Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Michel SAPIN est l'invité d'I Télé ce matin. Bonjour.
MICHEL SAPIN
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Et merci d'être avec nous. Christine LAGARDE l'a dit à Lima, où vous vous rendez d'ailleurs tout à l'heure. Le FMI abaisse encore la prévision de croissance mondiale, elle passe de 3,3 à 3,1 %, cette croissance qui est freinée par les pays émergeants, alors que les États-Unis, eux, sont plutôt au mieux. Est-ce que c'est inquiétant, Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
C'est sérieux, il faut regarder, encore que 3,3 %, je prends, pour la France, on sera, je l'espère
BRUCE TOUSSAINT
On en n'est pas là.
MICHEL SAPIN
à 1,5 %, donc 3,3 %, ça reste un chiffre encore élevé. Mais il faut regarder ce qui se passe, ce qui se passe en Chine, ce qui se passe en Russie, on sait ce qui se passe en Russie, ce qui se passe au Brésil, mais je ne pense pas que ça remette en cause la croissance européenne, non pas qu'elle soit fortifiée, qu'elle soit à l'abri du reste, mais les échanges avec les pays sont relativement faibles et donc ça ne remet pas en cause nos prévisions de croissance.
BRUCE TOUSSAINT
Voilà, le message ce matin, c'est, a priori ça n'impacte pas la croissance française ?
MICHEL SAPIN
C'est deux choses. C'est sérieux, c'est sérieux pour le monde, donc il faut le regarder, il faut voir comment agir, il faut voir quelles sont les interactions entre les décisions américaines et les décisions chinoises, mais nous ne sommes pas sur des sujets ou sur des niveaux de réactions qui pourraient avoir une conséquence négative pour la croissance française.
BRUCE TOUSSAINT
Que dit le FMI, au sujet de la croissance française ? 1,2 en 2015, 1,5 en 2016, c'est pas exactement pour 2015 votre chiffre, si ?
MICHEL SAPIN
Si, c'est 1,5. C'est exactement
BRUCE TOUSSAINT
Pour 2015, pour 2015.
MICHEL SAPIN
Pour 2015, c'est peu plus que ce que nous prévoyons.
BRUCE TOUSSAINT
Voilà.
MICHEL SAPIN
Eh bien tant mieux, écoutez, si nous faisons 1,2 %. Moi je pars du principe qu'on n'est pas là pour faire des prévisions de croissance, qui font plaisir, on est là pour faire des prévisions de croissance qui soient solides, sur lesquelles on puisse construire des budgets, qui soient des budgets eux-mêmes solides, qu'on ne remet pas en cause chaque moi ou tous les six mois. C'est ce que nous faisons depuis 2014 et je préfère qu'on agisse ainsi. Mais on s'appuie là-dessus. Si on peut faire mieux, tant mieux. Et donc si, comme le dit le FMI, on fait 1,2 % de croissance en 2015, ce sera une bonne nouvelle. Je préfère les bonnes nouvelles aux mauvaises nouvelles.
BRUCE TOUSSAINT
C'est possible.
MICHEL SAPIN
C'est possible, ce n'est pas certain, nous verrons, il faut agir, il faut avancer, il faut que l'investissement reprenne, il faut que les entreprises investissent et à partir de là il y aura l'emploi derrière.
BRUCE TOUSSAINT
En revanche, vous êtes d'accord sur 2016, 1,5.
MICHEL SAPIN
Oui, c'est le même chiffre, d'ailleurs c'est l'illustration
BRUCE TOUSSAINT
Vous le confirmez.
MICHEL SAPIN
C'est l'illustration du raisonnement que je faisais : le FMI n'a pas changé sa prévision pour 2015 pour la France, considérant que les ralentissements qui peuvent exister dans d'autres pays, n'ont pas de conséquence pour la France.
BRUCE TOUSSAINT
2017, vous avez une idée ?
MICHEL SAPIN
Ah, ça devient déjà plus lointain. Ça sera plus qu'1,5 %. On est dans une période de reprise, de remontée, il le faut.
BRUCE TOUSSAINT
Ça peut être 2 ?
MICHEL SAPIN
Je ne vais pas faire des concours de pronostics, plus vous vous éloignez, plus c'est difficile de faire des pronostics. Ce qui est sûr, c'est que la France a retrouvé de la croissance, alors qu'on a passé trois ans, quatre ans, sans croissance. Il n'y a pas de croissance, il y a de la destruction d'emploi. Il y a destruction d'emploi, il y a du chômage en plus, donc on retrouve la croissance. Il faut que cette croissance accélère, et il faut que cette croissance soit porteuse en emploi. Voilà ce que nous cherchons à faire, c'est le seul sujet qui intéresse les Français. Le taux de croissance, vous ne le rencontrez jamais au coin de la rue, des chômeurs vous en rencontrez, donc c'est le chômage qui doit baisser.
BRUCE TOUSSAINT
Oui. Alors, vous n'êtes pas ministre du Travail, mais
MICHEL SAPIN
Non, mais j'ai une responsabilité, comme d'autres, dans le
BRUCE TOUSSAINT
votre sentiment, est-ce que vous avez le sentiment qu'en s'appuyant sur cette croissance de 1 % ou 1,2 même, si on en croit le FMI, il y aura un frémissement d'ici à la fin de l'année 2015 ?
MICHEL SAPIN
Oui, mais 1,2 %, on part de combien ? De 0,2 l'année dernière. Si je voulais faire un calcul un peu simple, c'est six fois plus. Bien. Donc 1,2 %, si c'est le chiffre pour la fin de cette année, peut-être qu'on sera sur un rythme de 1,5 % qui nous préparera à l'année 2016, à 1,5 %. C'est dans ces eaux-là, il n'y a pas de certitude, mais c'est dans ces chiffres de croissance-là, que je le répète, la seule chose importante pour les Français, le chômage peut se stabiliser et reculer.
BRUCE TOUSSAINT
On parle d'AIR FRANCE. Est-ce qu'il faut vendre AIR FRANCE ?
MICHEL SAPIN
Vendre à qui ? AIR FRANCE est une entreprise privée, l'Etat y est actionnaire à 17 %, mais on ne va pas aller vendre AIR FRANCE. C'est une entreprise qui doit se sauver, une entreprise qui doit, face à des changements considérables dans le domaine des entreprises de transport aérien, doit évoluer pour rebondir, d'abord pour exister et puis ensuite pour rebondir.
