Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Fleur PELLERIN est l'invitée d'I-Télé ce matin. Bonjour.
FLEUR PELLERIN
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Et merci d'être avec nous. L'info politique de la matinée, c'est François de RUGY, co-président du groupe écologiste à l'Assemblée, et qui annonce son départ du mouvement. Est-ce que vous comprenez sa décision ? Je rappelle, en quelques mots, pour ceux qui nous rejoignent à l'instant, que François de RUGY explique : nous n'arrivons plus à avoir de débats dans ce parti, ni de fond, ni stratégiques, et ce parti s'enfonce dans une dérive gauchiste. Quel est votre sentiment face à cet événement politique dans votre majorité ?
FLEUR PELLERIN
D'abord, je comprends la décision de François de RUGY, je crois qu'il n'était plus en accord avec la façon de fonctionner de son parti, qui était concentré sur des questions essentiellement tactiques, des alliances un peu incompréhensibles, je pense, pour le public et pour les militants. Moi, je connais bien François de RUGY, j'ai travaillé avec lui à l'Assemblée nationale, et je crois que c'est un réformiste, qui est profondément désireux d'engager des réformes, de travailler à ces réformes, et surtout de barrer la route au Front national. Donc je crois que son choix est un choix de cohérence, voilà.
BRUCE TOUSSAINT
Qu'est-ce que vous lui dites : viens au PS ?
FLEUR PELLERIN
Je le laisse libre de prendre ses décisions, de faire ses choix, mais j'imagine que, il aura à coeur de se rapprocher de réformistes qui incarnent davantage ses convictions.
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce qu'une partie des Verts est devenue infréquentable ?
FLEUR PELLERIN
Personne n'est infréquentable en démocratie dès lors qu'il adhère à des valeurs républicaines et à des principes qui sont les principes de notre démocratie. Donc je considère que le débat est toujours souhaitable, nécessaire et vital pour un pays démocratique. Maintenant, nous sommes au gouvernement, la majorité doit travailler à la réforme de notre pays. Et nous voyons bien à quel point c'est difficile de mener des réformes, de les engager dans un contexte économique, géostratégique, très, très complexe. Je crois qu'il y a des élus politiques, des responsables politiques, qui, précisément, sont responsables et qui savent ce que c'est que de mener un pays
BRUCE TOUSSAINT
Non, mais pour dire les choses plus clairement
FLEUR PELLERIN
D'autres qui le sont moins
BRUCE TOUSSAINT
Vous pourriez par exemple travailler avec François de RUGY au gouvernement, ça serait plus difficile de travailler avec d'autres écologistes ?
FLEUR PELLERIN
Eh bien, je crois qu'il faut partager un certain nombre de valeurs et de principes, ceux qui les partagent sont évidemment les bienvenus, et ils peuvent partager un collectif, ils peuvent partager une ambition collective. Ceux qui risquent de passer leur temps à la critiquer ou ne peuvent pas faire partie d'un collectif, on l'a bien vu récemment, c'est une solidarité quand même un gouvernement
BRUCE TOUSSAINT
Vous souhaitez le retour de certains écologistes au gouvernement ?
FLEUR PELLERIN
Je crois que les écologistes ont leur place dans un gouvernement socialiste, réformiste, progressiste, voilà, donc je pense qu'il y aura des échéances qui permettront d'étudier cette possibilité.
BRUCE TOUSSAINT
Au fond, comme le disait Christophe BARBIER tout à l'heure, dans son édito, ce n'est pas une mauvaise nouvelle pour François HOLLANDE, cette crise chez les Verts, ça affaiblit le parti, ça hypothèque peut-être, même si c'est encore loin, une candidature écologiste à la présidentielle, ce n'est pas si mauvais ?
FLEUR PELLERIN
Eh bien, je crois que François HOLLANDE a surtout à coeur pour l'instant, en matière d'écologie et d'environnement, de réussir la COP 21, qui est un événement à la fois diplomatique et environnemental
BRUCE TOUSSAINT
Sans les écologistes ?
FLEUR PELLERIN
Extrêmement important. Je crois qu'il le fait, Laurent FABIUS et Ségolène ROYAL travaillent avec les écologistes, c'est surtout ça qui est un objectif important dans la période qui s'ouvre.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, est-ce qu'il va y avoir une redevance sur ça, sur le téléphone portable, sur le Smartphone et sur la tablette numérique ?
