Interview de Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à France Inter le 12 août 2015, sur les attentes des pays de l'Afrique australe vis-à-vis de la conférence de Paris sur le climat (COP 21).

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Circonstance : Voyage en Namibie, Zambie, Botswana et Ghana du 2 au 15 août 2015

Média : France Inter

Texte intégral

PIERRE WEILL
Ségolène ROYAL, la ministre de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie, est en ligne au téléphone avec nous dans la ville de Kasane, au Nord-ouest du Botswana. Bonjour Madame ROYAL.
SEGOLENE ROYAL
Bonjour.
PIERRE WEILL
Vous êtes en visite de travail en ce moment dans plusieurs pays africains, Namibie, Zambie, Botswana et puis le Ghana à la fin de la semaine, vous menez des entretiens sur l'énergie et le climat pour préparer la Conférence de Paris sur le climat, la COP21 en décembre. Mais ces pays ne sont pas de gros pollueurs, en quoi sont-ils importants pour la COP21 ?
SEGOLENE ROYAL
Ils sont importants d'abord parce que ce sont des pays en croissance, donc ils vont avoir à faire un choix de développement énergétique. Et puis ils sont importants aussi parce que, une des raisons de l'échec des conférences précédentes sur le climat, notamment à Copenhague, c'était que les pays africains n'ont pas adhéré à cette démarche parce qu'ils considèrent qu'ils sont, à juste titre d'ailleurs, qu'ils sont les plus fortement touchés, comme vous venez de le dire, par le réchauffement climatique, c'est-à-dire par les pollutions des pays du Nord, et qu'en même temps ils n'ont pas les moyens d'accéder aux énergies renouvelables, alors qu'ils en ont envie. Et c'est parce que j'ai été invitée par le président KHAMA du Botswana à la réunion qui va se tenir demain, de tous les ministres de l'Environnement de l'Afrique australe et de l'Océan indien, que j'ai voulu comprendre la démarche, la façon de penser et les attentes des pays de cette partie du monde qu'est l'Afrique australe.
PIERRE WEILL
Ségolène ROYAL, vous dites que ces pays sont intéressés par les énergies renouvelables, mais il faut des moyens, il faut des investissements, pour cela est-ce qu'on va les aider ?
SEGOLENE ROYAL
C'est bien leur demande. Ils ne demandent pas de l'argent d'ailleurs, ni d'assistanat, ils demandent un transfert de technologies. Pour quoi faire ? D'abord pour accéder aux énergies renouvelables, bien évidemment aux énergies solaires, puisque le soleil est ici en abondance, même si, de là où je vous parle, c'est l'hiver, c'est l'hiver austral, il fait un peu frisquet, et ces pays ont un fort potentiel. Je voudrais vous donner quelques exemples. La Namibie, par exemple, où se trouve le plus vieux, le plus grand, le plus magnifique désert du monde, a un potentiel considérable dans l'éolien, puisqu'il y a une partie du Sud de la Namibie qui s'appelle même « l'hameçon du vent », c'est-à-dire qui est la partie du monde où l'éolien est le plus permanent, est le plus fort. Donc ce pays, la Namibie, qui souffre aujourd'hui du réchauffement climatique, comme tous ces pays d'Afrique, avec le recul de la forêt, le recul de l'eau, la raréfaction de la ressource en eau et la diminution de la durée des périodes de pluies, ce pays pourrait devenir autonome en énergie, sans doute le premier pays africain autonome en énergie, grâce au solaire et grâce à l'éolien. Un autre exemple, la Zambie, qui est aujourd'hui à 95 % autonome en énergie grâce à l'hydraulique. La Zambie c'est l'endroit, vous savez, où se trouvent ces magnifiques chutes Victoria, le Zambèze, qui est un des fleuves les plus puissants du monde, la Zambie s'est équipée en énergie hydraulique, mais aujourd'hui elle subit le réchauffement climatique, donc une baisse du niveau des fleuves, et donc des coupures de courant, c'est quand même extravagant, et donc une atteinte très grave à son développement économique. Donc elle aussi, la Zambie, cherche à se diversifier dans l'énergie solaire. Et puis le Botswana, où je me trouve, est le pays le plus en avance sur la protection de la biodiversité puisque 40 % des éléphants se trouvent ici en Botswana. C'est-à-dire que c'est un pays qui a réussi à faire un juste équilibre entre la protection de la biodiversité et le développement économique, mais qui aujourd'hui, également, souffre terriblement de sécheresse, et donc des animaux qui ne trouvent plus à se nourrir, qui n'arrivent plus à boire, et donc une dégradation de cette biodiversité qui aujourd'hui est la base d'un développement touristique de qualité.
PIERRE WEILL
Ségolène ROYAL, vous préparez cette conférence de la COP21 actuellement en Afrique australe, à l'heure qu'il est, vous êtes convaincue que cette conférence va réussir et se terminera par des engagements concrets pour sauver notre planète ?
SEGOLENE ROYAL
Je l'espère profondément, et je le pense aussi, d'abord parce que le président français est extrêmement très impliqué, ce qui n'était pas le cas dans les précédentes conférences climat. Le président de la République française, à chaque fois qu'il rencontre un chef d'Etat, plaide la cause du climat. Il va y avoir une grande réunion en septembre à New York, le président OBAMA vient de s'impliquer, les Chinois viennent de s'impliquer, c'est-à-dire les pays les plus pollueurs de la planète, les Etats-Unis et la Chine, viennent de s'impliquer et viennent de prendre en considération le fait que eux aussi sont victimes du réchauffement climatique, donc il fallait sortir de l'égoïsme des années précédentes. Et puis, surtout, la planète a besoin de comprendre que les pays les plus pauvres trouvent, dans la transition énergétique, des ressources pour sortir de la pauvreté, pour accéder au développement.
PIERRE WEILL
Ségolène ROYAL, dernière question, elle touche la France. Matignon a dit hier que le gouvernement n'envisage pas du tout d'ouvrir la possibilité d'une écotaxe au niveau régional. Mi-juin, je me souviens, vous aviez dit que c'était une bonne idée cette écotaxe régionale. On vous a consultée ?
SEGOLENE ROYAL
Ecoutez, je pense que la décision de ne pas relancer la polémique est en effet une bonne décision.
PIERRE WEILL
Et pourtant, vous trouviez que c'était une bonne idée, il y a quelques mois.
SEGOLENE ROYAL
Une bonne idée, c'est-à-dire que certaines régions avaient évoqué l'idée de faire une taxe régionale. Vous savez, moi je suis toujours pour le dialogue, on va regarder, mais, honnêtement, dans le moment où nous nous trouvons, à quelques semaines des élections régionales, et alors même que ce dispositif est extrêmement complexe et que les expertises ne sont pas achevées, en effet je ne souhaite pas faire de déclaration supplémentaire et relancer la polémique sur ce sujet.
PIERRE WEILL
Donc c'est définitivement abandonné, mais comment remplacer les recettes de l'écotaxe ?
SEGOLENE ROYAL
Par la transition énergétique, précisément, c'est la grande loi que la France vient d'adopter, elle est actuellement devant le Conseil constitutionnel, donc j'attends les décisions du Conseil constitutionnel jeudi, donc j'aurai l'occasion de vous en reparler.
PIERRE WEILL
Merci Ségolène ROYAL d'avoir été en ligne au téléphone avec nous ce matin sur France Inter, lors de ce voyage que vous effectuez actuellement en Afrique australe. Merci.
SEGOLENE ROYAL
Merci à vous.Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 août 2015