BRUCE TOUSSAINT
On va écouter ce matin Manuel VALLS, qui, sur RTL, a précisé quelle était la position de l'Etat vis-à-vis de la compagnie.
MANUEL VALLS, PREMIER MINISTRE DOC RTL
Le défi, c'est celui de la survie d'AIR FRANCE, à terme, et l'Etat actionnaire, représente 17 % du capital, joue pleinement son rôle, en soutenant la Direction et en soutenant en tout cas la nécessité de véritables réformes pour AIR FRANCE, pour éviter des licenciements.
BRUCE TOUSSAINT
Voilà, l'Etat soutient la Direction. C'est votre rôle, d'ailleurs ? C'est le rôle de l'État ?
MICHEL SAPIN
Eh bien quand vous nous posez la question, on y répond.
BRUCE TOUSSAINT
Oui. Vous venez de me dire que c'est une entreprise privée, donc
MICHEL SAPIN
Oui, c'est une entreprise privée, mais nous la soutenons, pour deux raisons : un, quand on a 17 % du capital, on est quand même intéressé au fonctionnement de l'entreprise. Intéressé, nous, c'est pas au sens financier du terme, mais à la réussite de cette entreprise, qui en plus, AIR FRANCE, n'est pas n'importe quoi, ça porte le nom de la France, donc ce sont des symboles qui sont très forts, très lourds, qu'il faut qu'on doit soutenir y compris du point de vue de l'image de la France dans le monde, mais ensuite c'est parce qu'il y a eu une Direction, là, qui a été soumise à des actes qui sont des actes inadmissibles. Moi je comprends les tensions, je comprends les colères des salariés, quand on vous annonce qu'il va y avoir des licenciements, on a le droit d'être en colère, mais on n'a pas le droit, pour une minorité d'entre eux, d'agir comme ils ont agit.
BRUCE TOUSSAINT
Il y a un problème de management à AIR FRANCE ?
MICHEL SAPIN
Non, il y a une Direction, c'est cette Direction qui fait des propositions, et c'est avec cette Direction que nous travaillons.
BRUCE TOUSSAINT
Qui est en difficultés depuis longtemps. Il y a eu une longue grève l'an dernier, maintenant il y a ces problèmes aujourd'hui, est-ce qu'il n'y a pas un problème de management ?
MICHEL SAPIN
Non, mon sentiment c'est qu'il y a un problème de dialogue social, et en particulier dialogue social, non pas avec l'ensemble des syndicats, parce qu'avec beaucoup d'organisations syndicales le dialogue avance, et est à la veille de conclure à des accords, mais il y a une difficulté, avec une catégorie de personnel, que vous connaissez, qui sont importants, qui sont même déterminants dans une compagnie aérienne
BRUCE TOUSSAINT
Bien sûr.
MICHEL SAPIN
que sont les pilotes. Il faut donc que, eux aussi, prennent leurs responsabilités. Il ne s'agit pas de les montrer du doigt, il ne s'agit pas de dire il y a des bons et des méchants, non, mais il s'agit quand même que chacun prenne ses responsabilités. Il faut sauver AIR FRANCE, c'est pas rien sauver AIR FRANCE.
BRUCE TOUSSAINT
Et pour sauver AIR FRANCE, il faut qu'il y ait moins de salariés ?
MICHEL SAPIN
Oui, il y a des évolutions qui peuvent être des évolutions à la baisse et on peut peut-être pas forcément maintenir toutes les lignes telles qu'elles existent aujourd'hui. Il y a des concurrences énormes, en bas, par le low-cost. Eh bien, comment on fait pour réagir ? Il y a des concurrences énormes aussi en haut, par des grandes compagnies plus luxueuses, où le service est considéré comme meilleur sur ces compagnies du Sud-est asiatique ou du Golfe
BRUCE TOUSSAINT
Ou des Émirats.
MICHEL SAPIN
Il faut aussi être en capacité de combattre, il faut combattre sur les deux fronts, et c'est comme ça qu'AIR FRANCE retrouvera, je suis persuadé qu'elle a la capacité de le faire, retrouvera sa place dans le ciel du monde.
BRUCE TOUSSAINT
Juste un dernier mot là-dessus. 2 900 postes, c'est le chiffre annoncé pour l'instant par la Direction, mais alors on apprend dans Le Canard Enchainé ce matin, qu'AIR FRANCE pourrait, après 2017, supprimer jusqu'à 5 000 emplois supplémentaires.
MICHEL SAPIN
Oui, la Direction a démenti, et elle raison de démentir, parce que ça n'est pas exact. Ça arrive au Canard Enchainé de dire des choses inexactes, mais ça lui arrive aussi de dire des choses exactes.
BRUCE TOUSSAINT
Parlons d'un sujet qui vous concerne directement : les impôts. Alors c'est un chiffre qui est un petit peu, j'allais dire, en retard, parce qu'il concerne, l'année 2013, mais qui a été publié hier : le nombre de résidants fiscaux ayant quitté la France pour s'installer à l'étranger, a augmenté en 2013, de 35,8 %. Ça représente 47 000 contribuables qui sont partis à l'étranger.
MICHEL SAPIN
Et 35 %, ça fait beaucoup, quand on les compte
BRUCE TOUSSAINT
Alors, j'allais le dire
MICHEL SAPIN
Quand on les compte en nombre, c'est
BRUCE TOUSSAINT
C'était 35 000 l'année précédente et 47 000 donc en 2013. Malgré tout ça représente une hausse.
MICHEL SAPIN
C'est plus
BRUCE TOUSSAINT
Quelle est votre analyse ?
MICHEL SAPIN
C'est plus, mais ce ne sont pas des hordes
BRUCE TOUSSAINT
Alors, allez-y, qu'est-ce que ça veut dire ?
MICHEL SAPIN
Des hordes qui quittent Eh bien ça veut dire que certains font passer des intérêts immédiats sur leur devoir de citoyens, les mêmes qui par ailleurs reviennent en France quand il s'agit de bénéficier des soins, parce qu'ils sont meilleurs en France. Les mêmes qui utilisent les universités françaises, enfin, les mêmes qui ne veulent pas payer d'impôt en France, alors qu'ils utilisent le produit du contribuable lorsqu'il s'agit de service public. Donc, plutôt que
BRUCE TOUSSAINT
Donc, ça vous choque un peu, il faut le dire.