FLEUR PELLERIN
Ce qu'il est important de dire, c'est que la redevance audiovisuelle est prélevée effectivement sur les détenteurs de postes, les vieux postes hertziens qui sont reliés à une antenne râteau, mais que les usages, la consommation de télévision se passent aujourd'hui de plus en plus sur Internet. Plus de 50 % désormais des personnes qui regardent la télé regardent la télévision sur un autre support ou avec un autre canal que l'antenne râteau qui se trouve sur les toits des immeubles. Donc il faut tenir compte de cela, ça n'a pas de sens aujourd'hui de dire : ceux qui contribuent à l'audiovisuel public ne sont que la moitié ou moins de la moitié des utilisateurs ou des utilisateurs du service
BRUCE TOUSSAINT
Non mais attendez, la part des ménages qui paient la redevance et qui sont équipés en téléviseurs, bon, elle a baissé de 1 %, mais enfin, ça reste 96 %, je crois, donc c'est déjà tout le monde
FLEUR PELLERIN
Non, parce que la redevance est attachée à la détention d'un poste de télévision, il y a encore des foyers, enfin, il y a des foyers, et peut-être nouveaux, qui ne regardent pas la télévision par le poste et qui, par conséquent, n'en détiennent pas, et c'est aussi la modernisation de cette redevance, qui, je le sais bien, n'est pas très populaire, mais qui permet quand même d'avoir un audiovisuel public dynamique, et les Français sont attachés à leur radio publique et à leur audiovisuel public. Donc voilà, je crois que ce qui est très important surtout, c'est de dire à quoi elle sert cette redevance. Et c'est la raison pour laquelle moi, j'ai donné une feuille de route très claire à la nouvelle présidente de FRANCE TELEVISIONS, avant même qu'elle soit désignée, j'ai souhaité que l'audiovisuel public se réforme, soit plus moderne, parle davantage de la jeunesse
BRUCE TOUSSAINT
On va en parler, juste sur la redevance, bon, apparemment, Bercy n'est pas favorable à cette proposition ?
FLEUR PELLERIN
Il y a plusieurs propositions qui sont sur la table, il y a une modernisation effectivement, ce qu'on appelle une modernisation de l'assiette, c'est-à-dire, on tient compte davantage de ce que sont les usages d'aujourd'hui, c'est ce que je disais tout à l'heure, et puis, sinon, on peut faire augmenter légèrement la redevance. Il y a plusieurs
BRUCE TOUSSAINT
De combien ?
FLEUR PELLERIN
Je ne peux pas vous le dire aujourd'hui, les décisions seront prises début octobre. Mais à l'évidence, il y a plusieurs solutions pour faire évoluer cette redevance
BRUCE TOUSSAINT
Si cette redevance est élargie aux détenteurs de Smartphones et de tablettes, ça représente combien ? Ça représente quoi concrètement ? Là, c'est un principe que vous évoquez, mais qu'est-ce que
FLEUR PELLERIN
C'est un principe, et je me garderais bien d'aller davantage dans le détail, dans la mesure où ces décisions n'ont pas encore été prises. Et tout cela doit être évidemment envisagé dans le cadre de l'évolution qui est souhaitée par le président de la République, c'est-à-dire que la baisse des impôts
BRUCE TOUSSAINT
Enfin, nous, on avait surtout compris qu'il n'y aurait plus de hausse d'impôts
FLEUR PELLERIN
Que la baisse des impôts qui a été engagée déjà depuis 2014 puisse se poursuivre, notamment en ce qui concerne l'impôt sur le revenu. Donc il y a une attention très forte évidemment du gouvernement à la pression fiscale dans son ensemble. Pour le reste, les décisions seront prises au début du mois d'octobre.
BRUCE TOUSSAINT
Vous disiez tout à l'heure : ce n'est pas très populaire, c'est un euphémisme, non ?
FLEUR PELLERIN
Mais moi, je crois que, vous savez, l'impôt n'est jamais très populaire
BRUCE TOUSSAINT
C'est déjà 136 euros, c'est 136 euros déjà la redevance, je le rappelle comme ça à tous ceux qui nous regardent ce matin
FLEUR PELLERIN
Mais c'est moins qu'en Angleterre, qu'en Allemagne ou que dans d'autres pays voisins
BRUCE TOUSSAINT
C'est plus qu'en Italie.
FLEUR PELLERIN
Oui, bon. Et c'est surtout à quoi ça sert, ce n'est pas un impôt, la redevance, c'est quelque chose en échange d'un service qui est rendu. Et c'est la raison pour laquelle, moi, en tant que ministre de la Culture et de la communication, je souhaite que les Français s'y retrouvent. Et donc, puisqu'ils sont attachés, et ça, c'est une réalité, les sondages le montrent bien, leur audiovisuel public leur tient à coeur, leur radio publique leur tient à coeur. Et donc je veux que cette radio et cet audiovisuel s'ajustent à leurs attentes.
