Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement à RMC le 28 janvier 2013, sur la situation économique et la réforme des retraites.

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Texte intégral


JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez lu cette interview de Michel ROCARD ? Remarquez, j’avais reçu Pierre LARROUTUROU sur RMC récemment, Michel ROCARD qui nous dit : la France est dans une situation terrifiante, terrifiante, il y a le feu. Est-ce qu’il y a le feu ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
La France est dans une situation difficile, il est difficile de dire le contraire. Et en même temps, quand vous regardez ce que nous avons fait depuis 8 mois maintenant que nous sommes aux responsabilités, nous avons réussi à récupérer un certain nombre de marges de manoeuvre. Nous avons réussi à respecter les objectifs que nous nous sommes fixés, notamment de réduction des déficits pour rééquilibrer les comptes et pour, finalement, nous donner les moyens…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Réduction des déficits, nous verrons à la de l’année 2013 parce que…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui mais je peux vous dire que le Premier ministre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et le chômage, nous verrons à la fin de l’année 2013, nous sommes en janvier…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien sûr, mais je peux vous dire que le Premier ministre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Fin janvier.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
A demandé à chacun des membres de son gouvernement de veiller…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Ça je sais.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
A ce que ministère par ministère, on puisse non seulement respecter les objectifs fixés mais en plus même se constituer des provisions au cas où les dépenses viendraient à déraper, puisqu’on sait que c’est comme ça que ça se passe habituellement dans les administrations…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais justement…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et donc, il y a un surgèle de 2 milliards d’euros par exemple, comme vous le savez, qui est demandé à l’ensemble des administrations. Pourquoi est-ce que nous faisons tout cela ? Parce que nous voulons récupérer des marges de manoeuvre pour nous donner les moyens de financer nos priorités. Nos priorités : l’éducation, la justice, la sécurité, regardez ce que nous avons déjà entrepris, eh bien ! Nous les finançons bel et bien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, sauf que les 10 milliards d’euros d’économie, on attend toujours. L’autre jour, Pierre MOSCOVICI me promettait un catalogue, et la réduction des dépenses publiques sera rendue publique, si je puis dire, nous en reparlerons avec les ministres compétents. Mais dans ce que dit Michel ROCARD, il dit : il faut assouplir cette fameuse règle des 3 % absolument, il faut un autre calendrier, il faut une explication. Il n’est pas le seul à dire ça parce que j’ai vu que monsieur BERSANI en Italie disait exactement la même chose. Est-ce qu’il faut toujours être aussi intransigeant sur les fameux 3 % ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous savez nous, nous marchons sur deux jambes en quelque sorte, il y a la jambe de la politique interne, de nos responsabilités au niveau national. Cette jambe-là nous avons décidé d’être extrêmement rigoureux dans notre façon de procéder, et nous estimons qu’il nous faut tendre vers l’objectif de 3 % et nous donner tous les moyens de le respecter, donc ça, il n’y a pas de changement de ligne sur ce sujet. Et puis il y a la jambe européenne évidemment, sur le plan européen nous portons un discours depuis le début qui est celui de la nécessité de desserrer les contraintes budgétaires et monétaires, pour permettre le retour de la croissance en Europe. Et c’est comme cela que depuis des mois, le président de la République promeut…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc si au niveau…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
La croissance dans la réorientation de l’Union européenne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Européen, on laisse quelques marges de manoeuvre…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais qu’est-ce qui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça ne vous déplairait pas, si je comprends bien, au gouvernement.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non mais attendez, qu’est-ce qui va se passer très précisément ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pourriez assouplir !