Texte intégral
THIERRY GUERRIER : Avec nous sur ce plateau, Denis Kessler, bonsoir. Vous êtes le patron de la Fédération Française des Sociétés d'Assurances, vous êtes aussi le numéro deux du MEDEF, le patronat français. Alors, vous voyez bien la critique qui est en train d'arriver petit-à-petit. On peut peut-être penser que les assureurs profitent de la tempête il y a deux ans, aujourd'hui de ces catastrophes pour augmenter à nouveau les primes. Qu'est-ce que vous répondez aux détracteurs qui affirment ça ce soir ?
DENIS KESSLER : Ecoutez, d'abord, il faut rappeler que nous avons pris des mesures en faveur de tous les Toulousains touchés parce que nous avons décidé de supprimer l'expertise, de rembourser intégralement les franchises, de faire en sorte que l'on puisse procéder aux indemnisations le plus rapidement possible. Je crois que c'est ça l'important pour un sinistre qui représentera aux alentours de 6 milliards de francs. Mais il faut savoir simplement que 6 milliards de francs, ça représente en responsabilité civile entreprise aux alentours de 40 % de l'encaissement annuel. En ce qui concerne les dommages aux biens, c'est-à-dire l'explosion des usines, ceci représente aux alentours de 20 % de la totalité de l'encaissement annuel. Comment voulez-vous, et tout le monde comprendra, je parle uniquement de l'assurance des biens industriels, l'assurance des usines, l'assurance des grands sites qui produisent par exemple des produits chimiques, comment voulez-vous imaginer que nous avons là un accident d'une ampleur aussi considérable et que tout reste
THIERRY GUERRIER : La trésorerie des sociétés d'assurance n'est pas telle qu'elles peuvent puiser dedans ou dans leur patrimoine le cas échéant pour éviter à nouveau d'augmenter les primes ?
DENIS KESSLER : Je dis avec force que, en ce qui concerne les particuliers, il n'y aucun souci à se faire. Les sociétés d'assurance équilibrent les risques catégorie de risques par catégories de risques. Donc, grosso modo, les industriels pratiquant ce type de risque, bien entendu, verront une augmentation des primes pour la raison suivante, c'est qu'on vient de changer la taille et la gravité des sinistres. Mais il ne faut pas tout mélanger et dans les déclarations qui ont été faites, les risques de particuliers ne sont pas concernés. Dans le cas de Toulouse, si c'est un accident, c'est ce que l'on appelle une police d'accident responsabilité civile de l'entreprise qui va jouer et nous allons intégralement rembourser les victimes. Ce ne sont pas les polices d'assurance automobile ou ce ne sont pas les polices d'assurance multirisques habitation qui prennent en charge les dégâts
THIERRY GUERRIER : Mais les polices dommages des particuliers risquent d'augmenter de l'ordre de 5 %.
DENIS KESSLER : Pas du tout, pas du tout, ceci n'a jamais été dit par aucun assureur de la place
THIERRY GUERRIER : AGF en particulier
DENIS KESSLER : Jamais été dit ni par le président des AGF, ni par aucun assureur, ça fait partie de ces rumeurs
THIERRY GUERRIER : Donc vous démentez.
DENIS KESSLER : Bien entendu, je déments. Les polices d'assurance des particuliers ne sont pas concernées par les conséquences ni de ce qui s'est passé à New-York, ni de ce qui s'est passé à Toulouse.
THIERRY GUERRIER : Avant qu'on revienne, un petit peu plus tard dans le journal sur la situation économique du pays avec le numéro deux du MEDEF que vous êtes, juste une question tout de même. Notre confrère LE MONDE ce soir évoquait une enquête difficile sur les causes de l'attentat (sic) de Toulouse et revient sur l'hypothèse d'un attentat. Si c'était le cas, acte de malveillance, est-ce que, à ce moment-là, vous pourriez, les assureurs, vous retourner vers l'Etat ?
