parce que je considère que l'abandon de la monnaie est un signe extraordinaire de régression historique puisque la possession et la maîtrise de la monnaie sont la condition de la maîtrise de l'économie de la fiscalité et par conséquent de la vie du pays."
Vous envisagez des actions anti-euro ?
- "Eventuellement. Nous avons déjà fait des campagnes d'affiches, des campagnes de tracts et éventuellement, nous ferons des actions qui seraient peut-être plus spectaculaires."
De quel type ?
- "Je ne sais pas, mais ils seront dans le cadre de la légalité, soyez-en sûr. "
Il y a les présidentielles et il y a l'après-présidentielle. A quelle date annoncerez vous officiellement le nom de celui qui vous succédera à la tête du Front national ?
- "Le sujet n'est pas d'actualité, puisque j'ai été élu pour trois ans, et que le congrès ordinaire du Front national n'aura pas lieu avant 2003. On verra bien à ce moment-là si la question se pose."
Vous avez bien une idée dans votre calendrier dans votre tête, quand le direz vous ?
- "Tant que j'ai des jambes et une tête, je marche."
C'est toujours M. Gollnisch qui tient la pool position ?
- "C'est un homme proche pour lequel j'ai beaucoup d'estime et d'amitié. Il est certain que si je disparaissais aujourd'hui, ce qui peut arriver à chacun d'entre nous, c'est M. Gollnisch qui sans doute prendrait la relève."

(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 22 août 2001)