MICHEL SAPIN
Oui, ça me choque, mais je prends Il y a des patrons qui disent ça très bien, des patrons par exemple dans le domaine de la nouvelle économie, des start-ups, qui disent « Je dois tout à la France, j'ai été formé par la France, je suis soigné par la France » et j'irai payer mes impôts ailleurs ? Réponse : non. C'est ceux-là qu'il faut faire parler.
BRUCE TOUSSAINT
Vous pensez à qui ?
MICHEL SAPIN
Oh, il y en a dans tous les domaines de la nouvelle économie, qui sont des gens très bien. Regardez celui qui dirige aujourd'hui BlaBlaCar, regardez comment il parle ce qu'il dit de la France, ce qu'il dit des impôts en France, et où il paie ses impôts en France.
BRUCE TOUSSAINT
Malgré tout, ça relance toujours l'éternel, alors ce n'est même plus un débat d'ailleurs, c'est une discussion permanente sur « est-ce qu'il y a trop d'impôts en France ? ». Je ne sais pas si vous avez lu ce matin, si vous avez eu le temps de lire Le Figaro et la chronique de Yves de KERDREL, regardez, je vous la montre
MICHEL SAPIN
C'est écrit un peu petit, là, de loin.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, alors, je peux vous montrer le titre quand même. « Il y a désormais un impôt par jour en France ». Que dit Yves de KERDREL plus précisément ? C'est qu'il a comptabilisé, au Figaro ils ont comptabilisé, donc, le nombre de taxes et de prélèvements et le chiffre c'est 364 par an, de toute nature.
MICHEL SAPIN
Il devait y en avoir encore plus il y a quatre ans, puisqu'on en a supprimé un certain nombre depuis. Donc c'est des calculs un peu, comment dirais-je, qui se veulent être symboliques mais qui ne veulent pas dire grand-chose. Qu'est-ce qui dit quelque chose ? Quel est le niveau des impôts en France ? Est-ce que le niveau des impôts en France doit être diminué ? Oui, c'est ce que nous faisons. Nous le faisons pour les entreprises, avec ce qu'on appelle du nom de Pacte de responsabilité, 10 milliards cette année, 9 milliards de baisse d'impôts pour les entreprises l'année prochaine. Nous le faisons pour les ménages, entre 2015 et 2016, pour les ménages modestes, moyens, qui paient l'impôt sur le revenu, c'est 5 milliards d'impôts en moins. Donc les impôts avaient augmenté, on peut éventuellement dire qu'ils avaient trop augmenté, ils avaient augmenté pour faire face avant tout au déficit budgétaire, ils avaient augmenté avec la droite, ils ont augmenté avec la gauche. Aujourd'hui, ce que nous avons décidé, c'est d'être maintenant dans une phase de baisse de ces impôts.
BRUCE TOUSSAINT
Ça c'est la philosophie générale.
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas de la philosophie c'est l'acte
BRUCE TOUSSAINT
L'acte, si vous préférez, pas de problème.
MICHEL SAPIN
On n'est pas dans la philosophie seulement, on est dans les décisions, on est dans l'action.
BRUCE TOUSSAINT
Mais vous validez néanmoins ce chiffre de 364 prélèvements ?
MICHEL SAPIN
Je ne vais pas perdre mon temps à compter comme l'un ou l'autre
BRUCE TOUSSAINT
C'est plus, c'est moins ?
MICHEL SAPIN
le nombre de taxes, ça n'a pas de sens. Si vous prenez
BRUCE TOUSSAINT
Ben ça a un peu de sens quand même, parce que ça fait beaucoup.
MICHEL SAPIN
la taxe sur les produits forestiers de tel ou tel endroit, c'est quand même pas tout à fait la même chose que l'impôt sur le revenu ou la TVA, c'est mettre dans le même panier
BRUCE TOUSSAINT
C'est symbolique néanmoins.
MICHEL SAPIN
des choses qui n'ont pas la même valeur. Oui, eh bien dans ce cas-là il fallait que du temps de Nicolas SARKOZY on en supprima plusieurs, ce n'est pas ce qu'il a fait, il en a créé.
BRUCE TOUSSAINT
J'aimerais vous interroger, tiens, vous citiez Nicolas SARKOZY à l'instant, justement sur ce qui se passe en ce moment chez Les Républicains, avec Nadine MORANO qui a 24 heures pour s'excuser après ses propos sur la race blanche. C'est un ultimatum signé Nicolas SARKOZY. Il a raison ? Si elle s'excuse on oublie tout ?
MICHEL SAPIN
Je n'ai pas compris le terme de « s'excuser ». Parce qu'on ne s'excuse pas d'une pensée, on ne s'excuse pas d'une opinion, on s'excuse éventuellement parce qu'on a dit un mot désagréable vis-à-vis d'une personne. Elle n'a pas dit un mot désagréable vis-à-vis d'une personne, elle a dit une incongruité républicaine, une grossièreté républicaine, c'est une grossièreté vis-à-vis de l'histoire de la France. On ne s'en excuse pas. Ou bien on dit, voilà, j'ai fait une erreur, j'aurais pas dû dire ça, ou bien on maintient.
BRUCE TOUSSAINT
Et elle est bien partie pour maintenir, en tout cas on sera fixé à la mi-journée.
MICHEL SAPIN
J'ai l'impression.
BRUCE TOUSSAINT
Alors vous partez tout à l'heure à Lima, pour une conférence où il va être question évidemment de la COP21, ça s'approche, évidemment ça approche ce sera fin novembre, début décembre à Paris, c'est quoi l'enjeu, qu'est-ce que vous allez faire là-bas ? Expliquez-nous précisément.
MICHEL SAPIN
C'est les réunions habituelles du fonds monétaire international et des banques mondiales, donc on va parler de la croissance mondiale, mais j'ai voulu parce que la France a la responsabilité de ce qu'on appelle la COP21, qui est une grande conférence de Paris à la fin de l'année, j'ai voulu que se réunissent les ministres des Finances qui sont concernés par un aspect décisif pour la réussite de cette conférence, c'est est-ce que nous avons la capacité d'aider les pays qui sont des pays pauvres à faire face au réchauffement climatique d'une part et à dès maintenant mettre en oeuvre des économies qui soient une économie peu carbonée. Plutôt que de créer, parce qu'il n'y a pas d'électricité dans tel ou tel pays ou très peu d'électricité, plutôt de créer une centrale au charbon, développons des centrales qui sont des centrales au soleil, solaires ; voilà c'est ça, mais il faut les aider pour cela, donc il faut mobiliser des crédits, ce n'est pas des petites sommes, c'est le chiffre de 100 milliards par an qu'il faut pouvoir mobiliser, ce n'est pas 100 milliards d'aides publiques, mais il faut que 100 milliards puissent chaque année à partir de 2020 se tourner vers ces pays qui sont des pays en voie de développement pour leur permettre de faire face à cet enjeu du réchauffement climatique.