DENIS KESSLER : Alors, s'il y a effectivement attentat plutôt qu'accident, il faut d'abord de nouveau rassurer les assurés : ils seront pris en charge. Donc, quelle que soit l'origine, accident ou attentat, et je crois que les malheureux, les blessés, les ayants droit de ceux qui sont décédés, ceux qui ont subi des dégâts dans leur magasin, dans leur commerce, dans leur habitation, seront remboursés quelle que soit l'origine. Après, si c'est un attentat, bien entendu, il faudra regarder qui est derrière cet attentat et les responsabilités qui sont en cause.
Pause
THIERRY GUERRIER : Alors, nous revenons à Denis Kessler. Vous êtes le patron des patrons (sic), en tout cas, le numéro deux du MEDEF. Ce patriotisme économique que souhaite Lionel Jospin, vous y accédez ?
DENIS KESSLER : Bien entendu. Je veux dire, les chefs d'entreprise en France, comme d'ailleurs tous les responsables, tous les décideurs économiques ont la volonté, non seulement la volonté mais la détermination, de faire face dans la situation actuelle. Il faut savoir bien entendu que la situation est très difficile, on a un ralentissement de l'économie mondiale, de l'économie européenne, de l'économie française. On a des marchés financiers qui connaissent des périodes de turbulences très fortes et il y a une extraordinaire inquiétude qui existe à l'heure actuelle dans le pays.
THIERRY GUERRIER : Ca peut vouloir dire quoi patriotisme économique quand on est chef d'entreprise selon vous ?
DENIS KESSLER : Le patriotisme, ça veut dire simplement un engagement résolu à vouloir poursuivre ses activités, sa production et ne pas, à un moment ou à un autre, j'allais dire, jeter le manche et la cognée en disant que tout ceci Non ! Il faut relever les défis, il faut faire en sorte, bien entendu, de faire face à une situation extraordinaire.
THIERRY GUERRIER : Pour un homme de gauche comme Lionel Jospin, ça peut peut-être vouloir dire aussi éviter de spéculer, éviter d'augmenter les prix.
DENIS KESSLER : Je ne vois pas qui spécule à l'heure actuelle sur la situation. Ce n'est pas l'objet. Par contre, ce que l'on attend évidemment des pouvoirs publics, c'est que si nous avons la détermination de faire face, qu'on ne nous mette pas des handicaps supplémentaires à ceux que nous connaissons. Il a fallu attendre quand même ces sinistres évènements pour avoir enfin une décision concernant par exemple les 35 heures pour les entreprises de moins de 21 salariés. Nous demandons à l'heure actuelle au gouvernement d'étendre cette mesure d'élargissement des heures supplémentaires à toutes les entreprises, et pas uniquement aux plus petites d'entre elles. C'est une décision de bon sens pour faire face à la situation. Il faut décréter la mobilisation générale et non pas poursuivre des décisions qui ont été prises dans un univers qui était de croissance économique et de stabilité dans le monde.
THIERRY GUERRIER : Vous avez un petit peu crié victoire aujourd'hui. Le MEDEF a sorti un communiqué disant : le gouvernement reconnaît finalement son erreur en assouplissant les mesures sur les 35 heures pour les PME.
DENIS KESSLER : Vous savez ce que l'on a dit ? On a dit ouf. Ouf. On a dit enfin. Enfin. Vous vous rendez compte ? Des mois de discussion, tout ça pour prendre une mesure de bon sens. Les Pme, comme les grandes entreprises, doivent passer à l'euro dans à peine 3 mois. Les Pme, comme les grandes entreprises, font face à une situation incroyable d'un point de vue économique, financier et international. L'incertitude est là. Ouf, on a pris enfin la décision, on l'attendait. Mais pourquoi faut-il toujours attendre le dernier moment pour assouplir ce qui était bien entendu rigide, ce qui ne collait pas à la réalité ? Nous demandons avec force ce soir au gouvernement de prendre des décisions pour l'ensemble des entreprises françaises et cette décision, c'est élargir le volume des heures supplémentaires pour faire face à la situation.
THIERRY GUERRIER : Merci Denis Kessler d'avoir été sur le plateau de LCI ce soir.
