Texte intégral
Q - Monsieur le Ministre, 0,7 % du PNB consacré à l'aide publique au développement, cela représente plus du double du niveau actuel de l'aide des pays européens, en tout cas par rapport au chiffre de 99. Compte tenu de la vitesse à laquelle les pays européens augmentent précisément leur aide publique au développement, vers quel horizon situez-vous la réalisation du 0,7 % d'une part ; d'autre part, je crois que si l'on reprend le chiffre de 99, donc de 0,32 % pour les pays européens (qui doit représenter 26 milliards), quel est le pourcentage de ces quelques 26 milliards qui est actuellement consommé ? Quel est le taux de consommation dont vous parliez tout à l'heure ?
R - La capacité d'absorption de l'aide publique au développement est un problème que l'on rencontre assez souvent et que l'augmentation de l'APD que nous souhaitons renvoie à une augmentation de la capacité d'absorption. S'agissant du 0,7 %, il est clair que si l'on suivait l'évolution constatée au cours des huit dernières années, ce ne serait pas vers les 0,70 que l'on s'orienterait, mais peut-être bien vers les 0,10 parce qu'il y a eu une certaine tendance à baisser dans un certain nombre de pays. La France n'échappe pas totalement à la règle même si elle reste encore à un niveau qui se compare avantageusement avec certains. Mais il y a aussi la baisse statistique provoquée par la sortie des TOM. Cela nous a faire perdre d'un coup 0,05 et, au lieu d'être à 0,37, nous sommes tombés à 0,32.
En réalité, l'APD se constatant après coup (CAD de l'OCDE), c'est en réalité l'APD consommée qui est comptabilisée. S'agissant de l'évolution possible, je voudrais dire deux choses. On observe, et il faut s'en réjouir, que la plupart des Etats ont semble-t-il stoppé la baisse de l'aide publique au développement. On assiste même dans un certain nombre de pays à une remontée. C'est même très modestement le cas de la France puisqu'on aura regagné 1/10ème de point peut-être 2, dès 2001 sous l'effet du début de l'effacement de la dette. C'est bien ce qui nous rend un peu optimiste.
L'effacement de la dette, je rappelle que cela va coûter 10 milliards d'euros à la France seule. A cela, il faut ajouter la mise en place et l'investissement dans les fonds mondiaux pour le SIDA, malaria, tuberculose d'une part et le fonds mondial pour l'environnement de l'autre.
D'autres pays ont marqué leur volonté de remonter, c'est le cas de l'Espagne, qui revient d'assez loin, c'est le cas de la Grande-Bretagne. L'attitude que nous pouvons avoir c'est que nous entrons, pour une durée difficile à apprécier, dans une période de difficultés économiques et que nous voyons bien l'argument qui pourra être retiré pour ne pas aller aussi vite qu'on le voudrait en matière d'aide publique au développement. Il y a là un télescopage qui est un peu regrettable, mais ça c'est une réalité.
Un mot enfin sur Monterrey qui sera l'occasion pour nous d'essayer de faire avancer quelques pistes en matière de financement du développement et que le rapport Zedillo à commencé à mettre en évidence mais auquel nous voudrions donner un peu plus de force et qui pourrait se résumer de la manière suivante: Sommes-nous prêts à payer l'assurance dont le monde à besoin ? Nous avions hier un dîner avec le président de la Banque mondiale qui a dit "Nous vivons dans un monde sans assurance". Il aurait pu continuer et ajouter "et c'est un monde qui présente de plus en plus de risques". Le monde est-il prêt à payer sa propre assurance ? A payer en particulier pour corriger les excès d'une mondialisation mal maîtrisée, et cela renvoie sur un certain nombre de taxes possibles prélevées à l'échelle du monde à proportion des capacités contributives et qui pourraient reprendre en compte les idées que l'on a entendues par ailleurs, y compris la question de la taxation des mouvements de capitaux, y compris la taxation proposée par d'autres concernant l'environnement, ou la taxation sur le commerce des armes. L'idée, c'est d'aller plus délibérément vers une fiscalité mondiale, assise, je le répète, sur les capacité contributives des uns et des autres. Ce qui veut dire évidemment que les pays riches paieraient plus, paieraient largement à la place de ceux qui ne le sont pas. Ceci avec la préoccupation, c'est un autre concept qui est en train de se développer, c'est bien, que ce sont les biens publics mondiaux. C'est bien pour financer les biens publics mondiaux que cette fiscalité mondiale pourrait être mobilisée. Convaincu que le financement des biens publics mondiaux est la bonne manière pour lutter contre les inégalités du Monde et participer aussi à l'assèchement du terreau sur lequel prospère la violence, la haine et quelque part, le terrorisme. Et on en revient à l'actualité.