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le 22 février prochain, la Commission européenne rendra ses conclusions sur les perspectives de croissance de la zone euro toute entière. Et donc à partir de ce moment-là, nous aviserons, nous aviserons d’une certaine façon…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc les 3 % oui mais…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais aujourd’hui, la France…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si l’Europe nous permet quelques marges de manoeuvre, vous dites oui ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais la France fait partie de ceux qui considèrent que les 3 % doivent être un objectif à tenir. Les 3 % sont un objectif à tenir, encore une fois pas simplement pour le principe de tenir un objectif, mais parce que réduire les déficits publics c’est redonner à la puissance publique les moyens de financer ses priorités. Il n’est plus possible qu’aujourd’hui, le premier budget de l’Etat soit le remboursement des intérêts de la dette, avant même l’Education nationale. Donc quand on parle de rééquilibrer les comptes publics, c’est parce qu’on a en tête des politiques que nous aimerions mener à bien, politique de l’emploi en particulier. Ça nous coûte de l’argent de mener à bien les contrats de génération, les emplois d’avenir, tout ce que nous faisons aujourd’hui, la formation, les 60.000 enseignants dans l’Education nationale. Donc nous avons besoin encore une fois de récupérer des marges de manoeuvre pour cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A propos des retraites, est-ce qu’il faut allonger la durée des cotisations, aller jusqu’à 43 annuités ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ça n’est pas à l’ordre du jour…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Là encore, c’est ce qu’a dit Michel ROCARD !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ça n’est pas à l’ordre du jour. Vous savez que… d’abord la concertation va s’engager sur la réforme des retraites, c’est une réforme importante que nous ne prenons pas à la légère…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura donc une réforme, une nouvelle réforme des retraites !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il y aura une réforme des retraites, absolument. Nous avons…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand, 2014 ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Nous avons… eh bien ! La concertation s’engage au printemps 2013 entre les partenaires sociaux. Elle sera à l’ordre du jour de la grande conférence sociale numéro 2 de juillet 2013. Et puis ensuite dans les mois qui suivront, nous pourrons mener à bien cette réforme. Mais simplement une chose…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc 2014, une grande réforme des retraites !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Simplement une chose…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nouvelle réforme.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Les Français ont bien vu quelles étaient nos positions sur les retraites, ils ont bien vu que dès que nous sommes arrivés aux responsabilités, nous avons veillé à gommer les injustices les plus flagrantes nées de la réforme des retraites Fillon, et notamment en rétablissant la possibilité pour ceux qui avaient commencé à travailler tôt à partir à la retraite à 60 ans. Et aujourd’hui, nous sommes… d’ailleurs le Comité d’orientation des retraites vient de rendre son deuxième rapport, nous sommes dans le dur du sujet et la question notamment de savoir comment est-ce qu’on traite des sujets comme la pénibilité, parce que ça n’est pas la même chose…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ça n’est pas la même chose de travailler toute sa vie dans un bureau…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez raison mais enfin, le premier sujet c’est comment…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ou de se lever à 5 h 00 du matin…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va financer nos retraites Najat VALLAUD-BELKACEM !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, il y a la question du… mais les deux sont liés, il y a la question du financement et puis il y a la question de la répartition des efforts entre les individus qui n’exercent pas les mêmes métiers.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est d’accord, sauf que le financement il n’y a pas 36 solutions, soit on travaille plus longtemps, soit on augmente les cotisations soit on réduit les pensions, vous êtes d’accord avec moi ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Alors je peux vous dire que n’est à l’ordre du jour ni…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Rien.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ni le fait de travailler plus longtemps…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aucune de ces solutions ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ni le fait de réduire les pensions, et quel était le troisième…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Cotisations, augmentation des cotisations.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ni le fait d’augmenter les cotisations. Il y a d’autres solutions aujourd’hui qui existent…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour trouver de l’argent ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Regardez par exemple…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour financer les retraites ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Regardez par exemple les propositions que fait la CFDT, je ne dis pas qu’on va forcément s’inscrire exactement dans ce scénario-là, mais des systèmes par exemple de retraites à la carte, il y a un certain… par points…
JEAN-JACQUES BOURDIN
