Déclaration de Mme Pascale Boistard, secrétaire d'Etat aux droits des femmes, sur les droits des femmes et la laïcité, La Rochelle le 27 août 2015.

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Aujourd'hui, partout dans le monde, les femmes sont les premières victimes, les variables d'ajustement d'un monde patriarcal. Et, si les états membres de l'ONU ont bien adhéré à la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui reconnaît dans son Préambule l'égalité entre femmes et hommes, ils sont encore trop peu à avoir inscrit dans leur constitution cette même égalité. Or, aujourd'hui, que voyons-nous ? Nous assistons, au nom de la religion, à la mise en place illégale et à marche forcée, de lois légalisant l'esclavage sexuel des filles, leur interdisant l'école, la liberté de conscience. Je pense à Daesh ou à Boko Haram.
Sous nos latitudes, rien de tel, mais des tentatives, plus ou moins grossières, de faire reculer ce droit fondamental de liberté de conscience. En opposant, avec l'espoir d'affrontement, le principe de laïcité sur lequel se fonde notre République, et le droit de croire et de pratiquer.
A travers votre université, j'aimerais d'abord rendre hommage à toutes les femmes dans le monde qui se battent pour avoir simplement le droit d'exister, et de participer à la vie collective, politique, associative, militante ou simplement quotidienne. Et rendre hommage à toutes celles et tous ceux qui, dans nos démocraties, patiemment, et quelles que soient les modes, mènent le combat pour l'égalité, au quotidien.
Car les droits des femmes, même si ils s'améliorent globalement, souffrent encore de trop d'injustices, de trop de violences et de trop de négation.
Partout dans le monde, à des degrés divers, les droits des femmes malmenés. Tant en termes d'égalité réelle qu'en termes d'éradication de toutes les formes de violences. Voilà la réalité du monde telle qu'elle est. Cette réalité doit changer. Et elle change, malgré les soubresauts et les crispations qu'elle provoque.
Pour ma part, je pense que le féminisme, au 21è siècle, est un combat d'avant-garde.
Je voudrais donc vous remercier pour cette invitation à votre université.
Il y a tout juste un an, jour pour jour, je prenais mes fonctions. J'ai senti, d'emblée une attente importante qu'il ne faut pas décevoir. Et je peux vous dire que je prends cette mission très à cœur. J'ai suffisamment de détermination pour porter les sujets qui sont les miens, les vôtres, les nôtres, auprès de mes collègues du gouvernement.
Même si c'est rarement un fleuve tranquille, cela ne me décourage pas. Bien au contraire, cela me stimule et me fait dire que oui, il est encore des causes à faire avancer et des victoires à arracher. Car nous relevons de multiples challenges au quotidien, l'air de rien. Et ces challenges, nous les relevons ensemble, gouvernement, militantes associatives ou politiques, citoyennes… Engagées, lanceuses d'alerte, attachées au dialogue et à l'action, vous savez faire entendre vos voix et taper du poing sur la table. Vous avez raison de le faire, mais je veux vous dire une chose : il est important que nous travaillions ensemble, car nous le voyons bien, les forces contraires à cette marche vers l'égalité se sont mises en ordre de bataille. Nous avons le défi de faire reculer les conservatismes et de faire progresser les droits des femmes, qu'ils soient professionnels, individuels ou collectifs. Pour l'ensemble de la société.
Et, quand on sent toutes les forces qui poussent, dans leurs formes les plus extrêmes, qu'elles soient religieuses ou politiques ; quand on sait toutes les résistances qui se créent, au changement, au progrès, à l'altérité, on voit bien l'urgence. L'urgence, c'est celle d'une nouvelle exigence républicaine, impliquant chacune et chacun, et cela passe par la remise au centre de nos valeurs fondatrices, que sont les notions de liberté, d'égalité, de fraternité et de laïcité. C'est cette dernière, la laïcité, que nous devons réaffirmer. Parce qu'elle est au cœur de ce qui nous unit, dans nos différences. Elle en est même la garante. La laïcité, ce n'est pas, comme certains essaient de nous le faire croire, un dogme strict ou une notion à géométrie variable. Non, la laïcité, c'est la liberté laissée à chacune et à chacun de croire ou de ne pas croire, c'est la garantie d'une liberté de conscience, de culte. En vue de permettre à chaque individu de trouver sa place dans notre société. Cette liberté, nous la tenons de la Révolution française. C'est dire si ses fondements sont à la fois vieux et récents, fragiles et puissants.