BRUCE TOUSSAINT
La transition pour évoquer FRANCE TELEVISIONS, c'est, je ne sais pas si vous avez vu tout à l'heure Christophe BARBIER, dans son édito, il vous a posé une question directement, il dit au fond : plutôt d'augmenter la redevance, si on la supprimait ? Et si on privatisait le service public ?
FLEUR PELLERIN
Alors, c'est très iconoclaste. Moi, je suis très attachée, je le disais à l'instant, et je crois que c'est le cas de beaucoup de Français, je suis très attachée à l'audiovisuel public. Et regardez, même dans des pays comme l'Angleterre, qui sont des pays réputés plus libéraux, les rumeurs récentes d'une baisse drastique du budget de la BBC a suscité beaucoup de réactions. Je crois qu'il y a une vocation particulière du service public audiovisuel d'être par exemple, de proposer un décryptage de l'information à la jeunesse, bien sûr, d'autres le font, mais le service public, c'est quelque chose de différent. Donc moi, je suis très attachée au service public, et il n'est pas question évidemment de privatiser FRANCE TELEVISIONS.
BRUCE TOUSSAINT
La pub après 20h, ça, c'est un principe qui ne bouge pas ou c'est un débat ?
FLEUR PELLERIN
Ce n'est pas pour l'instant étudié. Nous sommes en train d'absorber l'effet de la suppression de la publicité qui a été décidée, et pas financée d'ailleurs, par le précédent gouvernement, donc il faut aussi de la stabilité et de la visibilité et de la constance. Donc ça, c'est plutôt le choix que nous faisons.
BRUCE TOUSSAINT
En revanche, projet de Delphine ERNOTTE, toute nouvelle patronne de FRANCE TELEVISIONS, une chaîne d'information, à quoi ça sert ?
FLEUR PELLERIN
A informer, mais surtout à proposer aussi, probablement, une vision différente de l'information, une vision qui soit une vision de service public. C'est un projet qu'elle a présenté lorsqu'elle a proposé sa candidature
BRUCE TOUSSAINT
Vous y êtes favorable ?
FLEUR PELLERIN
Moi, j'ai dit que j'étais tout à fait ouverte à en discuter avec elle, je l'avais dit au moment où elle présentait sa candidature. Et d'ailleurs, même au moment où j'avais travaillé avec Marc SCHWARTZ sur la définition du cahier des charges de l'audiovisuel public pour les quatre à cinq prochaines années, pourquoi pas, ce n'était pas une obligation, ce n'était pas un passage obligé du cahier des charges
BRUCE TOUSSAINT
Il y a déjà une chaîne info de service public qui s'appelle France 24
FLEUR PELLERIN
Il y a des mutualisations probablement à faire, évidemment, nous veillerons à faire en sorte que des synergies existent, que des rapprochements puissent se faire si le projet devait être engagé et mené à son terme.
BRUCE TOUSSAINT
Il n'y a pas déjà beaucoup de chaînes d'info en France ?
FLEUR PELLERIN
C'est pour ça que c'est pour l'instant un projet, que la décision n'a pas été prise, et qu'il devra être prouvé par Delphine ERNOTTE que cette chaîne apportera véritablement quelque chose de supplémentaire aux Français.
BRUCE TOUSSAINT
Où en est la procédure disciplinaire à l'encontre d'Agnès SAAL, l'ancienne patronne de l'Ina ?
FLEUR PELLERIN
Elle suit son cours, il y a des rapports qui ont été faits. Vous savez, c'est une procédure qui est longue, mais cette longueur ou en tout cas cette précaution, c'est aussi une façon de protéger les fonctionnaires contre l'arbitraire du pouvoir politique. Donc moi, ce que j'ai souhaité, c'est que cette enquête disciplinaire puisse se faire, et un travail d'investigation a été nécessaire, comme ça aurait été le cas pour une enquête de justice. Donc là, les informations ont été rassemblées, analysées, étudiées, maintenant, on peut se faire une idée de ce qui s'est passé, voilà. Et donc la prochaine étape de cette procédure, c'est que des commissions administratives paritaires, donc qui réunissent à la fois les syndicats et des pairs d'Agnès SAAL, vont se réunir pour donner leur avis sur la sanction disciplinaire qui devra le cas échéant être prononcée.
BRUCE TOUSSAINT
Mathieu GALLET est toujours l'homme de la situation à Radio France ?
FLEUR PELLERIN
Ecoutez, il a fait sa rentrée hier pour présenter une nouvelle grille de programmes, et le nouvel organigramme des chaînes de Radio France. Moi, ce que je souhaite, c'est que ce que nous avions dit avant l'été, à savoir que nous devions signer un contrat d'objectifs et de moyens, c'est-à-dire nous mettre d'accord sur le projet d'entreprise nous puissions le faire très rapidement, puisque nous avons déjà pris beaucoup de retard. Ce que j'ai dit aussi, c'est que je souhaitais que, il me présente un plan d'affaires, c'est-à-dire une trajectoire financière dans laquelle l'emploi ne soit pas la seule variable d'ajustement, ce qui était le cas dans les premières ébauches qui avaient été tracées. Donc voilà. Donc j'attends maintenant d'avoir une discussion avec lui, et je l'aurai très prochainement, sur ses orientations, pour que nous puissions assurer l'avenir du service public comme il convient.