La retraite à la carte !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Par points, des systèmes de retraite par points. Donc il y a un certain nombre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes favorable, le gouvernement est favorable à cette idée ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, ce n’est pas ce que je viens de dire, ce que je suis en train de vous dire c’est que vous avez réduit les alternatives à 3 seulement, là où il y a une multitude, une diversité de réponses à apporter. Et c’est bien pour cela que les partenaires sociaux seront saisis de ce sujet et que nous nous donnons le temps de la réflexion. Mais que nous avons nous en tête des choses que… pardon mais dans les précédentes réformes, on n’avait jamais prises en considération. Par exemple, ça n’est pas la même chose non plus d’être une femme ou d’être un homme devant la retraite…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça c’est vrai.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ça n’est pas la même chose d’avoir une carrière linéaire ou d’avoir une carrière heurtée…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les pensions ne sont pas les mêmes d’ailleurs, les pensions ne sont pas les mêmes.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et les pensions ne sont pas les mêmes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J’ai vu, la grande différence entre les pensions que touchent les femmes à la retraite et les pensions que touchent les hommes, Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, absolument. Généralement, on considère que les femmes sont en moyenne à 900 € de pension de retraite quand les hommes sont à 1.200, c’est extrêmement choquant, admettez-le. Et donc voilà un des sujets qu’on peut prendre à bras-le-corps, vous voyez, pour avoir un système des retraites qui reste un système par répartition auquel on est extrêmement attachés, dont on ait un financement plus stabilisé que ce qui avait été préparé jusqu’à présent, mais qui soit juste aussi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et aligner le public sur le privé ou le privé sur le public ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez ! Tout cela, ce sont des options…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout ça, ça sera sur la table ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais aujourd’hui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C’est comme revoir la règle des 25 meilleures années dans le privé du régime général des cotisations.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
La seule chose que je peux vous dire en conclusion, c’est que par définition la réforme des retraites sera ambitieuse parce que vous voyez bien avec vos questions, tous les leviers sur lesquels on peut agir…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et donc que ce sera une réforme de société très importante.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Où en est la loi interdisant les licenciements boursiers promise par François HOLLANDE ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
La loi interdisant les licenciements boursiers, vous savez, on a… d’abord on sort d’un accord…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Interdire les entreprises qui font des profits de licencier.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui. On sort d’un accord qui a été négocié entre les partenaires sociaux le 11 janvier dernier, qui est plutôt un bon accord, je crois que beaucoup a été dit sur ce sujet, et qui ouvre la possibilité aux instances représentatives du personnel au sein des entreprises d’être informées et associées beaucoup plus en amont que par le passé à toutes les décisions prises par la direction de l’entreprise, notamment sur la question des mutations à venir, et donc des licenciements à venir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous n’irez pas plus loin !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Donc ça, c’est une première étape, il n’est pas exclu d’aller plus loin, il n’est pas exclu d’aller plus loin…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que le gouvernement ira plus loin que cet accord du 11 janvier ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
On est par exemple… prenez par exemple la question de la cession de site et de la reprise de sites rentables, sur ce sujet nous comptons aller plus loin de fait, puisque…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Par la loi !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
L’accord négocié par les partenaires sociaux prévoit que les instances représentatives du personnel au sein de l’entreprise doivent être informées, qu’elles peuvent – lorsque l’entreprise s’apprête à céder un site rentable – elles peuvent désigner un expert pour regarder la validité de cette cession et voir s’il est possible de faire autrement, je résume. Eh bien aujourd’hui l’étape d’après, une fois qu’on aura transformé cet accord en loi, l’étape d’après ce sera une proposition de loi qui sera déposée par les socialistes a priori sur la question de la reprise de sites rentables, pour faire en sorte qu’une entreprise qui souhaite se débarrasser d’un site alors même qu’il est rentable mais qui ne souhaite pas le revendre à un concurrent, parce que c’est ça la situation…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Soit obligé de le faire.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Généralement, soit (disons) très fortement incité à le faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas obligé !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais très très fortement incité à le faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n’est pas pareil.