BRUCE TOUSSAINT
Donc là vous préparez le futur accord, si futur accord il y a.
MICHEL SAPIN
C'est un des éléments décisifs du futur accord, c'est la raison pour laquelle à Copenhague il y a eu un échec, Copenhague, c'est la précédente réunion qui avait voulu aboutir à un accord. La raison pour laquelle il y a eu un échec, c'est que les pays les plus pauvres souvent les plus concernés par le réchauffement climatique disaient, mais écoutez à quoi ça sert que je fasse des propositions puisque je n'ai pas l'argent pour le mettre en oeuvre, donc il faut que l'argent soit sur la table pour leur permettre d'avancer.
BRUCE TOUSSAINT
Peut-être que ce long voyage jusqu'à Lima va vous donner des idées, il parait que le quai d'Orsay va être libre dans peu de temps avec Laurent FABIUS qui pourrait quitter le ministère des Affaires étrangères.
MICHEL SAPIN
Nous quittons tous un jour ou l'autre notre ministère. Donc on ne va pas faire des élucubrations sur le moment où chacun va quitter son propre ministère.
BRUCE TOUSSAINT
Donc ça ne vous intéresse pas plus que ça.
MICHEL SAPIN
Non pas que ça ne m'intéresse pas plus de commenter le fait qu'on va quitter un jour notre ministère, mais on ne sait jamais quand.
BRUCE TOUSSAINT
Trois images pour terminer et on les commente ensemble, je voudrais avoir votre avis, mais voilà vraiment en toute honnêteté tout d'abord sur Emmanuel MACRON.
MICHEL SAPIN
Je croyais que c'était les intellectuels.
BRUCE TOUSSAINT
Il n'y a pas des moments où, comment dire, vous avez envie de lui dire, parles un peu moins ?
MICHEL SAPIN
Non, parce qu'il dit beaucoup de choses intelligentes, beaucoup de choses intéressantes. Ce que je lui dis, mais je ne suis pas le seul à lui dire heureusement, c'est que quand on est ministre, on n'est pas libre de sa parole. Quand on est un journaliste quand on est un intellectuel, lorsqu'on est un commentateur, lorsqu'on est un citoyen, on est totalement libre de sa parole, pas quand on est ministre parce que quand on est ministre, on n'est pas tout seul, on est avec les autres, et donc on agit ensemble. Voilà c'est ce que je crois et il l'a parfaitement compris.
BRUCE TOUSSAINT
Il joue un peu perso.
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas qu'il le joue, je pense que c'est parce qu'il y a une intelligence, il y a une vivacité, il y a une envie de répondre aux questions, on n'est pas obligé de répondre à toutes les questions, même quand c'est vous qui les posez.
BRUCE TOUSSAINT
Razzi HAMMADI, député socialiste de Seine-Saint-Denis a déposé une proposition de loi, il veut faire payer des impôts à tout le monde même aux non imposables, une espèce de cotisation universelle, qu'est-ce que vous en pensez ?
MICHEL SAPIN
Ca part d'un bon sentiment parce qu'effectivement chacun doit contribuer, chacun bénéficie au fond de ces services publics et d'un Etat solide comme celui de la France, mais il faut faire attention parce que ça laisse penser que certains paieraient des impôts et d'autres n'en paieraient pas. Tous les Français paient la cotisation, la CSG, tout le monde, c'est les impôts. Tous les Français paient la TVA
BRUCE TOUSSAINT
Là c'est l'impôt sur le revenu.
MICHEL SAPIN
Oui, c'est l'impôt sur le revenu, mais quand vous êtes, la CSG, c'est sur quoi ? C'est un impot sur votre revenu, donc tous les Français paient l'impôt, il faut éviter de laisser penser que certains Français ne paient pas.
BRUCE TOUSSAINT
En ce qui concerne l'impôt sur le revenu, on est sous les 50 % non ?
MICHEL SAPIN
Oui, c'est-à-dire le chiffre habituel, on était monté très haut, au dessus de 55 %, ça a surement contribué à ce que certains avaient appelé le ras le bol fiscal.
BRUCE TOUSSAINT
La Une de l'Express enfin avec la grande colère des intellectuels, Alain FINKIELKRAUT, Michel ONFRAY occupent vraiment le devant de la scène médiatique et de l'édition en cette rentrée, vous avez un chouchou entre FINKIELKRAUT et ONFRAY ?
MICHEL SAPIN
Non, ils sont tous dans la dérive de la pensée, je préférerai qu'ils soient dans la création d'une pensée nouvelle, dans une intelligence nouvelle, mais si ensuite elle peut être débattue et expliquée, là on est dans la dérive.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Michel SAPIN. Toute dernière question et précision pour être encore plus concret sur AIR FRANCE, pour que tout le monde ait bien compris votre message ce matin, est-ce que vous pouvez dire qu'il n'y aura pas de nouvelle, par rapport à ce qu'annonce le Canard Enchainé, il n'y aura pas de nouvelle suppression d'emploi chez AIR FRANCE ?
MICHEL SAPIN
Pour l'instant ils discutent d'un plan, de deux plans d'ailleurs, un plan A et un plan B, le plan B est beaucoup mois agréable du point de vue du nombre de postes supprimés. Il vaudrait mieux que ce soit le plan A et le plan A, il rend nécessaire un accord avec les pilotes, donc il vaut mieux rechercher cela. C'est comme ça qu'on minimisera les effets sociaux.
BRUCE TOUSSAINT
Vous voyagez avec AIR FRANCE tout à l'heure pour aller à Lima ?
MICHEL SAPIN
Absolument.
BRUCE TOUSSAINT
Je ne sais pas comment vous allez être accueilli, ça va bien se passer ?
MICHEL SAPIN
Ca m'étonnerait qu'ils refusent de décoller.
BRUCE TOUSSAINT
Bien merci beaucoup Michel SAPIN.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 octobre 2015
Michel SAPIN est l'invité d'I Télé ce matin. Bonjour.