(source http://www.medef.fr, le 01 octobre 2001)
RTL - 7h50
Le 1 er octobre 2001
R. Elkrief Le coût des attentats en Amérique s'élève, pour les sociétés françaises d'assurance, à 7 milliards de francs environ. Le coût de l'explosion de Toulouse est estimé entre 4 et 6 milliards de francs. Est-ce que les particuliers doivent s'attendre à une augmentation de leurs primes d'assurance ?
- "Ce n'est pas comme cela que cela fonctionne. Les assurances concernant les compagnies aériennes vont augmenter, tout simplement parce qu'en un jour, on a détruit grosso modo l'équivalent de cinq années de primes d'assurance mondiale. En ce qui concerne les risques industrielles - je parle de Toulouse -, il est évident que lorsque l'on détruit, avec une explosion, 40 % des cotisations annuelles d'assurance "risques industrielles", ceci ne peut pas ne pas avoir de conséquences sur les primes d'assurance correspondant à ces risques. S'agissant des particuliers, il n'y a aucune raison que des accidents aériens ou des accidents industriels se traduisent par une augmentation de cotisations, par exemple pour les habitations - ce qu'on appelle le "multirisque habitation" - ou pour les automobiles. Cela peut augmenter pour d'autres raisons : l'augmentation des cambriolages ou l'augmentation du nombre d'accidents, mais certainement pas pour les accidents de Toulouse ou pour les attentats de New York."
Même quand cela intervient après les catastrophes comme l'Erika, comme les tempêtes...
- "L'Erika affectera, selon mon raisonnement, les primes d'assurance du transport par mer. Il n'y a encore aucune raison que les particuliers subissent les conséquences de l'Erika. Il faut connaître un peu la technique et éviter de faire croire immédiatement que l'on va répercuter les augmentations de cotisations sur les particuliers. Ceci n'est pas vrai."
Les associations de consommateurs et les particuliers, comme vous et moi, en sommes satisfaits. Vous reprenez votre casquette de vice-président du Medef. Aujourd'hui est une date importante, puisque après avoir laissé planer la menace, vous quittez effectivement les caisses de la Sécurité sociale - famille, vieillesse et maladie - pour protester contre le financement des 35 heures, à partir des comptes de la Sécurité sociale. Trouvez-vous que c'est la meilleure manière de relancer le dialogue social que vous souhaitez ?
- "On ne peut pas être accusé de ne pas vouloir relancer le dialogue social, alors que nous sommes à l'initiative de cet extraordinaire mouvement qu'on appelle la Refondation sociale. Cela fait deux ans que nous avons lancé un nombre incroyable de chantiers. Souvenez-vous de l'Assurance maladie, de la retraite, de la santé au travail, aujourd'hui de la formation professionnelle ou des manières de mener le dialogue social en France... En ce qui nous concerne, nous sommes profondément pour le dialogue social. Nous partons, et c'est un instant très grave. Cinquante-cinq ans de présence dans les caisses de Sécurité sociale, aussi bien maladie, vieillesse que famille ! Ce n'est pas de gaieté de coeur que nous partons. Nous avons le coeur lourd aujourd'hui. Pour une raison simple : nous ne pouvons pas rester dans les conditions actuelles. Nous avons dit au Premier ministre que nous ne pouvions pas accepter que l'Etat siphonne les fonds de la Sécurité sociale. Ils sont faits pour les malades, pour les retraités..."
Les syndicats de salariés sont d'accord avec vous, mais ils ne quittent pas les caisses de Sécurité sociale ?
- "Chacun sa responsabilité. En ce qui me concerne, cela n'a jamais été une menace. Nous avons dit que ceci était inacceptable. J'ajoute en plus que la Sécurité sociale n'est pas gérée comme il faut, aujourd'hui. Il faut une réforme de la Sécurité sociale. Les dépenses explosent, que ce soit en ce qui concerne l'assurance maladie ; les perspectives du régime de retraite de base - de ce qu'on appelle la CNAV - sont extrêmement sombres, tout le monde le sait. Et on vient de laisser passer encore des années, sans aucune réforme dans ces domaines-là. Maintenant, il faut tirer les conclusions de tout ceci. Nous avons décidé de partir - c'est un acte totalement responsable - de façon à proposer une nouvelle architecture qui permettra, je crois, demain, à tous les Français d'être soignés dans les meilleures conditions et d'envisager leur retraite avec sérénité."