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Nous verrons les détails de la proposition de loi, mais très fortement incité à le faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Contestation sociale de plus en plus forte, vous le constatez. Moi j’entends Jean-Luc MELENCHON crier presque à la révolution civique. C’est l’opposant le plus résolu, d’ailleurs, Jean-Luc MELENCHON, non ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ça dépend des sujets. J’ai vu qu’il était dans la rue pour soutenir le mariage pour tous dimanche, donc…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, non mais ça on va en parler, d’accord, mais qu’elle est la priorité…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà un sujet sur lequel il n’est pas opposant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais enfin, la priorité des Français ce n’est pas le mariage pour tous, Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C’est une réforme de société importante.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Importante, mais est-ce la priorité ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C’est une réforme de société importante, cela étant, sur le reste…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, importante, mais est-ce la priorité aujourd’hui ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Sur le reste, en effet Jean-Luc MELENCHON n’appartient pas à la majorité présidentielle, je ne vous apprends rien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il parle d’une misère sociale, que la France n’a jamais connue, vous êtes d’accord ou pas ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez, moi je pense que les choses vont mieux depuis 8 mois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Depuis 8 mois il y a moins de misère sociale ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je pense que les choses vont mieux parce que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a de plus en plus de chômeurs, mais il y a moins de misère sociale ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je peux vous expliquer pourquoi les choses vont mieux ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, oui, expliquez-moi.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Parce qu’on ouvre, me semble-t-il, depuis 8 jours, des perspectives à des gens qui avaient fini par devenir fatalistes ces dernières années. Je veux dire, la crise économique, elle est là, de fait, elle est là pour le monde entier d’ailleurs, elle n’est pas là que pour la France, elle est là depuis 2008, et j’ai le sentiment que depuis 2008, au fond, on a géré à la petite semaine en aggravant la situation, souvent, pour les raisons que vous connaissez, une fiscalité trop favorable aux plus fortunés, etc., et que depuis 8 mois, eh bien on a une fiscalité qui est plus juste, on a des moyens publics qui sont mis sur la relance de l’emploi, on a, avec le crédit impôt compétitivité emploi, les moyens donnés aux entreprises d’embaucher, donc il y a des perspectives. Moi j’étais récemment, je suis allée parrainer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes optimiste ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi je suis allée parrainer, je vais vous dire, des jeunes qui signaient des contrats Emplois d’Avenir, écoutez, ce que j’ai vu là m’a vraiment rendue optimiste, s’il fallait que je le sois, je le suis par nature, mais… vous savez, quand on donne la possibilité à des jeunes qui, n’ayant pas d’études ou très peu, avaient le sentiment que leur destin était déjà plié à l’âge de 18 ans, et qu’ils ne pourraient jamais s’en sortir, et qu’on leur donne la possibilité, à la fois d’avoir une expérience professionnelle et de se former, parce que c’est ça qu’il y a derrière les Emplois d’Avenir, d’être suivis, d’être vraiment parrainés par la collectivité ou l’association qui les reçoit, eh bien vous changez la vie non seulement du jeune en question, mais même de sa famille autour de lui, et je pense que c’est ça qui nous manquait dans ce pays, c’est des perspectives. Perspectives pour les entreprises, pour les jeunes, pour les salariés, oui, il y en a davantage qu’il y a 8 mois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, dans l’automobile, ça gronde, évidemment, à PSA, RENAULT, est-ce que l’Etat doit s’employer à diminuer le salaire de Carlos GHOSN ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez, ce n’est pas le sujet essentiel.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D’accord.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce n’est pas le sujet essentiel aujourd’hui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je dis ça, parce que comme l’Etat est actionnaire de RENAULT, mais en a-t-il les moyens d’ailleurs, franchement ?...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il est actionnaire, comme vous le savez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, à 15%.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
A 15%, donc ce n’est pas l’actionnaire principal, mais l’essentiel aujourd’hui, chez RENAULT, c’est que les négociations qui ont été entamées entre les partenaires sociaux, au sein de l’entreprise, puissent se dérouler le plus loyalement possible, et qu’on puisse faire respecter à RENAULT les engagements qui ont été pris, parce qu’il les a pris, de fait, qui sont de ne pas licencier…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vous comprenez qu’on oblige les salariés…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