MICHEL SAPIN
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Et merci d'être avec nous. Christine LAGARDE l'a dit à Lima, où vous vous rendez d'ailleurs tout à l'heure. Le FMI abaisse encore la prévision de croissance mondiale, elle passe de 3,3 à 3,1 %, cette croissance qui est freinée par les pays émergeants, alors que les États-Unis, eux, sont plutôt au mieux. Est-ce que c'est inquiétant, Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
C'est sérieux, il faut regarder, encore que 3,3 %, je prends, pour la France, on sera, je l'espère
BRUCE TOUSSAINT
On en n'est pas là.
MICHEL SAPIN
à 1,5 %, donc 3,3 %, ça reste un chiffre encore élevé. Mais il faut regarder ce qui se passe, ce qui se passe en Chine, ce qui se passe en Russie, on sait ce qui se passe en Russie, ce qui se passe au Brésil, mais je ne pense pas que ça remette en cause la croissance européenne, non pas qu'elle soit fortifiée, qu'elle soit à l'abri du reste, mais les échanges avec les pays sont relativement faibles et donc ça ne remet pas en cause nos prévisions de croissance.
BRUCE TOUSSAINT
Voilà, le message ce matin, c'est, a priori ça n'impacte pas la croissance française ?
MICHEL SAPIN
C'est deux choses. C'est sérieux, c'est sérieux pour le monde, donc il faut le regarder, il faut voir comment agir, il faut voir quelles sont les interactions entre les décisions américaines et les décisions chinoises, mais nous ne sommes pas sur des sujets ou sur des niveaux de réactions qui pourraient avoir une conséquence négative pour la croissance française.
BRUCE TOUSSAINT
Que dit le FMI, au sujet de la croissance française ? 1,2 en 2015, 1,5 en 2016, c'est pas exactement pour 2015 votre chiffre, si ?
MICHEL SAPIN
Si, c'est 1,5. C'est exactement
BRUCE TOUSSAINT
Pour 2015, pour 2015.
MICHEL SAPIN
Pour 2015, c'est peu plus que ce que nous prévoyons.
BRUCE TOUSSAINT
Voilà.
MICHEL SAPIN
Eh bien tant mieux, écoutez, si nous faisons 1,2 %. Moi je pars du principe qu'on n'est pas là pour faire des prévisions de croissance, qui font plaisir, on est là pour faire des prévisions de croissance qui soient solides, sur lesquelles on puisse construire des budgets, qui soient des budgets eux-mêmes solides, qu'on ne remet pas en cause chaque moi ou tous les six mois. C'est ce que nous faisons depuis 2014 et je préfère qu'on agisse ainsi. Mais on s'appuie là-dessus. Si on peut faire mieux, tant mieux. Et donc si, comme le dit le FMI, on fait 1,2 % de croissance en 2015, ce sera une bonne nouvelle. Je préfère les bonnes nouvelles aux mauvaises nouvelles.
BRUCE TOUSSAINT
C'est possible.
MICHEL SAPIN
C'est possible, ce n'est pas certain, nous verrons, il faut agir, il faut avancer, il faut que l'investissement reprenne, il faut que les entreprises investissent et à partir de là il y aura l'emploi derrière.
BRUCE TOUSSAINT
En revanche, vous êtes d'accord sur 2016, 1,5.
MICHEL SAPIN
Oui, c'est le même chiffre, d'ailleurs c'est l'illustration
BRUCE TOUSSAINT
Vous le confirmez.
MICHEL SAPIN
C'est l'illustration du raisonnement que je faisais : le FMI n'a pas changé sa prévision pour 2015 pour la France, considérant que les ralentissements qui peuvent exister dans d'autres pays, n'ont pas de conséquence pour la France.
BRUCE TOUSSAINT
2017, vous avez une idée ?
MICHEL SAPIN
Ah, ça devient déjà plus lointain. Ça sera plus qu'1,5 %. On est dans une période de reprise, de remontée, il le faut.
BRUCE TOUSSAINT
Ça peut être 2 ?
MICHEL SAPIN
Je ne vais pas faire des concours de pronostics, plus vous vous éloignez, plus c'est difficile de faire des pronostics. Ce qui est sûr, c'est que la France a retrouvé de la croissance, alors qu'on a passé trois ans, quatre ans, sans croissance. Il n'y a pas de croissance, il y a de la destruction d'emploi. Il y a destruction d'emploi, il y a du chômage en plus, donc on retrouve la croissance. Il faut que cette croissance accélère, et il faut que cette croissance soit porteuse en emploi. Voilà ce que nous cherchons à faire, c'est le seul sujet qui intéresse les Français. Le taux de croissance, vous ne le rencontrez jamais au coin de la rue, des chômeurs vous en rencontrez, donc c'est le chômage qui doit baisser.
BRUCE TOUSSAINT
Oui. Alors, vous n'êtes pas ministre du Travail, mais
MICHEL SAPIN
Non, mais j'ai une responsabilité, comme d'autres, dans le
BRUCE TOUSSAINT
votre sentiment, est-ce que vous avez le sentiment qu'en s'appuyant sur cette croissance de 1 % ou 1,2 même, si on en croit le FMI, il y aura un frémissement d'ici à la fin de l'année 2015 ?
MICHEL SAPIN
Oui, mais 1,2 %, on part de combien ? De 0,2 l'année dernière. Si je voulais faire un calcul un peu simple, c'est six fois plus. Bien. Donc 1,2 %, si c'est le chiffre pour la fin de cette année, peut-être qu'on sera sur un rythme de 1,5 % qui nous préparera à l'année 2016, à 1,5 %. C'est dans ces eaux-là, il n'y a pas de certitude, mais c'est dans ces chiffres de croissance-là, que je le répète, la seule chose importante pour les Français, le chômage peut se stabiliser et reculer.
BRUCE TOUSSAINT
On parle d'AIR FRANCE. Est-ce qu'il faut vendre AIR FRANCE ?
MICHEL SAPIN
Vendre à qui ? AIR FRANCE est une entreprise privée, l'Etat y est actionnaire à 17 %, mais on ne va pas aller vendre AIR FRANCE. C'est une entreprise qui doit se sauver, une entreprise qui doit, face à des changements considérables dans le domaine des entreprises de transport aérien, doit évoluer pour rebondir, d'abord pour exister et puis ensuite pour rebondir.