Nous devons, femmes et hommes, en avoir pleinement conscience. Et en assurer la transmission. Sans prosélytisme, mais avec conviction.
Nous sommes, la France, un pays bien particulier. L'histoire de notre Nation, depuis la Révolution, s'est inexorablement appuyée et construite sur cette exigence entre liberté, égalité, fraternité et laïcité. Cette laïcité est d'ailleurs spécifique à la tradition française. Il a fallu se battre, pied à pied, pour qu'enfin, dans un souci de vivre ensemble et de liberté partagée, le politique et le religieux ne soient plus entremêlés. Il faut le rappeler. Il faut se souvenir qu'à la Révolution, on a combattu, notamment pour protéger les citoyens et les citoyennes du pouvoir de conscience et d'existence qu'avait l'Eglise.
La République, à travers la laïcité, assure au contraire la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes. C'est un enjeu majeur de liberté, et donc de démocratie. La loi de 1905, qui a instauré la séparation entre l'Eglise et l'Etat, est le fruit de la Révolution française, son aboutissement.
Pour que chaque citoyenne, chaque citoyen, quels que soient son âge, son opinion, son sexe, ses croyances, soit libre dans le débat démocratique et politique. C'est un point non négociable.
Or, que constate-t-on, 110 ans plus tard ? Le retour, d'une manière plus ou moins frontale, plus ou moins dissimulée, des questions de religion dans l'espace public et politique. Ce n'est pas admissible, car ce n'est pas leur place. Leur place est bien dans la sphère de l'intime et du privé. Et quand je parle de religion, je n'en stigmatise aucune en particulier, que les choses soient claires. Je considère les trois monothéismes avec le même regard : celui d'une femme, citoyenne, militante et politique. C'est ma liberté, c'est la liberté de chacune et chacun d'entre nous.
Les croyances ont un point commun : la place qu'elles donnent (ou ne donnent pas, justement) aux femmes. La laïcité, elle, va à l'inverse. Voilà pourquoi le féminisme est laïc. Il n'est pas contre, mais POUR le droit de chacune de choisir ce que veut dire être femme. Et, tous les combats menés, toutes les avancées fondamentales obtenues en faveur d'une égalité réelle plus effective, ont en grande partie été conquis et acquis contre un dogme, une domination : droit de vote, droit de disposer de son corps, de travailler, d'avorter, d'être considérée comme une adulte et non plus infantilisée, Pacs, mariage pour tous….
Il faut le répéter encore et encore, aux plus jeunes, aux femmes, aux hommes, aux politiques aussi. L'égalité réelle entre les hommes et les femmes est une opportunité pour notre pays. Partout dans le monde, des femmes se battent au quotidien, pour avoir ne serait-ce que le droit d'exister. Alors ne pensons pas que, parce que nous sommes dans une démocratie et une république qui garantissent les libertés fondamentales, plus rien n'est à défendre. Encore une fois, nous devons transmettre aux plus jeunes. Et nous devons rester vigilantes. Parce que d'autres formes de diktats, véhiculés par certaines publicités, certains articles de journaux sont, pour les femmes, de nouvelles injonctions à respecter. C'est pourquoi le gouvernement, avec vous, travaille sur ces questions de manière transversale. Dans un but : l'épanouissement des femmes et des hommes, en bonne intelligence. Dans des valeurs républicaines qui sont le socle de notre vivre ensemble et la garantie d'une égalité réelle.
Je vous remercie.
Source http://femmes.gouv.fr, le 21 septembre 2015