Votre "nouvelle architecture", qu'est-ce que c'est ? Une privatisation possible, à terme, du système de la Sécurité sociale ?
- "Certainement pas. Nous revenons peut-être même au fondement de la Sécurité sociale. Il y a deux grands principes, auxquels les Français sont attachés : l'universalité de couverture - nous sommes attachés en tant qu'employeurs à ce principe ; le second principe, c'est la solidarité. Il faut que le système de Sécurité sociale soit financé de manière claire par un impôt, une cotisation concernant tous les Français. Il y a un troisième principe, malheureusement, qui n'a pas été mis en oeuvre dans l'architecture actuelle : c'est le principe d'efficacité. Comment faire en sorte qu'on puisse effectivement soigner, en respectant le fait que la France est à l'heure actuelle tenue de respecter un certain nombre de critères de compétitivité ?"
Et vous avez une recette magique là-dessus ?
- "Non, mais nous avons beaucoup travaillé. Nous avons regardé tout ce qui se passait à l'étranger, et nous avons élaboré une architecture nouvelle, concernant aussi bien l'assurance vieillesse de base que l'assurance maladie."
Pouvez-vous nous dévoiler un petit peu cette architecture ?
- "C'est clair : il faut toujours clarifier les responsabilités. Donc, dans cette nouvelle architecture, on précise clairement ce qui relève de l'Etat. L'Etat a en charge ce qu'on appelle les priorités de la santé publique, qu'il ne définit pas d'ailleurs à l'heure actuelle. Nous souhaitons qu'il le fasse. L'Etat a en charge bien entendu le financement socialisé, et l'Etat a en charge la définition de ce qu'on appelle le "panier de soins", selon le jargon, cela veut dire tous les soins auxquels tout Français doit avoir accès, compte tenu encore une fois de l'impératif d'universalité de la couverture de la Sécurité sociale. Mais le rôle de l'Etat, bien entendu, doit s'arrêter là. Il n'y a aucune raison, à l'heure actuelle, qu'il se mêle de tout, aussi bien du recrutement des infirmières que du prix des médicaments, que du nombre de spécialistes, que de l'organisation des caisses, que sais-je encore. C'est bien la confusion des responsabilités, entre ce qui relève à l'heure actuelle des uns et des autres, que gît une partie du problème. Nous souhaitons cette grande clarification des responsabilités."
Parlons du chômage. Il a augmenté de 0,5 % en août. Il atteint maintenant 9 %. La ministre de l'Emploi estime qu'il y a en quelque sorte une stabilisation, mais on voit bien y compris que le Gouvernement est inquiet. Quel est votre sentiment ? Est-ce que cela va durer, le chômage va-t-il augmenter ?
- "Il n'y a aucune raison, pour le moment, que la conjoncture française se retourne. Je n'en vois pas."
Se retourne positivement, vous voulez dire ?
- "Oui, se retourne. Nous avions dit, depuis le début de l'année, que nous étions en période de ralentissement,. Et les événements américains accentuent ce ralentissement. Donc, il faut prévoir une situation de l'emploi qui va sans doute se dégrader dans les mois qui viennent, en tout cas, qui ne va pas s'améliorer. Depuis quelque temps, on nous disait : "Inutile de s'occuper des retraites, le retour au plein emploi - souvenez-vous, il y a à peine quelques mois - va résoudre l'ensemble des problèmes." On s'aperçoit qu'il faut une réforme des retraites. Quelle que soit la situation du chômage, c'est nécessaire. On n'a pas fait cette réforme. Il fallait la faire à temps et en heure. Nous allons en proposer une nouvelle, parce que nous sommes résolus à le faire. Inutile d'attendre systématiquement le retour au plein emploi. Il faut prendre les décisions courageuses au moment où elles s'imposent."
Les mesures proposées par L. Jospin, comme l'augmentation des contrats emploi-solidarité, le maximum des stages pour essayer de relancer un peu l'emploi ?