BRUCE TOUSSAINT
On va écouter ce matin Manuel VALLS, qui, sur RTL, a précisé quelle était la position de l'Etat vis-à-vis de la compagnie.
MANUEL VALLS, PREMIER MINISTRE DOC RTL
Le défi, c'est celui de la survie d'AIR FRANCE, à terme, et l'Etat actionnaire, représente 17 % du capital, joue pleinement son rôle, en soutenant la Direction et en soutenant en tout cas la nécessité de véritables réformes pour AIR FRANCE, pour éviter des licenciements.
BRUCE TOUSSAINT
Voilà, l'Etat soutient la Direction. C'est votre rôle, d'ailleurs ? C'est le rôle de l'État ?
MICHEL SAPIN
Eh bien quand vous nous posez la question, on y répond.
BRUCE TOUSSAINT
Oui. Vous venez de me dire que c'est une entreprise privée, donc
MICHEL SAPIN
Oui, c'est une entreprise privée, mais nous la soutenons, pour deux raisons : un, quand on a 17 % du capital, on est quand même intéressé au fonctionnement de l'entreprise. Intéressé, nous, c'est pas au sens financier du terme, mais à la réussite de cette entreprise, qui en plus, AIR FRANCE, n'est pas n'importe quoi, ça porte le nom de la France, donc ce sont des symboles qui sont très forts, très lourds, qu'il faut qu'on doit soutenir y compris du point de vue de l'image de la France dans le monde, mais ensuite c'est parce qu'il y a eu une Direction, là, qui a été soumise à des actes qui sont des actes inadmissibles. Moi je comprends les tensions, je comprends les colères des salariés, quand on vous annonce qu'il va y avoir des licenciements, on a le droit d'être en colère, mais on n'a pas le droit, pour une minorité d'entre eux, d'agir comme ils ont agit.
BRUCE TOUSSAINT
Il y a un problème de management à AIR FRANCE ?
MICHEL SAPIN
Non, il y a une Direction, c'est cette Direction qui fait des propositions, et c'est avec cette Direction que nous travaillons.
BRUCE TOUSSAINT
Qui est en difficultés depuis longtemps. Il y a eu une longue grève l'an dernier, maintenant il y a ces problèmes aujourd'hui, est-ce qu'il n'y a pas un problème de management ?
MICHEL SAPIN
Non, mon sentiment c'est qu'il y a un problème de dialogue social, et en particulier dialogue social, non pas avec l'ensemble des syndicats, parce qu'avec beaucoup d'organisations syndicales le dialogue avance, et est à la veille de conclure à des accords, mais il y a une difficulté, avec une catégorie de personnel, que vous connaissez, qui sont importants, qui sont même déterminants dans une compagnie aérienne
BRUCE TOUSSAINT
Bien sûr.
MICHEL SAPIN
que sont les pilotes. Il faut donc que, eux aussi, prennent leurs responsabilités. Il ne s'agit pas de les montrer du doigt, il ne s'agit pas de dire il y a des bons et des méchants, non, mais il s'agit quand même que chacun prenne ses responsabilités. Il faut sauver AIR FRANCE, c'est pas rien sauver AIR FRANCE.
BRUCE TOUSSAINT
Et pour sauver AIR FRANCE, il faut qu'il y ait moins de salariés ?
MICHEL SAPIN
Oui, il y a des évolutions qui peuvent être des évolutions à la baisse et on peut peut-être pas forcément maintenir toutes les lignes telles qu'elles existent aujourd'hui. Il y a des concurrences énormes, en bas, par le low-cost. Eh bien, comment on fait pour réagir ? Il y a des concurrences énormes aussi en haut, par des grandes compagnies plus luxueuses, où le service est considéré comme meilleur sur ces compagnies du Sud-est asiatique ou du Golfe
BRUCE TOUSSAINT
Ou des Émirats.
MICHEL SAPIN
Il faut aussi être en capacité de combattre, il faut combattre sur les deux fronts, et c'est comme ça qu'AIR FRANCE retrouvera, je suis persuadé qu'elle a la capacité de le faire, retrouvera sa place dans le ciel du monde.
BRUCE TOUSSAINT
Juste un dernier mot là-dessus. 2 900 postes, c'est le chiffre annoncé pour l'instant par la Direction, mais alors on apprend dans Le Canard Enchainé ce matin, qu'AIR FRANCE pourrait, après 2017, supprimer jusqu'à 5 000 emplois supplémentaires.
MICHEL SAPIN
Oui, la Direction a démenti, et elle raison de démentir, parce que ça n'est pas exact. Ça arrive au Canard Enchainé de dire des choses inexactes, mais ça lui arrive aussi de dire des choses exactes.
BRUCE TOUSSAINT
Parlons d'un sujet qui vous concerne directement : les impôts. Alors c'est un chiffre qui est un petit peu, j'allais dire, en retard, parce qu'il concerne, l'année 2013, mais qui a été publié hier : le nombre de résidants fiscaux ayant quitté la France pour s'installer à l'étranger, a augmenté en 2013, de 35,8 %. Ça représente 47 000 contribuables qui sont partis à l'étranger.
MICHEL SAPIN
Et 35 %, ça fait beaucoup, quand on les compte
BRUCE TOUSSAINT
Alors, j'allais le dire
MICHEL SAPIN
Quand on les compte en nombre, c'est
BRUCE TOUSSAINT
C'était 35 000 l'année précédente et 47 000 donc en 2013. Malgré tout ça représente une hausse.
MICHEL SAPIN
C'est plus
BRUCE TOUSSAINT
Quelle est votre analyse ?
MICHEL SAPIN
C'est plus, mais ce ne sont pas des hordes
BRUCE TOUSSAINT
Alors, allez-y, qu'est-ce que ça veut dire ?
MICHEL SAPIN
Des hordes qui quittent Eh bien ça veut dire que certains font passer des intérêts immédiats sur leur devoir de citoyens, les mêmes qui par ailleurs reviennent en France quand il s'agit de bénéficier des soins, parce qu'ils sont meilleurs en France. Les mêmes qui utilisent les universités françaises, enfin, les mêmes qui ne veulent pas payer d'impôt en France, alors qu'ils utilisent le produit du contribuable lorsqu'il s'agit de service public. Donc, plutôt que
BRUCE TOUSSAINT
Donc, ça vous choque un peu, il faut le dire.
