Déclaration de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, sur les grandes lignes du cadrage économique et budgétaire des textes financiers pour 2016, Paris le 16 septembre 2015.

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Circonstance : Conférence de presse du ministre des fincnaces et des comptes publics et du secrétaire d'Etat au budget en vue de la présentation des textes financiers pour 2016, Paris le 16 septembre 2015

Texte intégral

Bonjour à tous,
Comme l'an passé, j'ai souhaité, avec Christian ECKERT, vous présenter les grandes lignes du cadrage économique et budgétaire des textes financiers : le projet de loi de finances, dont tous les détails vous seront donnés lors de sa publication le 30 septembre prochain et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, en Conseil des ministres le 7 octobre prochain.
Pourquoi ? Parce qu'avant de rentrer dans les détails d'un budget, il est toujours utile d'avoir ce moment d'échange, en partant du constat de ce que nous avons fait avant de dresser les grandes orientations pour l'année budgétaire à venir.
Il y a un an, j'ai fait le choix d'un discours de vérité sur la situation de notre économie et de nos finances publiques. Chacun se souvient que ce discours de vérité a eu, sur le moment, un coût politique pour le Gouvernement, certains y ayant même vu l'occasion de brandir la menace de sanctions européennes contre la France. A tort évidemment, puisque ce qui s'est imposé au fil des mois, c'est un soutien européen à notre stratégie, fondé sur le constat que, mois après mois, nous tenions nos engagements et nos objectifs.
Forte de ces résultats et plus largement de notre crédibilité, y compris en matière de réformes, la France a pu s'exprimer d'une voix forte en Europe et être entendue ; elle continuera à le faire, que ce soit sur le dossier grec, sur l'avenir de la zone euro – ou dans des domaines tout autres, comme l'accueil des réfugiés.
Où en sommes-nous aujourd'hui des engagements pris il y a un an ?
Nous avions construit notre budget sur une prévision de croissance de 1%. Un an plus tard, cette prévision de croissance – voire un peu plus – est celle de tous les organismes internationaux. Au-delà des à-coups d'un trimestre sur l'autre, et des indicateurs mensuels parfois volatiles, la reprise est clairement à l'oeuvre et se diffuse dans l'économie.
Les recettes rentrent très bien. Les dépenses seront également tenues, malgré le besoin de financer des priorités qui n'avaient pas toutes été anticipées (je pense par exemple aux besoins de la lutte contre le terrorisme, qui nous ont notamment conduits à augmenter les effectifs du maintien de l'ordre).
Aujourd'hui notre prévision de déficit pour 2015 – à 3,8% du PIB – est confortée. Christian y reviendra.
Pour la suite, c'est la même logique de prudence que je veux adopter. Je préfère constater ce qui est que d'espérer ce qui ne sera pas.
Notre projet de budget se fondera donc sur une hypothèse de croissance prudente, à 1,5% pour 2016. Là encore, cette hypothèse est en ligne avec ce que prévoient les institutions internationales, en ligne aussi avec le consensus Mais j'insiste sur ce point : ce 1,5% n'est pas un objectif – nous cherchons à nous donner les moyens de faire mieux – mais le choix d'une hypothèse prudente pour construire notre budget. Ce choix n'allait pas nécessairement de soi.
Comme nous l'observons depuis quelques mois, la consommation des ménages devrait continuer à soutenir la croissance. Elle est portée par le pouvoir d'achat des ménages qui bénéficient du faible niveau de l'inflation et d'une orientation fiscale favorable, avec les baisses d'impôt successives - j'y reviendrais. En effet, comme au printemps, nous anticipons toujours une inflation quasiment nulle cette année (+0,1% en moyenne), résultat notamment d'un pétrole dont le prix a été divisé par deux en un an, et qui repartirait progressivement l'an prochain (+1%).
Dans un contexte de reprise des exportations, facilité par les mesures pro compétitivité (CICE et Pacte) et un euro plus en ligne avec nos fondamentaux, de financements à bas taux et de restauration des marges, l'investissement des entreprises devrait accélérer, soutenu également par la mesure de suramortissement décidée avant l'été. Dans ce contexte, l'économie s'est remise à créer des emplois (24 000 créations nettes au deuxième trimestre) et cette dynamique devrait s'amplifier.
Il est donc clair que nous tiendrons nos engagements du printemps sur les finances publiques. Nous ramènerons le déficit public à 3,3% du PIB l'an prochain après 3,8% cette année et sous 3% en 2017. Dans ce contexte de croissance et de déficit, la dette se stabilisera nettement en dessous de 100% du PIB en 2016, avant de progressivement refluer.
Nous avons également tenu le cap vis-à-vis des entreprises et nous continuerons à le tenir. L'effort de baisse des prélèvements obligatoires que nous faisons en leur faveur, parce qu'il était nécessaire de restaurer la compétitivité qu'elles avaient laissé perdre, est sans précédent. L'enveloppe sera respectée.
Le CICE est pleinement déployé depuis le 1er janvier avec un taux de 6% et les entreprises se le sont si bien appropriés, du fait de sa simplicité, que son coût pour cette année a été revu à la hausse à 17,3 Mds d'euros en 2015 (soit +0,9 Mds d'euros).
Cela représente pour 2015, avec la 1ère étape du Pacte de responsabilité, une bouffée d'air sans précédent pour les entreprises de 24 Mds d'euros.
L'étape 2016 du Pacte sera inscrite dans les textes financiers : comme prévu, la contribution exceptionnelle des grandes entreprises à l'impôt sur les bénéfices s'éteindra en 2016 et la 2ème étape de suppression de la C3S sera poursuivie.