- "C'est de la cosmétique. Non. Il faut faire une vraie politique en France de croissance. Il faut refaire confiance à l'ensemble du secteur productif, il faut renoncer à des projets aussi absurdes que ceux des 35 heures pour les petites, moyennes ou grandes entreprises. Bref, il faut reprendre véritablement le chemin de ce qu'on appelle la "croissance durable", qui repose sur l'investissement et sur le travail."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 2 octobre 2001)
DENIS KESSLER : Ecoutez, d'abord, il faut rappeler que nous avons pris des mesures en faveur de tous les Toulousains touchés parce que nous avons décidé de supprimer l'expertise, de rembourser intégralement les franchises, de faire en sorte que l'on puisse procéder aux indemnisations le plus rapidement possible. Je crois que c'est ça l'important pour un sinistre qui représentera aux alentours de 6 milliards de francs. Mais il faut savoir simplement que 6 milliards de francs, ça représente en responsabilité civile entreprise aux alentours de 40 % de l'encaissement annuel. En ce qui concerne les dommages aux biens, c'est-à-dire l'explosion des usines, ceci représente aux alentours de 20 % de la totalité de l'encaissement annuel. Comment voulez-vous, et tout le monde comprendra, je parle uniquement de l'assurance des biens industriels, l'assurance des usines, l'assurance des grands sites qui produisent par exemple des produits chimiques, comment voulez-vous imaginer que nous avons là un accident d'une ampleur aussi considérable et que tout reste
THIERRY GUERRIER : La trésorerie des sociétés d'assurance n'est pas telle qu'elles peuvent puiser dedans ou dans leur patrimoine le cas échéant pour éviter à nouveau d'augmenter les primes ?
DENIS KESSLER : Je dis avec force que, en ce qui concerne les particuliers, il n'y aucun souci à se faire. Les sociétés d'assurance équilibrent les risques catégorie de risques par catégories de risques. Donc, grosso modo, les industriels pratiquant ce type de risque, bien entendu, verront une augmentation des primes pour la raison suivante, c'est qu'on vient de changer la taille et la gravité des sinistres. Mais il ne faut pas tout mélanger et dans les déclarations qui ont été faites, les risques de particuliers ne sont pas concernés. Dans le cas de Toulouse, si c'est un accident, c'est ce que l'on appelle une police d'accident responsabilité civile de l'entreprise qui va jouer et nous allons intégralement rembourser les victimes. Ce ne sont pas les polices d'assurance automobile ou ce ne sont pas les polices d'assurance multirisques habitation qui prennent en charge les dégâts
THIERRY GUERRIER : Mais les polices dommages des particuliers risquent d'augmenter de l'ordre de 5 %.
DENIS KESSLER : Pas du tout, pas du tout, ceci n'a jamais été dit par aucun assureur de la place
THIERRY GUERRIER : AGF en particulier
DENIS KESSLER : Jamais été dit ni par le président des AGF, ni par aucun assureur, ça fait partie de ces rumeurs
THIERRY GUERRIER : Donc vous démentez.
DENIS KESSLER : Bien entendu, je déments. Les polices d'assurance des particuliers ne sont pas concernées par les conséquences ni de ce qui s'est passé à New-York, ni de ce qui s'est passé à Toulouse.
THIERRY GUERRIER : Avant qu'on revienne, un petit peu plus tard dans le journal sur la situation économique du pays avec le numéro deux du MEDEF que vous êtes, juste une question tout de même. Notre confrère LE MONDE ce soir évoquait une enquête difficile sur les causes de l'attentat (sic) de Toulouse et revient sur l'hypothèse d'un attentat. Si c'était le cas, acte de malveillance, est-ce que, à ce moment-là, vous pourriez, les assureurs, vous retourner vers l'Etat ?
DENIS KESSLER : Alors, s'il y a effectivement attentat plutôt qu'accident, il faut d'abord de nouveau rassurer les assurés : ils seront pris en charge. Donc, quelle que soit l'origine, accident ou attentat, et je crois que les malheureux, les blessés, les ayants droit de ceux qui sont décédés, ceux qui ont subi des dégâts dans leur magasin, dans leur commerce, dans leur habitation, seront remboursés quelle que soit l'origine. Après, si c'est un attentat, bien entendu, il faudra regarder qui est derrière cet attentat et les responsabilités qui sont en cause.