MICHEL SAPIN
Oui, ça me choque, mais je prends Il y a des patrons qui disent ça très bien, des patrons par exemple dans le domaine de la nouvelle économie, des start-ups, qui disent « Je dois tout à la France, j'ai été formé par la France, je suis soigné par la France » et j'irai payer mes impôts ailleurs ? Réponse : non. C'est ceux-là qu'il faut faire parler.
BRUCE TOUSSAINT
Vous pensez à qui ?
MICHEL SAPIN
Oh, il y en a dans tous les domaines de la nouvelle économie, qui sont des gens très bien. Regardez celui qui dirige aujourd'hui BlaBlaCar, regardez comment il parle ce qu'il dit de la France, ce qu'il dit des impôts en France, et où il paie ses impôts en France.
BRUCE TOUSSAINT
Malgré tout, ça relance toujours l'éternel, alors ce n'est même plus un débat d'ailleurs, c'est une discussion permanente sur « est-ce qu'il y a trop d'impôts en France ? ». Je ne sais pas si vous avez lu ce matin, si vous avez eu le temps de lire Le Figaro et la chronique de Yves de KERDREL, regardez, je vous la montre
MICHEL SAPIN
C'est écrit un peu petit, là, de loin.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, alors, je peux vous montrer le titre quand même. « Il y a désormais un impôt par jour en France ». Que dit Yves de KERDREL plus précisément ? C'est qu'il a comptabilisé, au Figaro ils ont comptabilisé, donc, le nombre de taxes et de prélèvements et le chiffre c'est 364 par an, de toute nature.
MICHEL SAPIN
Il devait y en avoir encore plus il y a quatre ans, puisqu'on en a supprimé un certain nombre depuis. Donc c'est des calculs un peu, comment dirais-je, qui se veulent être symboliques mais qui ne veulent pas dire grand-chose. Qu'est-ce qui dit quelque chose ? Quel est le niveau des impôts en France ? Est-ce que le niveau des impôts en France doit être diminué ? Oui, c'est ce que nous faisons. Nous le faisons pour les entreprises, avec ce qu'on appelle du nom de Pacte de responsabilité, 10 milliards cette année, 9 milliards de baisse d'impôts pour les entreprises l'année prochaine. Nous le faisons pour les ménages, entre 2015 et 2016, pour les ménages modestes, moyens, qui paient l'impôt sur le revenu, c'est 5 milliards d'impôts en moins. Donc les impôts avaient augmenté, on peut éventuellement dire qu'ils avaient trop augmenté, ils avaient augmenté pour faire face avant tout au déficit budgétaire, ils avaient augmenté avec la droite, ils ont augmenté avec la gauche. Aujourd'hui, ce que nous avons décidé, c'est d'être maintenant dans une phase de baisse de ces impôts.
BRUCE TOUSSAINT
Ça c'est la philosophie générale.
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas de la philosophie c'est l'acte
BRUCE TOUSSAINT
L'acte, si vous préférez, pas de problème.
MICHEL SAPIN
On n'est pas dans la philosophie seulement, on est dans les décisions, on est dans l'action.
BRUCE TOUSSAINT
Mais vous validez néanmoins ce chiffre de 364 prélèvements ?
MICHEL SAPIN
Je ne vais pas perdre mon temps à compter comme l'un ou l'autre
BRUCE TOUSSAINT
C'est plus, c'est moins ?
MICHEL SAPIN
le nombre de taxes, ça n'a pas de sens. Si vous prenez
BRUCE TOUSSAINT
Ben ça a un peu de sens quand même, parce que ça fait beaucoup.
MICHEL SAPIN
la taxe sur les produits forestiers de tel ou tel endroit, c'est quand même pas tout à fait la même chose que l'impôt sur le revenu ou la TVA, c'est mettre dans le même panier
BRUCE TOUSSAINT
C'est symbolique néanmoins.
MICHEL SAPIN
des choses qui n'ont pas la même valeur. Oui, eh bien dans ce cas-là il fallait que du temps de Nicolas SARKOZY on en supprima plusieurs, ce n'est pas ce qu'il a fait, il en a créé.
BRUCE TOUSSAINT
J'aimerais vous interroger, tiens, vous citiez Nicolas SARKOZY à l'instant, justement sur ce qui se passe en ce moment chez Les Républicains, avec Nadine MORANO qui a 24 heures pour s'excuser après ses propos sur la race blanche. C'est un ultimatum signé Nicolas SARKOZY. Il a raison ? Si elle s'excuse on oublie tout ?
MICHEL SAPIN
Je n'ai pas compris le terme de « s'excuser ». Parce qu'on ne s'excuse pas d'une pensée, on ne s'excuse pas d'une opinion, on s'excuse éventuellement parce qu'on a dit un mot désagréable vis-à-vis d'une personne. Elle n'a pas dit un mot désagréable vis-à-vis d'une personne, elle a dit une incongruité républicaine, une grossièreté républicaine, c'est une grossièreté vis-à-vis de l'histoire de la France. On ne s'en excuse pas. Ou bien on dit, voilà, j'ai fait une erreur, j'aurais pas dû dire ça, ou bien on maintient.
BRUCE TOUSSAINT
Et elle est bien partie pour maintenir, en tout cas on sera fixé à la mi-journée.
MICHEL SAPIN
J'ai l'impression.
BRUCE TOUSSAINT
Alors vous partez tout à l'heure à Lima, pour une conférence où il va être question évidemment de la COP21, ça s'approche, évidemment ça approche ce sera fin novembre, début décembre à Paris, c'est quoi l'enjeu, qu'est-ce que vous allez faire là-bas ? Expliquez-nous précisément.
MICHEL SAPIN
C'est les réunions habituelles du fonds monétaire international et des banques mondiales, donc on va parler de la croissance mondiale, mais j'ai voulu parce que la France a la responsabilité de ce qu'on appelle la COP21, qui est une grande conférence de Paris à la fin de l'année, j'ai voulu que se réunissent les ministres des Finances qui sont concernés par un aspect décisif pour la réussite de cette conférence, c'est est-ce que nous avons la capacité d'aider les pays qui sont des pays pauvres à faire face au réchauffement climatique d'une part et à dès maintenant mettre en oeuvre des économies qui soient une économie peu carbonée. Plutôt que de créer, parce qu'il n'y a pas d'électricité dans tel ou tel pays ou très peu d'électricité, plutôt de créer une centrale au charbon, développons des centrales qui sont des centrales au soleil, solaires ; voilà c'est ça, mais il faut les aider pour cela, donc il faut mobiliser des crédits, ce n'est pas des petites sommes, c'est le chiffre de 100 milliards par an qu'il faut pouvoir mobiliser, ce n'est pas 100 milliards d'aides publiques, mais il faut que 100 milliards puissent chaque année à partir de 2020 se tourner vers ces pays qui sont des pays en voie de développement pour leur permettre de faire face à cet enjeu du réchauffement climatique.
