Tribune de Mme Annick Girardin, secrétaire d'Etat au développement et à la francophonie, dans "Le Monde" du 7 août 2015, sur les questions migratoires et l'aide au développement.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

Texte intégral

L'actualité liée aux drames impliquant des migrants aux abords du tunnel sous la Manche requiert des mesures d'urgence et le gouvernement, avec les autres États concernés, y répond avec responsabilité, solidarité et efficacité. Ces tragédies qui se déroulent sous nos yeux en occultent bien d'autres en Afrique, notamment dans le désert nigérien où de nombreux migrants trouvent la mort. Cela ne doit pas nous faire oublier les raisons poussant autant d'hommes et de femmes à risquer leur vie dans l'espoir d'un avenir meilleur.
Notre responsabilité est de ne pas baisser la garde, d'agir avec nos partenaires européens pour sécuriser nos frontières et de lutter contre les trafics d'êtres humains. Mais seule, cette réponse ne sera ni conforme à nos valeurs ni efficace. Ma conviction de secrétaire d'État chargée du développement, c'est qu'une solidarité responsable est au coeur de la réponse.
La migration doit être un choix
C'est dans cet esprit que je porte avec l'Allemagne et les Pays-Bas le projet d'une initiative européenne en direction de la jeunesse africaine pour des actions concrètes : éducation, formation et emplois, qualité de vie et accès aux soins, citoyenneté, développement des territoires ruraux. Les enjeux liés à la démographie sont considérables : 400 millions de jeunes entreront d'ici quinze ans sur le marché du travail en Afrique subsaharienne. L'Europe doit regarder cette réalité non pas comme un risque, mais comme une opportunité. En donnant des perspectives de vie décente et des droits à des millions de personnes, l'aide au développement contribue à laisser à chacun le choix de sa vie, à donner des raisons de «rester» aux personnes tentées par la migration. En ce sens, elle émancipe. Elle doit être un choix.
Au Nord comme au Sud, nous devons affronter ensemble ces réalités, y apporter des réponses pérennes, pensées sur le long terme. Les pays de départ des migrants, d'abord, car ils détiennent certaines clés du problème, par leur manière de gouverner, par leur capacité à créer un environnement des affaires favorable à la création d'emplois, par l'accès aux services de base indispensables au développement. Les pays accueillant les migrants, ensuite. Focalisés sur nos propres problèmes économiques, nous oublions trop souvent l'écart abyssal qui nous sépare toujours de nos voisins du Sud. Nous oublions même que les migrations sont aussi un apport économique, une source de diversité, et que les migrants aident souvent à vivre leurs proches restés au loin.
Nous sommes dans une année qui nous offre les moyens de dessiner les contours du monde de demain, un monde zéro carbone et zéro pauvreté, avec le sommet de New York sur les objectifs de développement durable et la conférence sur le climat à Paris. C'est ensemble - pays d'émigration, pays d'immigration - que nous pourrons répondre aux défis du phénomène migratoire, sans angélisme et sans démagogie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 août 2015