Pause
THIERRY GUERRIER : Alors, nous revenons à Denis Kessler. Vous êtes le patron des patrons (sic), en tout cas, le numéro deux du MEDEF. Ce patriotisme économique que souhaite Lionel Jospin, vous y accédez ?
DENIS KESSLER : Bien entendu. Je veux dire, les chefs d'entreprise en France, comme d'ailleurs tous les responsables, tous les décideurs économiques ont la volonté, non seulement la volonté mais la détermination, de faire face dans la situation actuelle. Il faut savoir bien entendu que la situation est très difficile, on a un ralentissement de l'économie mondiale, de l'économie européenne, de l'économie française. On a des marchés financiers qui connaissent des périodes de turbulences très fortes et il y a une extraordinaire inquiétude qui existe à l'heure actuelle dans le pays.
THIERRY GUERRIER : Ca peut vouloir dire quoi patriotisme économique quand on est chef d'entreprise selon vous ?
DENIS KESSLER : Le patriotisme, ça veut dire simplement un engagement résolu à vouloir poursuivre ses activités, sa production et ne pas, à un moment ou à un autre, j'allais dire, jeter le manche et la cognée en disant que tout ceci Non ! Il faut relever les défis, il faut faire en sorte, bien entendu, de faire face à une situation extraordinaire.
THIERRY GUERRIER : Pour un homme de gauche comme Lionel Jospin, ça peut peut-être vouloir dire aussi éviter de spéculer, éviter d'augmenter les prix.
DENIS KESSLER : Je ne vois pas qui spécule à l'heure actuelle sur la situation. Ce n'est pas l'objet. Par contre, ce que l'on attend évidemment des pouvoirs publics, c'est que si nous avons la détermination de faire face, qu'on ne nous mette pas des handicaps supplémentaires à ceux que nous connaissons. Il a fallu attendre quand même ces sinistres évènements pour avoir enfin une décision concernant par exemple les 35 heures pour les entreprises de moins de 21 salariés. Nous demandons à l'heure actuelle au gouvernement d'étendre cette mesure d'élargissement des heures supplémentaires à toutes les entreprises, et pas uniquement aux plus petites d'entre elles. C'est une décision de bon sens pour faire face à la situation. Il faut décréter la mobilisation générale et non pas poursuivre des décisions qui ont été prises dans un univers qui était de croissance économique et de stabilité dans le monde.
THIERRY GUERRIER : Vous avez un petit peu crié victoire aujourd'hui. Le MEDEF a sorti un communiqué disant : le gouvernement reconnaît finalement son erreur en assouplissant les mesures sur les 35 heures pour les PME.
DENIS KESSLER : Vous savez ce que l'on a dit ? On a dit ouf. Ouf. On a dit enfin. Enfin. Vous vous rendez compte ? Des mois de discussion, tout ça pour prendre une mesure de bon sens. Les Pme, comme les grandes entreprises, doivent passer à l'euro dans à peine 3 mois. Les Pme, comme les grandes entreprises, font face à une situation incroyable d'un point de vue économique, financier et international. L'incertitude est là. Ouf, on a pris enfin la décision, on l'attendait. Mais pourquoi faut-il toujours attendre le dernier moment pour assouplir ce qui était bien entendu rigide, ce qui ne collait pas à la réalité ? Nous demandons avec force ce soir au gouvernement de prendre des décisions pour l'ensemble des entreprises françaises et cette décision, c'est élargir le volume des heures supplémentaires pour faire face à la situation.
THIERRY GUERRIER : Merci Denis Kessler d'avoir été sur le plateau de LCI ce soir.
(source http://www.medef.fr, le 01 octobre 2001)
RTL - 7h50
Le 1 er octobre 2001
R. Elkrief Le coût des attentats en Amérique s'élève, pour les sociétés françaises d'assurance, à 7 milliards de francs environ. Le coût de l'explosion de Toulouse est estimé entre 4 et 6 milliards de francs. Est-ce que les particuliers doivent s'attendre à une augmentation de leurs primes d'assurance ?