Néanmoins, depuis sa présentation l'an passé, de nouvelles priorités se sont dégagées : d'une part, le besoin d'accroître l'incitation directe à investir et, d'autre part, le besoin d'un effort plus important en faveur de l'emploi des petites entreprises. Celles-ci se sont traduites dans le plan du 8 avril pour accélérer l'investissement ainsi que dans le plan "Tout pour l'emploi dans les TPE et PME" du 9 juin.
J'avais déjà dit, lors de la présentation du Programme de stabilité, notamment à un journaliste qui posait la question s'agissant de la mesure suramortissement, que ces initiatives en direction des entreprises, qui représenteront plus d'1 Md en 2016, devaient s'inscrire à l'intérieur de l'enveloppe prévue pour le Pacte. Afin de financer ces nouvelles priorités, les nouveaux allègements de charge portant sur les salaires au-delà de 1,6 smic seront donc mis en oeuvre au 1er avril, et non au 1er janvier.
Nous respectons l'enveloppe du Pacte et son esprit, puisque l'ensemble des mesures seront mises en oeuvre. Le total des mesures de soutien aux entreprises représentera donc toujours 33 Mds en 2016 et 41 Ms en 2017. La parole de l'Etat est donc respectée. Cet effort sans précédent en direction des entreprises doit, avec l'amélioration du contexte économique, permettre à l'investissement et à l'emploi de redémarrer plus franchement. Ainsi par exemple, les enquêtes de l'Insee montrent que 2/3 des entreprises interrogées comptent utiliser le CICE à cette fin.
Pour les ménages, l'impôt sur le revenu sera en baisse pour 2/3 des contribuables d'ici 2016 et n'augmentera pour personne, à situation inchangée.
Nous avons, en début de quinquennat, décidé de hausses d'impôt pour faire face à une situation des finances publiques détériorée, dans un souci de justice : en alignant la fiscalité des gains du capital sur celle du travail – à égalité de revenu, impôt égal ! –, en réduisant les niches et en introduisant pour ceux qui gagnent plus de 150 000 euros par an une tranche à 45%. Certaines de nos mesures, bien que justes, ont aussi touché des classes moyennes moins aisées.
Mais sait-on aussi que les mesures du quinquennat précédent, depuis 2011, ont fait monter l'impôt sur le revenu de près de 10 MDs d'euros à elles seules ?
Pour notre part, et après les hausses nécessaires, dès le printemps 2014, avec le Pacte de responsabilité et de solidarité, nous avons affiché l'ambition d'une baisse de fiscalité des ménages pour 5 Mds d'euros. Elle s'est traduite immédiatement par une réduction d'impôt exceptionnelle de 1,3 Md, bénéficiant à 3,7 millions contribuables.
En 2015, nous avons supprimé la première tranche de l'impôt sur le revenu et revu la décote, pour 3 Mds d'euros au bénéfice de 9 millions de foyers. Ce sont des foyers qui le constatent en ce moment même. La moitié des ménages imposables sont déjà concernés !
Comme l'a souhaité le Président de la République, la loi de finances prolongera cette démarche pour porter en 2016 à un total de 5 Mds la baisse du barème de l'impôt sur le revenu. Ainsi, le nombre de bénéficiaires des baisses d'impôt sur le revenu de 2014 à 2016 atteindra 12 millions, sur environ 18 millions de foyers fiscaux imposables. C'est donc bien le coeur de la classe moyenne qui est concerné. Ceci naturellement sans faire payer plus d'impôt aux autres contribuables.
Et qu'on ne m'oppose pas la concentration de l'impôt : le fait que 46% des ménages paient l'impôt sur le revenu n'a rien d'atypique, c'était le taux observé en 2010.
Etre à la hauteur de nos ambitions de baisses des impôts et des déficits appelle d'être au rendez-vous des engagements de maîtrise de nos dépenses.
Nous avons engagé un effort d'économies de 50 Mds d'euros sur 3 ans. Les mesures nécessaires ont été décidées et votées dans la loi de programmation pluriannuelle : un plafond de dépenses abaissé pour l'Etat, un objectif de dépenses de santé (ONDAM) en net ralentissement (2% cette année), des mesures sur la protection sociale et une dotation globale de fonctionnement des collectivités locales abaissée. Nous avons renforcé ces mesures pour compenser la faible inflation au printemps.
Nous avons fait nos preuves en 2014 : les dépenses publiques n'ont progressé en valeur que de 0,9%, un record absolu à comparer à une progression moyenne de plus de 3% par an entre 2007 et 2012. Celles de l'Etat ont d'ailleurs même baissé en valeur. Le rythme devrait être sensiblement le même cette année et à peine supérieur l'an prochain, dans un contexte de reprise de l'inflation, et donc de revalorisation des prestations, ainsi que de redémarrage des investissements publics – ralentis en 2014 et 2015 par le cycle électoral. Rapporté à un rythme d'évolution spontanée de la dépense publique autour de +2,5%, l'effort est réel.
Ainsi, la dépense est pleinement maîtrisée pour ne plus demander, comme ce fut le cas entre 2011 et 2013, aux ménages ou aux entreprises de contribuer à l'effort collectif mais, au contraire, de leur restituer progressivement le fruit de cet effort.
Vous l'aurez compris, nous voulons construire sur du solide : une exécution 2015 qui s'annonce en ligne avec nos attentes et des prévisions de croissance prudentes pour 2016.
Ceci doit nous permettre de respecter nos engagements et de retrouver, d'ici la fin du quinquennat, des finances publiques plus saines.
Et ce, en finançant nos priorités, en tenant le cap vis-à-vis des entreprises, mais aussi vis-à-vis des ménages. Nous avons dit ce que nous entendions faire jusqu'en 2017, en termes de maîtrise des dépenses, de réduction des déficits et de baisses des impôts.
C'est ce que nous faisons !Source http://www.economie.gouv.fr, le 17 septembre 2015