De ne pas fermer de sites…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vous comprenez qu’on oblige les salariés à travailler moins, pour gagner moins, et à être très mobiles, qu’on les oblige à être mobiles ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous parlez de l’activité partielle là ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
De RENAULT, je parle de RENAULT, je parle de RENAULT.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, non mais attendez, quand vous dites travailler moins, vous parlez d’activité partielle.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Contre la fermeture d’usines.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
L’activité partielle, que les choses soient bien claires…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va supprimer des RTT et n’augmentera pas les salaires chez RENAULT.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Que les choses soient bien claires. Le mécanisme d’activité partielle, tel qu’il ressort d’ailleurs de l’accord du 11 janvier négocié par les partenaires sociaux, bien sûr il revient à dire qu’en période de crise conjoncturelle les salariés, en accord avec la direction, peuvent être amenés à travailler quelques heures de moins, et donc leur salaire se réduire, pendant le temps de cette activité partielle ou de ce chômage partiel, mais avec la garantie de revenir lorsque l’activité reprend d’une part, et puis par ailleurs avec un mécanisme d’assurance chômage qui, pendant ce temps-là, vient compenser la perte de salaire, donc en termes de revenu, pour les salariés en question, il n’y a pas de perte, en termes de pouvoir d’achat, c’est ça qui est extrêmement important. C’est pour ça que l’accord du 11 janvier est si important.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais enfin les salaires sont gelés, chez RENAULT.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais, une garantie de reprise d’activité derrière, admettez que c’est quand même mieux qu’un licenciement sec.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Najat VALLAUD-BELKACEM, le mariage pour tous, la PMA, la fameuse PMA, est-ce que vous souhaitez que la PMA, la procréation médicalement assistée, soit ouverte aux femmes homosexuelles ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, je crois que les choses sont assez claires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vous, vous êtes pour ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, moi je suis pour, le Parti socialiste est pour, le gouvernement s’est exprimé en faveur.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, dans le cadre d’une loi sur la famille, fin mars ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Dans le cadre de la loi sur la famille, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-il vrai que le président de la République va demander l’avis du Comité Consultatif d’Ethique ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le Comité Consultatif National d’Ethique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
National d’Ethique.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, parce que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il va demander l’avis ? Est-ce que vous savez que l’avis du Comité National Consultatif d’Ethique pourrait intervenir dans plusieurs mois ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D’abord le Comité est en capacité de travailler assez rapidement, et néanmoins bien, si on le lui demande, mais ensuite pourquoi est-ce que c’est important de demander l’avis de ce Comité qui a vraiment démontré, par le passé, qu’il était en mesure de mener des discussions passionnantes, regardez ce qu’il a fait sur la fin de vie, pourquoi est-ce que c’est important ? parce que l’ouverture de la procréation médicalement assistée, en fait elle pose un certain nombre de questions, d’ailleurs, qui ne tiennent pas toutes à la nature homosexuelle du couple concerné, elle va poser des questions y compris pour les couples hétérosexuels qui aujourd’hui peuvent y accéder – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous voudrions que cela s’ouvre aux couples homosexuels, pour des raisons d’égalité, c’est permis aux couples hétérosexuels, donc permettons-le aux couples de femmes, mais derrière la PMA, c’est vrai, se pose des questions par exemple, relatives à l’anonymat du don de gamètes, qu’on n’a pas résolu la dernière fois qu’on a ouvert les lois bioéthiques, alors que la question était posée. Or, aujourd’hui, si on décide, en ouvrant la PMA aux couples de femmes, d’élargir cette possibilité, eh bien l’anonymat du don de gamètes est une question qui se repose. Se pose la question du remboursement, par la Sécurité Sociale, de la PMA.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes favorable à ce remboursement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais c’est une vraie question.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous, est-ce que vous êtes favorable ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Alors, très franchement, je vais vous dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très franchement, oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ma position sur ce point-là n’est pas faite, c’est pour ça que je suis, moi, curieuse d’entendre les avis du Comité d’Ethique, c’est pour ça que je pense qu’il faut qu’il y ait un débat à part entière sur ce sujet, et se pose même, je vais vous dire, la question de la dénomination de l’acte, parce qu’on parle d’une assistance médicale à procréation, et donc certains vous disent, mais ça doit répondre à des situations de stérilité médicale, quand le fait d’être en couple homosexuel est une situation de stérilité sociale. Vous voyez bien qu’il y a quand même des sujets qui ne sont pas mineurs, qui méritent d’être posés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc si je comprends bien, la PMA sera présentée en Conseil des ministres fin mars, le 27 mars, dans le cadre… le texte sur la famille.