- "Ce n'est pas comme cela que cela fonctionne. Les assurances concernant les compagnies aériennes vont augmenter, tout simplement parce qu'en un jour, on a détruit grosso modo l'équivalent de cinq années de primes d'assurance mondiale. En ce qui concerne les risques industrielles - je parle de Toulouse -, il est évident que lorsque l'on détruit, avec une explosion, 40 % des cotisations annuelles d'assurance "risques industrielles", ceci ne peut pas ne pas avoir de conséquences sur les primes d'assurance correspondant à ces risques. S'agissant des particuliers, il n'y a aucune raison que des accidents aériens ou des accidents industriels se traduisent par une augmentation de cotisations, par exemple pour les habitations - ce qu'on appelle le "multirisque habitation" - ou pour les automobiles. Cela peut augmenter pour d'autres raisons : l'augmentation des cambriolages ou l'augmentation du nombre d'accidents, mais certainement pas pour les accidents de Toulouse ou pour les attentats de New York."
Même quand cela intervient après les catastrophes comme l'Erika, comme les tempêtes...
- "L'Erika affectera, selon mon raisonnement, les primes d'assurance du transport par mer. Il n'y a encore aucune raison que les particuliers subissent les conséquences de l'Erika. Il faut connaître un peu la technique et éviter de faire croire immédiatement que l'on va répercuter les augmentations de cotisations sur les particuliers. Ceci n'est pas vrai."
Les associations de consommateurs et les particuliers, comme vous et moi, en sommes satisfaits. Vous reprenez votre casquette de vice-président du Medef. Aujourd'hui est une date importante, puisque après avoir laissé planer la menace, vous quittez effectivement les caisses de la Sécurité sociale - famille, vieillesse et maladie - pour protester contre le financement des 35 heures, à partir des comptes de la Sécurité sociale. Trouvez-vous que c'est la meilleure manière de relancer le dialogue social que vous souhaitez ?
- "On ne peut pas être accusé de ne pas vouloir relancer le dialogue social, alors que nous sommes à l'initiative de cet extraordinaire mouvement qu'on appelle la Refondation sociale. Cela fait deux ans que nous avons lancé un nombre incroyable de chantiers. Souvenez-vous de l'Assurance maladie, de la retraite, de la santé au travail, aujourd'hui de la formation professionnelle ou des manières de mener le dialogue social en France... En ce qui nous concerne, nous sommes profondément pour le dialogue social. Nous partons, et c'est un instant très grave. Cinquante-cinq ans de présence dans les caisses de Sécurité sociale, aussi bien maladie, vieillesse que famille ! Ce n'est pas de gaieté de coeur que nous partons. Nous avons le coeur lourd aujourd'hui. Pour une raison simple : nous ne pouvons pas rester dans les conditions actuelles. Nous avons dit au Premier ministre que nous ne pouvions pas accepter que l'Etat siphonne les fonds de la Sécurité sociale. Ils sont faits pour les malades, pour les retraités..."
Les syndicats de salariés sont d'accord avec vous, mais ils ne quittent pas les caisses de Sécurité sociale ?
- "Chacun sa responsabilité. En ce qui me concerne, cela n'a jamais été une menace. Nous avons dit que ceci était inacceptable. J'ajoute en plus que la Sécurité sociale n'est pas gérée comme il faut, aujourd'hui. Il faut une réforme de la Sécurité sociale. Les dépenses explosent, que ce soit en ce qui concerne l'assurance maladie ; les perspectives du régime de retraite de base - de ce qu'on appelle la CNAV - sont extrêmement sombres, tout le monde le sait. Et on vient de laisser passer encore des années, sans aucune réforme dans ces domaines-là. Maintenant, il faut tirer les conclusions de tout ceci. Nous avons décidé de partir - c'est un acte totalement responsable - de façon à proposer une nouvelle architecture qui permettra, je crois, demain, à tous les Français d'être soignés dans les meilleures conditions et d'envisager leur retraite avec sérénité."
Votre "nouvelle architecture", qu'est-ce que c'est ? Une privatisation possible, à terme, du système de la Sécurité sociale ?