BRUCE TOUSSAINT
Donc là vous préparez le futur accord, si futur accord il y a.
MICHEL SAPIN
C'est un des éléments décisifs du futur accord, c'est la raison pour laquelle à Copenhague il y a eu un échec, Copenhague, c'est la précédente réunion qui avait voulu aboutir à un accord. La raison pour laquelle il y a eu un échec, c'est que les pays les plus pauvres souvent les plus concernés par le réchauffement climatique disaient, mais écoutez à quoi ça sert que je fasse des propositions puisque je n'ai pas l'argent pour le mettre en oeuvre, donc il faut que l'argent soit sur la table pour leur permettre d'avancer.
BRUCE TOUSSAINT
Peut-être que ce long voyage jusqu'à Lima va vous donner des idées, il parait que le quai d'Orsay va être libre dans peu de temps avec Laurent FABIUS qui pourrait quitter le ministère des Affaires étrangères.
MICHEL SAPIN
Nous quittons tous un jour ou l'autre notre ministère. Donc on ne va pas faire des élucubrations sur le moment où chacun va quitter son propre ministère.
BRUCE TOUSSAINT
Donc ça ne vous intéresse pas plus que ça.
MICHEL SAPIN
Non pas que ça ne m'intéresse pas plus de commenter le fait qu'on va quitter un jour notre ministère, mais on ne sait jamais quand.
BRUCE TOUSSAINT
Trois images pour terminer et on les commente ensemble, je voudrais avoir votre avis, mais voilà vraiment en toute honnêteté tout d'abord sur Emmanuel MACRON.
MICHEL SAPIN
Je croyais que c'était les intellectuels.
BRUCE TOUSSAINT
Il n'y a pas des moments où, comment dire, vous avez envie de lui dire, parles un peu moins ?
MICHEL SAPIN
Non, parce qu'il dit beaucoup de choses intelligentes, beaucoup de choses intéressantes. Ce que je lui dis, mais je ne suis pas le seul à lui dire heureusement, c'est que quand on est ministre, on n'est pas libre de sa parole. Quand on est un journaliste quand on est un intellectuel, lorsqu'on est un commentateur, lorsqu'on est un citoyen, on est totalement libre de sa parole, pas quand on est ministre parce que quand on est ministre, on n'est pas tout seul, on est avec les autres, et donc on agit ensemble. Voilà c'est ce que je crois et il l'a parfaitement compris.
BRUCE TOUSSAINT
Il joue un peu perso.
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas qu'il le joue, je pense que c'est parce qu'il y a une intelligence, il y a une vivacité, il y a une envie de répondre aux questions, on n'est pas obligé de répondre à toutes les questions, même quand c'est vous qui les posez.
BRUCE TOUSSAINT
Razzi HAMMADI, député socialiste de Seine-Saint-Denis a déposé une proposition de loi, il veut faire payer des impôts à tout le monde même aux non imposables, une espèce de cotisation universelle, qu'est-ce que vous en pensez ?
MICHEL SAPIN
Ca part d'un bon sentiment parce qu'effectivement chacun doit contribuer, chacun bénéficie au fond de ces services publics et d'un Etat solide comme celui de la France, mais il faut faire attention parce que ça laisse penser que certains paieraient des impôts et d'autres n'en paieraient pas. Tous les Français paient la cotisation, la CSG, tout le monde, c'est les impôts. Tous les Français paient la TVA
BRUCE TOUSSAINT
Là c'est l'impôt sur le revenu.
MICHEL SAPIN
Oui, c'est l'impôt sur le revenu, mais quand vous êtes, la CSG, c'est sur quoi ? C'est un impot sur votre revenu, donc tous les Français paient l'impôt, il faut éviter de laisser penser que certains Français ne paient pas.
BRUCE TOUSSAINT
En ce qui concerne l'impôt sur le revenu, on est sous les 50 % non ?
MICHEL SAPIN
Oui, c'est-à-dire le chiffre habituel, on était monté très haut, au dessus de 55 %, ça a surement contribué à ce que certains avaient appelé le ras le bol fiscal.
BRUCE TOUSSAINT
La Une de l'Express enfin avec la grande colère des intellectuels, Alain FINKIELKRAUT, Michel ONFRAY occupent vraiment le devant de la scène médiatique et de l'édition en cette rentrée, vous avez un chouchou entre FINKIELKRAUT et ONFRAY ?
MICHEL SAPIN
Non, ils sont tous dans la dérive de la pensée, je préférerai qu'ils soient dans la création d'une pensée nouvelle, dans une intelligence nouvelle, mais si ensuite elle peut être débattue et expliquée, là on est dans la dérive.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Michel SAPIN. Toute dernière question et précision pour être encore plus concret sur AIR FRANCE, pour que tout le monde ait bien compris votre message ce matin, est-ce que vous pouvez dire qu'il n'y aura pas de nouvelle, par rapport à ce qu'annonce le Canard Enchainé, il n'y aura pas de nouvelle suppression d'emploi chez AIR FRANCE ?
MICHEL SAPIN
Pour l'instant ils discutent d'un plan, de deux plans d'ailleurs, un plan A et un plan B, le plan B est beaucoup mois agréable du point de vue du nombre de postes supprimés. Il vaudrait mieux que ce soit le plan A et le plan A, il rend nécessaire un accord avec les pilotes, donc il vaut mieux rechercher cela. C'est comme ça qu'on minimisera les effets sociaux.
BRUCE TOUSSAINT
Vous voyagez avec AIR FRANCE tout à l'heure pour aller à Lima ?
MICHEL SAPIN
Absolument.
BRUCE TOUSSAINT
Je ne sais pas comment vous allez être accueilli, ça va bien se passer ?
MICHEL SAPIN
Ca m'étonnerait qu'ils refusent de décoller.
BRUCE TOUSSAINT
Bien merci beaucoup Michel SAPIN.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 octobre 2015