Q - En ce qui concerne l'Afghanistan, on craint que bientôt des milliers d'Afghans pourraient mourir de faim. Est-ce qu'il y a une préoccupation au sein du Conseil que la poursuite des bombardements pourrait rendre plus difficile l'aide pour ces populations.
R - Bien sûr que cette préoccupation a été évoquée et qu'elle est partagée par l'ensemble des pays membres. Nous avons d'ailleurs voulu rappeler que cette situation humanitaire est préoccupante mais que, malheureusement, elle n'était pas nouvelle. Cela fait 22 ans que les populations sont affectées par la famine, connaissent des conditions de vie très rudes, la guerre, les intempéries... Mais il est vrai que la situation de guerre dans laquelle nous sommes complique les choses.
Ce qui est l'essentiel, c'est l'accès aux populations. Des populations qui sont d'autant plus fragilisées qu'elles se sont pour beaucoup d'entre elles mises en mouvement à l'intérieur de l'Afghanistan. La question de l'accès à ces populations est plus difficile que la question des moyens, par exemple en matière d'alimentation, dont ils auraient besoin. C'est plus la manière de faire parvenir l'aide que le volume de l'aide en question. Il y a beaucoup de choses qui ont été faites, beaucoup de pays européens ont annoncé et commencé à participer. C'est le cas de la France. En terme d'aide alimentaire notamment. L'Inde de son côté vient de faire une proposition très importante d'environ un million de tonne de céréales, ce qui est considérable. L'important, c'est d'accéder à ces populations.
Pour l'instant, et il faut leur rendre hommage, les ONG arrivent vaille que vaille, souvent dans le cadre d'accords négociés localement à faire passer leurs camions. Mais ceci ne vaut pas pour la totalité de l'Afghanistan et il y a selon nos estimations 150.000 personnes quelque part au nord est de Kaboul qui ne sont pas susceptibles d'être desservies, si je puis dire, auxquelles on ne peut pas avoir accès.
S'agissant toujours de l'action humanitaire, la France à dit ses réserves quant à l'intention affichée par le Secrétaire général de l'OTAN de voir l'OTAN reconnue comme ayant une mission humanitaire. Je ne discute pas la position des autres pays, mais nous voudrions être sûrs que ceci ne risque pas d'être un signal politique plutôt négatif. Je voulais vous dire aussi que j'envoie la semaine prochaine, elle est en train de se mettre en place, une mission d'expertise à la demande du président de la République et du Premier ministre, afin d'apprécier ce que nous pourrions faire. Sachant enfin que c'est la mise en place (souhaitons-la rapide) d'une solution politique permettant un autre gouvernement afghan et donc d'autres conditions de vie, qui est la bonne réponse à la question humanitaire.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12/11/2001)
R - La capacité d'absorption de l'aide publique au développement est un problème que l'on rencontre assez souvent et que l'augmentation de l'APD que nous souhaitons renvoie à une augmentation de la capacité d'absorption. S'agissant du 0,7 %, il est clair que si l'on suivait l'évolution constatée au cours des huit dernières années, ce ne serait pas vers les 0,70 que l'on s'orienterait, mais peut-être bien vers les 0,10 parce qu'il y a eu une certaine tendance à baisser dans un certain nombre de pays. La France n'échappe pas totalement à la règle même si elle reste encore à un niveau qui se compare avantageusement avec certains. Mais il y a aussi la baisse statistique provoquée par la sortie des TOM. Cela nous a faire perdre d'un coup 0,05 et, au lieu d'être à 0,37, nous sommes tombés à 0,32.
En réalité, l'APD se constatant après coup (CAD de l'OCDE), c'est en réalité l'APD consommée qui est comptabilisée. S'agissant de l'évolution possible, je voudrais dire deux choses. On observe, et il faut s'en réjouir, que la plupart des Etats ont semble-t-il stoppé la baisse de l'aide publique au développement. On assiste même dans un certain nombre de pays à une remontée. C'est même très modestement le cas de la France puisqu'on aura regagné 1/10ème de point peut-être 2, dès 2001 sous l'effet du début de l'effacement de la dette. C'est bien ce qui nous rend un peu optimiste.
L'effacement de la dette, je rappelle que cela va coûter 10 milliards d'euros à la France seule. A cela, il faut ajouter la mise en place et l'investissement dans les fonds mondiaux pour le SIDA, malaria, tuberculose d'une part et le fonds mondial pour l'environnement de l'autre.
D'autres pays ont marqué leur volonté de remonter, c'est le cas de l'Espagne, qui revient d'assez loin, c'est le cas de la Grande-Bretagne. L'attitude que nous pouvons avoir c'est que nous entrons, pour une durée difficile à apprécier, dans une période de difficultés économiques et que nous voyons bien l'argument qui pourra être retiré pour ne pas aller aussi vite qu'on le voudrait en matière d'aide publique au développement. Il y a là un télescopage qui est un peu regrettable, mais ça c'est une réalité.