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le texte devrait être prêt d’ici fin mars.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais en discussion quand ? Franchement Najat VALLAUD-BELKACEM, parce que le ministre de l’Intérieur est contre, vous le savez, Manuel VALLS, il est contre la PMA. Non ? Le président de la République serait lui-même réservé. Ne me dites pas le contraire.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non non, mais écoutez, moi, vraiment, ce que je sais du gouvernement et…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le Premier ministre non plus n’est pas très favorable à la PMA.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et de ceux qui ont en charge ce dossier, à savoir la ministre en charge de la Famille, la ministre en charge de la Justice, la Garde des Sceaux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Christiane TAUBIRA qui est un peu réservée aussi.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce que je sais, donc de mes collègues en question, et du président de la République d’ailleurs, c’est que, vous savez, la situation de ce qu’on appelle « les bébés Thalys », c'est-à-dire ces femmes qui doivent aller en Belgique pour…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou en Espagne.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà, pour procéder à une insémination, qui reviennent ensuite avec un enfant, alors qu’elles sont en couple, cet enfant n’a de lien juridique et de protection, en réalité, qu’avec la seule mère, qu’avec la seule femme qui a accouché, n’a aucun lien avec l’autre femme, il n’a aucun lien avec son autre mère, parce que c’est ça la réalité de ces familles qui existent déjà, qu’on ne va pas créer demain, qui existent déjà. A votre avis, que se passe-t-il le jour où la seule mère avec laquelle il avait une relation juridique décède ? Que se passe-t-il le jour où il y a séparation entre les deux membres du couple ? Mettez-vous à la place de ces familles qui sont dans des imbroglios inextricables, et donc aujourd’hui il faut…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous nous dites ce matin que ce texte, comprenant la PMA, sur la famille, sera voté avant la fin 2013 ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, aujourd’hui, par le droit, il faut répondre à des situations qui sont insupportables…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avant la fin 2013 donc ? Nous verrons.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
En tout cas nous le présenterons, nous ferons en sorte qu’il soit voté avant fin 2013.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous le présenterez en Conseil des ministres, mais nous verrons.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous le présenterez avant la fin 2013, donc ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, je vous dis, le texte devrait être prêt pour le mois de mars.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un mot, quelques mots sur la parité à l’université, je sais que vous allez signer un accord avec le ministère de l’Enseignement supérieur, dans les instances de gouvernance des universités, dans les grandes écoles, il y aura parité ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, c’est une nouveauté, nous allons introduire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans les établissements de l’Enseignement supérieur ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, parce que, en fait…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous savez, il y a quand même une chose qui est amusante, c’est que l’Enseignement supérieur, a priori, comme le monde de la culture d’ailleurs, voilà deux exemples qui se ressemblent, a priori devrait être naturellement paritaire, puisqu’on est dans des mondes éclairés, et donc les hommes et les femmes devraient pouvoir trouver leur place tout aussi naturellement. Or, on constate, vous voyez, vous prenez par exemple la Conférence des présidents d’université, il n’y a que six femmes, six femmes, aujourd’hui, sur quarante-cinq, je crois…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il y aura parité obligatoire ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Donc, nous allons veiller à ce que dans les instances de gouvernance, cette parité s’installe, nous allons veiller aussi à ce que dans les licences, pour les étudiants, il y ait une unité d’enseignement qui soit systématiquement consacrée à la question de l’égalité hommes/ femmes, parce que, quelle que soit la discipline que vous étudiez, il est important de voir que les inégalités à l’oeuvre dans la société ne sont pas normales et qu’on peut les déconstruire. Oui, nous allons, avec Geneviève FIORASO, ce soir, signer une charte importante, avec les établissements d’Enseignement supérieur, et je pense que nous ferons progresser la parité.
Source : Service d'information du gouvernement, le 28 janvier 2013