Déclaration de Mme Annick Girardin, secrétaire d'Etat au développement et à la francophonie, sur les villes et le développement durable, à New York le 27 septembre 2015.

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Circonstance : 70e Assemblée générale des Nations unies-Évènement parallèle sur la mobilisation des financements climat pour des villes durables organisé par la France, à New York (Etats-Unis) le 27 septembre 2015

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Mesdames, Messieurs, Chers Amis,
Je suis heureuse d'ouvrir cet évènement sur les villes durables dans l'agenda du développement post-2015.
Nous sommes ici pour poser, ensemble, les bases d'un monde durable et de villes à zéro carbone et zéro pauvreté.
Dans un monde où plus de la moitié de la population vit en ville, l'espace urbain est finalement le révélateur des défis du développement durable.
C'est aussi le témoin de nombreux progrès accomplis, notamment grâce aux Objectifs du millénaire pour le développement. L'accès aux services de base, de l'énergie, de l'assainissement et de l'eau a progressé significativement au cours des vingt dernières années, en particulier dans les villes.
Mais les villes concentrent aussi une large partie des problèmes de ce monde. Je pense notamment aux inégalités, mais aussi aux émissions de gaz à effet de serre, deux sujets qui sont complètement liés à l'aménagement du territoire, à l'organisation et à la structure des villes.
C'est ce défi qui nous anime aujourd'hui. Nous en sommes convaincus depuis bien longtemps, en France les villes et les territoires sont des acteurs clefs de la construction de ce monde durable, sans carbone et sans pauvreté.
C'est pour cela que la France s'est engagée dans ces négociations, après Rio+20, pour que les villes durables soient un objectif à part entière. C'est aussi pour cela que nous avons travaillé pour que le rôle des villes et territoires soient pleinement reconnus dans l'accord d'Addis Abeba sur le financement du développement.
Les villes sont aujourd'hui les premiers points d'accueil des migrations du Sud. Face aux difficultés du développement des territoires ruraux, qui est aussi un défi que nous devrons relever pour rendre les villes durables, les plus pauvres quittent souvent les campagnes pour rejoindre la périphérie des villes, en quête d'emploi, de services publics, et souvent, avec en tête la promesse d'un avenir meilleur.
Pourtant les villes, qui sont porteuses d'espoir pour tant de personnes peuvent bien vite se transformer en cauchemar car ce sont des territoires particulièrement exposés aux risques nouveaux, et notamment au risque climatique. Car dans la plupart des cas, les risques n'ont pas été anticipés, et le développement des zones urbaines n'a pas été planifié en conséquence. Je pense en particulier aux villes des zones littorales, qui perçoivent dès aujourd'hui les menaces des catastrophes climatiques et de la hausse du niveau des mers. Mais je pense aussi aux zones urbaines exposées aux sécheresses et aux inondations, qui se transforment parfois en mouroir, notamment pour les plus pauvres des populations urbaines.
Les villes sont exposées aux impacts du dérèglement climatique, mais elles ont aussi un rôle dans la réduction des émissions. Les villes représentent en effet près de 70% des émissions de CO2 liée à l'énergie, et ont la capacité d'agir sur de nombreuses politiques, du bâtiment au transport en passant par les achats publics.
C'est pour ça que nous encourageons l'engagement des villes dans l'agenda des solutions de la COP21. De plus en plus de territoires s'engagent - comme ça a été le cas à Lyon en Juillet dernier lors du sommet des villes et des territoires sur le climat il y a quelques jours - dans des réductions chiffrées d'émissions de gaz à effet de serre. N'oublions pas non plus les territoires africains qui se sont engagés en juin dernier à Yamoussoukro, en faveur du climat. Les villes et les collectivités locales travaillent aussi à l'adaptation et au renforcement de la résilience. De New York à Dakar, chacun sait bien que la place des collectivités territoriales est centrale, aussi bien dans l'adaptation que dans l'atténuation.
En 2030, la planète comptera 5 milliards de citadins, soit 60% de la population mondiale. La moitié des aires urbaines des pays en développement qui existeront à cet horizon ne sont pas encore construites aujourd'hui. L'enjeu, il est là : construire dès à présent des aires urbaines peu émettrices et résilientes.
Nous en sommes convaincus depuis bien longtemps, les villes sont des acteurs clefs de la construction de ce monde durable.
Si l'on se place dans une dynamique de recherche de solutions visant l'adaptation et l'atténuation, la ville se dessine comme un champ de possibilités. Elle peut devenir un laboratoire d'ingénierie technique, sociale et financière d'où émergent les idées les plus novatrices.
A Dakar ou à Saint Louis, au Sénégal, il faut mobiliser son ingéniosité pour faire face aux conséquences de l'érosion côtière, accentuée par la montée des eaux.
À Tananarive ou à Niamey, il faut mettre en place les premières solidarités pour garantir aux plus démunis l'accès aux services essentiels, l'accès à l'eau, à l'alimentation, à la santé, au logement.
Les Maires et les villes n'y parviennent jamais seuls. Les habitants, les ONGs, les coopérations décentralisées, mais aussi beaucoup d'entreprises présentes sur les territoires, contribuent ensemble à l'invention de solutions.
Et puis, la coopération entre les territoires du Nord et du Sud est amenée à se renforcer. La coopération décentralisée, les jumelages entre les territoires, par exemple sur le climat, ce sont des milliers de projets et des centaines de millions d'euros au service de la lutte contre la pauvreté. Avec des mécanismes comme le 1% eau, ou le 1% déchets, la France encourage ses territoires à être solidaires.
N'oublions pas aussi les mises à disposition d'expertise et d'innovation des collectivités française, et européenne, notamment sur les questions environnementales. De nombreuses villes françaises ont développées des partenariats avec des territoires du Sud, par exemple à Ouagadougou, Dakar ou Johannesburg pour coopérer sur un plan climat, une planification urbaine ou un plan de mobilité. Et soulignons la réciprocité de cette coopération.
Combien de villes en France s'inspirent d'innovations nées sur des territoires africains ou sud-américains ? Le budget participatif en est le meilleur exemple.
Les collectivités locales ont un véritable potentiel pour mobiliser les ressources de leurs territoires, utiliser une partie de la valeur ajoutée qui y est produite, qu'il s'agisse de fiscalité ou de valorisation foncière, encore beaucoup trop inexploitée.
Réussir le développement durable c'est donc réussir les villes de demain. L'Objectif de développement durable sur les villes est là pour nous guider autour d'un principe fort : Avoir une approche globale du niveau local. Face au risque climatique, face au défi de l'inclusion il faut penser de manière conjointe les enjeux, et plus en silo. Cela permettra aussi de faire jouer les synergies, car de nombreux projets permettent de répondre conjointement au défi de l'inclusion sociale et de la préservation de la planète. C'est par exemple le cas des transports en commun, qui permettent d'atteindre de nombreux ODD, sur la santé avec la qualité de l'air, l'accès plus facile aux zones d'emploi pour les populations les plus pauvres, et bien sur la maitrise des émissions de gaz à effet de serre.
Toute planification urbaine stratégique doit donc désormais intégrer les questions climatiques : une réflexion large portant à la fois sur la densification, les transports, l'efficacité énergétique, la résilience et la prévention des risques de catastrophes est le point de départ pour limiter les impacts négatifs des villes sur l'environnement et limiter les impacts négatifs du dérèglement climatique sur les villes.
L'adoption de cet agenda post 2015, suivie de la COP21, puis de la Conférence Habitat III qui établira un «nouvel agenda urbain mondial» pour les vingt prochaines années, constituent donc une séquence prometteuse.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 octobre 2015