Un mot enfin sur Monterrey qui sera l'occasion pour nous d'essayer de faire avancer quelques pistes en matière de financement du développement et que le rapport Zedillo à commencé à mettre en évidence mais auquel nous voudrions donner un peu plus de force et qui pourrait se résumer de la manière suivante: Sommes-nous prêts à payer l'assurance dont le monde à besoin ? Nous avions hier un dîner avec le président de la Banque mondiale qui a dit "Nous vivons dans un monde sans assurance". Il aurait pu continuer et ajouter "et c'est un monde qui présente de plus en plus de risques". Le monde est-il prêt à payer sa propre assurance ? A payer en particulier pour corriger les excès d'une mondialisation mal maîtrisée, et cela renvoie sur un certain nombre de taxes possibles prélevées à l'échelle du monde à proportion des capacités contributives et qui pourraient reprendre en compte les idées que l'on a entendues par ailleurs, y compris la question de la taxation des mouvements de capitaux, y compris la taxation proposée par d'autres concernant l'environnement, ou la taxation sur le commerce des armes. L'idée, c'est d'aller plus délibérément vers une fiscalité mondiale, assise, je le répète, sur les capacité contributives des uns et des autres. Ce qui veut dire évidemment que les pays riches paieraient plus, paieraient largement à la place de ceux qui ne le sont pas. Ceci avec la préoccupation, c'est un autre concept qui est en train de se développer, c'est bien, que ce sont les biens publics mondiaux. C'est bien pour financer les biens publics mondiaux que cette fiscalité mondiale pourrait être mobilisée. Convaincu que le financement des biens publics mondiaux est la bonne manière pour lutter contre les inégalités du Monde et participer aussi à l'assèchement du terreau sur lequel prospère la violence, la haine et quelque part, le terrorisme. Et on en revient à l'actualité.
Q - En ce qui concerne l'Afghanistan, on craint que bientôt des milliers d'Afghans pourraient mourir de faim. Est-ce qu'il y a une préoccupation au sein du Conseil que la poursuite des bombardements pourrait rendre plus difficile l'aide pour ces populations.
R - Bien sûr que cette préoccupation a été évoquée et qu'elle est partagée par l'ensemble des pays membres. Nous avons d'ailleurs voulu rappeler que cette situation humanitaire est préoccupante mais que, malheureusement, elle n'était pas nouvelle. Cela fait 22 ans que les populations sont affectées par la famine, connaissent des conditions de vie très rudes, la guerre, les intempéries... Mais il est vrai que la situation de guerre dans laquelle nous sommes complique les choses.
Ce qui est l'essentiel, c'est l'accès aux populations. Des populations qui sont d'autant plus fragilisées qu'elles se sont pour beaucoup d'entre elles mises en mouvement à l'intérieur de l'Afghanistan. La question de l'accès à ces populations est plus difficile que la question des moyens, par exemple en matière d'alimentation, dont ils auraient besoin. C'est plus la manière de faire parvenir l'aide que le volume de l'aide en question. Il y a beaucoup de choses qui ont été faites, beaucoup de pays européens ont annoncé et commencé à participer. C'est le cas de la France. En terme d'aide alimentaire notamment. L'Inde de son côté vient de faire une proposition très importante d'environ un million de tonne de céréales, ce qui est considérable. L'important, c'est d'accéder à ces populations.
Pour l'instant, et il faut leur rendre hommage, les ONG arrivent vaille que vaille, souvent dans le cadre d'accords négociés localement à faire passer leurs camions. Mais ceci ne vaut pas pour la totalité de l'Afghanistan et il y a selon nos estimations 150.000 personnes quelque part au nord est de Kaboul qui ne sont pas susceptibles d'être desservies, si je puis dire, auxquelles on ne peut pas avoir accès.
S'agissant toujours de l'action humanitaire, la France à dit ses réserves quant à l'intention affichée par le Secrétaire général de l'OTAN de voir l'OTAN reconnue comme ayant une mission humanitaire. Je ne discute pas la position des autres pays, mais nous voudrions être sûrs que ceci ne risque pas d'être un signal politique plutôt négatif. Je voulais vous dire aussi que j'envoie la semaine prochaine, elle est en train de se mettre en place, une mission d'expertise à la demande du président de la République et du Premier ministre, afin d'apprécier ce que nous pourrions faire. Sachant enfin que c'est la mise en place (souhaitons-la rapide) d'une solution politique permettant un autre gouvernement afghan et donc d'autres conditions de vie, qui est la bonne réponse à la question humanitaire.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12/11/2001)