- "Certainement pas. Nous revenons peut-être même au fondement de la Sécurité sociale. Il y a deux grands principes, auxquels les Français sont attachés : l'universalité de couverture - nous sommes attachés en tant qu'employeurs à ce principe ; le second principe, c'est la solidarité. Il faut que le système de Sécurité sociale soit financé de manière claire par un impôt, une cotisation concernant tous les Français. Il y a un troisième principe, malheureusement, qui n'a pas été mis en oeuvre dans l'architecture actuelle : c'est le principe d'efficacité. Comment faire en sorte qu'on puisse effectivement soigner, en respectant le fait que la France est à l'heure actuelle tenue de respecter un certain nombre de critères de compétitivité ?"
Et vous avez une recette magique là-dessus ?
- "Non, mais nous avons beaucoup travaillé. Nous avons regardé tout ce qui se passait à l'étranger, et nous avons élaboré une architecture nouvelle, concernant aussi bien l'assurance vieillesse de base que l'assurance maladie."
Pouvez-vous nous dévoiler un petit peu cette architecture ?
- "C'est clair : il faut toujours clarifier les responsabilités. Donc, dans cette nouvelle architecture, on précise clairement ce qui relève de l'Etat. L'Etat a en charge ce qu'on appelle les priorités de la santé publique, qu'il ne définit pas d'ailleurs à l'heure actuelle. Nous souhaitons qu'il le fasse. L'Etat a en charge bien entendu le financement socialisé, et l'Etat a en charge la définition de ce qu'on appelle le "panier de soins", selon le jargon, cela veut dire tous les soins auxquels tout Français doit avoir accès, compte tenu encore une fois de l'impératif d'universalité de la couverture de la Sécurité sociale. Mais le rôle de l'Etat, bien entendu, doit s'arrêter là. Il n'y a aucune raison, à l'heure actuelle, qu'il se mêle de tout, aussi bien du recrutement des infirmières que du prix des médicaments, que du nombre de spécialistes, que de l'organisation des caisses, que sais-je encore. C'est bien la confusion des responsabilités, entre ce qui relève à l'heure actuelle des uns et des autres, que gît une partie du problème. Nous souhaitons cette grande clarification des responsabilités."
Parlons du chômage. Il a augmenté de 0,5 % en août. Il atteint maintenant 9 %. La ministre de l'Emploi estime qu'il y a en quelque sorte une stabilisation, mais on voit bien y compris que le Gouvernement est inquiet. Quel est votre sentiment ? Est-ce que cela va durer, le chômage va-t-il augmenter ?
- "Il n'y a aucune raison, pour le moment, que la conjoncture française se retourne. Je n'en vois pas."
Se retourne positivement, vous voulez dire ?
- "Oui, se retourne. Nous avions dit, depuis le début de l'année, que nous étions en période de ralentissement,. Et les événements américains accentuent ce ralentissement. Donc, il faut prévoir une situation de l'emploi qui va sans doute se dégrader dans les mois qui viennent, en tout cas, qui ne va pas s'améliorer. Depuis quelque temps, on nous disait : "Inutile de s'occuper des retraites, le retour au plein emploi - souvenez-vous, il y a à peine quelques mois - va résoudre l'ensemble des problèmes." On s'aperçoit qu'il faut une réforme des retraites. Quelle que soit la situation du chômage, c'est nécessaire. On n'a pas fait cette réforme. Il fallait la faire à temps et en heure. Nous allons en proposer une nouvelle, parce que nous sommes résolus à le faire. Inutile d'attendre systématiquement le retour au plein emploi. Il faut prendre les décisions courageuses au moment où elles s'imposent."
Les mesures proposées par L. Jospin, comme l'augmentation des contrats emploi-solidarité, le maximum des stages pour essayer de relancer un peu l'emploi ?
- "C'est de la cosmétique. Non. Il faut faire une vraie politique en France de croissance. Il faut refaire confiance à l'ensemble du secteur productif, il faut renoncer à des projets aussi absurdes que ceux des 35 heures pour les petites, moyennes ou grandes entreprises. Bref, il faut reprendre véritablement le chemin de ce qu'on appelle la "croissance durable", qui repose sur l'investissement et sur le travail."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 2 octobre 2001)