BRUCE TOUSSAINT
Fleur PELLERIN, on a appris hier les chiffres du chômage, ils sont quasiment stables pour le mois de juillet. Luc BESSON, lui, dit : moi, je peux employer 1.200 personnes pour le tournage de mon prochain film, sauf que je ne peux pas le faire en France, ça me coûtera trop cher. Alors, vous lui avez répondu, vous lui avez dit : je réfléchis de manière générale à l'attractivité du territoire français dans le cadre de cette compétition internationale. Ce sont vos mots. Est-ce que vous pouvez être plus claire ?
FLEUR PELLERIN
C'est très clair, c'est très clair. Nous sommes dans une compétition internationale avec des pays qui proposent des crédits d'impôt extrêmement attractifs pour attirer les tournages sur leur territoire, c'est le cas de l'Angleterre, c'est le cas du Luxembourg, c'est le cas de la Belgique, beaucoup des pays voisins, des pays de l'Est également. Donc nous sommes un grand pays de cinéma, nous avons beaucoup de tournages sur notre territoire, moi, je souhaite que nous puissions résister à cette concurrence internationale. Donc dès l'année dernière, moi, je n'ai pas attendu évidemment le tournage de « Valerian » pour m'emparer de ce sujet, dès l'année dernière, et dès mon arrivée, j'ai déjà réhaussé des crédits d'impôt pour que la France redevienne attractive pour un certain nombre de tournages, notamment les films d'animation dans lesquels nous sommes très forts, notamment les films dits du milieu, c'est-à-dire des films fragiles financièrement, de budgets de moins de sept millions d'euros, et les super productions internationales de 100, 200 millions d'euros, qui ne se tournent jamais en France, voilà. Donc ça, c'est ce que j'ai fait l'année dernière. Et effectivement, je m'étais dit en faisant cette réforme que je souhaitais la prolonger pour pouvoir attirer encore davantage de tournages, et c'est vrai que le film de Luc BESSON se trouve être dans un angle mort de la réglementation, mais que les évolutions
BRUCE TOUSSAINT
Mais il va y avoir une solution sur cette source, ce sujet-là ou pas ?
FLEUR PELLERIN
Mais que les évolutions sur lesquelles je travaille actuellement permettent très probablement d'offrir une solution à son cas particulier. Mais ce que je lui expliquais, c'est que moi, je ne travaille pas je ne fais pas de la loi ou de la règlementation, et le Parlement non plus pour des cas particuliers. Mais très probablement, sa situation sera réglée par les évolutions à venir dans la Loi de Finances de cette année.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, dernier mot, Fleur PELLERIN, rentrée littéraire, 589 livres, c'est toujours, tous les ans, on dit : c'est trop, etc
FLEUR PELLERIN
C'est moins que l'année dernière
BRUCE TOUSSAINT
C'est un tout petit peu moins que l'an dernier, on était au-dessus des 600. Le débat sur le prix du livre, il va se rouvrir un jour ou c'est un tabou, ça ?
FLEUR PELLERIN
Il s'est déjà un petit peu rouvert au moment des discussions sur AMAZON, les frais de port, le prix du livre numérique
BRUCE TOUSSAINT
14, 15 euros pour acheter le roman de la rentrée, ce n'est pas trop cher ?
FLEUR PELLERIN
Vous savez, il ne faut pas laisser croire non plus que la culture, c'est gratuit et que l'art, ça n'a pas de prix ou de coût. Donc je crois que cette législation sur le prix unique du livre, vous savez, elle nous est enviée par le monde entier, parce qu'elle a permis de maintenir des librairies dans les quartiers, regardez les pays qui n'ont pas eu cette législation, il n'y a plus une seule librairie, et même les grands réseaux sont menacés, c'est le cas aux Etats-Unis par exemple, vous ne trouvez plus une seule librairie indépendante. Or ça, je crois que si on veut maintenir la diversité, eh bien, c'est important d'avoir un réseau de distribution qui soit extrêmement divers, et dans lequel on puisse échanger avec autre chose qu'un algorithme, en tout cas, moi, j'y suis attachée, et c'est la raison pour laquelle je suis très attachée à cette législation.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Fleur PELLERIN. Merci d'avoir été notre invitée.
FLEUR PELLERIN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 août 2015